Motion de censure : la charge de Charles de Courson contre le gouvernement

  • l’année dernière
Le député Charles de Courson (groupe Liot) a appelé lundi à la tribune de l'Assemblée au vote d'une motion de censure transpartisane pour s'opposer à un "déni de démocratie" et des "injustices", et rejeter ainsi la réforme des retraites.

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Transcript
00:00 Le groupe Lyott a pris l'initiative de cette motion de censure
00:03 parce que nous défendons plusieurs valeurs
00:05 qui sont attaquées par ce texte sur les retraites.
00:09 Nous défendons une nation française décentralisée politiquement,
00:12 mais aussi socialement.
00:15 Nous défendons une société solidaire
00:16 qui aide chaque citoyen à trouver sa place,
00:19 une République sociale telle qu'elle est inscrite
00:21 dans notre Constitution.
00:23 Nous défendons aussi une société libre
00:26 qui permet à chacun de choisir sa vie,
00:28 y compris le moment de sa retraite.
00:31 Au début de l'examen du projet de loi sur les retraites,
00:36 nous avons parlé de déni de démocratie.
00:39 Depuis, le gouvernement a usé de toutes les manoeuvres possibles
00:42 pour contourner et contraindre le débat parlementaire
00:45 pour tordre les procédures.
00:47 L'Assemblée nationale, seule représentante du peuple français,
00:52 n'aura jamais voté sur ce projet de loi
00:54 qui cristallise les tensions, les inquiétudes
00:57 et la colère de nos concitoyens.
01:00 Je veux...
01:01 (Applaudissements)
01:02 (...)
01:06 Je veux insister sur la gravité de cet instant.
01:10 Notre décision de déposer une motion de censure
01:12 n'a pas été prise à la légère.
01:14 Notre égroupe vous avait mis en garde
01:16 contre la tentation de passage en force.
01:19 Dès l'automne, nous avons appelé à de vraies négociations
01:23 avec les partenaires sociaux.
01:25 Nous avons appelé à une grande conférence sociale
01:27 sur le travail et le financement du système de retraite.
01:30 Nous avons toujours joué le jeu de l'écoute et du dialogue.
01:34 Notre groupe n'a d'ailleurs pas voté jusqu'à ce jour
01:36 les précédentes motions de censure.
01:39 Nous avons pris toute notre part pour éviter de fracturer notre pays
01:42 plus qu'il ne l'est déjà.
01:45 Mais ce texte a marqué la mort des engagements
01:48 pris en juillet dernier.
01:50 Madame la Première ministre,
01:52 relire aujourd'hui votre discours de politique générale
01:55 est cruel.
01:57 Je vous cite.
01:58 "Nous mènerons pour chaque sujet une concertation dense.
02:02 Nous aborderons chaque texte dans un esprit de dialogue,
02:06 de compromis et d'ouverture."
02:08 Eh bien, vous avez échoué à rassembler,
02:12 vous avez échoué à convaincre.
02:14 Alors vous avez cédé à la facilité et évité la sanction du vote.
02:18 (Applaudissements)
02:21 (...)
02:27 D'autant qu'en réalité, rien ne vous obligeait au 49-3.
02:31 Le courage, le respect des institutions,
02:34 le respect de vos engagements auraient dû conduire au vote.
02:37 Nous voulions voter.
02:38 Même les groupes de la majorité voulaient voter.
02:42 Ce vote, vous l'auriez très probablement perdu.
02:45 Mais c'est la règle en démocratie.
02:47 (Applaudissements)
02:50 (...)
02:56 Madame la Première ministre,
02:58 vous avez décidé d'engager votre responsabilité.
03:01 Eh bien, nous, nous avons décidé de prendre les nôtres
03:03 avec cette motion de ceinture.
03:05 Et pour la déposer, nous avons reçu le concours
03:08 de nombreux députés d'autres groupes politiques.
03:11 Et je tiens ici à tous les remercier.
03:14 (Applaudissements)
03:18 Nous avons déposé cette motion de censure
03:21 car vous avez clairement détourné l'esprit de la Constitution.
03:24 Vous avez fait le choix tout d'abord de recourir à cette fausse loi
03:27 de financement rectificatif de la Sécurité sociale dès janvier,
03:31 alors même que la loi initiale était à peine votée.
