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00:00 *Générique*
00:04 Et aujourd'hui gros plan sur un des temples du savoir, symbole parfois d'une oligarchie à la française.
00:10 Nous allons parler de Sciences Po avec vous Mathias Vichra, bonsoir.
00:13 Bonsoir Olivier Delagarde.
00:14 Vous êtes directeur de cette institution qui compte 15 000 étudiants répartis sur votre site parisien,
00:19 mais aussi dans vos six campus en région.
00:22 Alors commençons par les bonnes nouvelles, selon un classement international de référence,
00:27 vous êtes la troisième meilleure université du monde et la première en Europe
00:32 dans la catégorie sciences politiques et relations internationales.
00:36 C'est important pour vous ce type de classement ?
00:38 C'est très important d'abord parce que c'est un élément de reconnaissance à la fois du travail et de la communauté académique,
00:42 de l'attractivité de Sciences Po à la fois pour les professeurs et les étudiants,
00:46 et ça dit aussi quelque chose de notre internationalisation,
00:48 parce que vous avez parlé d'oligarchie à la française, en fait on est très international, on a 50% d'étudiants internationaux.
00:53 Donc c'est un classement important parce qu'il prend en compte à la fois la puissance académique,
00:59 les citations, les publications, il prend aussi en compte les éléments d'insertion professionnelle,
01:03 et nos étudiants sortent très bien professionnellement,
01:06 on a 90% des étudiants dans les six mois qui trouvent un travail,
01:10 il y a un niveau de salaire moyen qui est très bon,
01:12 et donc c'est un classement qui d'une certaine manière encapsule, reconnaît l'attractivité de notre école,
01:18 donc on ne peut que s'en féliciter.
01:19 Bon c'est important pour les étudiants, c'est important pour les professeurs,
01:22 est-ce que c'est important pour le rayonnement de la France ?
01:24 Je pense que c'est important pour le rayonnement de la France,
01:27 on n'est pas les seules universités à être bien classées,
01:30 il y a d'autres universités notamment dans d'autres domaines,
01:32 je pense que ce qui est important surtout c'est de rappeler que c'est un classement QS,
01:35 donc le classement le plus regardé au niveau des universités,
01:39 parce qu'il permet notamment de segmenter l'impact et l'efficacité en fonction des disciplines.
01:44 Par exemple le classement de Shanghai, si vous n'êtes pas université de sciences,
01:47 parce que les critères c'est le nombre de prix Nobel, de médailles Fields, le nombre d'articles dans Nature,
01:52 vous n'avez pas de chance de rentrer dans Shanghai,
01:54 et Shanghai est un classement qui doit être remis en cause parce qu'il a plein de biais méthodologiques.
01:57 - Bon c'est pas bon au Shanghai quoi.
01:58 - Mais c'est pas seulement pour nous, mais c'est qu'il y a plein de biais.
02:00 Par exemple, Shanghai par ailleurs ne prend pas du tout en compte l'impact au sens écologique,
02:04 ni l'index par exemple sur la liberté académique.
02:06 Et donc du coup, le classement de Shanghai est un classement que même d'ailleurs les universités chinoises
02:12 ont été priées par le gouvernement chinois de sortir de Shanghai.
02:15 Donc QS est un très bon classement, alors je peux vous le dire parce que Sciences Po est bien classée,
02:18 mais c'est un très bon classement.
02:19 Il y a d'autres classements qui sont intéressants comme Time Series du Cajun,
02:22 ça participe aussi effectivement du rayonnement de la France.
02:24 - Alors vous parlez du rayonnement de la France, mais le rayonnement du français.
02:27 Combien y a-t-il encore de cours qui sont en français à Sciences Po ?
02:31 - Alors à Sciences Po, nous avons 50% de français, 50% d'internationaux.
