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INTERVIEW - À l’heure où les tensions s’enveniment entre les Grecques et les Britanniques, l’historienne Virginie Girod reçoit l’archéologue François Queyrel. Depuis son indépendance en 1821, la Grèce demande au Royaume-Uni la restitution des frises du Parthénon, qui sont exposées et conservées au British Museum, à Londres. Malgré les désaccords, le gouvernement britannique ne souhaite pas rendre ses frises. Et pourtant, selon un sondage YouGov de 2021, 55% des Britanniques étaient favorables au retour sur les terres grecques des frises et statues du Parthénon. Pour François Queyrel “ La demande de restitution est évidente aux yeux des Grecques : le Parthénon représente la période faste de l’Histoire de la Grèce”. Mais quelle est l’histoire de cet édifice ? Comment est-il tombé dans les mains des Britanniques ? Quelles sont les arguments des deux pays pour démontrer leur légitimité ? Eléments de réponse dans l’interview du vendredi consacrée à la restitution du Parthénon. “Au cœur de l’Histoire” est une production Europe 1 Studio.
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INTERVIEW - À l’heure où les tensions s’enveniment entre les Grecques et les Britanniques, l’historienne Virginie Girod reçoit l’archéologue François Queyrel. Depuis son indépendance en 1821, la Grèce demande au Royaume-Uni la restitution des frises du Parthénon, qui sont exposées et conservées au British Museum, à Londres. Malgré les désaccords, le gouvernement britannique ne souhaite pas rendre ses frises. Et pourtant, selon un sondage YouGov de 2021, 55% des Britanniques étaient favorables au retour sur les terres grecques des frises et statues du Parthénon. Pour François Queyrel “ La demande de restitution est évidente aux yeux des Grecques : le Parthénon représente la période faste de l’Histoire de la Grèce”. Mais quelle est l’histoire de cet édifice ? Comment est-il tombé dans les mains des Britanniques ? Quelles sont les arguments des deux pays pour démontrer leur légitimité ? Eléments de réponse dans l’interview du vendredi consacrée à la restitution du Parthénon. “Au cœur de l’Histoire” est une production Europe 1 Studio.
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NewsTranscription
00:00 Bienvenue au cœur de l'histoire dans les interviews du vendredi.
00:03 Je suis Virginie Giraud.
00:04 Ça fait 200 ans que la Grèce demande la restitution des frises et des sculptures
00:09 du Parthénon exposés au British Museum à Londres.
00:13 Début février, le gouvernement britannique a rejeté cette idée,
00:16 alors que 55% des Britanniques sont favorables à sa restitution
00:21 selon une étude YouGov de 2021.
00:23 Bonjour François Querelle.
00:25 Bonjour Virginie Giraud.
00:26 Vous êtes archéologue, spécialiste de la Grèce antique
00:30 et directeur d'études en archéologie grecque à l'EPHE
00:33 et à l'université Paris Sciences et Lettres.
00:35 Vous êtes aussi l'auteur du Parthénon,
00:38 un monument dans l'histoire paru en 2020 aux éditions Barthilla.
00:42 François Querelle, avant de revenir sur l'histoire des négociations tendues
00:46 entre la Grèce et le Royaume-Uni,
00:47 pouvez-vous nous rappeler ce qu'est le Parthénon
00:50 et dans quel cadre il a été construit ?
00:52 Alors le Parthénon est un monument en marbre qui se trouve à Athènes.
00:57 Ceux qui ont visité ou qui ont vu des photographies le situent parfaitement.
01:00 Et de ce point de vue là, c'est le monument de l'Athènes classique.
01:05 Ce qu'on appelle l'Athènes classique, c'est ce qu'était Athènes
01:10 au milieu, au cinquième siècle avant Jésus-Christ.
01:12 C'est la période la plus faste pour cette cité grecque.
01:17 La cité est un état et c'est une période qui coïncide
01:22 avec le siècle de Périclès.
01:25 Périclès était l'homme politique qui dominait Athènes à ce moment là.
01:29 Athènes étant le modèle d'une démocratie antique.
01:32 Et Périclès a mis en chantier, a poussé ses concitoyens
01:37 à construire le Parthénon, donc ce monument sur l'Acropole,
01:41 dans un programme de restauration de ce qui était le sanctuaire
01:46 de la divinité de la cité, qui était Athéna, donc la protectrice de la cité.