03:35 La note du Conseil d'Etat ne nous a pas été transmise.
03:38 Nous savons que certains des articles du texte
03:40 sont de véritables cavaliers sociaux.
03:43 C'est le cas notamment de l'Index Senior,
03:45 de Disposition relative à la pénibilité ou à la GIRC-ARCO.
03:49 (Applaudissements)
03:51 Ce que je dis ici n'est ni anecdotique ni technique.
03:56 Vous avez délibérément choisi cette procédure
03:58 pour préparer un éventuel passage en force.
04:01 Une procédure qui facilite le recours à un 11e 49-3 en un an.
04:06 (Applaudissements)
04:07 Une procédure qui encadre et contraint les délais d'examen,
04:10 rendant impossible tout débat serein et approfondi.
04:14 Résultat, l'Assemblée nationale n'a examiné que deux articles.
04:18 Elle a d'ailleurs à une large majorité rejeté l'article 2,
04:21 malgré tout transmis au Sénat par le gouvernement.
04:26 Au Sénat, justement, vous avez fait le choix
04:28 de recourir au vote bloqué du 44-3 pour écourter les débats.
04:32 Et tout cela pour, in fine, nous priver d'un vote
04:35 sur le texte issu de la CMP.
04:38 Comment accepter un tel mépris du Parlement ?
04:41 Comment accepter de telles conditions d'examen
04:43 sur un texte qui aura des incidences durables
04:46 sur la vie de millions de nos compatriotes ?
04:49 Si notre notion...
04:50 (Applaudissements)
04:56 Si notre motion venait à être rejetée,
04:58 nous euserions de toute dernière arme
05:01 le recours au Conseil constitutionnel.
05:03 Celui-là tranchera en droit.
05:06 Et de nous promettre, je le cite,
05:10 "Oserais-je par ailleurs vous rappeler
05:13 "que ce projet de réforme des retraites
05:14 "n'a pas de délégitimité démocratique ?"
05:17 Contrairement à ce que dit le président de la République,
05:19 les Français ne l'ont pas élu pour repousser à 64 ou 65 ans
05:23 l'âge légal de départ à la retraite.
05:25 Beaucoup d'entre nous ont voté pour lui au second tour par défaut.
05:30 Quant aux élections législatives, au premier tour,
05:32 seuls 13% du corps électoral ont voté
05:35 pour des candidats soutenus par le président de la République.
05:38 Et au second tour, vous n'avez obtenu que 250 sièges
05:42 pour former ici une minorité présidentielle.
05:46 (Applaudissements)
05:48 Alors qu'il fallait un vrai dialogue avec les forces politiques
05:52 et les partenaires sociaux,
05:53 vous n'avez proposé aux organisations syndicales
05:56 qu'un semblant de concertation
05:58 ajoutant au déni de démocratie politique
06:01 un déni de démocratie sociale.
06:04 Le président Macron, après sa réélection, reconnaissait que,
06:08 je cite, "nombre de Français avaient voté pour lui,
06:11 "non pour son programme, mais pour faire borrage à l'extrême droite."
06:15 Et de nous promettre, je le cite,
06:17 "J'ai conscience que ce vote m'oblige pour les années à venir."
06:21 Qu'est-il advenu de cette promesse, monsieur le président ?
06:25 Qu'en est-il du fond de cette réforme ?
06:27 Rappelons que ce projet de loi a été vendu autour de deux arguments,
06:32 la justice sociale et le financement durable de notre système de retraite.
06:36 Votre premier argument ne tient pas.
06:38 Vous le savez, au fond de vous,
06:40 le recul de l'âge légal de 62 à 64 ans
06:43 cristallise en réalité toutes les injustices.
06:46 Les 17,7 milliards d'euros d'économies attendues
06:49 sont essentiellement portés par les plus modestes.
06:52 Ils portent sur ceux qui auront à travailler plus
06:55 sans voir leurs pensions progresser,
06:57 sur ceux qui ont commencé à travailler tôt,
06:59 qui exercent souvent des emplois pénibles, précaires,
07:02 ceux qui ont des carrières hachées, et donc principalement les femmes.
