François Ruffin, député La France Insoumise - Nupes de la Somme, est l'invité du 8h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-16-mars-2023-5402997
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00:00 avec Léa Salamé, nous recevons ce matin le député LFI Nup de la Somme. Vos questions
00:06 et réactions au 01 45 24 7000 et sur l'application de France Inter. François Ruffin, bonjour.
00:12 Bonjour. Et bienvenue à notre micro, on vous avait reçu au tout début de l'examen de
00:16 la réforme des retraites en janvier, il y a deux mois tout juste, on est aujourd'hui
00:21 dans la journée décisive pour cette réforme, celle de son adoption définitive par le Parlement.
00:27 Est-ce la fin de la séquence à vos yeux ? Fermez le banc, cette réforme sera-t-elle
00:31 appliquée ? Non, là c'est une séquence qui va inscrire des choses dans la durée,
00:36 dans la tête des gens, c'est évident. Donc déjà, il y a qu'est-ce qui va se passer
00:39 aujourd'hui ? On voit qu'on est à quelques heures d'un vote et qu'on a à l'Élysée
00:44 du comptage et recontage de voix, on passe par 49-3 ou pas, avec derrière tous les bidouillages,
00:49 tous les bricolages, les ministres qui courent après les Républicains et qui promettent
00:54 un gymnase contre un achat de vote. Vous avez vu ça ? Vous avez vu des ministres qui couraient
00:58 derrière les Républicains dans l'Assemblée nationale ? Les députés républicains en
01:00 parlent. Et comment même il y a des certificats de médecins pour maintenant aller au vote
01:07 solennel par procuration ? Enfin voilà, on est quand même dans ce climat-là. C'est-à-dire
01:11 pour moi, un abaissement de la République, quand on en est à ce marchandage sur ce que
01:16 Macron prétendait être la mère des réformes. C'est-à-dire une très grande fragilité
01:21 d'un côté. Et de l'autre côté, un bloc. Je veux dire, 8 syndicats, tous les syndicats
01:26 unis contre la réforme des retraites, dans la durée. 2 Français sur 3 contre cette
01:31 réforme. 4 salariés sur 5 contre cette réforme. 1, 2, 3 millions de personnes, 1, 2, 3, 4,
01:38 5 fois contre cette réforme. Oui mais vous savez, vous savez François Ruffin, c'est
01:41 pas la rue qui gouverne en France. Là, il y a quand même une grande illégitimité de
01:45 cette réforme-là. C'est très clair. Je veux dire, il faut le dire les choses comme
01:49 elles sont. Cette loi sera défaite. Elle sera défaite soit aujourd'hui à l'Assemblée
01:53 par nos votes, soit elle sera défaite à demain, après-demain par les Français.
01:57 J'entendais, pardon, j'entendais des députés de gauche en 2010 dire « la loi de Nicolas
02:01 Sarkozy, les 62 ans, ce sera défait, la gauche est arrivée au pouvoir », elle n'a rien
02:04 défait du tout. Et vous dites illégitime. Si tout à l'heure à l'Assemblée nationale,
02:09 elles passent, s'ils obtiennent la majorité, même à 3 ou 4 voix, est-ce que ça ne leur
02:13 confère pas une légitimité qui est celle de la représentation nationale, qui est celle
02:16 de nos institutions ? Dans la durée, c'est marqué par une illégitimité
02:19 très profonde et très profondément ancrée dans le pays. Je ne sais pas si vous avez
02:23 lu le papier de la grande conversation qui est parue, qui est sur les conséquences,
02:28 les lendemains politiques d'une réforme contestée. Et qui explique pourquoi ça va
02:32 avoir des conséquences politiques dans la durée. Je veux dire que là, on a affaire
02:35 à une coupure entre la France d'en haut et la France d'en bas. La France qui se
02:39 lève tôt, la France qui a mal au dos, la France qui prend son auto, la France qui va
02:43 au boulot. Et on a inscrit une nouvelle coupure. La première coupure, c'était le traité
02:46 constitutionnel européen, le 29 mai 2005, quand 55% des Français viennent dire non.
