• il y a 2 ans
“Je suis contente de pouvoir parler de mon bébé que je n’ai jamais rencontré”

Emy LTR est venue nous parler de sa fausse couche, une expérience traumatisante. Dans son livre elle informe et témoigne sur cet aspect de la maternité dont on ne parle assez ⬆️
Transcription
00:00 Au tout début, quand on a perdu notre bébé, moi je voulais pas à nouveau.
00:04 Je voulais pas retomber enceinte immédiatement parce que je voulais pas faire comme s'il avait pas existé
00:09 et je voulais pas avoir ce truc de remplacement.
00:11 Dans ma tête j'avais l'impression que si je retombais enceinte maintenant c'était pour le remplacer
00:15 et j'avais pas du tout envie de ça.
00:16 Et puis en plus j'avais pas envie de me dire si je retourne enceinte et que je fais une seconde fausse couche,
00:21 j'y survivrai jamais en fait.
00:22 Et puis d'un coup, encore une fois, je me suis réveillée un matin et en fait, à l'intérieur de moi,
00:26 j'avais toute cette envie viscérale de tenir un bébé dans mes bras, mon bébé.
00:30 Le deuil c'est quelque chose de compliqué.
00:31 C'est compliqué parce que tu souffres énormément
00:34 et parfois t'as des moments où quelqu'un va dire une blague et elle est drôle
00:37 et ça te fait du bien de rire ou de sourire et puis d'un coup tu culpabilises
00:40 parce que je peux pas, j'ai pas le droit de lui faire ça et il est plus là, je dois pleurer.
00:43 C'est pas quelque chose que la personne qui part te demandera d'être triste pour elle.
00:46 C'est quelque chose que tu t'imposes et moi je culpabilise et je peux pas sourire, je peux pas rire.
00:50 Et en plus ce sont des moments hyper éphémères parce que le coup de grâce il retombe tellement rapidement derrière.
00:55 On s'en remet pas, on apprend, on passe par des étapes qui sont très lourdes au début
00:59 parce que t'es en état de choc, parce que rien n'existe plus,
01:02 parce que tu respires plus, tu manges plus, tu dors plus.
01:04 Et après t'as la phase où tu essayes de comprendre pourquoi,
01:06 la phase où tu culpabilises, la phase où t'es en colère
01:08 et puis un jour tu te réveilles le matin et ça fait un peu moins mal
01:11 puis le surlendemain ça fait un peu moins mal.
01:12 Mais encore aujourd'hui ça fait un an et demi, j'y pense encore beaucoup,
01:15 il a encore toute son importance pour moi et il l'aura toujours.
01:18 À la base ce livre-là ne devait pas être publié,
01:20 c'est un journal intime que j'ai démarré parce que je me sentais hyper seule
01:22 au début de ma première grossesse.
01:24 Je l'ai démarré comme un journal intime classique
01:27 et puis quand j'ai fait ma fausse couche et que je l'ai dit,
01:31 j'ai reçu énormément de messages de femmes et d'hommes aussi d'ailleurs,
01:34 en tout cas toutes les personnes qui avaient affronté la perte,
01:37 qui m'ont apporté soit de l'espoir en me disant
01:39 "Tu sais ce que tu traverses, on l'a vécu mais on est retombé enceinte"
01:42 ou "Je traverse ce que tu traverses".
01:45 Après quand je suis retombée enceinte, des femmes me disent "Au bout de combien de temps ?"
01:48 Et moi la première, quand je l'ai perdue,
01:49 j'ai passé mon temps sur des forums à chercher des témoignages de nanas
01:52 et en fait j'avais arrêté d'écrire et d'un coup je me suis dit
01:55 "Bah non, faut que je raconte en fait".
01:56 Faut que je raconte et j'ai trop envie d'écrire le livre
01:58 que j'aurais aimé lire quand je l'ai perdue.
02:01 Je suis tombée enceinte de ma première grossesse,
02:03 je l'ai perdue, je suis retombée enceinte et en fait,
02:05 à un moment on s'est regardé avec mon mec avant que j'accouche,
02:07 on s'est dit "Tu te rends compte, ça fait un an que je suis enceinte, c'est incroyable".