01:51 Et l'Acropole avait été dévastée une trentaine d'années plus tôt,
01:56 en 480, par l'ennemi perse qui avait pris Athènes
02:01 et pour pas longtemps, mais avait eu le temps d'incendier
02:05 complètement tous les temples et de détruire tout ce qui se dressait
02:08 sur l'Acropole.
02:09 Donc le Parthénon, c'est le premier de ces monuments qui marque
02:13 une trentaine d'années après la renaissance de la cité
02:17 et une renaissance de la cité qui veut remercier sa déesse
02:21 parce que la paix venait d'être conclue avec la Perse.
02:24 Donc la ville n'est plus en guerre et elle veut consacrer
02:29 sa prospérité retrouvée, veut consacrer également les finances
02:33 de ses alliés qui n'ont plus à être utilisés pour financer
02:36 l'effort de guerre contre les Perses.
02:37 Elle veut utiliser toute cette masse d'argent pour honorer
02:41 sa divinité dans la ville même, sur l'Acropole, donc cette citadelle
02:46 qui domine la ville.
02:48 C'est un très grand sculpteur d'ailleurs qui supervise le chantier,
02:51 si j'ai bonne mémoire.
02:52 Tout à fait.
02:52 Pericles, en effet, fait appel à Phidias qui est, dans l'Antiquité,
02:58 le modèle du sculpteur.
02:59 C'est un petit peu l'artiste presque universel qui est à la fois
03:03 sculpteur à la tête d'un atelier.
03:05 Évidemment, ce n'est pas lui qui va sculpter l'ensemble des sculptures
03:09 du Parthénon, mais il est aussi maître d'œuvre.
03:13 Il suit également l'ensemble du chantier et cela se fait
03:17 en finalement un laps de temps assez réduit, puisque en une dizaine
03:22 d'années, le Parthénon est terminé.
03:25 Il faut attendre encore six ans pour que les figures des frontons
03:29 soient mises en place.
03:30 Mais voyez, en une dizaine d'années, quinzaine d'années maximum,
03:34 la ville arrive à reconstruire ce qui n'est pas, pour en parler,
03:39 le temple d'Athéna.
03:41 C'est une offrande, c'est-à-dire c'est un bâtiment qui est destiné
03:45 à abriter une statue colossale qui était en or et en ivoire.
03:50 La fameuse statue Crise éléphantine d'Athéna.
03:53 Exactement.
03:54 Alors, Crise éléphantine, tout simplement parce qu'elle était
03:56 en or pour les vêtements, crussos, l'or, et elle était en ivoire
04:03 pour les parties nues, c'est-à-dire le visage, les mains, les pieds.
04:06 Et elle tenait d'ailleurs dans sa main une statue plus petite qu'elle,
04:11 mais qui représentait la victoire et qui était en or massif.
04:15 Alors que l'Athéna elle-même avait des plaques d'or qui recouvraient
04:19 ses vêtements.
04:20 La figure était en bois recouvert, du bois recouvert d'or.
04:24 Et alors, ces fameuses frises du Parthénon, où se trouve-t-elle
04:27 dans le bâtiment ?
04:28 Qu'est-ce qu'elles représentent ?
04:29 Alors, ce qu'on appelle les frises du Parthénon, en fait, ce sont
04:32 les sculptures du Parthénon.
04:34 Il y a deux frises et les figures des frontons.
04:37 Donc, il y a deux frontons, bien évidemment.
04:39 L'avant et l'arrière du bâtiment.
04:42 Qui sont ornées de figures très dégagées du fond.
04:45 D'ailleurs, on a presque l'impression que ce sont des statues
04:48 indépendantes, mais qui sont posées et qui appartiennent donc
04:53 visiblement de loin sur les deux frontons, comme vous l'avez dit,
04:56 l'arrière et l'avant.
04:57 L'arrière qu'on voit en premier.
04:58 Et il y a deux frises supplémentaires, c'est-à-dire une
05:03 qui est attendue dans un bâtiment qu'on appelle de style dorique,
05:07 d'après la forme des colonnes, et qui se compose d'une frise où
05:11 il y a des panneaux carrés, en gros, qui sont séparés les uns
05:14 des autres par des rainures.
05:16 - Des triglyphes.
05:17 - Les rainures qu'on appelle les triglyphes et les panneaux
05:20 quadrangulaires s'appellent des méthopes.
05:22 Et ces méthopes portent des figures sculptées en bas-relief
05:26 également, deux ou trois.
05:29 Ce sont quand même de grands tableaux visibles en hauteur,
05:32 au-dessus des colonnes, de l'extérieur.
