• l’année dernière
Transcription
00:00 *Musique*
00:18 Bonjour à tous, bonjour à toutes, nous débutons ensemble une nouvelle semaine du BOOCLUB.
00:23 Un grand merci à toutes celles et tous ceux qui ont interagi avec nous tout au long du week-end sur notre compte Instagram.
00:29 Du club de lecture de France Culture.
00:31 *Hashtag #BOOCLUBCULTURE*
00:33 Ce lundi midi nous mettons en regard deux ouvrages, deux réflexions, deux démarches pour nous interroger.
00:39 Existe-t-il une extrême droite littéraire en France ? Comment définir le style réactionnaire ?
00:44 Avec une enquête journalistique et un travail de recherche nous allons parcourir le temps.
00:50 Bien sûr, passer en revue les écrivains contemporains, leurs références, ce qu'ils admirent.
00:54 Et remonter jusqu'à l'entre-deux-guerres, écrire de droite à droite.
00:58 C'est le titre de ce nouveau numéro du BOOCLUB, on en parle avec nos invités jusqu'à 13h30, bien sûr et avec la communauté du BOOCLUB.
01:05 Il y a toute une presse et une opinion avec elle qui se gargarise régulièrement du beau style,
01:09 comme appannage de certaines orientations politiques qui ne dirait pas nécessairement toujours ce mot.
01:13 Si j'affectionnais ces faire-blanteries de la foi, ce n'était pas tellement que je crusse dans la fable morose d'un dieu unique,
01:19 ni que je regrettasse le pouvoir des curés. Mais je n'aimais pas qu'on s'en prenne à ce qui était debout.
01:25 *Générique*
01:31 Les voix de Lorlou et Hugues, membres de la communauté du BOOCLUB qui nous accompagne ce lundi.
01:37 Bonjour François Krug.
01:38 Bonjour.
01:39 Vous êtes journaliste indépendant, vous écrivez pour Le Monde, vous avez été journaliste politique et d'investigation notamment pour le site Rue89.
01:45 Vous écrivez des livres aussi, vous êtes co-auteur avec Ariane Chemin de Benalla et moi,
01:50 vous publiez en 2020 aux éditions du Seuil, Le Seuil, où vous publiez aujourd'hui cette enquête sur l'extrême droite littéraire intitulée "Réaction française".
01:59 Racontez-nous votre démarche, qu'est-ce qui vous pousse, quel est le déclic à enquêter sur trois auteurs français à succès, on peut le dire, qui vendent bien.
02:08 Yann Moix, Sylvain Tesson, Michel Houellebecq. Ils représentent chacun un écrivain, un style particulier ?
02:15 Un style particulier ou plutôt une idéologie particulière, une facette particulière de l'extrême droite.
02:22 Le point de départ de cette enquête, c'est le fait qu'on sous-estime, à mon avis, l'aspect culturel et intellectuel de l'extrême droite.
02:29 On ne voit que l'appareil électoral, la présence de députés du Rassemblement National à l'Assemblée.
02:34 Et on sous-estime le fait qu'il y a une pensée d'extrême droite, ou plutôt des pensées d'extrême droite,
02:38 et chacun de ces auteurs est lié par des amitiés, par des liens humains comme par des liens idéologiques, à différents courants de l'extrême droite.
02:49 Donc j'ai voulu expliquer pourquoi on a pu voir Michel Houellebecq donner des conférences à l'Action française, le plus vieux mouvement d'extrême droite français.
02:58 Pourquoi on a pu découvrir dans la presse il y a quelques années que Yann Moix, dans sa jeunesse, avait réalisé des fanzines antisémites.
03:08 Et expliquer pourquoi Sylvain Tesson, qui est un écrivain qui séduit aussi bien à gauche qu'à droite, est devenu le héros d'une partie très radicale de l'extrême droite.
03:21 - Est-ce qu'il y a une personne, quelque chose qui est un point commun entre ces trois écrivains, et qui vous donne la puce à l'oreille, en tout cas pour enquêter sur leur idéologie, les idéologies qui existent derrière leurs écrits ?
03:35 - Alors c'est pas tellement une personne, c'est une époque. C'est-à-dire qu'ils viennent tous de la même génération. On est au début des années 1990.
03:43 Alors on peut réunir plein d'éléments sur le contexte politique de l'époque, la fin du communisme, la chute de l'URSS en tout cas.
03:51 Une époque où l'extrême droite commence à s'affirmer politiquement, en tout cas dans le paysage politique en France.
03:58 Et voilà trois écrivains qui ont des styles très différents, et des âges différents d'ailleurs, parce qu'ils sont pas tout à fait nés à la même époque, qui commencent leur carrière à ce moment-là.
04:08 Donc l'idée de cette enquête, c'est de les prendre à leur début, de les suivre sur trois décennies, et de voir pourquoi, comment, il y a eu des liens qui se sont créés entre eux et différentes familles d'extrême droite.
04:20 - Alors justement, vous avez essayé de nous en dire un petit peu plus tout au long de l'émission, pour réfléchir avec nous sur les liens entre certains écrivains et les idées d'extrême droite ou de droite.
04:28 Nous avons convié Vincent Bertollier. Bonjour. - Bonjour Nicolas. - Vous publiez un essai intitulé "Le style réactionnaire" de Maurras A. Welbeck, qui paraît aux éditions Amsterdam.
