Carburants de synthèse : «L'avantage est que l'on ne touche pas aux infrastructures», estime Florence Delprat-Jannaud

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Florence Delprat-Jannaud, directrice du centre de résultats produits énergétiques à l’IFP Energies nouvelles, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Alors que l'année 2035 devait marquer la fin des voitures thermiques en Europe, l'Allemagne a obtenu le maintien des voitures roulant aux carburants de synthèse.
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00:00 Chut ! Europe 1, il est 6h41. L'année 2035 devait sonner la fin du moteur thermique dans l'Union Européenne.
00:06 Mais l'Allemagne n'est visiblement pas prête à s'en passer après avoir bloqué un vote dès 27 début mars.
00:12 Berlin a obtenu de ses partenaires européens la possibilité de rouler au thermique après 2035, si le moteur est alimenté par des carburants de synthèse.
00:21 Vous en parlez ce matin avec votre invité Alexandre, Florence Del Prajano, directrice du centre de résultats produits énergiques de l'IFP Énergie Nouvelle.
00:29 Bonjour Florence Del Prajano !
00:31 Bonjour !
00:32 Le chancelier allemand Olaf Scholz a finalement obtenu gain de cause, puisque 2035 ne sera pas le règne du 100% électrique,
00:38 il se vendra des voitures neuves thermiques à carburant de synthèse.
00:42 Alors on sait le poids de l'industrie automobile en Allemagne, d'abord qu'est-ce qu'un carburant de synthèse exactement ?
00:48 C'est tout à fait synthétique, un produit en laboratoire.
00:51 Exactement, donc un carburant de synthèse, on parle aussi d'électrocarburant ou d'écarburant pour électrique,
00:59 en fait c'est un carburant qui est produit sans pétrole, donc c'est-à-dire qu'il est produit à partir de CO2, d'hydrogène et d'électricité bas carbone.
01:07 La question est un peu technique, mais qu'est-ce qui permet aux promoteurs des carburants de synthèse d'affirmer que ceux-ci sont neutres en carbone justement ?
01:14 Eh bien tout simplement parce que vous allez produire des carburants de synthèse à partir d'un CO2,
01:22 un CO2 qui va être capté sur des fumées ou dans l'atmosphère,
01:26 et votre carburant bien entendu quand vous allez brûler, il va produire du CO2,
01:32 mais ce CO2 c'est du CO2 que vous avez capté, donc vous êtes dans une démarche d'économie circulaire.
01:37 Transformer l'industrie automobile pour freiner le réchauffement climatique,
01:41 l'ambition d'origine est de décarboner bien sûr cette industrie, de stopper les émissions de carbone responsables de l'effet de serre,
01:48 ça veut dire qu'on peut donc atteindre cet objectif en utilisant ces carburants de synthèse ?
01:54 Bien entendu, vous avez la réglementation qui vous impose,
02:00 et on sait le faire, de produire des carburants de synthèse qui décarbonent à 70% par rapport à leur équivalent fossile.
02:07 Donc les carburants de synthèse en fait ce sont une des solutions parmi un ensemble de solutions,
02:12 et dans ces solutions vous avez l'électrique, vous avez l'hydrogène,
02:16 vous avez les biocarburants produits à partir de biomasse qui permettent de décarboner.
02:20 Donc voilà, c'est une des solutions pour décarboner.
02:23 La question de la décarbonation elle se pose à l'entrée et à la sortie du pot d'échappement, Florence Delprajano,
02:29 quel est l'impact écologique de ces e-carburants par rapport à la batterie d'une voiture électrique ?
02:34 Oui, vous avez raison, il faut considérer non pas uniquement les émissions au pot d'échappement,
02:41 mais les émissions sur l'ensemble de la chaîne.
02:43 Et quand vous considérez les émissions sur l'ensemble de la chaîne,
02:46 c'est ce que j'ai dit tout à l'heure, vous réduisez de 70% les émissions de CO2.
02:50 Les biocarburants, vous arrivez à les réduire de 90%.
02:54 Pour l'électrique, évidemment l'électrique décarbone aussi,
02:57 c'est plus compliqué de donner des chiffres parce que ça va dépendre du mix énergétique en fait.
03:03 En France, on a une électricité qui est décarbonée, vous allez réduire beaucoup les émissions de CO2.