05:34 Et il y a une originalité qui ne se trouve que dans le Parthénon,
05:38 c'est-à-dire qu'il y a une deuxième frise, à peu près au même niveau,
05:42 mais sous la colonnade, donc à l'ombre, toujours en hauteur,
05:46 et qui est une frise continue, c'est-à-dire il n'y a pas
05:50 d'interruption, il n'y a pas de triglyphes là.
05:53 On suit un mouvement continu qui part d'un angle du bâtiment
05:57 et les deux parties convergent vers une scène centrale
06:02 qui se trouve du côté est, puisque l'orientation est vers l'est.
06:06 - Alors le Parthénon a continué à être utilisé après l'Antiquité,
06:09 il est devenu une église, puis une mosquée.
06:12 Est-ce que vous pouvez nous résumer en quelques mots l'histoire
06:14 de ce monument ?
06:15 - Oui, c'est un monument qui finalement était très bien conservé.
06:19 Sa transformation en église, puis en mosquée, a permis en effet
06:24 de garder les murs, de garder l'essentiel du bâtiment.
06:28 Quand il a été transformé en mosquée, lorsque les Turcs ont pris Athènes
06:32 au milieu du 15e siècle, il a été doté d'un minaret,
06:35 mais un minaret qui n'a pas endommagé le bâtiment,
06:38 qui a été un ajout.
06:39 Quand il a été transformé à la fin de l'Antiquité en église,
06:43 il a été un petit peu modifié, c'est-à-dire qu'on a fait
06:46 l'abside de l'église en ouvrant un petit peu le fronton est.
06:52 Là, il y a eu une adaptation et également, il y a eu
06:57 quelques dégradations du point de vue des sculptures sur les frises,
07:00 puisque les chrétiens voyaient dans certaines de ces figures des démons.
07:04 Et donc, certaines figures ont été martelées et ont été,
07:07 de ce point de vue-là, effacées.
07:09 Mais disons qu'en gros, lorsque au 17e siècle, le Parthénon a été vu
07:15 par un ambassadeur français de Louis XIV, qui était accompagné
07:19 d'un dessinateur, le monument était le mieux conservé d'Athènes,
07:23 peut-être et même de l'ensemble des monuments classiques.
07:27 Et puis, en 1816, le gouvernement britannique et son musée,
07:31 le British Museum, font l'acquisition de la majorité des fragments
07:34 de la frise du Parthénon.
07:36 François Querelle, comment expliquer que ces frises sont tombées
07:39 dans les mains des Britanniques ?
07:40 Alors, on sait que Lord Elgin, qui a laissé un mauvais souvenir,
07:46 disons, pour la conservation du monument, Lord Elgin était
07:50 le nouvel ambassadeur de la Grande-Bretagne à Constantinople.
07:53 En 1800, il est arrivé et il a voulu constituer une collection,
07:59 mais d'abord une collection de modèles, c'est-à-dire qu'il a voulu,
08:03 pour ses compatriotes et également pour l'intérêt de l'industrie
08:08 des arts décoratifs anglaises, fournir des modèles qui étaient
08:12 pris aux meilleures sources.
08:13 Et bien évidemment, le Parthénon, de ce point de vue-là, était
08:17 l'idéal qui, à cette époque où l'art néoclassique était
08:21 dominant, c'était vraiment le monument de référence.
08:24 Donc, il a voulu obtenir du Sultan, lui-même était à Constantinople,
08:29 donc il avait accès évidemment aux autorités ottomanes.
08:32 Parce que la Grèce est dans l'orbite ottomane à ce moment-là.
08:35 La Grèce, à ce moment-là, n'est pas indépendante.
08:37 La Grèce dépend de l'Empire ottoman depuis la conquête par les Turcs
08:42 au 15e siècle.
08:43 Et sauf une petite partie dans les îles, ça s'est passé davantage
08:48 au début du 18e siècle, mais disons que l'ensemble de la Grèce
08:50 actuelle est un des éléments qui sont contrôlés
08:54 par l'Empire ottoman.
08:56 Donc, l'origine intervient auprès des autorités à Constantinople
09:00 pour obtenir une autorisation, mais une autorisation qui consiste
09:05 à permettre à ses envoyés, il avait recruté en partant pour
09:09 Constantinople des Italiens, notamment une petite équipe
09:13 qu'il avait envoyée à Athènes.