02:50 Mais quand 80% des ouvriers viennent dire non à la concurrence Lidebrennon-Fossé,
02:54 et qu'un an après, à Lisbonne, on fit comme si de rien n'était. L'élite, elle
02:58 croit qu'elle peut passer en force là-dessus. Mais dans la durée, c'est la démocratie
03:03 et c'est le pays qui perd. De la même manière sur le mouvement des Gilets jaunes.
03:07 On croit qu'avec le mouvement des Gilets jaunes, même en passant aucun compromis social
03:11 avec ce mouvement-là, eh bien on peut faire le blabla du grand débat derrière, sans
03:17 faire le référendum d'initiative citoyenne, sans faire la TVA à 0%, mais dans la durée,
03:22 c'est le pays et c'est la démocratie qui perd. Et c'est la même chose qui va se
03:24 produire aujourd'hui. Aujourd'hui, sur la réforme des retraites, quand on a une réforme
03:29 qui nous dit, c'est une étude remarquable qui est parue là, par deux chercheurs du
03:34 Centre d'études européennes, qui disent "cette réforme concentre la plupart des
03:38 mécanismes aujourd'hui identifiés par la science politique comme nourrissant le ressentiment
03:42 social". Voilà ce que va nourrir cette réforme dans la durée, pour toute une série de raisons.
03:47 Mais vous, comme député, François Ruffin, vous ne respecterez pas le vote de la représentation
03:52 nationale ? Ça veut dire quoi, je ne respecterai pas ? Ça veut dire que de toute façon, si
03:55 je dois travailler jusqu'à 64 ans, je vais travailler jusqu'à 64 ans. Mais demain,
03:59 ce soir, ça ne sera pas fini. Ce soir, ça ne sera pas fini. Mais qu'est-ce qui va se
04:01 passer demain, après-demain ? Si la loi passe ? Si elle passe à la régulière ? De toute
04:07 façon, les raffineries sont bloquées, les ordures ne sont pas ramassées, il y a les
04:10 porcs qui aujourd'hui sont morts. Le préfet de Paris a demandé la réquisition des éboueurs.
04:15 Par exemple, moi j'aimerais bien voir, puisque la place est libre, que Gérald Darmanin prenne
04:21 la place d'un éboueur pendant une semaine. Avec Gabriel Attal, avec Emmanuel Macron.
04:26 Qu'on les voit courir derrière la benne à ordures pour ramasser les déchets. Vous
04:30 voyez ? Qu'on les voit faire ça pendant une journée, pendant une semaine. Et qu'à
04:34 la fin, ils fassent une conférence de presse en disant « ouais, en effet, c'est un mauvais
04:37 métier qui est vachement sympa, on respire bien, c'est vachement tranquille, on comprend
04:41 que là-dedans, on puisse aller jusqu'à 64 ans ». Moi, je suis admiratif du travail
04:44 des éboueurs tous les jours, parce que j'ai l'impression qu'ils font un marathon derrière
04:47 la benne à ordures. Et je trouve ça beau, presque, ce qui se passe là. Pourquoi ? Parce
04:51 que ça rend visible le travail invisible. Vous savez, le travail du nettoyage, c'est
04:55 un travail qui, par nature, est invisible. Et là, le fait qu'il ne soit pas fait,
04:59 eh bien ça le rend visible. Et je pense que là, c'est une manière de mettre en avant
05:03 les invisibles de la société. Donc tout ça ne va pas s'arrêter ce soir. Mais ne
05:08 va pas s'arrêter ce soir la contestation contre…
05:10 Vous êtes pour des grèves qui continuent, qui continuent. Mais vous savez que ça coûte
05:13 cher, les grèves. Vous avez vu les mobilisations, elles sont moins importantes. Hier, il y avait
05:17 moins de monde que le 7 mars.
05:18 Mais je suis pour que ça continue. Je soutiens tous les travailleurs qui ont le courage,
05:24 dans la difficulté qu'on traverse, je veux dire, avec l'inflation et ainsi de suite,
05:27 de se priver de une, deux, trois journées de salaire. Il est évident que je suis avec
05:31 eux, dans tous les secteurs. Mais maintenant, je suis pour que le vaste mouvement qui concerne
05:36 des dizaines de millions de personnes qui se reconnaissent là-dedans, je suis pour
05:39 qu'on lui propose un débouché politique. C'est-à-dire que là, il y a un risque
05:43 qui est évident, qui est un risque qui est mentionné par l'étude du Centre d'études
05:49 européennes, que cette réforme, elle produise un vote d'extrême droite. Nous, qu'est-ce
05:56 qu'on a comme responsabilité ? On a comme responsabilité de venir produire une transformation,
06:02 presque une alchimie, de cette résignation en espérance. Et en disant voilà, il y
06:08 a un débouché politique, il est chez nous.