04:38 C'est le résultat, si je ne dis pas de bêtise, de votre thèse de doctorat à la Sorbonne, puisque vos recherches portent généralement sur la droite littéraire au XXe siècle.
04:47 Dans ce livre, vous analysez l'écriture des auteurs français qui se positionnent à droite, mais qui, eux, assument leur position politique, leur parti pris politique ?
04:59 - Tout dépend des époques, évidemment. Si on prend la première moitié du XXe siècle, on a affaire à des auteurs qui se disent réactionnaires, l'assument, assument cette étiquette.
05:09 Ce n'est pas du tout une étiquette infamante pour eux, pour Charles Maurras. Réactionnaire, ça décrit son camp, le camp de la réaction, de ceux qui veulent réagir face à la décadence, au déclin de la France, voire de l'Occident, pour ceux qui auraient des sympathies européennes.
05:24 En revanche, cette étiquette de réactionnaire, tout comme celle de fasciste ou autre, est beaucoup plus lourde à porter après 1945, pour des raisons un peu évidentes.
05:35 Et c'est à ce moment-là que la composante politique de cette nébuleuse, de ces groupes, est passée un peu sous le tapis, et que ces différents auteurs que j'ai étudiés, dont certains sont bien connus du public qui lit un peu, se mettent à mettre en avant beaucoup plus leur style, la forme, la qualité littéraire de leurs écrits.
05:59 Et c'est le cas chez Céline, chez Cioran, ou chez d'autres auteurs populaires pour les abonnés du Figaro, comme Roger Némié, etc.
06:09 - Alors on va vous faire évidemment dialoguer durant cette émission, mais d'abord on va écouter Hugues.
06:13 Hugues est un lecteur de notre communauté, il est libraire à Paris, librairie Charibde, et il a lu votre essai, Vincent Bertollier. Voici ce qu'il en retient, il a une question aussi à la fin.
06:23 - Il y a toute une presse et une opinion avec elle qui se gargarise régulièrement du beau style, comme appannage d'une certaine orientation politique qui ne dirait pas nécessairement toujours son nom, mais qui serait clairement de droite, voire d'extrême droite.
06:36 En 2006, François Duffet, avec son "Le Souffre et le Moisi, la droite littéraire" après 1945, avait défluché ce phénomène, et c'était déjà salutaire, mais il l'avait abordé du côté des filiations, des complicités et des accointances, plutôt que de l'écriture et du style.
06:49 Ce qu'a fait en 2022 Vincent Bertollier, c'est vraiment formidable. Avec quelque chose qui frisse parfois l'abnégation, il faut bien le dire, il est remonté jusqu'à Charles Maurras pour traquer dans les textes mêmes ce qui justifierait ou non, ou permettrait de comprendre, le cliché si convenu, cette revendication du beau style.
07:05 A l'issue de son cheminement serré et passionnant parmi les écrits de Maurras, de Bernanos, de Jouando, de Céline, de Driel-Arochal, de Rebatey, de Chardonne, pour finir avec Renaud Camus, Richard Millet et Michel Houellebecq, et pour ne citer que quelques-uns des 22 auteurs qu'il passe au crible, il nous démontre avec une certaine grâce efficace que non, le style réactionnaire, comme s'intitule son essai, n'est pas beau en soi, mais ressort de tout autre chose.
07:28 Cet ouvrage est vraiment captivant, presque indispensable pour toute personne qui s'intéresse à la langue, à la littérature et disons-le, à la politique qui les traverse. Et si j'avais une question à poser à Vincent Bertelier, ce serait celle-ci, si là, à l'instant, il pouvait et devait ajouter un seul auteur ou une seule autrice à son ouvrage, qui choisirait-il ?
07:46 - Vous avez le droit à un joker Vincent Bertelier. - Oui, ça c'est le joker tout de suite. - Bon, alors je vais quand même vous pousser un peu dans vos retranchements, mais par exemple dans les trois auteurs cités par François Krug, est-ce qu'il y en a un qui, de votre avis, pourrait rentrer dans cette liste ?
08:02 - Non, non, non, en fait, je pourrais peut-être expliquer pourquoi on a affaire, avec les auteurs qu'a étudiés François Krug, à des auteurs qui sont entre la littérature, alors comme disent les sociologues, ce pôle de production restreint, cette grande littérature avec un L, qui sont entre ça et à la fois le journalisme ou la littérature de grands publics, de grandes consommations, et je ne le dis pas sur un mode infamant,
08:30 mais simplement ce ne sont pas les mêmes codes littéraires, ce ne sont pas le même public qui est visé, et voilà, c'est pour ça que je ne me suis pas intéressé à Yann Moix ou à Sylvain Tesson.
08:39 - François Krug, c'est ça qui est intéressant, c'est-à-dire que tout à l'heure, Vincent Bertelier disait "à une époque réactionnaire, on l'assumait, on le revendiquait même".
08:49 Là, sur les trois auteurs que vous questionnez, en tout cas parce qu'ils n'ont pas souhaité vous répondre, c'est important de le dire, il y a une sorte de flou, de zone de flou, ce n'est pas assumé, clairement ?
09:00 - Oui, c'est nébuleuse. C'est-à-dire que, moi, mon parti pris, et c'est le seul parti pris idéologique dans ce livre, c'est d'utiliser l'expression d'extrême droite. Parce qu'on a vu au fil des trois décennies que je raconte dans ce livre, ce terme d'extrême droite perdre sa valeur.