02:11 J'ai eu un accouchement de 46 heures parce que mon corps ne voulait pas accoucher.
02:14 Alors est-ce qu'il y avait quelque chose de psychologique derrière, on saura jamais.
02:17 Je suis arrivée à terme, mon corps ne s'est pas activé,
02:19 j'ai eu quatre méthodes de déclenchement différentes
02:21 et jusqu'au bout j'ai dû être assistée, en fait j'étais sous perfusion
02:24 jusqu'à ce que mon bébé sorte, mon corps n'a pas voulu le laisser sortir.
02:26 Ou peut-être lui il n'avait pas envie de venir, je ne sais pas, les deux.
02:28 Le corps c'est particulier parce que c'est ta maison à toi, tout le long de ta vie
02:32 et d'un coup c'est la maison de quelqu'un d'autre.
02:33 Donc déjà tu partages un espace hyper restreint,
02:35 voilà on est carrément sur un appart parisien, très cher au mètre carré.
02:39 Et c'est vrai que la transformation de ton corps déjà c'est quelque chose qui est particulière,
02:43 sur lequel je n'avais pas anticipé du coup.
02:46 J'avais cette image des femmes enceintes,
02:48 mais parce que encore une fois les codes en fait, avec la courbe, les fesses,
02:51 le temps radieux, marche au ralenti, la licorne quoi.
02:55 Moi je suis un cheval en fin de vie donc c'est terrible, je suis dans le truc,
02:59 je suis là "terrible, je le vis très très mal".
03:02 Je me sens pas bien dans ma peau, tout ça, puis j'ai un boulot sur les réseaux sociaux
03:06 et quand j'en parle je me prends un torrent
03:09 parce que je suis pas suffisamment légitime pour parler du fait que je me sens pas bien dans ma peau,
03:14 donc je me suis sentie hyper mal, hyper seule.
03:16 Et puis il y a cette seconde partie où effectivement ton corps devient aussi un vaisseau à bébés
03:22 et tu es un objet d'observation.
03:25 Il faut que tu sois sculpté, analysé tout le temps, vulgairement, c'est vrai hein,
03:29 t'as des doigts qui te pénètrent, des spéculums, des choses,
03:31 et c'est très violent en fait, il faut se rendre compte que psychologiquement c'est très violent,
03:34 tu es pénétré en permanence, il y a des gens dans ton corps en fait.
03:36 C'est très dur et je pense qu'en fait c'est une façon qu'a le cerveau de se protéger que de se dissocier
03:40 en disant "c'est mon corps mais là pour l'instant c'est le garage de mon bébé".
03:44 Et tu reviens en arrière et tu dis "ok tout ça c'est à moi, il faut se réapproprier,
03:47 le désir, la sexualité, le corps, ta vision de toi".
03:49 En fait t'as des clichés de grossesse qu'on connaît tous,
03:52 mais parce que je pense que c'est au-delà des clichés,
03:53 on parle de ce qu'on connaît le mieux ou le plus,
03:55 donc on parle des nausées, on parle de tout ça.
03:57 Bon on m'avait jamais parlé des cauchemars par exemple,
03:59 parce que t'as des chamboulements hormonaux du futur,
04:01 et moi je faisais des cauchemars où j'avais peur de dormir carrément, c'était quand même fort.
04:05 J'ai eu un éctropion, un truc on en avait jamais entendu parler,
04:08 où j'avais des saignements et tout mais c'est qu'ils ont pas grave du tout.
04:11 Et je me suis dit "mais en fait si j'avais lu ça, si on m'avait informé là-dessus,
04:15 bah j'aurais peut-être mieux dormi, j'aurais eu moins de stress,
04:18 ou j'aurais peut-être relativisé sur des choses".
04:19 Je sais pas si ça peut aider grand monde,
04:21 mais moi en tout cas l'écriture de ce livre ça a été thérapeutique pour moi.
04:24 Je suis contente de raconter l'histoire de mon fils et qu'un jour il la lise,
04:27 et je suis contente d'avoir parlé de mon bébé que j'ai jamais eu la chance de rencontrer.

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