Parlons Vrai chez Bourdin avec José Bové, ancien député européen, fondateur de la Confédération paysanne.
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00:00 Il est 10h33, merci d'être avec nous.
00:03 Nous avons la chance de recevoir José Bové, j'en suis très heureux. José, bonjour.
00:07 - Bonjour. - Comment ça va sur le Larzac ?
00:10 - Sur le Larzac, s'il y avait un peu plus de pluie, on a les nappes traitites très très basses.
00:17 À Nantes, la source qui alimente le secteur est vraiment très basse,
00:22 et donc c'est une vraie inquiétude, malheureusement, comme beaucoup d'endroits en France et d'autres dans le monde.
00:28 - Évidemment, préoccupation majeure, ce manque d'eau, cette pénurie d'eau, cette sécheresse évidemment, qui nous guettent tous.
00:35 José Bové, est-ce que... On va parler de la situation actuelle, et je suis très heureux de vous recevoir sur Sud Radio ce matin.
00:43 José Bové, d'abord, est-ce que vous allez manifester lors des manifestations contre la réforme des retraites ?
00:50 - Alors, je suis tout à fait solidaire, malheureusement je n'ai pas pu y participer,
00:54 mais j'ai effectivement soutenu et je soutiens à ma manière aussi la mobilisation,
00:59 parce que je crois qu'on ne peut pas ne pas écouter 90% des salariés qui remettent en cause cet âge de 64 ans,
01:10 et en même temps, on s'aperçoit qu'il y a, de la part du gouvernement, un refus de discuter avec les organisations syndicales,
01:18 et ça je pense que c'est très dangereux par rapport à la démocratie dans notre vie.
01:23 - Vous êtes inquiet, là, José ?
01:26 - Écoutez, je suis inquiet parce que je sens qu'il y a un isolement de plus en plus important du pouvoir dans notre pays,
01:32 et que cet isolement peut entraîner à la fois de la révolte, qui est légitime,
01:40 et en même temps aussi des gens qui vont se dire "puisqu'on ne peut plus rien faire, allons aux extrêmes".
01:47 Et ça je pense qu'effectivement, M. Macron a une très large responsabilité dans cette situation.
01:53 - Bien, José Bové, certains, les plus jeunes, ne vous connaissent pas bien.
01:58 Alors j'ai demandé à Félix Mathieu de dresser un petit portrait de vous.
02:06 Vous avez été l'un des dirigeants emblématiques de la Confédération Paysanne, je crois l'un des fondateurs, hein José ?
02:13 - Tout à fait, en 1986-87, j'ai effectivement fait partie du premier secrétariat national de la Confédération Paysanne.
02:21 - Puis ancien député euro, député écologiste, vous vous êtes notamment illustré,
02:26 alors évidemment on connaît votre combat contre la malbouffe Félix Mathieu.
02:30 - Oui, en août 1999, José Bové démonte un McDo en construction à Millau, entouré de producteurs de Roquefort,
02:36 il s'en prend à un symbole de la mondialisation.
02:39 - Le McDo est le symbole de ces multinationales qui veulent nous faire bouffer la merde et qui veulent faire crever les paysans.
02:47 L'une des grandes causes du dirigeant de la Confédération Paysanne fut la lutte contre les OGM, les organismes génétiquement modifiés.
02:53 Avec ses faucheurs volontaires, il prône la désobéissance civile en arrachant des plantations expérimentales.
02:59 - Ni dans les champs, ni dans les assiettes, les OGM n'en veulent pas !
03:05 Cet arrachage de maïs le conduit même en prison, d'où il ressort triomphalement dans cette autre archive, INA d'août 2003.
03:12 - 14h pile, un José Bové un peu amégri et très ému passe la porte de la maison d'arrivée.
03:20 Depuis 6 semaines, certains sont venus manifester leur soutien tous les soirs. Les premiers mots du leader syndical sont donc pour…
03:26 - Les multicolores ont absolument égayé l'enceinte de la prison dans une cellule qui donnait face à un mur.