06:09 - Jean-Luc Mélenchon déclare, c'était samedi, il faut trouver une porte de sortie,
06:14 donc nous allons en trouver une par la force. Vous dites la même chose, et d'ailleurs
06:18 ça veut dire quoi ?
06:19 - J'en sais rien, vous lui demanderez. Moi je sais que…
06:21 - Non mais tout de même.
06:22 - Il y a une porte de sortie à trouver.
06:24 - Les mots là sont forts, donc j'imagine qu'ils doivent avoir un sens.
06:29 - Vous lui poserez la question. Moi je sais ce que nous avons à faire. Ce que nous avons
06:34 à faire, et c'est très clair, d'autant plus, vous savez, je sors de ce conflit avec
06:40 une conviction renforcée, qui est que la question du travail est centrale aujourd'hui
06:45 dans ce que doit être un parti de gauche. A la fois vivre de son travail, c'est-à-dire
06:50 le salaire, l'indexation des salaires sur l'inflation, vivre de son travail passé,
06:54 c'est la retraite, les droits liés au travail, la fierté du travail, le mal-être au travail,
06:58 le sentiment qu'ont les gens de mal faire leur travail. Je pense qu'on doit être
07:02 aujourd'hui le parti du travail. Je ressors de ce conflit avec cette conviction absolument
07:06 renforcée. Et dire que ça, ça ne pourra pas se faire sans ceux qui ont été le moteur
07:12 de cette bataille-là, et le moteur de cette bataille qui a rassemblé des millions de
07:16 personnes dans la rue, ce sont les syndicats. Et évidemment, poser la question du travail,
07:19 on doit le faire avec eux. On doit passer d'un contre, contre la réforme Macron,
07:23 à un pour qui est dans la rue.
07:25 Mais, pardon, à un pour, voyez-je, on entend votre message ce matin, vous êtes en train
07:28 de préparer la suite et d'essayer de constituer un mouvement. On entend en filigrane ce que
07:34 vous dites, mais vous trouvez que vous avez donné l'exemple ? Je vous pose la question
07:37 parce que les deux mois à l'Assemblée Nationale, les 15 jours de débat à l'Assemblée Nationale
07:42 particulièrement, vous nous aviez dit à ce micro « il n'y aura pas d'obstruction
07:45 bête et méchante, on sera constructif ». Finalement, votre groupe ne vous a pas écouté,
07:48 il a maintenu ses milliers d'amendements. Vous trouvez que vous avez donné l'exemple ?
07:51 Vous trouvez que vous allez fédérer ensuite ? Ça ne va pas aussi ça rester dans la tête
07:56 des gens ? Non, je suis convaincu que non. Je suis convaincu que là, on est de l'ordre
07:59 de la péripétie parlementaire et que ce n'est vraiment pas ça qui va rester dans
08:02 la tête des gens. La question c'est comment on va faire pour que…
08:05 Traiter un ministre d'assassin ou jouer au foot avec sa tête, ça passera ? C'est
08:10 de la péripétie ? Oui, je vous dis, ce n'est pas ça qui restera.
08:13 Ce qui restera, ce n'est pas ça. Ce n'est même pas ce qui se passe au Sénat avec les
08:16 votes bloqués, ainsi de suite, ce n'est pas ça qui restera dans la tête des gens.
08:19 Non, qu'est-ce qui restera ? J'en reviens à cette étude qui me paraît centrale, parce
08:23 que je viens de la recevoir là. Et qu'est-ce qu'elle dit ? Elle dit qu'il y a trois
08:27 causes qui vont nourrir ce ressentiment social. Ce qui va rester, c'est le ressentiment social.
08:32 La première cause, c'est qu'on a une réforme qui touche sans compensation les
08:38 classes populaires, c'est-à-dire ceux qui sont déjà les grands perdants de la mondialisation.