09:21 On va effectivement parler de réac, d'anarchisme de droite, de droite de la droite, on a eu droit aussi à droite hors les murs. Et je pense qu'il est important de rappeler d'où partent ces personnages et de rappeler qu'il s'agit d'un courant historique important du paysage politique auquel on s'est accoutumé.
09:45 Je le raconte sans jugement de valeur, mais je pense qu'il est important de rappeler que c'est une famille qui existe depuis très longtemps, comme le montre le livre de Vincent, et que ça ne se limite pas à être réactionnaire ou anti-moderne, comme veut l'être Sylvain Tesson, mais que c'est beaucoup plus puissant que ça.
10:09 - Hugues, notre lecteur parlait de "beau style", Vincent Bertelier. Qu'est-ce que ça veut dire le beau style et en quoi ça éclaire, en tout cas sur une idéologie dans l'écriture ?
10:22 - Par "beau style", on peut entendre plusieurs choses. Il y a à la fois cette langue littéraire qui est pratiquée par tous les auteurs qui sont passés par l'enseignement un peu supérieur, le lycée. Ça inclut aussi bien Charles Maurras qu'André Gide. C'est une langue élitiste, mais pas forcément marquée plus à droite qu'à gauche.
10:47 Par "beau style", on peut entendre également simplement le style pour le style, le fait de cultiver un travail formel. Et quand on va de ce côté-là, on tombe sur des auteurs qui n'ont pas forcément un beau style au sens d'un style académique, mais qui ont travaillé leur style.
11:04 Et le premier auquel on pense, évidemment, c'est Céline. Il y a toute l'actualité qu'on sait, puisqu'il est actuellement republié. Et Céline jouit aujourd'hui, peut-être plus que jamais, d'une notoriété énorme. Il a vraiment des fans de droite comme de gauche, d'ailleurs, pour qui il est d'ailleurs très difficile de toucher à la citadelle, au temple célinien.
11:29 Le style est vraiment un des bastions qui empêche, disons, qui rend difficile d'approcher avec franchise et dans toute son intégrité l'orientation politique de Céline, le poids politique que ça a pu avoir.
11:50 - Le beau style, c'est aussi un qualificatif qui vise un des auteurs qui est commun aux trois auteurs dont vous parlez, François Crooke, c'est Marc-Edouard Nab, l'auteur du pamphlet "Au régal des vermines".
12:03 Vous commencez votre récit par cette soirée littéraire au Sénat le 17 septembre 1991. Racontez-nous pourquoi est-ce que cette date est une date clé dans cette histoire de ces trois auteurs que vous nous racontez.
12:18 - Il s'agit d'un cocktail littéraire organisé dans le Jardin du Luxembourg pour la sortie du journal intime de Marc-Edouard Nab. Nab est un petit peu oublié maintenant, mais il a été un auteur extrêmement branché au milieu des années 80-90.
12:32 Alors j'aime pas ce cliché, mais sulfureux, se présentant comme un héritier de Céline, ne reculant pas devant les provocations. Alors certains diront antisémite, d'autres diront de l'humour sur les juifs parce que pourquoi ne pas se moquer des juifs puisqu'on a le droit de se moquer de tout le reste de la population.
12:51 Et ce soir-là au Luxembourg, ce qui m'a amusé, et c'est d'ailleurs cette anecdote qui m'a poussé à faire cette enquête, est présent un jeune auteur, enfin un jeune auteur non, il n'est pas si jeune que ça parce qu'il a déjà 35 ans, mais un auteur totalement inconnu et débutant qui s'appelle Michel Houellebecq.
13:07 Il se retrouve là parce qu'il a avec Nab un éditeur en commun. Donc il se retrouve dans cette soirée branchée où se retrouvent les réacs, les anarchistes de droite branchés de Paris.
13:18 Et ce soir-là est aussi présent un jeune étudiant qui s'est incrusté à la soirée et qui est un grand admirateur de Marc-Edouard Nab et qui est Ian Mouax.
13:26 Donc je me disais, bon, c'est intéressant que deux futurs grands noms, sans jugement de valeur sur leur style ou deux futurs grands vendeurs de livres, pour s'en tenir à l'aspect économique, sont présents ce soir-là pour rendre hommage à un auteur honni par la gauche, adoré par la droite, adoré encore plus par l'extrême droite.
13:49 J'ai voulu, grosso modo, la question que je me suis posée, c'est que pouvait-il bien faire là ce soir-là en 1991 ? Et de là se découle 30 ans d'histoire assez étonnante.
14:02 - Ce que vous racontez sur ces trois auteurs, ceux qu'ils ont fréquenté, et vous le dites, l'extrême droite dès leur début, tout au long de leur carrière, mais aussi pour des raisons différentes.
14:11 Ils ne se revendiquent pas, on l'a dit tout à l'heure, d'extrême droite, ils ne sont pas affiliés à un parti, il y a des sortes d'allers-retours aussi, idéologiques parfois, et ils plaisent parfois à la droite, parfois aussi à la gauche en tant que lecteur.
14:25 Comment ça s'explique tout ça ?
14:27 - Alors je pense qu'à l'époque où ils démarrent tous les trois leur carrière littéraire, l'extrême droite à cette odeur de soufre représente une provocation, représente une sorte de contre-culture, en somme.
