"Un bar PMU, c'est là où j'ai mes premiers souvenirs d'enfance avec mon père…"
Olivia a grandi avec un père alcoolique. Elle témoigne.
Olivia a grandi avec un père alcoolique. Elle témoigne.
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00:00 je suis au lycée, mon père est entré un peu dans une phase où l'alcoolisme commence vraiment à être
00:06 très très important chez lui. Alors ça a toujours été ça, mais moi je m'en rends compte. Je me rends
00:11 compte à ce moment-là qu'il peut pas s'en passer, que c'est comme ça et ça le rend triste et il
00:18 pleure souvent et quand il nous garde, quand il me garde, il est incapable de pas pleurer, de pas dire
00:23 que ça devient nul et parfois il pense même au pire et il le dit en face de nous. Et là je passe
00:29 vraiment à 14 ans quand je suis au lycée dans ce moment où il faut que je m'occupe de lui parce
00:33 que je veux pas le perdre. Donc du coup c'est vrai que je raconte dans le livre qu'il y a des midis
00:38 où j'ai pas beaucoup de temps pour manger entre les cours mais je prends le but, je fais une heure
00:44 de bus aller-retour pour juste aller vérifier qu'il va bien et juste aller vérifier qu'il
00:49 n'a pas mis à exécution ce qu'il voulait faire, à savoir se foutre en l'air comme il disait. Et
00:55 ouais c'est assez dur de rentrer le midi juste pour aller vérifier que ton père va bien en fait.
01:00 Ce livre il aurait dû s'appeler à la base "Papa Cyrano" parce qu'en fait pour ceux qui ont lu le
01:06 livre ou qui vont le lire, ça prend forme au Cyrano. C'est un PMU, un bar PMU comme on en voit
01:13 plein dans la France et c'est là où j'ai mes premiers souvenirs en fait d'enfance avec mon
01:19 père parce qu'il y allait très souvent. Il retrouvait tous ses potes là-bas et ils y restaient
01:24 des heures et du coup nous quand mon père avait notre garde le week-end, on se retrouvait
01:28 y passer des heures aussi à boire des grenadines pendant qu'eux buvaient du pastis, des bières etc.
01:34 C'était l'époque où on pouvait encore fumer à l'intérieur donc du coup on se retrouvait un peu
01:38 dans cette fumée de cigarettes. On jouait beaucoup des jeux à gratter, des rapido. Beaucoup de gens
01:44 quand ils racontent leurs souvenirs d'enfance, ils ont des souvenirs précis de pères qui leur
01:47 font des câlins, de pères qui font sauter les enfants comme ça avec la maman etc. Et moi j'ai
01:52 vraiment ce souvenir là et j'en ai fait un bon souvenir. Maintenant c'est pas désagréable et je
01:58 le raconte pas comme quelque chose de désagréable parce que ça l'est pas pour moi parce que c'est
02:02 ce que j'ai en fait, c'est ce qui m'a construit et c'est ce que je suis. Encore aujourd'hui là
02:06 quand je commence à parler un peu du livre dans les médias, il y a des commentaires qui disent
02:10 "ah bah non je suis désolée quand t'as envie d'arrêter t'arrêtes". Non, non. Pour avoir vécu à
02:16 côté de quelqu'un qui boit, non quand on a envie d'arrêter on ne peut pas arrêter. Dans notre
02:20 société c'est encore trop perçu comme "c'est bon il peut arrêter de boire, faut pas me la faire à
02:25 moi, t'arrêtes, tu caches les bouteilles, tu le fais pour tes enfants, tu le fais pour ta famille".