09:14 Et cette petite équipe veut dessiner et mouler, obtenir des moulages
09:20 pour les envoyer en Grande-Bretagne, qui devraient servir à développer
09:24 le goût pour les arts et également à permettre à l'industrie
09:27 d'avoir des modèles qui pourront être reproduits pour la céramique
09:31 wedgewood, etc.
09:32 Il y avait vraiment une demande de modèles tirés d'un monument
09:38 comme le Parthénon.
09:39 Donc, a priori, ils viennent pour faire des moulages,
09:41 pas pour voler les frises.
09:42 Oui, au départ, les envoyés d'Algine sont chargés de cela.
09:46 Mais sur place, il faut voir ce qu'était Athènes.
09:49 Athènes était un tout petit village.
09:51 C'était un village où il y avait deux grandes composantes
09:54 de la population.
09:55 Sur l'acropole, c'était la citadelle.
09:57 Elle était complètement fermée.
09:58 C'était une forteresse et où se trouvait la garnison turque
10:03 avec femmes et enfants.
10:04 Donc, c'était vraiment une partie où on ne pouvait pas pénétrer sans
10:08 autorisation particulière.
10:10 Et en contrebas, il y avait le petit village grec, peuplé
10:13 forcément par des Grecs.
10:14 Et donc, dans ce contexte, les envoyés d'Algine trouvent
10:20 les portes closes.
10:21 On leur refuse l'entrée.
10:22 On les laisse peut-être rentrer une fois, mais après,
10:24 le commandant de la forteresse leur interdit de revenir.
10:27 Et les beaux-parents d'Algine, qui étaient venus avec son chaplain
10:31 voir comment ça se passait, sont catastrophés.
10:34 Tout le monde écrit à Algine en disant que la situation
10:37 n'est pas tenable et qu'il faut absolument que ces envoyés,
10:41 qu'ils payent de ses propres deniers et ses autorisations,
10:44 parce que sinon, c'est un investissement perdu
10:47 complètement.
10:48 Et Algine, avec l'aide de son chaplain qui est venu le
10:51 retrouver, lui a raconté ce qui se passait, intervient dans un
10:55 contexte qui est très favorable pour les Anglais.
10:57 En effet, l'Empire ottoman dominait toute la partie
11:02 orientale de la Méditerranée et notamment l'Égypte.
11:05 Et en Égypte, il y avait eu l'expédition d'Égypte
11:09 de Bonaparte qui avait entraîné un état de guerre entre
11:13 la France révolutionnaire, du Directoire et
11:16 l'Empire ottoman.
11:17 Donc, la Grande-Bretagne est évidemment aussi en guerre et se
11:20 trouve alliée de l'Empire ottoman.
11:22 Donc, l'autorisation est obtenue et c'est une autorisation
11:27 ambiguë, c'est-à-dire que Algine demande,
11:32 grâce à son chaplain, l'autorisation de faire des
11:35 dessins, de faire des moulages, mais aussi d'enlever
11:38 des pierres.
11:39 Et on ne connaît de cette autorisation que la traduction
11:43 italienne que l'ambassade de Grande-Bretagne a fait
11:47 faire.
11:48 On n'a pas du tout la version qui était un brouillon,
11:51 en fait, qui normalement devait exister pour une
11:53 autorisation officielle dans l'Empire ottoman,
11:56 qui portait le nom de firmand.
11:58 L'autorisation portait le nom de firmand et en principe,
12:01 on devrait, si les archives ont été bien tenues,
12:05 retrouver le brouillon qui a permis de faire ce firmand
12:08 dans des archives à Istanbul actuellement.
12:11 Et donc, c'est là qu'il prélève des morceaux des frises,
12:14 voire la quasi-totalité des frises ?
12:16 Alors, la situation a évolué encore plus en faveur d'Elgin
12:21 et du dessin de prendre le maximum de ce qu'il peut,
12:24 puisque donc on est en 1801 quand ce firmand arrive
12:30 au commandant de la forteresse.
12:32 Et le commandant de la forteresse venait juste de changer.
12:35 C'est son fils qui a pris sa place et il cède complètement
12:39 aux demandes.
12:40 Disons que l'occasion fait le larron.
12:43 Le chaplain, les envoyés d'Elgin vont sur l'acropole
12:47 et puis il commence à se dire que ce serait quand même bien
12:50 de prendre sur le monument lui-même des éléments sculptés
12:55 pour la collection d'Elgin.
12:56 Comment elles arrivent au British Museum une fois qu'Elgin
12:59 est en sa possession ?