14:39 Peut-être que les trois personnages auxquels je m'intéresse, 20 ans plus tôt, auraient été maoïstes.
14:43 Bon, il se trouve qu'à l'époque, si on veut provoquer, il faut se référer à Céline, à Nab, à l'extrême droite.
14:52 Il y a un peu de la même façon que les hussards se réclamaient d'auteurs collabos, parce que ça ne se veut, c'est pas...
15:02 Donc il y a un côté, j'allais dire, c'est un peu pour la beauté du geste, plus que pour la sympathie idéologique.
15:11 - Alors racontez-nous, Vincent Bertolli, puisqu'on parle des hussards, dites-nous à quelle période on est, et qui sont ces auteurs assez jeunes qui vont eux revendiquer effectivement une position politique ?
15:24 - Donc on est immédiatement après la Libération, dans les années 45-50.
15:31 Dans ces hussards, c'est un groupe plutôt de jeunes gens, plutôt de bonne famille.
15:38 Certains d'entre eux sont impliqués politiquement.
15:44 Michel Déon était chauffeur de Charles Maurras.
15:48 Jacques Laurent travaillait pour l'administration de Vichy, sans qu'on puisse non plus aller trop loin dans une quelconque accusation de collaboration à cet égard.
15:59 En revanche, Roger Nimier, lui, s'était engagé dans l'armée après la Libération, donc était politiquement le plus irréprochable, disons.
16:08 Et donc tout ce groupe de jeunes gens, les traits se réunissent autour de quelques auteurs plus vieux qu'eux, et qu'ils apprécient beaucoup.
16:19 Alors des noms parfois totalement oubliés, comme André Freignot, qui était un auteur de cette époque-là, ou encore Jacques Chardonne et Paul Morand.
16:27 Alors Chardonne et Morand, c'était deux vedettes un peu différentes des années d'entre-deux-guerres.
16:35 Morand, auteur à grand succès de Gallimard puis de Grasset.
16:40 Chardonne, publié dans la NRF.
16:44 Lui, c'est vraiment le styliste, l'écrivain, élégant, délicat.
16:47 Et les deux, disons, ont fait les mauvais choix pendant l'occupation.
16:52 Ils n'ont pas caché leur admiration pour l'occupant nazi.
16:57 Et donc les deux se sont retrouvés tout à fait relégués.
17:01 Morand a choisi de s'exiler en Suisse et Chardonne a passé quelques jours en prison.
17:08 Il s'est retrouvé interdit de publication pendant un moment, un court moment.
17:13 Il ne faut pas exagérer la repression qu'il a subie.
17:16 Mais toujours est-il que ces personnes étaient plutôt Persona non grata.
17:20 Et que les USAR, ce sont des gens qui à la fois produisent une oeuvre littéraire,
17:27 mais en même temps sont des journalistes, des critiques littéraires qui remettent en avant,
17:32 remettent sur la scène littéraire des personnages comme Morand, Chardonne et aussi Céline Nimier,
17:37 qui a un rôle d'éditeur et le grand artisan du retour de Céline avec D'un Château l'Autre en 57.
17:43 Parce que Céline republie en France quelques années après la Libération,
17:46 mais ses premiers livres passent totalement inaperçus.
17:49 Et c'est parce qu'il y a eu toute une stratégie véritablement consciente pour le coup,
17:53 une stratégie médiatique, une stratégie dans la critique littéraire,
17:58 pour le faire revenir que Céline a aussi le statut dont il jouit encore aujourd'hui.
18:04 - On est dans l'après-guerre et vous utilisez, vous François Krug, le terme de "Néo-USAR" dans les années 80.
18:10 Quel parallèle on fait et est-ce qu'on peut reprendre la même démarche que celle de l'après-guerre ?
18:16 Évidemment non, j'imagine, mais il y a quand même des choses qui sont proches.
18:20 - Je crois que les Néo-USAR, c'est une invention de la critique littéraire au milieu des années 80,
18:25 ces Néo-USAR se rapprochent du USAR plus par leur style,
18:29 leur légèreté affichée, leur indifférence à l'égard de la politique,
18:33 et leur admiration effectivement pour Blondin, pour Déon, pour Nimier.
18:42 Ce sont des gens comme... Nab a été rattaché à ce courant,
18:46 comme Patrick Besson, comme Eric Neuf,
18:50 et qui sont à l'époque soutenus par la critique de droite,
18:54 comme les futurs sauveurs d'une littérature de droite.
19:01 Ce sur quoi ils vont probablement... On peut dire qu'ils ont échoué.
19:07 Ils ont été éclipsés justement par les auteurs dont je retrace le parcours dans mon livre,
19:13 les Wellbeck, les Sylvain Tesson un peu plus tard, ou les Yann Moix.
19:18 - Alors allons-y justement. Michel Wellbeck, comment est-ce que vous l'analysez,
19:23 Vincent Bertollier, dans le cours de l'histoire que vous nous racontez,
19:30 de l'entre-deux-guerres jusqu'aux auteurs contemporains ?
19:33 Il veut dire quoi, Michel Wellbeck, dans votre recherche ?
19:38 - Alors, ce qui est curieux, singulier avec Wellbeck, c'est que,
19:44 contrairement à beaucoup d'autres écrivains,
19:46 en fait pour la droite littéraire et actionnaire, il y a vraiment un continuum.