08:41 Et très concrètement, c'est trois millions de personnes qui, d'ici 2027, vont voir
08:45 leur retraite être reculée. Donc c'est le cœur de cible. La deuxième chose, c'est
08:50 qu'il y a eu une présentation erronée, voire mensongère du gouvernement, et que
08:55 ça, ça nourrit le « tous pourris, ils nous ont menti ». La troisième chose, c'est
08:59 évidemment le vice-démocratique. Quand on a des saudages d'opinion qui sont très
09:02 défavorables, c'est-à-dire « à quoi bon qu'on donne notre avis ? ». Et l'étude
09:07 conclue en disant « beaucoup de Français sont en position de se dire, de cette réforme
09:11 de retraite, ils mentent, ils ne tiennent pas compte de ce que nous disons, ni de ce
09:15 que nous vivons, nous qui sommes les laissés pour compte, qui souffrons au travail ». Eh
09:19 bien voilà, je pense, le cœur de ce qui va rester, de ce qui va s'inscrire dans
09:24 la durée. Voilà ce sur quoi, nous, on doit travailler. On doit travailler à transformer
09:29 ce ressentiment en une espérance. On doit travailler à transformer ce contre, rester
09:34 contre évidemment cette…
09:35 Mais pourquoi vous ne vous êtes pas coltiné le texte à l'Assemblée, au lieu de faire
09:39 de l'obstruction ?
09:40 Écoutez, de toute façon, moi j'étais favorable à l'article 7, mais j'étais
09:43 pas pour qu'on vote. J'étais pas pour qu'on vote ce texte. Pourquoi ?
09:47 Parce que vous n'avez pas la majorité ?
09:48 Parce que si on n'avait pas eu la majorité, il est très clair que c'était un mouvement
09:52 négatif qui était envoyé au mouvement social. D'accord ? Donc ça, il n'y a pas de doute
09:56 là-dessus. Maintenant, je veux vous redire, je sais bien que ça intéresse beaucoup le
10:01 microcosme politique et journalistique de se demander qu'est-ce qui se passe à l'Assemblée,
10:05 au Sénat et ainsi de suite. Ce n'est pas là que ça se joue. Ça se joue aujourd'hui
10:08 dans le cœur et dans le corps des gens très profondément. Ça se joue dans le cœur
10:13 des aides-soignants que je rencontre et qui se disent « bon sang, à 53 ans j'ai déjà
10:17 mal aux épaules, comment je vais faire pour y aller jusqu'à 64 ? ». Ça se joue là-dessus.
10:21 François Ruffin, est-ce que vous êtes pour un référendum d'initiative partagée après
10:26 le vote s'il y a la lieu aujourd'hui ? Est-ce qu'il faut, dès ce soir, selon vous, utiliser
10:31 cette modalité qui, je crois, a été introduite dans la Constitution par Nicolas Sarkozy,
10:36 pour faire un référendum d'initiative partagée ? Chez vous, chez les Insoumis, ils sont contre.
10:40 On a eu une discussion ce matin pour décider de ce qu'on veut de ce référendum d'initiative
10:47 partagée. La première chose, d'abord, c'est qu'aujourd'hui, si on gagne, si on gagne
10:52 à l'Assemblée, il n'y a pas question d'avoir un référendum d'initiative partagée.
10:55 Vous croyez encore que vous pouvez faire tomber le texte ? Malgré les bricolages, les magouilles,
11:00 les bidouillages, on voit une certaine fébrilité dans le camp d'en face. Ce n'est pas maintenant
11:03 qu'on va trembler en disant… Je veux dire, c'est incroyable que la majorité en soit
11:06 se posait des questions là-dessus. Mais moi, je suis favorable, j'en discuterai avec
11:15 le groupe ce matin, à ce que oui, on porte ce référendum d'initiative partagée. Pourquoi
11:18 ? Parce que ça va permettre de prolonger très profondément dans le pays, y compris
11:22 à Friville-Escarbotin, à Hamannel, à Perronne, dans des coins chez moi où on n'avait jamais
11:26 vu une manifestation où ça s'élevait. Moi, j'en discutais avec les syndicats qui
11:30 nous disaient "bien sûr, on fera tourner ça dans notre usine". Et donc, ça raccroche
11:34 à une lutte. Et je suis convaincu que si on s'y met tous, si tous les syndicats sont
11:38 unis, si tous les partis de gauche sont unis, voire si des associations s'y mettent, on
11:42 y atteindra les 4,7 millions de signataires. Et ça veut dire quoi ?