02:36 Nous assumons notre dimension bilingue, c'est-à-dire que vous avez la possibilité
02:40 de venir à Sciences Po comme étudiant étranger sans parler français à l'origine,
02:43 simplement on demande évidemment, étant en France, aux étudiants d'apprendre le français.
02:47 - Et vos profs ?
02:48 - Alors sur les professeurs, l'idée et l'enjeu c'est évidemment d'internationaliser aussi notre corps enseignant.
02:54 Pour l'instant on a 30% d'enseignants, notamment parmi les universitaires, qui sont internationaux.
02:59 Si on est une université internationale, il faut qu'on ait plus de profs internationaux.
03:02 L'idée c'est effectivement d'approfondir le bilinguisme,
03:05 mais par ailleurs on enseigne à Sciences Po 22 langues,
03:08 donc on assume aussi que ce soit du plurilinguisme,
03:10 parce que dans le monde actuel il est très important de parler plein de langues.
03:13 - Et certains de vos profs, et même votre directeur de recherche,
03:16 ne parlent pas français.
03:18 - Si, ils parlent français, vous êtes dur.
03:20 - Ah non, vous avez dit qu'on avait besoin d'un traducteur.
03:22 - Non, non, non, ils parlent très bien français.
03:24 - Un petit mot du conflit social que nous vivons en ce moment, Mathias Vichra,
03:28 sur vos campus de Reims, Nancy, Poitiers, des étudiants de Sciences Po ont bloqué leur université.
03:34 C'est quelque chose que vous acceptez ?
03:36 - Moi je pense qu'il y a un équilibre à trouver entre la libre expression d'une contestation sociale,
03:42 qui peut concerner les étudiants, comme les salariés,
03:45 et c'est normal dans une démocratie,
03:47 et en même temps, pour une université comme la nôtre, une forme de continuité des services.
03:51 Et donc je suis en dialogue avec les étudiants, je les ai reçus encore il y a deux jours,
03:55 on est en discussion, il va y avoir une assemblée générale qui va voter toute une série de dispositions
04:00 en lien avec des négociations qu'on a menées.
04:02 Moi je suis pour le dialogue, simplement,
04:05 et j'assume par exemple d'avoir été dans une logique plus coercitive,
04:08 quand il s'est agi de vouloir bloquer des examens, samedi dernier,
04:12 j'ai demandé à ce qu'il y ait une présence préventive de la police pour empêcher ce blocage.
04:16 Car il faut aussi qu'il y ait une logique de continuité.
04:19 - Donc on peut bloquer l'université, mais pas les examens ?
04:21 - Non, c'est pas ce que j'ai dit.
04:22 C'est que il peut y avoir une contestation, un peu,
04:26 il peut y avoir une contestation un peu,
04:28 d'ailleurs la contestation et les blocages n'ont pas concerné l'ensemble de la journée,
04:32 parce qu'il y avait des discussions pour qu'à un moment le blocage soit levé,
04:34 je pense notamment au campus de Paris, où les blocages étaient levés autour de midi.
04:38 Après, pour moi, il y a une question de mesure et d'équilibre.
04:41 Il peut y avoir une contestation, mais il y a aussi une nécessité de continuité,
04:44 ce que j'ai dit aux étudiants...
04:45 - On sent bien que vous marchez sur des oeufs et on comprend bien pourquoi.
04:48 Il y a des sanctions qui sont prises aujourd'hui contre les étudiants bloqueurs ?
04:51 - Non.
04:52 Non, il n'y a pas de sanctions, parce que moi j'ai alerté notamment
04:55 sur le fait que pour ce qui était des examens, par exemple,
04:58 j'assumais le fait qu'il y aurait des sanctions administratives
05:00 si le jour des examens, les examens étaient bloqués.
05:03 Par ailleurs, sur les différents campus,
05:06 nous sommes en discussion,
05:07 et j'ose espérer, j'espère,
05:09 que la discussion va aboutir au fait qu'il n'y aura plus de blocage sur les campus
05:13 parce que nous aurons avancé dans les discussions.