19:50 Et quand je dis un continuum, c'est-à-dire qu'on peut retracer, disons,
19:54 poignée de main par poignée de main. Dans le cas de Wellbeck,
19:58 c'est vraiment assez différent. C'est quelqu'un qui,
20:01 aussi bien personnellement que littérairement, ne se réclame d'aucun
20:05 de ses auteurs qu'on a évoqués, ni particulièrement de Céline.
20:09 Il n'aime pas trop Céline, encore moins de Drie ou La Rochelle,
20:13 Jacques Chardonne. Pour le moment, ça ne l'intéresse pas du tout, tout ça.
20:16 Ses références, c'est la science-fiction, Jean-Patrick Manchette,
20:20 parfois un auteur de gauche comme Manchette.
20:23 Donc, tout à fait autre chose. Et stylistiquement, pareil.
20:28 Alors, on a beaucoup, la presse et les critiques littéraires ont beaucoup dit
20:32 que Wellbeck était un écrivain sans style, ou alors avec un style froid,
20:36 clinique, neutre, etc. - Lui-même disait ne pas avoir de style.
20:41 - Lui-même a dit beaucoup de choses sur son style, évidemment.
20:44 Parce que ce qu'on dit sur le style, c'est toujours une stratégie médiatique,
20:47 également. - Vous vous dites qu'il a un style positif.
20:50 C'est le titre du chapitre, en tout cas. - Bien sûr. Alors, positif,
20:54 il faut l'entendre non pas au sens de la positive attitude,
20:57 mais au sens du positivisme. Wellbeck se réclame fréquemment d'Auguste Comte.
21:03 Et il y a cette espèce de volonté d'observer les faits, d'observer les résultats
21:10 avec une distance scientifique. Évidemment, c'est une posture littéraire,
21:17 c'est un artefact littéraire. Mais il y a tout un tas de procédés
21:21 dans son style qui sont là pour faire scientifique, faire sociologue,
21:25 faire données brutes. L'élément très marquant dont on a beaucoup parlé,
21:31 c'est les plagiats de Wikipédia. Ce n'est pas des plagiats, le fait d'insérer
21:35 des morceaux de texte, des morceaux de documents. Balzac faisait ça avant lui.
21:39 Et Wellbeck le fait de façon encore plus brutale. Et ça crée un effet littéraire
21:44 qui est tout à fait visible, saillant, saisissant.
21:49 - Dans votre enquête, François Krug, vous racontez évidemment les différentes
21:55 invitations de Michel Wellbeck qui l'ancrent évidemment dans une position politique.
22:01 Quand il va à l'Action française, au cercle de Flore, ce cercle littéraire
22:06 de l'Action française, pour donner une conférence, en tout cas pour qu'on l'écoute,
22:10 évidemment, ce n'est pas anodin. - Lui, il aimerait dire que c'est anodin.
22:14 C'est comme ça qu'il le vend. Si on l'écoute, il a vu de la lumière,
22:19 il est rentré, il s'est assis, il a donné une conférence. On l'a invité,
22:22 les gens avaient l'air sympathiques. Toujours est-il qu'un auteur qu'on présente
22:27 comme un des plus grands auteurs français a passé une soirée, a donné une conférence
22:34 sous un portrait de Charles Maurras. Alors on peut penser que c'est anodin.
22:37 Justement, ce qui est intéressant, c'est ce que je disais tout à l'heure,
22:39 cette idée qu'on s'est accoutumé aux idées d'extrême droite et que ça ne choque
22:44 plus grand monde, finalement, de venir donner une conférence sous l'égide
22:51 de feu Charles Maurras. - Malgré les accusations de racisme, d'islamophobie
22:57 auxquelles il a dû faire face avec ses ouvrages, il reste tout de même
23:02 un écrivain à succès et, encore une fois, accepté par des franges de la population
23:07 et du spectre politique parfois opposés. - Mais ce qui est amusant avec Walbeck,
23:12 c'est qu'il a commencé d'un point de vue de ses relations humaines.
23:19 Il a commencé à droite dans une maison d'édition plutôt classée à droite,
23:23 les éditions du Rocher. Il a commencé dans un univers de néo-hussard,
23:26 même si ce n'était pas du tout son style littéraire à lui. Et puis, très vite,
23:29 il est devenu l'écrivain de la gauche branchée. Parce que ses premiers textes,
23:34 si on prend l'extension du domaine de la lutte, son premier roman ou ses recueils
23:37 de poèmes sont des textes perçus immédiatement comme une oeuvre
23:42 anti-libérale, anti-capitaliste. On est à l'époque de Maastricht,
23:47 de la pensée unique, du francfort, du libéralisme économique à tout va.
23:53 Donc, il devient un étendard de la gauche. Et ce qui est amusant, c'est que lui
23:58 n'a pas vraiment changé de voix dans ses relations personnelles.
24:03 Mais qu'on a découvert ou qu'on s'est ému uniquement 20 ans après
24:08 de ce qu'on a pu présenter comme une dérive de Michel Houellebecq.
24:15 Vous avez vu les titres de la presse évoluer peu à peu sur Houellebecq.
24:19 D'abord, c'est l'écrivain anti-capitaliste. Après, on commence à voir des articles
24:23 pour dire "mais Houellebecq ne serait-il pas de droite ? Ensuite, ne serait-il pas réac ?