11:44 Et vous allez réussir à convaincre votre groupe ? Votre parti ? Enfin, votre mouvement ?
11:48 Parce que quand vous leur avez dit "on fera pas d'obstruction, on retire les amendements",
11:52 ils vous ont pas écouté ? Ils ont écouté Jean-Luc Mélenchon ? François Ruffin, vous
11:55 avez des ambitions politiques, vous arrivez pas à convaincre votre groupe ?
11:57 C'est pas si simple, puisque à l'intérieur du groupe, il y avait des votes et qu'il
11:59 y avait un vote qui disait "on allait à l'article 7". Mais bon, c'est pas là le sujet. On
12:04 aura cette discussion ce matin, on fera peser nos arguments, et il me semble que les camarades
12:09 sont susceptibles de dire "oui, on doit porter ce combat populaire". Pourquoi ? Parce que
12:15 vous savez, c'est marrant comment tous les mouvements se passent de la même manière.
12:18 Ça veut dire qu'on entre dans la crise par du social ou par du fiscal. Les Gilets jaunes,
12:21 on y entre par une crise fiscale. Et on se dit "mais bon sang, comment ça se fait que
12:24 c'est un homme tout seul qui décide là-haut ?" Et on en sort par une crise démocratique.
12:27 Aujourd'hui, on entre par une crise sociale, le passage de 62 à 64 ans, et on en sort
12:31 en disant "mais bon sang, comment ça se fait qu'avec si peu de personnes, ils arrivent
12:35 à décider là-haut ?" Et on en sort par une crise démocratique. Et donc je pense que
12:38 le référendum d'initiative partagée, qu'il ne faut pas idéaliser, loin de là, 4,7 millions
12:43 de signatures, la Start-Up Nation qui nous fait des sites complètement pourris, bon,
12:47 ça va être aussi compliqué, mais je pense que c'est une moyen de porter le combat aussi
12:52 sur le terrain démocratique.
12:53 - Deux questions d'auditeurs sur l'appli d'Inter. Julien, en cas de 49.3, allez-vous voter toute
12:58 motion de censure, même venant du RN ?
13:01 - Là, il y aura une motion censure vraisemblablement portée par le groupe Liott, en liaison avec
13:06 les autres groupes, et qui rassemblera toutes les oppositions à ce texte.
13:10 - Liott, c'est un groupe indépendant ?
13:11 - Oui, c'est Liberté-Territoire, un groupe indépendant.
13:14 - Et vous voterez…
13:16 - Tous.
13:17 - Tous.
13:18 - Voilà.
13:19 - Quels que soient les couleurs politiques qui se rassemblent derrière…
13:22 - La bannière Liott.
13:23 - Les républicains qui sont aujourd'hui…
13:26 - Vous leur dites quoi aux républicains ? Qui hésitent ?
13:29 - Je leur dis « soyez gaullistes ». Franchement, « soyez… ». Aujourd'hui, il s'agit
13:34 de la démocratie, il s'agit de notre pays.
13:35 Il s'agit des Français, il s'agit de la France.
13:37 Il ne s'agit pas de petites choses.
13:39 Il s'agit de se demander si… Enfin, il y a quand même, moi je disais, c'était
13:43 l'image du coyote de Tex Avery, vous savez, qui court, qui court, qui court, et puis sous
13:46 lui, il a le vide.
13:47 Comment Emmanuel Macron, réélu, sans panache, sans élan, avec derrière une majorité de
13:54 raccrocs à l'Assemblée Nationale, avec une base sociale extrêmement étriquée,
13:58 ose, avec son arrogance, avec sa toute puissance, faire cette réforme-là contre un peuple
14:05 français qui n'en veut pas ?
14:06 - Il l'a annoncé dans la campagne, on ne va pas refaire le match pour la 8e fois.
14:10 Il l'avait annoncé dans son programme.
14:12 - Et ce vote m'oblige, il l'a dit aussi.
