REDIFF | "C'est l'abstinence ou la mort". Sobre depuis plus de 1 an et demi, Aurore est alcoolodépendante. Elle raconte comment l'alcool a rythmé sa vie pendant 10 ans et comment elle eu le déclic pour s'en sortir.
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00:00L'alcool, c'est ce qui rythmait ma vie.
00:01Voilà, tout simplement, je ne pensais qu'à ça.
00:04Je parle souvent des blessures que je m'étais faites,
00:05mais je me blessais tout le temps, en permanence.
00:08Et du coup, pendant dix ans, j'ai essayé de le cacher comme je le pouvais.
00:13La dernière fois que j'ai bu, c'était le 17 juin 2023,
00:18après un festival où, comme d'habitude, je fais un blackout,
00:23je me fais voler mon portefeuille, je me fais voler mon vélo, je perds tout.
00:27Et là, c'est la fois de trop.
00:29Je me dis qu'être raisonnable, je n'y arrive pas et je n'y arriverai jamais.
00:34C'est l'abstinence ou la mort.
00:36L'alcool, ça m'a amenée dans des états où j'ai failli mourir plus d'une fois.
00:41À 20 ans, j'étais dans une relation hyper toxique avec un mec alcoolique.
00:46Et vient un moment donné d'alcoolisation, on s'alcoolise depuis au moins trois jours.
00:52Et là, je me mets sur le rebord de sa fenêtre, je pète les plombs.
00:57Et lui me regarde en me disant, tu le feras jamais,
01:00plein d'égo et imbibé d'alcool.
01:02Je fais, ah ouais, et je me laisse tomber, je tombe du quatrième étage.
01:06S'en suit un mois de coma, s'en suit des mois aussi de rééducation.
01:12Si je n'avais pas bu, je me suis persuadée que je n'aurais pas eu le « courage » de sauter.
01:18Et c'est à partir de là un peu où tout s'effondre.
01:20Je me laisse aller parce que je suis reconnue handicapée, je perds mon boulot.
01:25Mon refuge, c'était l'alcool.
01:26J'avais tout mon temps pour boire et faire que ça, en fait.
01:31Et du coup, pendant dix ans, j'ai essayé de le cacher comme je le pouvais.
01:37Moi, j'étais devenue quand même très bonne menteuse, très bonne manipulatrice.
01:41On boit avant de sortir, on boit à jeun,
01:46ou bien on se dit au revoir, on rentre chacun chez soi.
01:50Et en fait, moi, je bifurque et je vais dans un vieux rad pourri
01:55qui reste ouvert jusqu'à quatre heures du matin.
01:57Et je bois jusqu'à ce que je tombe, en fait.
02:02Tant que je peux aligner deux mots, tant que je peux marcher, je continue de boire.
02:08Ça, mes amis, quand même, ont commencé à s'en rendre compte.
02:12Je fais une première cure en mars 2018, que je fais par contrainte.
02:17Je reste deux mois là-bas et dès ma sortie, je rebois exactement comme avant.
02:22En fait, l'alcool, c'est ce qui rythmait ma vie.
02:25Voilà, tout simplement, je ne pensais qu'à ça.
02:27Quand je sortais dehors, c'était pour savoir qu'est-ce que j'allais boire,
02:31où j'allais boire, avec qui j'allais boire,
02:33comment j'allais pouvoir me défoncer, en fait, tout simplement.
02:37Moi, c'était la bière particulièrement.
02:39On pourrait se dire, ouais, la bière, c'est pas fort.
02:43Sauf que moi, j'arrivais à boire des litres et des litres et des litres
02:46et j'avais des blackouts vraiment extrêmement forts.
02:51Et quand on se raconte, quand on vous raconte des choses le lendemain
02:54et tu te dis, bah putain, qu'est-ce que j'ai fait ?
02:56Qu'est-ce que j'ai encore fait ?
02:57L'alcool, c'est aussi une façon de s'auto-détruire.
03:01Je le mettais sous le signe de c'est la fête, je suis toujours accompagnée.
03:06Ouais, alors t'es toujours accompagnée soit d'alcooliques,
03:08soit de tes amis qui doivent s'occuper de toi, donc super.
03:12Du coup, il y avait ce bar pému où je finissais à rabattre et personne le savait.
03:16Mais même quand je sortais, c'est-à-dire avec mes amis, etc.,
03:19j'étais quand même toujours la bourrache.
03:22Moi, je me souviens d'un soir où j'avais insulté toutes mes copines
03:25parce qu'elles me demandaient de poser le verre.
03:28On s'était fait refuser 5 Uber à cause de moi.
03:30J'étais partie, en fait.
03:31Il y avait mes amis qui me disaient qu'il y avait un moment donné
03:33où je me transformais un peu.