24:27 Ne serait-il pas d'extrême droite ?". Et maintenant, on va parler de dérive
24:30 pour les dernières déclarations qu'il a pu faire sur l'islam
24:34 lors d'un entretien avec Michel Onfray. Or, il y a là encore un continuum
24:39 dans ses fréquentations et, à mon avis, dans ses idées.
24:43 - Ce qui est intéressant, c'est comment réagissent les lecteurs qui lisent ces livres.
24:47 Vincent Bertholdis, sur le cas de Michel Houellebecq, est-ce que c'est lui
24:50 qui a évolué ou est-ce que c'est notre regard, le regard de la société,
24:54 sur son œuvre qui a changé ? François Kruch dit "les digues ont sauté
24:59 vis-à-vis de l'extrême droite au fil des ans".
25:02 - Il faut toujours tenir les deux en même temps, c'est-à-dire qu'on ne peut pas
25:07 se satisfaire d'étudier uniquement le contenu idéologique.
25:11 Le contenu idéologique des textes, on peut le reconstituer.
25:14 Parfois, c'est compliqué quand il s'agit de romans, de fictions.
25:18 Il faut toujours le mettre en regard de la sociologie, c'est-à-dire des sociabilités.
25:25 Et si, en fait, Houellebecq a accompagné une évolution du champ politique français,
25:33 et donc s'il a choisi de donner moins d'interviews aux Inrocks,
25:39 moins de gages de fidélité aux Inrocks qu'à Valeurs Actuelles,
25:43 il l'a fait en conformité avec, possiblement, l'évolution politique
25:48 de son public et l'évolution des tendances politiques en France.
25:52 - Alors, on va parler d'un autre écrivain qui intéresse François Crooke,
25:56 c'est Sylvain Tesson.
25:57 Lorlou a lu son récit autobiographique sur les chemins noirs.
26:01 Voici ce qu'elle en retient.
26:03 - J'ai évoqué le récit de Sylvain Tesson que je connais le mieux,
26:06 qui est sur les chemins noirs, dont l'adaptation est récemment sortie au cinéma.
26:10 Pour commencer, est-ce que l'écriture de Tesson est de droite ?
26:14 Est-ce que son propos est de droite ?
26:16 Quelle droite ? Sûrement pas la droite technophile, néolibérale, ça c'est sûr.
26:21 En revanche, il me semble que Tesson assume totalement son côté réactionnaire dans ce récit.
26:26 Il reprend à son compte, par exemple, la citation de Cocteau.
26:29 "Il est possible que le progrès soit le développement d'une erreur."
26:33 Et il fait état de sa propre nostalgie dans ce récit,
26:37 où, rappelons-le, l'auteur part cheminer sur les sentiers de la France,
26:43 qu'on pourrait qualifier de France profonde, la France de la ruralité.
26:46 Tout le récit va être justement un voyage sur les traces d'une France fantasmée.
26:52 Ce qui me permet de dire aussi que c'est sans doute l'ouvrage de quelqu'un qui est fondamentalement réactionnaire.
27:00 Ce sont les références littéraires et historiques que l'auteur va mettre en avant.
27:05 Troisième élément, troisième référence littéraire,
27:08 Tesson se réclame à de très nombreuses reprises dans le récit du romantisme.
27:12 Pas un romantisme révolutionnaire, ni celui de Hugo s'écriant "quand je vous parle de moi, je vous parle de vous",
27:19 mais plutôt le romantisme du mal du siècle.
27:22 Et là aussi, on va retrouver ce fantasme du passé,
27:26 ces clichés sur le bon sens des paysans, les paysannes à joues rouges et à gros biceps.
27:33 Par ailleurs, Tesson lui-même adopte plutôt une posture aristocratique dans le récit.
27:39 Il se présente comme l'image du vrai voyageur, celui qui peut partir plusieurs semaines,
27:45 qui peut vivre en autonomie.
27:47 Tesson parle d'ailleurs de la noblesse des chemins noirs.
27:51 - François Krug, sur cet exemple très détaillé de notre lectrice,
27:55 l'idée de Sylvain Tesson, écrivain, voyageur à succès, cette idée de romantisme aussi.
28:02 Comment on lit les livres de Sylvain Tesson pour ne pas se laisser tromper ?
28:07 On a l'impression de se laisser tromper.
28:09 - Je ne sais pas s'il y a une tromperie volontaire.
28:12 On peut déjà les lire attentivement et repérer des petits morceaux,
28:17 des petites remarques régulièrement sur...
28:21 Alors, "antimoderne", dans certains de ses livres, des remarques antimusulmanes.
28:27 Elles sont nombreuses, mais disséminées.
28:31 - Mais "antimoderne", par exemple, ça veut dire quoi ?
28:33 - C'est justement ce qui fait qu'il peut plaire et à la gauche et à la droite.
28:39 Ce refus de la technologie à tout va, ce refus du libéralisme.
28:45 Il va décrire dans le livre que citait cette auditrice,
28:50 les zones commerciales, l'enlaidissement des paysages de la France.
28:57 Et finalement, c'est des constats sur lesquels on peut être d'accord,
29:00 qu'on soit de gauche ou de droite.
29:03 - C'est aussi une forme de nostalgie ?