07:07 Ce sont toutes ces personnes
07:10 qui ont été peu reconnues lors de la crise sanitaire
07:13 et qui subissent maintenant l'inflation de plein fouet.
07:17 Cette réforme augmentera la précarité de nos compatriotes
07:20 qui, après 55 ans, sont souvent, hélas, déjà poussés vers la sortie,
07:24 le chômage ou le RSA.
07:27 Conscient des inégalités que vous aggravez,
07:29 vous avez tenté d'atténuer l'injustice de votre projet
07:32 en introduisant des mesures "cache-misère", mal calibrées,
07:36 quitte à aboutir à des usines à gaz.
07:38 La promesse de pension minimum à 1 200 euros pour tous
07:41 n'est qu'une illusion, voire un mensonge révélé,
07:44 par l'obstination de plusieurs de nos collègues à demander la vérité.
07:48 Après nous avoir dit qu'ils n'avaient aucun compte à nous rendre,
07:52 le ministre a reconnu que la mesure ne toucherait pas 200 000 bénéficiaires,
07:56 mais entre 10 000 et 20 000 personnes chaque année.
08:00 Autre tour de passe-passe, celle de faire croire que nos concitoyens
08:03 qui ont commencé à travailler avant 21 ans
08:06 ne cotiseraient jamais plus de 43 ans.
08:07 Tout ceci est faux.
08:09 Les conditions pour bénéficier du dispositif carrière longue
08:12 sont bien plus complexes.
08:14 La réalité, c'est que dans 2/3 des cas,
08:16 ces personnes devront cotiser plus de 43 annuités.
08:21 J'en viens...
08:22 J'en viens...
08:25 J'en viens à présent à votre 2e argument,
08:27 le redressement des comptes de la branche retraite.
08:30 Avant tout, je rappellerai les insuffisances de l'étude d'impact
08:33 qui ne permet pas de mesurer les incidences exactes de cette réforme.
08:37 L'incéssirité budgétaire de ce texte doit être soulignée.
08:41 Ainsi, les 17,7 milliards d'économies ne tiennent pas compte
08:43 des effets dus à l'accroissement des dépenses sur l'assurance-maladie,
08:47 le RSA, les allocations chômage, l'invalidité,
08:50 que les spécialistes estiment entre le tiers et le quart
08:53 des économies à réaliser.
08:55 Et à l'usine de l'accord trouvé en CMP,
08:57 les dépenses supplémentaires s'élèvent à un peu plus de 7 milliards.
09:01 Tout cela, mis bout à bout, il est permis de penser
09:03 que votre réforme ne pourrait finalement aboutir
09:06 qu'à 1 milliard d'économies par an d'ici 2030.
09:09 Une France au bord du précipice pour 1 milliard.
09:13 La priorité serait plutôt de s'attaquer,
09:15 M. le ministre du Budget,
09:16 au déficit de 155 milliards du budget de l'Etat.
09:21 Ainsi, non seulement vous n'arrivez pas à atténuer
09:24 l'injustice de cette réforme, mais par ailleurs,
09:27 vous n'assurez pas non plus l'équilibre du système de retraite.
09:30 C'est bien qu'au final, on s'interroge tout ça pour ça.
09:33 Le président de la République invente un dernier argument.
09:36 Il faudrait imposer la rigueur budgétaire
09:38 pour ne pas perdre la crédibilité de la France
09:40 sur les marchés financiers.
09:42 Mais c'est précisément le recours au 49-3
09:44 et la crise politique et sociale qu'il provoque
09:47 qui peut affoler les marchés
09:48 et faire exploser le coût de notre dette.
09:51 Madame la Première ministre,
09:54 nous avons proposé une porte de sortie,
09:56 retirer votre projet et nous remettre au travail.
09:59 Aujourd'hui, je vais vous dire notre inquiétude.
10:02 Nous voyons un pays qui se déchire,
10:04 des institutions bloquées, une démocratie en danger.
10:09 Aujourd'hui, nous avons besoin de retrouver le chemin
10:12 de l'écoute, du dialogue, du respect de nos concitoyens.
10:17 - Je vous remercie.
10:20 (Applaudissements)
10:29 (...)

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