05:15 - Vous êtes une école, quand même, par la force des choses extrêmement politiques.
05:19 Comment est-ce que s'est vécu en interne ce conflit social ?
05:23 - On est une école très politique, mais c'est politique avec un S,
05:27 parce que c'est sciences politiques avec un S, c'est pas seulement la politique.
05:30 Nous, ce que l'on souhaite, c'est faire de notre école
05:33 un lieu de discussion, de débat,
05:35 donc aussi un lieu de pluralisme.
05:37 Il ne peut pas y avoir simplement une idée,
05:39 une pensée qui s'impose,
05:41 il faut qu'il y ait du débat.
05:42 Et c'est la raison pour laquelle il y a eu des débats, des conférences sur les retraites à Sciences Po,
05:46 il y en aura encore, parce que moi je souhaite que les différents points de vue,
05:49 les différentes positions, les différentes convictions puissent s'exprimer.
05:53 Donc nous sommes avant tout une forme d'agora,
05:55 une forme de forum,
05:57 qui permet à un débat de s'exercer.
05:59 Et je pense qu'on a besoin d'une éthique du débat.
06:01 On est quand même dans un moment où c'est plutôt de la cacophonie, de manière générale,
06:05 qu'un vrai dialogue,
06:06 et il est sain,
06:07 et nous on a un peu cette immodestie-là de penser qu'il y a des lieux,
06:10 et Sciences Po en fait partie, et d'autres universités peuvent en faire partie,
06:13 et d'autres sénacles peuvent en faire partie,
06:16 où il faut ramener ça à des éléments rationnels.
06:19 Et donc nous souhaitons jouer ce rôle,
06:20 à la fois auprès des étudiants, avec les professeurs, mais aussi avec la société civile.
06:23 - Un dernier mot, vous avez succédé il y a tout juste deux ans à Frédéric Pignon,
06:27 emporté par le tourbillon de l'affaire du Hamel,
06:30 rappelons que celui qui était président de la Fondation Nationale des Sciences Politiques
06:34 a été dénoncé par sa belle-fille,
06:36 comme violeur de son frère jumeau,
06:38 ça a été dur de redonner de la sérénité à Sciences Po, après toute cette affaire ?
06:43 - D'abord, les fondamentaux de Sciences Po
06:46 n'ont jamais été atteints, même pendant la crise.
06:48 Les fondamentaux c'est l'attractivité,
06:50 c'est-à-dire le nombre d'étudiants, de candidats qui se présentaient,
06:52 et l'attractivité pour les différents professeurs.
06:54 En revanche, la réputation a évidemment été atteinte.
06:57 Ce que l'on a fait, collectivement,
06:59 parce que ce n'est pas moi seulement quand je suis arrivé,
07:01 c'est qu'il y a eu un renouvellement de la gouvernance,
07:03 assez large,
07:04 un renouvellement aussi d'une forme de méthode,
07:06 c'est-à-dire d'association beaucoup plus forte
07:08 des étudiants, des salariés, des professeurs,
07:10 et d'une certaine manière, moi je peux vous dire
07:12 que quand je parle à des donateurs,
07:14 quand je parle aux professeurs, quand je parle aux étudiants,
07:16 ils ne me parlent plus du tout,
07:18 plus du tout de cette crise.
07:20 Ce dont on parle, ce sont les classements,
07:22 le fait que ce soit le troisième... - Mais il n'y a plus que j'en avais une liste de France Info
07:24 qui vous en parle. - Les classements,
07:26 les troisièmes au niveau
07:28 international, vous l'avez dit, pour QS
07:30 en sciences politiques et relations internationales,
07:32 ça c'est une information importante. - Merci à vous
07:34 Mathias Wischra, directeur de Sciences Po,
07:36 merci d'avoir été l'invité de l'écho ce soir.
07:38 - Merci à vous.