LA VÉRIF' - De quelles armes disposent les opposants à la réforme des retraites?

  • l’année dernière
Comme chaque semaine dans "À l'épreuve des faits", notre journaliste Céline Pitelet tente de démêler le vrai du faux dans l'actualité de la semaine.

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00:00 Il y a le terrain, c'est une chose, et puis il y a l'Assemblée, le Sénat.
00:04 Le Sénat s'est fait, s'est voté, mais l'Assemblée nationale devait encore se prononcer.
00:09 Quelles sont les armes pour les parlementaires d'ailleurs ?
00:11 On parlait tout à l'heure des motions de censure qui ont été déposées hier,
00:14 qui seront votées lundi, qui permettraient de retoquer la réforme des retraites
00:18 et de renverser le gouvernement, mais on a vu qu'elles avaient très peu de chances d'aboutir.
00:23 Malgré tout, Charles de Courson, député centriste du groupe Lyotte à l'Assemblée nationale,
00:28 affirme que même si la motion de censure déposée par son groupe n'est pas votée,
00:33 eh bien la bataille ne sera pas terminée. Écoutez.
00:37 Si notre motion de censure est repoussée,
00:41 il y a un dernier recours que nous sommes en train de préparer,
00:45 là aussi dans plusieurs groupes parlementaires,
00:47 qui sont le recours au Conseil constitutionnel.
00:51 Deux questions Anne-Charlene.
00:53 Ça consiste en quoi ce recours et est-ce que ça peut aboutir à un retoquage de la réforme des retraites ?
00:59 Alors le recours, c'est l'article 61 de notre constitution
01:03 qui prévoit que pour toutes les lois ordinaires, les lois de finances, les lois de financement,
01:06 toutes les lois que nous souhaitons, plusieurs autorités peuvent saisir le Conseil constitutionnel,
01:10 président de la République, président des assemblées et surtout 60 députés et 60 sénateurs,
01:15 en tout cas plus de 60 députés et 60 sénateurs.
01:17 Donc là, nul doute qu'il y aura évidemment plusieurs saisines avec plusieurs objets.
01:21 Alors oui, le Conseil constitutionnel peut tout à fait censurer une loi dans son intégralité.
01:27 Et c'est arrivé d'ailleurs deux fois sous la Ve République pour des motifs de procédure.
01:31 Parce que la procédure, elle a cet effet, on va dire absolument en grosse berta,
01:35 de du coup emporter le texte avec elle,
01:37 puisque à partir du moment où toute la procédure est à refaire, le texte ne peut pas tenir.
01:41 Néanmoins, c'est vrai qu'ici, le fondement qui serait choisi,
01:44 c'est l'accumulation de tous les éléments de ce qu'on appelle le parlementarisme rationalisé,
01:49 c'est-à-dire tous les éléments qui font qu'on a empêché le Parlement de parler plus longtemps,
01:53 surtout l'Assemblée nationale, de voter avec le 47-1, au Sénat le vote bloqué avec le 44-3.
01:59 Donc on a eu toute une accumulation.
02:01 Et c'est ça que les saisissants vont essayer de critiquer auprès du Conseil constitutionnel.
02:05 Néanmoins, est-ce que toute cette accumulation est de nature à enfreindre ?
02:09 C'est la norme constitutionnelle, en tout cas c'est l'objectif que le Conseil a dégagé,
02:13 la clarté et la sincérité du débat parlementaire.
02:15 Ça n'est pas certain puisque chacune de ces armes isolement a été utilisée dans les procédures constitutionnelles.
02:20 Donc il y a une incertitude sur le sort de cette censure.
02:23 J'ajoute quand même que point par point, sur différents articles,
02:27 le Conseil constitutionnel peut être scrupuleux.
02:29 Et je crois qu'il n'y a vraiment pas beaucoup de doute sur le fait qu'il le sera,
02:32 parce que c'est sa jurisprudence constante de toujours censurer quand les objets sont un peu borderline,
02:37 ce qui est le cas de ce véhicule législatif du PLFSSR.
02:40 Donc il y a la saisine du Conseil constit, il y a l'émotion de censure,
02:43 et à gauche il y a une autre arme qu'on compte utiliser.
02:45 Oui, le référendum d'initiative partagée, qui est soutenu notamment par Fabien Roussel, le patron des communistes.
02:51 On l'écoute, c'était jeudi à l'Assemblée nationale.
02:53 Fabien Roussel est alors très remonté contre le recours au 49-3,
02:57 mais il lui reste un espoir, dit-il.
03:00 Il va nous rester un outil qui est aussi à disposition de la Constitution,
03:05 c'est le référendum, c'est le RIP.
03:07 Et nous allons devoir nous engager dans une grande bataille populaire
03:11 avec l'ensemble des syndicats, avec l'ensemble des forces politiques
03:14 qui seront pour ce référendum.
03:16 Et pendant les neuf mois qui viennent, nous devrons nous engager dans ce sens-là.