02:28 Non, le problème c'est pas la cure en elle-même, c'est l'après. C'est que quand tu sors de la cure,
02:33 bah derrière tu t'es relâché dans la nature entre guillemets et en fait t'es reface à toi-même,
02:41 reface à tes démons entre guillemets. On te réinsère pas foncièrement dans la société,
02:46 on te réapprend pas à aimer te faire à manger, on te réapprend pas à t'aimer toi-même, on te
02:50 réapprend pas à te coiffer, à bien t'habiller, on te réapprend pas tout ça en fait. Et tant qu'on
02:54 t'a pas redonné ce côté dignité, je pense que tu peux pas t'en sortir. C'est la honte d'en parler
03:00 aux autres mais c'est la honte encore plus d'en parler dans le cercle familial. Moi longtemps on
03:07 n'a pas dit que mon père était en cure, on a dit qu'il était en maison de repos, on a dit qu'il
03:11 allait se reposer, qu'il avait besoin de repos mais le mot "cure" était très difficile à employer,
03:16 le mot "alcoolique" encore moins parce que oui c'est la honte parce que ça peut pas être chez nous,
03:21 parce que ça peut pas être au sein même de notre famille, parce qu'on est une famille unie,
03:24 pour tout un tas de raisons en fait et du coup ça aide pas la personne qui est concernée à se rendre
03:29 compte de qui elle est et de ce qu'elle vit parce que si personne ne met les mots sur ce qu'elle
03:33 est c'est très difficile de s'en sortir soi-même en fait. C'est pas un état qui est tout le temps
03:38 nul et c'est pas un état qui est tout le temps mauvais pour l'autre. Il y a des moments où mon
03:46 père a été un père. J'avais décidé d'aller fêter mes 25 ans dans la maison familiale qu'on a en
03:52 Bretagne donc à Trébordin et là mon père dit "je veux venir" et là tu te dis "wow ok non tu
04:00 vas pas venir en fait parce que là ça va mal tourner, c'est mon anniversaire, il faut que ça
04:04 se passe bien et tout" et mon oncle du coup capte un peu mon père et lui dit "C'est l'anniversaire
04:09 de ta fille, en gros il faut que tu sois bien" et on descend donc dans ce bar, on est tous en
04:13 train de danser et là il y a Louis Attaque qui chante "Je t'emmène au vent". Déjà la chanson
04:19 elle est dingue tu vois avec les violons et tout et là il y a mon père qui me prend par les mains
04:24 et qui me dit "mais ça va et tout ? Tu veux boire quelque chose et tout ?" et il me dit "ouais ouais
04:29 prends-moi un perrier" et là tu te dis "bah ouais je pense que tu peux pas avoir meilleur cadeau"
04:35 déjà donc il prend son perrier et après il me tire sur la piste de danse et on danse sur "Je
04:39 t'emmène au vent" juste après ce perrier et là c'est incroyable je pense que je vais aller lui
04:44 lire des petits extraits du livre. Je pense que je lui lirai le moment où je lui annonce qu'on est
04:52 sur la plage et que je lui annonce que je vais faire un livre sur lui et où il me dit "oui"
04:58 il me dit "ok il n'y a pas de problème fais un livre sur moi raconte si ça peut aider les gens
05:02 si ça peut aider les petites filles comme toi" et je pense que je lui lirai ça parce que parce
05:09 que ce moment où il me dit "oui oui c'est vrai je suis alcoolique en fait" "ouais mais en fait
05:13 ça fait des années que j'attends que tu me dises ça tu me l'as jamais dit et là tu me racontes ça
05:18 comme ça" mais c'est beau parce qu'en vrai il y a tellement une distance pour lui là dessus et
05:23 de me le dire comme ça vraiment sans grande phrase sans rien bah ouais je bois depuis tout le temps
05:28 je sais pas ça a été un électrochoc pour moi je lui lirai celui là je lui lirai l'anniversaire parce
05:34 que je suis même pas sûre qu'il se souvienne qu'on est dansé ensemble mais peut-être que ça
05:37 lui ferait du bien et je lui lirai la conclusion je pense pour qu'il se rende compte que c'est pas
05:43 un livre juste pour raconter tout ce qu'il a fait de mal. "La Olivia d'aujourd'hui elle dirait quoi
05:49 Olivette ?" C'est marrant parce qu'il y a encore des gens qui m'appellent comme ça j'aime bien
05:54 surnom. Olivette du coup c'est moins petite elle lui dirait... bravo pour le chemin parcouru ça me
06:05 met les larmes aux yeux cette question. Elle lui dirait qu'elle a fait un beau chemin qu'elle
06:15 peut être fière d'elle et que en tout cas moi je suis très fière de ce qu'elle était du chemin
06:21 par lequel elle est passée de pas s'être dégonflée de pas avoir perdu pied de s'être
06:27 posé les bonnes questions au bon moment ouais je dirais que je suis trop fière d'elle.
06:32 Je suis trop fière d'elle.
06:34 *Bruit de tonnerre*
06:35 [SILENCE]