29:06 - Je pense qu'il y a une nostalgie d'une France fantasmée,
29:11 comme on disait il y a quelques secondes.
29:14 Effectivement, est-ce que cette France a vraiment existé ?
29:18 Sylvain Tesson est quand même relativement jeune.
29:21 Il est né au début des années 70,
29:23 donc il n'a peut-être même pas connu cette France lui-même.
29:27 Peut-être qu'il l'a connue par procuration,
29:29 par des auteurs que Vincent Bertollier étudie dans son livre.
29:33 Donc oui, je pense qu'il y a une part de nostalgie.
29:35 - L'une de ses références, c'est Jean Raspail, c'est ça Vincent Bertollier ?
29:38 - Oui, tout à fait.
29:40 Sylvain Tesson aime beaucoup Jean Raspail en tant qu'autre écrivain aventurier, voyageur.
29:46 Jean Raspail est surtout connu aujourd'hui pour avoir écrit "Le camp des Saints",
29:52 une fiction catastrophiste qui raconte l'arrivée de boats people remplis d'Indiens
29:59 sur les côtes françaises européennes,
30:02 et qui se passe sur le mode d'une invasion de ces hordes innombrables de non-blancs
30:09 qui menacent la civilisation européenne.
30:13 Jean Raspail, en faisant ça, se rattache à une tradition littéraire assez longue
30:19 de récits qui appartiennent plutôt à la littérature populaire,
30:25 de récits d'aventure.
30:28 Il y avait dans les années 1900 tout un tas de Jules Verne de droite
30:32 qui imaginait le péril jaune, le péril noir, l'invasion.
30:37 En fait, il y avait une sorte d'inversion de la réalité coloniale.
30:41 On se disait, nous qui sommes des colonisateurs, peut-être qu'on va se faire coloniser un jour.
30:44 Il y a une sorte de fiction servait de miroir,
30:49 et en même temps, pour certains de ces écrivains, aussi de justification.
30:53 Il faut les coloniser avant qu'eux n'arrivent chez nous.
30:55 - Ça va jusqu'au grand emplacement. - Ah oui, bien sûr.
30:57 Tout ça, c'est le prélude.
30:59 Le grand emplacement, c'est pour Renaud Camus, etc.
31:02 Mais c'est d'autres enjeux.
31:04 Ça parle de la France contemporaine, avec ces immigrés qui sont venus chez nous travailler,
31:10 et qui ont été colonisés.
31:12 Et puis, il y a aussi les enjeux de la France contemporaine.
31:15 Les enfants sont désormais français et on ne les accepte pas.
31:19 Donc, ce n'est pas tout à fait les mêmes enjeux que les enjeux coloniaux.
31:23 Mais effectivement, il y a un imaginaire littéraire qui peut puiser dans des sources plus anciennes à ce dégât.
31:29 - Jean Raspail qui a dit à Sylvain Tesson, "Écrivez tous les jours, même malade, prenez des notes,
31:34 et vous racontez, François Cook, qu'il a été éternellement reconnaissant
31:38 un mentor et puis après un ami."
31:43 Je cite des extraits de leurs correspondances qui étaient longues et abondantes.
31:50 Sylvain Tesson explique qu'il s'amuse à glisser ici et là dans ses livres des phrases de Jean Raspail.
31:56 Jean Raspail, c'est intéressant justement, parce que c'est un auteur qui plaît à la fois
32:01 à un public un peu nostalgique du scoutisme, de l'exploration, de l'aventure,
32:10 des choses qui peuvent plaire à un très large public.
32:12 Et puis c'est un auteur, comme on vient de le rappeler, clairement d'extrême droite,
32:16 qui a écrit un classique de la littérature d'extrême droite.
32:19 - Chez Sylvain Tesson, il y a aussi, je parlais tout à l'heure d'Aller-Retour,
32:22 vous racontez ses débuts, sa participation à Radio Courtoisie,
32:27 vous racontez effectivement sa participation à des camps scout les plus rigoristes, si on peut dire.
32:33 Est-ce qu'il a toujours été sur la même ligne tout au long de ses écrits, de sa carrière en quelque sorte ?
32:40 - J'ai l'impression que ses premiers livres sont relativement anodins,
32:46 alors pas au sens de la critique littéraire, au sens politique,
32:49 et que plus il progresse dans son parcours, plus le discours se durcit ou se radicalise.
32:55 Mais c'est la même chose chez Welbeck, c'est-à-dire que vous atteignez un statut dans le milieu littéraire,
33:00 à la fois en termes de prestige, en termes de vente, donc de pouvoir,
33:04 c'est un statut qui vous autorise à avoir un discours plus dur qu'auparavant.
33:09 - Pourquoi ils ne vous ont pas répondu, selon vous, à vos sollicitations,
33:12 pour participer à la réflexion de ce votre livre ?
33:15 - Parce que le sujet reste sensible.
33:18 Moi je partais de l'idée qu'on peut très bien avoir des amitiés d'extrême droite,
33:25 c'est pas un crime, mais qu'on peut les assumer aussi,
33:29 surtout quand, dans le cadre de ces écrivains, on n'est pas seulement un écrivain,
33:32 on est un acteur du débat public, parce qu'ils prennent tous, tous les trois,
33:36 Welbeck, Yann Moix, Sigmar Thesson, des positions politiques.