12:59 Elgin fait embarquer ses sculptures bien emballées.
13:04 Il s'empare aussi d'une karyatide, c'est-à-dire une statue-colonne
13:07 d'un bâtiment voisin qui est à côté du Parthénon,
13:10 de la tribune des karyatides.
13:11 Donc il fait emballer toutes ces trouvailles, si l'on peut dire,
13:14 prélevées sur des monuments, bien soigneusement.
13:17 Mais il a quand même une petite déception.
13:20 Il y a un de ses bateaux qui est sombre et donc il doit financer
13:24 également des plongeurs pour récupérer les morceaux.
13:28 Donc tout finit en transitant par Malte, par arriver en Grande
13:33 Bretagne, à Londres.
13:34 Et là, Elgin est à la tête d'une très belle collection,
13:37 mais qui est une collection privée.
13:39 La situation reste dans cet état jusqu'en 1816.
13:44 En 1816, on est après Waterloo.
13:46 Donc l'Empire en France a été remplacé par la monarchie
13:50 de Louis XVIII.
13:51 C'est à perdre la restauration.
13:52 Et la Grande Bretagne est quand même le pays qui a tiré le plus de
13:56 bénéfices de cette victoire.
13:58 Si bien que du point de vue des Anglais, il fallait faire un beau
14:02 musée à Londres qui présente de très belles collections.
14:06 Il y en avait évidemment, mais pas au point de pouvoir rivaliser
14:11 avec les musées de Rome, par exemple.
14:14 Et Elgin, de son côté, à la tête de sa collection, avait connu
14:17 des revers de fortune.
14:18 L'argent lui venait par sa femme et il avait divorcé.
14:23 Donc il se trouvait un petit peu acculé.
14:26 Il fallait absolument avoir de l'argent.
14:28 Et à ce moment là, il propose la vente de ses sculptures
14:32 au gouvernement anglais.
14:34 C'est pour le musée national, le British Museum.
14:37 Et à Londres, on a donc au British Museum, à la suite de
14:41 cette acquisition, une bonne partie, pas tout, mais une bonne
14:45 partie des sculptures du Parthénon.
14:46 Les frises y sont protégées, bien conservées.
14:50 Elles sont accessibles à un large public.
14:52 Pourquoi les Grecs veulent-ils les récupérer aujourd'hui ?
14:54 Alors, du point de vue des Grecs, évidemment, je vous avais dit
14:58 que Athènes était, lorsque le Parthénon a été construit,
15:01 au fait de sa puissance dans l'Antiquité.
15:04 Et du point de vue des Grecs, c'est la période faste
15:08 de la Grèce, même si la Grèce n'était pas du tout composée
15:12 du point de vue politique, comme actuellement.
15:15 Ce n'était pas un État uni, mais il y avait des cités-États
15:18 qui se disputaient l'hégémonie.
15:20 Mais Athènes dominait la mer Égée, n'avait qu'une rivale,
15:24 la Sparte.
15:25 Donc, du point de vue de l'histoire, c'est un grand
15:28 moment de l'histoire des Grecs.
15:29 Et pour les Grecs, c'est d'autant plus important d'un point
15:32 de vue très large.
15:34 Que la Grèce, finalement, à partir du 15e siècle,
15:37 jusqu'au moment de la guerre d'indépendance grecque qui a
15:40 éclaté en 1821, est sous domination étrangère et vraiment
15:45 d'une domination assez rude.
15:46 Il y a eu, évidemment, dans la guerre entre les Grecs
15:50 et les Turcs, entre 1821 et 1832, évidemment, des épisodes
15:56 particulièrement barbares.
15:58 Mais il y en avait déjà eu auparavant.
16:00 Au début du 19e siècle, des villages étaient massacrés,
16:04 donc il y avait vraiment une occupation assez violente,
16:07 disons, du pays.
16:08 Et la Grèce, devenant indépendante, bien évidemment,
16:13 se retourne vers son passé le plus glorieux, qui est le 5e
16:17 siècle avant Jésus-Christ à Athènes.
16:18 Et donc, dès l'indépendance grecque à partir de 1833,
16:22 il y a un roi qui est mis en place, un roi d'une dynastie
16:25 étrangère allemande, mais qui devient le roi
16:28 du royaume grec.
16:29 Et à ce moment-là, il est question d'ériger, de lui faire
16:33 un palais.
16:34 Et il y a un architecte allemand qui avait eu l'idée,
16:36 fort heureusement, et qui n'a pas été suivi des faits,
16:39 de construire le palais du roi sur l'Acropole.