14:15 Bon, d'accord, mais bon, je ne refais pas ce match-là non plus.
14:18 Mais je dis qu'aujourd'hui, ce qui se passe, c'est que ce n'est pas sain pour
14:22 la France.
14:23 Ce n'est pas sain pour la France.
14:24 Aussi pourquoi ? Parce que nous avons une France à réparer.
14:27 Nous avons un hôpital à réparer.
14:28 Nous avons une école à réparer.
14:29 Nous avons des centrales nucléaires à réparer.
14:31 On a un pays à réparer.
14:33 On a un rail à réparer.
14:34 On a une crise écologique à affronter.
14:35 Comment on va affronter ça ? Est-ce que c'est en se divisant, en se chicanant, dans tous
14:39 les sens, comme on le fait là, en plaçant de la division au cœur du pays ? Ou bien
14:43 c'est en se disant « on rassemble, on canalise toutes les énergies, on canalise tous les
14:47 capitaux, on canalise toute la main-d'œuvre, on canalise toutes les savoir-faire pour affronter
14:51 ces défis dans le pays ensemble ». Et je pense que ça devrait être ça, le rôle
14:55 d'un président de la République, et ça devrait être de rassembler, ça devrait
14:58 être de nous unir pour affronter ces défis-là et pas de nous diviser.
15:03 Allez, on file au standard où nous attend Alain.
15:06 Alain, vous nous appelez de Haute-Savoie.
15:08 Bonjour, bienvenue.
15:09 C'est pas de Haute-Savoie, c'est de Savoie, mais c'est pas…
15:12 Non, non, 1000 excuses, 1000 excuses.
15:14 Bonjour France Inter, bonjour M. Ruffin.
15:16 Bonjour.
15:17 Vous dites qu'il y a un déni de démocratie de la part du gouvernement.
15:20 Est-ce que le déni de démocratie, c'est pas à l'Assemblée le bordel, puisqu'on
15:23 peut le dire maintenant à la radio, que vous avez mis avec RFI ? Ça c'est ma première
15:27 question.
15:28 Et le second déni de démocratie, à mon avis, il y a eu entre un ou deux millions de manifestants
15:33 dans les rues, ce qui veut dire qu'il y a à peu près 66 ou 67 millions de personnes
15:37 qui sont restées chez eux.
15:38 Alors où est la démocratie, à votre avis ? Merci.
15:41 Merci Alain pour cette question, François Ruffin vous répond.
15:45 Moi je suis pour aller pleinement à la démocratie.
15:47 Je suis pour qu'il y ait un référendum sur cette question-là, et que si jamais c'était
15:51 une question qui divise profondément le peuple, on voit si elle se reconnaît plus, si le
15:56 peuple se reconnaît plus dans ceux qui se sont opposés corps et âme à cette réforme-là,
16:00 ou dans ceux qui l'approuvent.
16:01 Et je sais qu'elle sera la réponse aujourd'hui.
16:03 Et au fond, le gouvernement sait.
16:04 Il faut voir ce qui se passe dans la durée.
16:06 Ce qui se passe dans la durée, c'est qu'on a un bloc libéral qui s'effrite et qui
16:09 s'émiette.
16:10 Et la question, c'est où vont partir les particules qui décrochent de ce bloc libéral
16:15 central ? Est-ce qu'elles vont partir à l'extrême droite ou est-ce qu'elles vont
16:17 partir chez nous ? Et moi je veux dire aux auditeurs, et je veux vous dire, il n'y a
16:21 pas de fatalité dans l'histoire.
16:23 1929, ça a donné le New Deal aux Etats-Unis, ça a donné le nazisme en Allemagne, ça
16:27 a donné le Front populaire en France.
16:28 Donc il n'y a pas d'issue fatale.
16:30 Il y a une bagarre pour savoir de quel côté on arrive à faire basculer ça.
16:34 Est-ce qu'on le fait basculer du côté du ressentiment ou est-ce qu'on le fait basculer
16:38 du côté de l'espérance ?
16:39 On repasse aux standards.
16:41 Dominique, bonjour !
16:42 Oui, bonjour.
16:43 Vous êtes à Vénissieux.
16:44 Je suis à Vénissieux dans le Rhône, une ville populaire, une ville communiste.