03:33 José Bové a clamé au grand rassemblement altermondialiste du Larzac en 2003 la sortie de prison.
03:39 Il a aussi embrassé, parmi beaucoup de causes, la cause de la Palestine en allant au palais présidentiel de Yasser Arafat dans Ramallah assiégé en 2002
03:47 pour une sorte de bouclier humain autour de l'autorité palestinienne.
03:51 - C'est avec le métier de l'opédé de Ramallah que nous avons décidé de passer autour pour le temps pour calculer…
03:58 José Bové qui était joint par France 2 à l'époque, on l'entend mais très faiblement, je sais pas pourquoi.
04:03 En tout cas, il s'est lancé en politique aussi avec une candidature à la présidentielle de 2007.
04:09 *Musique*
04:21 - Voilà, il a aussi siégé sur les bancs écologistes donc après les élections européennes de 2009,
04:25 plus récemment, José Bové est revenu à ses premiers engagements en combattant, figurez-vous,
04:30 un fromage industriel commercialisé par Société Fromage qui, selon lui, ressemblait un peu trop au Roquefort d'origine protégée.
04:37 - Tous ces combats, José !
04:39 - Eh ben oui ! *Rires*
04:42 C'est des bons souvenirs, tout ça, ce sont des très bons souvenirs.
04:45 - Oui, j'ajouterais la lutte contre les gaz de schiste.
04:50 - Ça, je crois que ça a été un combat très important parce que ça a uni à la fois toutes les populations des régions concernées,
04:58 à peu près tout le sud de la France et notamment chez nous, sur le Lavrague mais dans la vallée de la Zurbi,
05:04 je crois que ça a été quelque chose d'extraordinaire parce qu'on a réuni des dizaines de milliers de personnes dans la non-violence
05:11 avec tous les élus de tous bords et je crois que c'est ce qui a fait reculer le gouvernement.
05:15 - Alors ça, c'est très intéressant, vous avez raison, c'était un combat très intéressant,
05:19 les élus de tous bords, toute la population qui était contre ces gaz de schiste et justement,
05:25 José Bové, j'ai Claudine qui est à Niord dans les Deux-Sèvres, évidemment les Deux-Sèvres,
05:31 on pense à Sainte-Soline, Claudine qui a une question à vous poser, Claudine, bonjour.
05:37 - Oui, bonjour Jean-Louis Bourdin, bonjour M. Bové, moi j'ose plus me dire écolo parce que bon,
05:45 j'ai jamais été revendiqué à ce point-là mais quand même, vous ne pensez pas quand même que la direction que prennent les écolos
05:54 par rapport à ce que vous vous défendiez devient un peu outrancier et déborde un peu sur des choses qui ne sont pas très correctes quelque part ?
06:06 - Trop de violence, vous voulez dire Claudine ?
06:09 - Oui, trop de violence et puis des dérives sectaires qui sont, de mon point de vue, dangereuses.
06:16 - José Bové, c'est intéressant cette question.
06:19 - Écoutez, moi c'est vrai que j'ai été élu pendant dix ans, j'ai siégé au Parlement européen avec le groupe des Verts Européens,
06:26 donc de tous les pays d'Europe, je n'ai personnellement jamais été adhérent du parti écologiste
06:34 dans la mesure où je viens de la société civile et je suis rentré comme syndicaliste,
06:39 néanmoins après, je pense que ce qui est important et qui est le fond du combat des écologistes,
06:46 qu'ils soient en association ou en parti politique, c'est bien la question aujourd'hui du climat, de la biodiversité et du partage de ressources.
06:55 Donc sur ces questions-là qui sont pour moi les questions fondamentales,
06:59 je ne suis pas en désaccord évidemment avec l'Europe Ecologie-Les Verts,
07:04 après chacun peut avoir sur plein de sujets de société des désaccords et moi le premier.