03:08 Si vous allez dans des pays qui font beaucoup appel au charbon,
03:12 vous avez une empreinte carbone qui est quand même un peu plus importante.
03:15 L'avantage de ces carburants du point de vue des industriels,
03:18 c'est qu'ils peuvent être acheminés par les réseaux logistiques existants pour les combustibles fossiles.
03:22 On garde les mêmes infrastructures ?
03:24 Oui, vous gardez les mêmes moteurs, vous gardez les mêmes infrastructures.
03:27 Vos carburants de synthèse, vous pouvez les mélanger à des essences conventionnelles,
03:34 vous pouvez aussi les utiliser purs.
03:38 Donc l'avantage, c'est qu'effectivement, vous ne touchez pas aux infrastructures.
03:41 Vous n'avez pas besoin de mettre des bornes de recharge, des choses comme ça,
03:44 ce sont vos stations essence classiques.
03:46 Le problème, c'est que ces carburants de synthèse pour être reproduits,
03:49 c'est très gourmand en énergie, Florence Delpragiano.
03:52 Est-ce qu'on peut envisager une production à grande échelle ?
03:55 Alors effectivement, le revers de ces carburants, c'est que ça demande beaucoup d'énergie,
04:00 et donc d'énergie décarbonée.
04:02 Donc en fait, l'idée, c'est encore une fois, c'est de ne pas opposer les solutions,
04:06 il ne s'agit pas de remplacer l'électrique ou même de remplacer l'hydrogène,
04:10 il s'agit de produire une solution qui est une solution alternative,
04:14 et on va la mettre en priorité sur les secteurs qui sont le plus difficile à décarboner,
04:20 c'est le secteur aérien, c'est le secteur maritime,
04:23 et puis aussi c'est parfois le routier, notamment le routier longue distance.
04:27 Donc le hick éroséne, puisqu'on parle du carburant d'aviation,
04:31 effectivement, c'est un ballon d'oxygène pour les voitures de luxe.
04:35 En réalité, Florence Delpragiano, des marques,
04:39 de célèbres marques de voitures de sport allemande, italienne,
04:42 voilà l'occasion de continuer à produire des voitures à moteur thermique après 2035.
04:48 Alors ça peut effectivement être vu comme une niche pour ce type de voitures,
04:55 après ce sera à la réglementation de mettre les priorités,
04:58 et encore une fois, les priorités, c'est ce que je vous ai dit tout à l'heure,
05:01 l'aérien, le transport longue distance, le maritime.
05:04 Et l'avantage de ces carburants, effectivement, c'est que...
05:09 Comment dirais-je ? Non, à combien reviendrait un litre de carburant de synthèse à la pompe,
05:13 précisément, Florence Delpragiano ?
05:15 Alors c'est extrêmement difficile de répondre à cette question.
05:19 On va parler d'un facteur 6, à peu près,
05:23 entre le prix d'un carburant conventionnel et le prix d'un e-fuel.
05:29 - Facteur 6 ? Vous dites facteur 6 ?
05:32 - Oui, mais attendez, ce que j'ai envie de vous dire,
05:35 c'est qu'aujourd'hui, on est sur une filière qui n'a pas été déployée.
05:39 Regardez l'éolien, il y a une dizaine d'années,
05:42 les prix étaient quand même pas acceptables.
05:46 Aujourd'hui, on est sur une technologie mature,
05:48 parce qu'elle a été beaucoup subventionnée.
05:51 Il faut absolument que ces technologies soient déployées,
05:54 elles aient leur courbe d'apprentissage, et après les coûts baisseront.
05:58 Mais encore une fois, il y a le prix à la pompe et il y a le prix des infrastructures.
06:01 Vous n'avez pas besoin d'avoir des bonnes recharges, des choses comme ça,
06:06 et les infrastructures, ça a un coût aussi, et ça a un coût aussi pour le citoyen.
06:10 - En tout cas, Factor 6, ça veut dire aujourd'hui un carburant de synthèse à 10 euros le litre,
06:15 à peu près, si je comprends bien.
06:17 Merci Florence Delprajano, directrice du Centre de Résultats Produits Énergétiques
06:22 à l'IFP Énergie Nouvelle, anciennement Institut Français des Pétroles.
06:25 Merci à vous !
06:26 - Je vous remercie !

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