03:35C'était le Grimlin, c'était mon petit surnom.
03:37Ça m'arrivait de traîner avec les SDF de mon quartier, avec une 8.6 à la main.
03:43Je pensais partager beaucoup plus de choses avec ces gens-là
03:45qu'avec des gens lambda, on va dire, qui sont ancrés dans la vie,
03:49qui ont un parcours professionnel, qui avancent, qui ont des projets.
03:54Moi, j'ai fait des comas éthyliques,
03:56j'ai déjà été arrêtée pour ivresse sur la voie publique.
03:59On dit que c'est la dernière fois,
04:03on dit qu'on va réussir à reprendre le contrôle
04:06et on reprend jamais le contrôle.
04:08Des fois, j'essayais de me fixer des horaires,
04:10genre à partir de 18h, à partir de 16h,
04:13mais des fois, j'arrivais pas du tout à tenir et j'y allais à midi.
04:17Ça me donnait confiance en moi, ça me désinhibait.
04:20Je disais souvent que l'alcool, c'est un lubrifiant social
04:23et je pensais sincèrement que ma personnalité tournait autour de l'alcool.
04:27Et puis en plus, j'étais assez fière de pouvoir dire que je buvais beaucoup,
04:29que je buvais un peu comme un homme aussi.
04:31Du coup, moi, j'avais un peu l'impression de plaquer ma personnalité
04:35sur cet alcoolisme, en fait.
04:37On se ment à soi-même aussi, en fait, énormément.
04:39Les bleus aussi, les blessures, je parle souvent des blessures.
04:42Déjà qu'en plus, je sens pas mon pied gauche, déjà que je suis handicapée.
04:45J'ai eu des accidents de vélo, enfin bref.
04:48Puis ce soir-là, cette fin d'été, où comme d'habitude,
04:52je vais dans mon bar en bas de chez moi me bourrer la gueule.
04:55Franchement, je pourrais même pas dire à quelle heure.
04:57Peut-être que j'ai commencé à 14h, 16h.
04:59Peu importe, je finis complètement ivre à 23h et ils me raccompagnent chez moi,
05:04alors que c'est littéralement vraiment à 5 mètres.
05:07Et je sais pas, mon cerveau n'en a pas assez.
05:09Je ressors de chez moi, donc le bar en face me voit ressortir.
05:13Moi, je me pense discrète, mais pas du tout.
05:15Je vais 100 mètres plus loin dans un bar.
05:17Je ressors de là, évidemment complètement ivre, ça se voit.
05:21Et je fais une mauvaise rencontre.
05:23Je finis violentée, violée par un homme chez moi.
05:29Et c'est assez horrible parce que je commence vraiment à me dire
05:31« Ok, c'est comme ça que tu vas mourir au rore. »
05:34Alors j'en suis sortie vivante.
05:35Je me dis que plus jamais de ma vie, je veux être cette femme vulnérable.
05:41Et là, je commence à me dire qu'il faut que je me soigne.
05:44Il y avait quand même un an encore,
05:46au moment où je décide de complètement être abstinente.
05:48J'avais essayé des psychiatres, des psychologues, des addictologues.
05:53J'ai tout fait.
05:54Il y avait un truc que je n'avais pas essayé, c'était les groupes de parole.
05:58Bon, évidemment, moi j'ai chialé comme pas possible à ma première réunion.
06:01Et à partir de ce 24 avril 2023, j'ai tenté d'être abstinente.
06:06Alors j'ai essayé, quoi.
06:08J'ai tenu une semaine.
06:09Mais par contre, ce que je faisais, c'est que je retournais tout le temps en réunion.
06:12J'ai un problème d'alcool, ça c'est sûr.
06:14Maintenant, comment est-ce que je vais faire ?
06:16Je me suis dit, je rentre en clinique.
06:17J'avais déjà 15 jours de sobriété derrière moi.
06:21Tous les soirs, je chialais parce que j'étais juste fière de moi.
06:26Parce que je me disais que je n'avais pas bu.
06:28Et que c'était un jour de plus.
06:32Et en fait, il fallait voir les choses un peu comme ça,
06:35c'est-à-dire 24 heures à la fois.
06:36L'alcool, c'est l'une des addictions où il y a le plus de refus.
06:39Parce que, encore une fois, c'est partout autour de nous.
06:42C'est une drogue en libre service.
06:44On dit qu'on ne guérit pas de l'alcool.
06:46Quand on est alcoolo-dépendant, le cerveau ne l'oublie pas.
06:48Il ne l'oublie jamais.
06:49Ça m'arrive encore de loucher sur les verres de mes amis.
06:54Mais je reste focus sur mon objectif.
06:59Et j'ai l'impression que pour l'instant, du moins,
07:01il n'y a rien qui peut me stopper sur cette voie-là.