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00:00 L'invité éco, Olivier Delagarde.
00:04 Et ce soir nous allons parler cosmétique.
00:06 Avec vous, Brice Rocher, bonsoir.
00:08 Bonsoir.
00:09 Vous êtes le PDG du Gros Prochet, connu pour sa marque emblématique Yves Rocher.
00:13 2,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires réalisés dans 114 pays par 15 000 collaborateurs.
00:21 Un groupe qui connaît des difficultés, on va y venir.
00:23 Mais d'abord l'actualité, comment est-ce qu'un grand patron comme vous voit finalement la réforme des retraites
00:29 et la situation politique et sociale assez chaotique qui en résulte aujourd'hui ?
00:33 Oui, bon alors évidemment un sujet politique est très largement couvert médiatiquement.
00:40 J'ai pas une position nécessairement établie sur le sujet.
00:48 La seule chose que je puisse dire c'est que déjà c'est pas la première fois qu'on subit une réforme des retraites
00:58 et je pense que ce sera certainement pas la dernière fois.
01:01 Maintenant on est dans cette période.
01:03 Bon, ce que je peux faire c'est par contre vous parler de la transformation du Gros Prochet
01:07 en regard des enjeux de société.
01:10 Vous voulez pas me parler des regrets, c'est après tout votre droit.
01:13 Le Gros Prochet, votre chiffre d'affaires est en recul, votre rentabilité également.
01:18 Qu'est-ce qui se passe chez vous ?
01:20 Bah écoutez, déjà on fait face à un certain nombre de défis.
01:24 Le premier, l'urgence climatique et environnementale, l'épuisement des ressources naturelles.
01:30 Il y a quand même aussi la transformation des modes de consommation.
01:33 Et si j'ajoute à ça les conséquences de la pandémie et l'environnement économique incertain,
01:37 bah du coup oui, on est affecté très clairement.
01:41 Les conséquences de la pandémie, j'en citerai une très clairement, c'est la fermeture des magasins pendant sept mois.
01:47 Ça c'est quelque chose, ça fait 15 ans que je dirige le groupe Rocher, on n'a jamais vécu ça.
01:53 Fermeture des magasins pendant sept mois, c'est pas d'activité,
01:56 mais par contre des loyers, des salaires, des charges à payer et donc...
02:00 Je vous entends bien, mais la pandémie elle était là pour tout le monde, L'Oréal fait +18%.
02:05 Ah oui, mais L'Oréal n'a pas de magasins, c'était vendu dans des supermarchés
02:10 comme Auchan, Leclerc, Carrefour, qui eux étaient restés ouverts pendant la pandémie.
02:15 Alors qu'est-ce que vous comptez faire pour redresser la barre ?
02:18 Alors ce que l'on compte faire très clairement, c'est accélérer le plan de transformation
02:24 pour se dégager des marges de manœuvre et être en capacité de réinvestir
02:28 afin de repartir en conquête le plus rapidement possible.
02:31 Notamment réinvestir dans notre point de force et renforcer finalement notre leadership
02:38 dans la cosmétique végétale et responsable avec des produits toujours plus sains, naturels et durables.
02:43 C'est notre marque de fabrique et c'est là-dessus qu'on va accentuer fortement les choses.
02:47 Alors attendez, parce que se dégager des marges de manœuvre, en général, ça veut dire qu'on va supprimer des postes.
02:52 Alors quand on dit suppression de postes, tout de suite on entend licenciement,
02:56 ce qui sont deux choses très différentes en réalité.
02:59 Donc il y aura bien des suppressions de postes.
03:01 Donc il y a bien des suppressions de postes, on l'a annoncé, -300, notamment en Bretagne,
03:07 et sur les trois prochaines années.
03:09 Et donc on a mis en place, en début d'année, et on a signé avec les partenaires sociaux,
03:15 une GEPP, une gestion des emplois et des parcours professionnels,
03:18 qui nous permet de gérer la mobilité de nos collaboratrices, nos collaborateurs.
03:24 Et c'est en place depuis une quinzaine de jours.
03:28 C'est des mobilités sur la base du volontariat.
03:31 Et ce que je peux vous dire aujourd'hui, là, à l'heure où on se parle,
03:35 c'est que sur la base des mobilités qui doivent être gérées sur 2023,
03:40 il y a déjà plus de la moitié des gens qui se sont prononcés en faveur d'une mobilité,
03:45 qu'elle soit externe ou interne.
03:47 - Bon, mais alors supprimer des postes, certes, ça vous fait faire des économies,
03:50 mais enfin, ça ne relance pas un groupe.
03:52 - Non, mais alors, ça ne relance pas un groupe, ça c'est vrai.
03:55 Mais par contre, vous l'avez dit, baisse du chiffre d'affaires, donc baisse des volumes.
03:59 Qui dit baisse des volumes, dit perte de compétitivité.