16:41 Fort heureusement, ça n'a pas été fait.
16:43 Et assez rapidement, on s'est rendu compte que ces monuments
16:47 demandaient à être conservés, à être restaurés.
16:50 Et donc, dans la deuxième partie du 18e siècle, il y a eu des
16:53 fouilles extensives sur le plateau de l'Acropole,
16:56 avec des découvertes spectaculaires.
16:57 Et on a privilégié donc ce monument, un peu comme le
17:01 symbole de la fierté, si l'on peut dire, de la Grèce retrouvée.
17:05 Et au 20e siècle, la question du retour de ce qu'on appelle
17:10 les marbes du Parthénon a été évoquée en particulier et
17:14 resurgit en particulier à partir du moment où Mélina
17:17 Mercouri, qui était l'actrice bien connue par ailleurs,
17:20 est devenue ministre de la Culture.
17:23 Elle a un petit peu fait de cette demande de retour des marbes
17:27 du Parthénon le symbole de sa politique, demandant que la
17:33 Grèce récupère ce qui était grec.
17:36 Et pourquoi l'Angleterre refuse ?
17:39 Alors, du point de vue de la Grande-Bretagne, il y a
17:41 évidemment différents aspects qui peuvent être considérés.
17:45 Un premier aspect, c'est de considérer que le musée
17:49 britannique a acheté pour une somme donnée.
17:53 Enfin, on a tous ces éléments.
17:55 À la suite d'une enquête du Parlement, une enquête qui
17:59 avait une série d'auditions, donc qui s'est faite dans la
18:02 plus parfaite légalité.
18:04 Même si l'enquête est très ancienne, vous voyez, 1816,
18:07 le fait de désavouer les résultats de cette enquête en
18:11 reconnaissant que c'était un bien mal acquis, déjà,
18:14 est un petit peu difficile et paraît difficile.
18:17 En revanche, il y a une évolution, si l'on peut dire,
18:21 dans cette présentation.
18:23 Il y a des arguments de part et d'autre.
18:25 Les Grecs disent actuellement, depuis la construction d'un
18:28 grand musée en contrebas de l'Acropole, qu'ils ont les
18:31 moyens de présenter.
18:32 Parce que c'est vrai qu'avant la construction de ce musée,
18:35 il n'y avait pas d'espace suffisant pour accueillir
18:38 cet ensemble.
18:39 Donc, on voit que les deux pays ont de très bons arguments.
18:41 Et vous, en une phrase, en tant qu'historien de l'art,
18:44 François Querelle, est-ce que vous, vous avez un avis
18:46 tranché sur la question ?
18:47 Alors, pour prendre position pour ou contre, d'un point de
18:52 vue très extérieur, c'est un problème qui est lié quand même
18:56 à l'accessibilité à ces collections pour le public,
18:59 qu'il soit grec, qu'il soit anglais, qu'il soit français,
19:03 qu'il soit d'autres pays.
19:04 Alors, est-ce qu'il est plus facile d'aller à Londres que
19:07 d'aller à Athènes ?
19:08 Vous voyez, ça, c'est à chacun de se poser la question.
19:11 Au bout du compte, c'est très égoïste, vous me direz,
19:13 parce que là, on ne considère pas du tout le point de vue de
19:16 la justice qu'il faudrait rétablir ou le point de vue
19:19 de la propriété.
19:20 Mais on se place d'un point de vue personnel, d'un point de
19:22 vue de spécialiste, si l'on peut dire, de sculpture.
19:25 Ce qui est important, c'est que les sculptures
19:26 soient bien conservées.
19:27 Eh bien, nous allons laisser nos auditeurs se faire un avis sur
19:30 la question grâce à tous les arguments que
19:32 vous nous avez donnés.
19:33 Merci, François Querelle, pour cet éclairage qui nous permet
19:36 d'y voir plus clair sur le plus grand monument
19:38 de l'Acropole.
19:39 Je rappelle que votre dernier ouvrage,
19:41 "La belle époque des collectionneurs d'Antiques
19:43 en Europe", est paru aux éditions Hermann.
19:46 Merci à tous nos auditeurs de nous avoir écoutés.
19:48 Au cœur de l'histoire est un podcast original,
19:50 Europe 1 Studio.
19:51 A bientôt sur votre plateforme d'écoute favorite.
19:54 Sous-titrage Société Radio-Canada
19:56 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org