03:20 Je rappelle que s'il y a un RIP validé par le Conseil constitutionnel,
03:23 pendant les neuf mois, la réforme des retraites sera suspendue,
03:28 puisque une campagne pour un référendum sera en cours.
03:31 Anne Charlène, le RIP, est-ce que c'est vraiment un outil pour les opposants
03:35 qui espèrent avoir la peau de la réforme des retraites ?
03:38 Alors c'est un outil constitutionnel.
03:39 Le référendum d'initiative partagée, la Constitution nous dit
03:42 que c'est un cinquième des parlementaires, c'est une rencontre en fait,
03:44 qui doivent rencontrer un dixième de la population
03:47 pour proposer ensuite à référendum un texte.
03:50 Alors ici, il y a quand même quelque chose d'un peu difficile,
03:54 c'est que l'article 11 est très clair,
03:56 et c'est ce fameux objet abrogatif dont nous parlions.
03:59 Début des missions !
04:01 C'est là où Laurent Neumann se déshabille.
04:03 C'est le moment avec Laurent, cet objet abrogatif,
04:05 c'est-à-dire que la proposition portée par les parlementaires
04:09 ne peut pas porter sur un projet de loi qui vient d'être adopté
04:12 depuis moins d'un an.
04:13 Et même si on se doute que cette proposition de loi
04:16 n'abrogera pas directement mais disposera par exemple
04:19 le retour de la retraite à 62 ans,
04:21 et bien cet objet abrogatif risque quand même d'être très vite avéré
04:24 et donc le Conseil constitutionnel risque de ne pas la laisser passer.
04:26 La première étape, c'est ça le risque.
04:28 Et deuxième étape, on l'a dit ensuite, le recueil des signatures.
04:31 Je crois qu'il faut à peu près 4,9 millions de personnes
04:33 et ça fait beaucoup à réunir, même si sur cet objet c'est possible.
04:37 Rajoutons que l'étape ultime, c'est que le président accepte
04:40 d'inscrire ce projet comme référendum.
04:42 Donc il y a encore beaucoup d'étapes et c'est pour ça que le RIP
04:45 est un peu conçu pour être de toute façon très difficile à utiliser.
04:49 Donc c'est une arme discursive, on va dire, pour l'opposition,
04:53 pour dire qu'il lui reste des choses,
04:54 mais en soi, en termes d'effectivité, ça restera limité.
04:56 Il y a longtemps, j'ai fait du droit constitutionnel
04:58 mais c'était moins fun qu'avec vous Anne Charlin.
05:00 Mais j'en suis ravie, Jean-Baptiste, merci.
05:02 C'est parce que vous n'étiez pas avec moi.
05:03 Non, pas non.
05:05 Donc certains rêvent tout de même, tout de même,
05:08 que la pression du terrain finisse par faire basculer l'exécutif,
05:12 surtout par le faire revenir en arrière.
05:13 Oui, alors on va écouter Mathieu Bollereda,
05:15 secrétaire général de la CGT Cheminot de Versailles.
05:18 Il était invité de BFM TV ce mercredi.
05:20 Des lois qui ont été votées et qui ont été promulguées
05:28 par le président de la République et qui ont été retirées
05:30 parce que les mobilisations et les manifestations,
05:31 notamment, continuaient.
05:33 Donc il ne faut pas se laisser prisonnier
05:35 de cet agenda parlementaire.
05:37 Est-ce que c'est déjà arrivé ?
05:40 Oui, on s'en souvient, c'était il n'y a pas si longtemps.
05:42 Oui, c'était en 2006.
05:44 Non, pour moi c'est récent.
05:47 C'était en 2006, donc un immense élan populaire
05:50 mené par la jeunesse avait en fait tué dans l'œuf
05:52 le projet de CPE, de contrat première embauche.
05:54 À l'époque, c'est Jacques Chirac qui est président,
05:56 Dominique de Villepin qui est premier ministre.
05:59 C'est récent, Jean-Baptiste.
06:02 Le taux de chômage, il atteint des sommets.
06:05 Et en janvier 2006, Dominique de Villepin
06:07 annonce la création du CPE, c'est un CDI pour les jeunes,
06:10 avec une très longue période d'essai.
06:12 Il y a deux ans pendant lesquels l'employeur
06:14 peut licencier le jeune sans avoir à donner de motif.
06:18 Et ça, ça ne passe pas.
06:19 Les jeunes se mobilisent en masse.
06:21 Les syndicats de salariés se joignent à la mobilisation,
06:24 à la fronde et au plus fort de la contestation.
06:26 Il y a trois millions de personnes qui descendent dans la rue
06:28 selon les syndicats, un million selon les autorités.
06:32 Le premier ministre Dominique de Villepin
06:34 utilise le 49-3 pour faire adopter le texte sans vote.
06:38 Les socialistes déposent une motion de censure, elle est rejetée.