07:10 Ce qui me paraît fondamental aujourd'hui, c'est qu'il faut que tous ceux qui se battent contre le réchauffement pour la biodiversité et le partage des ressources,
07:19 effectivement mènent ce combat et que ce soit ça le combat principal.
07:23 - Oui, est-ce que, par exemple, la violence exprimée à Seine-Saint-Denis, est-ce que vous comprenez, vous soutenez cette...
07:31 Je ne sais pas, il y a des comportements extrêmes, est-ce que ces comportements extrêmes desservent la cause écologiste ?
07:37 - Alors je dirais que dans beaucoup de mouvements aujourd'hui à travers le monde pour de la défense de l'écologie et des sujets que j'ai abordés avant,
07:48 très clairement le mouvement, les mouvements au niveau international sont des mouvements non violents
07:54 qui de plus en plus mettent en œuvre des actions de désobéissance civile.
08:02 Je viens de lire ce matin, tout à fait incroyable, le rapport de Michel Forst qui est le rapport des Nations Unies pour la défense de l'écologie et des mouvements écologiques,
08:16 et il donne une très bonne définition de ce qu'est la désobéissance civile, agir de manière publique, agir de manière non-violente,
08:27 assumer ses actes et y compris assumer les actes et les risques de poursuites judiciaires voire de prison éventuellement.
08:36 Alors je dirais que ça c'est la majorité des mouvements, mais on a un problème aujourd'hui,
08:41 c'est qu'on voit bien l'État qui impose une surenchère dans les forces de l'ordre, la mouvement des forces de l'ordre,
08:51 de manière disproportionnée et face à ça, l'État est légitimé, je dirais, par ceux qui prônent la réaction violente face à la violence de l'État.
09:03 Et là on rentre dans une spirale inter-assemblable.
09:05 Je crois que ce qui est important, c'est que quand on définit une stratégie d'un mouvement contre les bassines,
09:12 parce que je pense que c'est un combat juste, eh bien il faut affirmer que la seule ligne juste et acceptable,
09:19 c'est la non-violence et la désobéissance civile et qu'il ne faut pas accepter cette idée que toutes les tactiques peuvent se mettre en place en même temps.
09:28 Si on est dans une stratégie d'action non-violente, on ne peut pas dire,
09:33 eh bien on accepte aussi que d'autres aient des stratégies d'action violente sur les personnes et de rapport de force
09:39 qui amènent cette situation insupportable qu'on a vu à Seine-Solide,
09:44 où il y a eu à la fois de la violence de certains manifestants et de l'autre côté une utilisation, on va dire, disproportionnée d'armes, grenades, etc.
09:57 Mais d'autres, certaines qui sont classées administrativement comme des armes de guerre.
10:02 Donc je crois que là-dessus, la violence des deux côtés s'auto-alimente et je dirais fait passer au second plan
10:11 le combat fondamental pour le partage de l'eau. Et là, je crois qu'il faut être très clair,
10:16 quand on organise une mobilisation, il faut dire, on refuse de participer à ce qui est plus.
10:23 Il y a une participation, soi-disant, dans des tactiques divergentes et opposées,
10:28 en même temps, ça je crois qu'il faut réaffirmer la force de la non-violence et de la désobéissance civile dans les mobilisations.
10:35 — Est-ce que, José Bové, vous dites par là que la violence de certains extrémistes, activistes extrémistes,
10:41 desserre la cause de l'environnement, de la défense de l'environnement ?
10:46 — Alors je dirais que l'utilisation de cette force contre la force, entre guillemets, de l'État,
10:56 sert, je dirais, plutôt le modèle inverse, c'est-à-dire justifie la logique de l'État,
11:03 plutôt que de poser le problème et de gagner les batailles. Donc je dirais que c'est absolument contre-productif
11:09 et que ça peut amener aussi beaucoup de gens à se poser la question de leur participation
11:15 à des manifestations qui sont populaires et qui réunissent de plus en plus de monde.