04:03 On parle de la marque Yves Rocher, par exemple.
04:05 La marque Yves Rocher n'est pas une marque de luxe,
04:07 et n'est pas une marque qui est aussi dans l'univers du prestige.
04:11 Donc, en fait, c'est une marque qui a vocation à rester accessible.
04:13 Et pour ce faire, il faut regagner en compétitivité.
04:16 Et donc, regagner en compétitivité, c'est une manière, concrètement,
04:20 de se dégager des marges de manœuvre pour réinvestir dans nos points de force,
04:24 comme je l'expliquais, la cosmétique végétale est responsable,
04:27 et pourrait être, on va dire, la marque qui a le plus de leadership
04:34 sur, finalement, ce qu'on peut dire en anglais, la "green beauty",
04:37 sur lequel on a une longueur d'avance, puisque ça fait plus de 60 ans que l'on fait ça,
04:42 très concrètement, la beauté durable.
04:44 - Ça veut dire que vous allez vous recentrer vers, plutôt, des produits de luxe, ou pas ?
04:48 - Alors, on a, d'un point de vue stratégique, la volonté de développer un pôle premium beauté
04:55 en complément de la marque Yves Rocher.
04:58 Justement, et pourquoi ? Parce qu'en fait, on a la volonté de consolider notre empreinte géographique.
05:04 Sur les dix dernières années, le groupe Rocher s'est internationalisé à marche forcée.
05:09 Et ça a été un franc succès.
05:11 Je vais donner un exemple, il y a une quinzaine d'années,
05:14 on réalisait les trois quarts de notre chiffre d'affaires en zone euro.
05:17 Aujourd'hui, on est sur un équilibre à 50/50,
05:21 où on a internationalisé le groupe avec, comme deuxième pays, par exemple, les États-Unis.
05:26 Là où il faut continuer à se renforcer, c'est notamment sur la zone Asie,
05:31 parce que le groupe Rocher garde des marges de progression importantes.
05:34 Et il se trouve que les marques dans le segment premium de la beauté
05:38 surperforment le marché asiatique.
05:40 Donc, on a vraiment cette volonté de créer un pôle premium beauté
05:44 en complément de la marque Yves Rocher, qui, elle, a vocation à rester accessible.
05:48 - Alors, vous parlez de l'international,
05:50 vous faites partie de ceux qui ont décidé de maintenir vos activités en Russie.
05:55 Pour quelle raison ?
05:57 - Bon, déjà, parlons de la Russie. Je vous remercie de la question.
06:03 Je tiens à condamner avec la plus grande fermeté, finalement, cette guerre
06:06 et ce que subissent les populations en Ukraine.
06:10 C'est absolument intolérable pour elles.
06:12 - Mais vous continuez à faire du business en Russie ?
06:16 - Oui, alors, je continue à faire du business en Russie.
06:19 Déjà, premièrement, mes pensées vont vers les victimes ukrainiennes, leurs familles,
06:24 parce que nous, on a une filiale aussi en Ukraine,
06:26 et on a des collaboratrices, des collaborateurs là-bas.
06:28 Et ma priorité numéro un, au moment de cette invasion,
06:31 a été de comment on pouvait soutenir, accompagner et supporter, finalement,
06:37 nos équipes en Ukraine.
06:39 - Mais vous répondez pas à la question. Pourquoi est-ce que vous restez,
06:42 vous avez 450 boutiques dans 150 villes en Russie, à peu près ?
06:45 - Pour la même raison. Pour exactement la même raison
06:48 qui m'a poussé à me préoccuper avant tout de mes équipes en Ukraine.
06:52 C'est-à-dire que j'ai pris la décision de soutenir mes équipes présentes
06:56 sur le territoire russe. Pour deux raisons principales.
06:59 La première, c'est qu'elles ne sont pas responsables des décisions politiques
07:03 et militaires de leur pays.
07:05 La deuxième, renoncer à la Russie, ce serait une perte d'activité,
07:10 avec à nouveau une baisse de volume qui aurait des conséquences
07:12 sur l'emploi en Bretagne.
07:13 - Mais c'est tenable à très long terme, ça, cette politique ?
07:16 - Mais cette politique... Il y a énormément de groupes aujourd'hui
07:19 qui sont présents en Russie. Déjà pour commencer, premièrement.
07:23 Ensuite, deuxièmement, sortir de la Russie, vous croyez sincèrement
07:28 que ça aurait un impact sur la guerre en Ukraine ?
07:32 - Ça fait partie des mesures de sanctions économiques. Merci !
07:39 - Attendez, je ne suis pas d'accord.
07:40 - Brice Rocher, c'est trop tard. - Ce serait l'oil and gas.
07:43 - Président, directeur général du groupe Rocher, merci d'avoir été l'invité économique de France Info.
07:48 Merci.