33:41 Et à partir de ce moment-là, je pense qu'un journaliste est autorisé à leur demander
33:45 "qui sont vos amis et d'où venez-vous ?"
33:47 C'est une question visiblement qui dérange.
33:49 - Et on peut lire ces récits dans "Réaction française",
33:52 enquête sur l'extrême droite littéraire que vous publiez, François Krug,
33:56 aux éditions du Seuil.
33:57 Et on peut aussi aller beaucoup plus loin, en termes d'histoire, bien sûr,
34:01 et de date, avec vous, le style réactionnaire de Maurras à Welbeck,
34:05 Vincent Bertelier, votre travail de recherche publié aux éditions Amsterdam.
34:10 Merci à tous les deux d'être venus dans le Book Club et d'avoir échangé sur ce sujet.
34:14 * Extrait de "Réaction française" *
34:17 - Dans un instant, l'épilogue du Book Club, mais d'abord, les 4 rythèmes de Charles Dendzik.
34:21 - Une des plus fréquentes manifestations de la courtisanerie
34:25 est celle qui consiste à qualifier de génie littéraire un politicien au pouvoir.
34:30 Cela ne se produit pas que dans les dictatures.
34:33 Nous nous rappelons les postures aplaties et haletantes de François Mauriac
34:38 auprès des mémoires du général de Gaulle ou de Marguerite Duras
34:41 aux essais de François Mitterrand.
34:44 D'autres se sont cru dégagés de la courtisanerie parce qu'ils allaient vénérer loin.
34:49 Ce n'est pas parce qu'on s'agenouille devant quelqu'un qui se trouve à 6000 km
34:53 qu'on s'agenouille moins.
34:55 Mao Tse-tung a été qualifié de grand écrivain et de grand poète
34:59 par plus d'un intellectuel français.
35:01 A l'époque, pour justifier son maoïsme, on employait le mot d'altérité.
35:06 Les Chinois sont autres, ils n'ont pas l'habitude de la démocratie parlementaire,
35:10 c'est nous qui ne les comprenons pas.
35:12 Altérité n'était que l'autre nom de l'exotisme.
35:16 Dans cette affaire, les maoïstes de 1970 n'étaient pas différents de Pierre Lhoti.
35:21 Et quelle drôle d'idée qu'il faille du temps pour s'habituer à la liberté.
35:26 Nous autres Français, sortis de 13 siècles de monarchie,
35:30 n'avions aucune expérience de la démocratie parlementaire en 1789.
35:34 Il ne nous a pas fallu deux jours pour nous y adapter.
35:37 Je donne à ce quadritème le titre d'une anthologie publiée en 1974 chez 10/18,
35:44 révocule dans la Chine pop, citée des passages grotesques et sanglants
35:49 de la littérature maoïste afin de s'en moquer.
35:52 Il aurait suffi de lire le petit livre rouge Le Recueil des pensées de Mao.
35:57 Pensées, des sentences puériles, destinées à frapper les esprits sans culture
36:02 et à faire baisser le front aux autres qui ont très bien compris
36:05 qu'il s'agissait de périphrases menaçantes.
36:08 Par exemple, « Pour qu'il n'y ait plus de fusils, il faut prendre un fusil ».
36:12 C'est un catalogue de truismes, de là son succès.
36:15 Les truismes semblent la confirmation de l'évidence
36:18 et justifier la « force des choses » à laquelle tant d'hommes veulent croire.
36:23 « La révolution, c'est un soulèvement, un acte de violence
36:27 par lequel une classe en renverse une autre ».
36:30 Traduction, « La révolution, c'est la révolution »,
36:33 sous-entendu « Prenez le parti de la violence ».
36:36 Si l'on me réplique que ce sont des textes politiques,
36:39 je conseillerais de lire les poèmes de Mao.
36:42 En voici un extrait.
36:44 « Solitaire, la déesse Chang'e déploie largement ses manches.
36:48 Dans le grand espace, un moment, elle danse pour les patriotes morts.
36:52 Soudain, en annonce, dans le monde humain, le tigre est donté.
36:56 Sur le champ, comme des torrents, ses larmes volantes.
36:59 Je ne vois pas beaucoup de différence entre ces pompeuses sottises
37:03 et les écrits de Paul Deroulaide, le revanchard et belliqueux poète de la Ligue des Patriotes.
37:08 Les 4 items à retrouver sur franceculture.fr et sur l'appli Radio France.
37:12 Un grand merci à toute l'équipe du Book Club.
37:14 Auriane Delacroix, Zora Vignes, Jean-Denis Grappard, Didier Pinault et Alexandre Labegovitski
37:17 préparent avec moi cette émission.
37:19 Thomas Beaud la réalise comme tous les midis et à la prise de son.
37:22 C'est Anthony, Thomas Son, voici l'épilogue du jour.
37:24 Ce terme d'extrême droite, perdre sa valeur.
37:27 On va effectivement parler de réac, d'anarchisme de droite, de droite de la droite,
37:32 on a eu droit aussi à droite hors les murs.
37:34 Tout dépend des époques évidemment.
37:36 On sous-estime à mon avis l'aspect culturel et intellectuel de l'extrême droite.
37:40 La composante politique de ces groupes est passée un peu sous le tapis.
37:44 Michel Houellebecq était chauffeur de Jan Mouax.
37:47 C'est un statut qui vous autorise à avoir un discours plus dur qu'auparavant.

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