06:41 La loi est promulguée par Jacques Chirac le 31 mars.
06:45 On a des mobilisations qui se poursuivent.
06:47 Le CPE est officiellement abandonné 10 jours plus tard,
06:50 le 10 avril 2006.
06:52 Anne Charlène, on va voir un peu avec vous les détails.
06:55 Ce scénario du CPE, est-ce qu'il pourrait se reproduire
06:58 avec la réforme de la retraite ?
06:59 C'est vrai que c'est un scénario assez inédit
07:02 dans notre histoire constitutionnelle.
07:03 Ce qui a fait inventer un éminent constitutionnaliste,
07:06 Guy Carcassonne, le terme de "susmulgation".
07:08 - Pardon ? - On promulgue et on suspend en même temps.
07:11 - La susmulgation ? - La susmulgation.
07:13 - C'est un vrai mot.
07:14 Si vous allumez la télé maintenant,
07:15 vous avez vraiment entendu "susmulgation".
07:17 Évidemment, ce néologisme ne m'appartient pas.
07:19 On pourrait se demander si une nouvelle susmulgation
07:22 pourrait donc exister.
07:23 Ce qui est intéressant, c'est qu'en fait,
07:25 retirer un texte, c'est toujours une liberté.
07:28 Mais comment est-ce que c'est possible de retirer ce texte
07:30 après autant de contestations populaires ?
07:33 C'est vraiment ça, la gageur, c'est de savoir
07:35 comment le gouvernement peut décider de promulguer
07:38 et ensuite se sentir trop en minorité
07:39 pour faire appliquer le texte.
07:41 Je rappelle qu'une loi votée n'est jamais une loi appliquée,
07:43 donc il y a un délai.
07:44 Et donc, il y a toujours un espoir pour les forces syndicales.
07:47 - Cette "susmulgation", en chavant,
07:49 elle a créé en fait un précédent qui est
07:52 l'étalon de la revendication syndicale.
07:55 Puisque eux font allusion sans cesse
07:57 à ce moment-là de notre histoire.
07:59 - Oui, mais ça dit quoi, cette référence à 2006 ?
08:01 Ça dit que les syndicats, même lorsque la loi sera adoptée
08:04 et même lorsqu'elle sera promulguée,
08:06 qu'ils continueront sans doute à se mobiliser, tout simplement.
08:10 Et puis, je rappelle quand même que, contrairement au CPE,
08:13 dans une réforme des retraites,
08:15 les modalités du contenu de la réforme
08:18 nécessitent de très nombreux décrets d'application.
08:21 Et là, les décrets, ils vont mettre du temps à être rédigés.
08:24 C'est là où on ira voir d'ailleurs tous les détails.
08:26 Tant qu'on n'aura pas les décrets d'application,
08:28 vous verrez que la mobilisation continuera évidemment.
08:31 - Il paraîtrait, mais c'est vous qui l'expliquez,
08:33 qu'Emmanuel Macron a envie de s'exprimer sur le sujet.
08:36 - Oui, absolument.
08:38 Alors, je ne peux pas vous l'assurer,
08:39 il n'y a pas de communiqué officiel de l'Élysée, etc.
08:42 Mais c'est vrai que dans la majorité,
08:43 dans l'entourage du président, on commence à dire qu'effectivement,
08:46 le président de la République pourrait prendre la parole.
08:48 - Oui, mais alors pour dire quoi ?
08:49 - Alors, attendez.
08:50 D'abord, évidemment, il ne l'annoncera pas
08:53 avant la motion de censure de lundi.
08:55 Il ne parlera pas avant non plus.
08:57 Mais à partir du moment où,
08:59 dans l'hypothèse où la loi est adoptée
09:01 et donc que la motion de censure a été rejetée,
09:03 il est assez logique qu'à un moment donné,
09:06 il prenne la parole.
09:06 Mais vous avez raison.
09:08 Pour dire quoi ?
09:09 Pour retirer le projet ?
09:10 Ben non, s'il vient d'être adopté, ça paraît peu probable.
09:13 Pour nous dire qu'il va changer de Premier ministre,
09:15 je ne suis pas sûr que ce soit l'attente des Français.
09:18 Pour dire qu'il a entendu la colère,
09:20 ben visiblement, pas tant que ça,
09:22 puisqu'il est passé au 49-3 et que la loi a été adoptée.
09:26 Donc peut-être pour nous parler de la suite,
09:28 mais là, ça risque de mettre aussi de l'huile sur le feu.
09:32 Donc parler, oui.
09:33 Mais pour dire quoi ?
09:34 Pour le moment, ça voudra dire au moins qu'il prend acte
09:37 que la parole de la Première ministre, elle, n'est plus audible.
09:41 S'il prend la parole à sa place.
09:43 - On peut peut-être rajouter une petite option sur la table,
09:45 même si, a priori, elle était plutôt liée à la motion de censure.
09:48 Il y a quand même encore la dissolution.

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