11:20 On a déjà vécu la même chose il y a 50 ans, en 1977, contre la construction de la centrale de Tresmalville,
11:28 où il y avait eu malheureusement un mort vital du chalon, et ça avait cassé complètement le mouvement anti-nucléaire à ce moment-là.
11:37 Et je ne voudrais pas aujourd'hui qu'on se retrouve dans cette situation où certains refusent de condamner la violence
11:45 parce que, somme toute, ça ne serait pas bien, ça ne serait pas correct. Non, je crois qu'il faut être très clair
11:51 sur les stratégies de mobilisation, sur les stratégies d'action. Le mouvement doit être non-violent, avisage et couvert,
11:58 on assume, même si on fait des actions illégales, c'est l'objectif de la désolation civile, et c'est reconnu même
12:05 au niveau des Nations Unies comme étant une forme, y compris si on arrache des logements,
12:12 même si on coupe un tuyau, etc., eh bien c'est reconnu aujourd'hui comme des actions qui sont des actions légitimes
12:19 de désobéissance civile. Alors je crois qu'aujourd'hui, ce qui est important, c'est qu'on gagne ces combats
12:24 parce qu'on sait bien que le réchauffement climatique avance de manière inéluctable et qu'il faut lutter
12:30 contre tous ces effets et contre toutes les dérives du modèle industriel.
12:35 - Alors vous continuez à vous battre pour ne pas bouffer de la merde, je le sais, José Bové, mais vous continuez aussi
12:44 à manger de la viande. Je vous dis ça parce qu'il y a aussi tous ces débats avec les spécistes et les antispécistes,
12:51 enfin bon, vous, vous continuez à manger de la viande.
12:54 - Écoutez, moi j'ai toujours été quelqu'un qui essayait de manger le loquat, qui était éleveur, j'étais éleveur,
13:03 je fabriquais du fromage et donc j'ai élevé des agneaux et ces agneaux, évidemment, terminent dans l'assiette,
13:09 c'est-à-dire qu'il n'y a pas de fromage sans agneaux ou sans veau. Donc pour moi, ce débat n'est pas un débat,
13:15 je veux dire que si je suis quelqu'un de végétarien, je ne me pose aucun souci et manger de la viande
13:22 certains jours de la semaine ou à certains repas ne me pose pas de problème puisque je le fais moi-même.
13:27 Mais derrière ce débat, derrière les antispécistes, on a un vrai tableau de combat de société avec une dérive,
13:35 on va dire, totale sur le fait que les gènes se valent en tous les uns les autres, que ce soit ceux d'animaux, d'humains et tout ça,
13:43 on peut à la fois les modifier et à partir de là, eh bien on est sur une forme de génisme et de société artificielle,
13:51 on voit bien ce qui est en train de se faire aujourd'hui avec la viande de synthèse en laboratoire,
13:56 tout ça devient très dangereux. Donc le rapport aux animaux est un rapport fondamental, évidemment la mode d'élevage,
14:04 mais je dirais aussi le rapport à la mort qui dans nos sociétés est complètement évagé.
14:09 Donc je dirais que c'est fondamentalement quelque chose qui est d'un ordre qui n'est pas que philosophique,
14:16 mais qui pose vraiment un rapport de société.
14:19 – Merci beaucoup José Bové, merci d'avoir été avec nous ce matin sur l'antenne de Sud Radio, il est 10h47,
14:28 vous êtes sur Sud Radio, dans un instant nous allons parler de l'eau, de la tarification de l'eau,
14:32 et nous allons partir à Grabel, c'est à côté de Montpellier, rejoindre le maire René Révol,
14:38 qui est vice-président de Montpellier Métropole, délégué à la gestion raisonnée écologique et solidaire de l'eau et de l'assainissement.
14:46 A tout de suite, il est 10h48.