16:47 Je suis ravie d'avoir affaire à François Ruffin que j'adore.
16:51 Je l'adore.
16:52 Simplement la question est comment maintenir une unité de la gauche et éventuellement
16:59 faire adhérer à cette idée de référendum certains députés de droite du Modem qui
17:05 visiblement ne sont pas très à l'aise à l'Assemblée nationale.
17:09 Merci Dominique pour cette question.
17:10 Alors l'unité de la gauche pour commencer.
17:12 François Ruffin ?
17:13 Pour l'instant l'unité de la gauche elle existe.
17:15 Tous les jours on…
17:16 Ah bon ?
17:17 Oui, bien sûr.
17:18 Vous le voyez quand même sur cette…
17:19 Sur la réforme des retraites, oui, vous êtes d'accord.
17:21 Mais sur la manière de vous opposer, vous n'êtes pas d'accord.
17:24 Vous savez…
17:25 Sur les 60 ans, vous commencez à ne plus être d'accord.
17:27 Non mais je…
17:28 Sur les européennes, vous n'êtes pas du tout d'accord.
17:29 On peut trouver toujours… D'abord sur les européennes, on y viendra plus tard.
17:33 Ma logique est de dire que dans un couple et encore plus un couple à 4, quand il y
17:37 a des infidélités, ça ne doit pas conduire au divorce.
17:39 Vous voyez ?
17:40 Donc, c'est pas parce qu'on n'est pas toujours d'accord.
17:42 Il faut trouver le moyen de faire avec nos désaccords.
17:45 Vous voyez par exemple…
17:46 Pardonnez-moi de vous dire, parce qu'il y en a qui vont…
17:48 C'est un couple à 5, pas à 4.
17:50 Vous en oubliez un, je ne sais pas lequel, si vous oubliez les communistes ou le PS,
17:53 mais vous êtes 5.
17:54 Communistes, PS…
17:55 Insoumis, Verts…
17:56 Génération, mais qui était à l'intérieur des Verts.
17:59 C'est pour ça qu'au départ l'accord a été signé à 4, je veux bien dire à 5.
18:01 On peut avoir des couples de plus en plus extensifs et une vision du polyamour politique.
18:06 Vous voyez ? Donc il n'y a pas de problème de ce côté-là.
18:09 Politique avec un Y.
18:10 L'unité est un combat, on le sait très bien, ce n'est pas nouveau.
18:14 Donc moi je suis pour qu'on mène ce combat de l'unité.
18:17 Et je dis aujourd'hui, compte tenu du rôle qu'ont eu les syndicats, qu'ont, ce n'est
18:21 pas au passé, qu'ont les syndicats dans cette bataille-là, et bien je pense qu'il
18:25 y a des discussions aussi à avoir avec les syndicats sur comment on œuvre à une transformation
18:31 progressiste plutôt qu'à un recul réactionnaire.
18:33 NICOLAS : Nous avons une question d'Éric, la déferlante dans la rue n'a pas eu lieu,
18:38 Emmanuel Macron n'a pas lâché, est-ce pour vous un échec ?
18:40 D'abord, je suis rentré dans cette bataille-là, vous savez, moi je suis pour le pessimisme
18:46 de la justicidité et l'optimisme de la volonté.
18:48 Je voyais, et je vois encore, tout ce qui pèse dans la tête des gens, c'est-à-dire
18:52 très concrètement aujourd'hui la question clé.
18:54 On parle des retraites, mais les retraites c'est pour demain.
18:56 La question clé c'est porte-monnaie des gens chez moi.
18:59 Moi je ne vais plus chez Leclerc parce que, bon, je ne vais pas faire des comparaisons
19:03 de prix, faire le comparatif de prix, mais j'ai des gens qui me disent « voilà, j'ai
19:06 changé de magasin ». Même si j'ai de la marche à pied à faire, j'ai changé de
19:09 magasin.
19:10 Donc, on est là-dessus, on est dans une inquiétude sur le porte-monnaie des gens, sur comment
19:16 je vais payer mes factures, comment je vais faire mon plein dans ma voiture, et c'est
19:19 ça qui pèse le plus.
19:20 NICOLAS : Le trimestre anti-inflation mis en place par le gouvernement ?
19:22 C'est une grosse blague, c'est une grosse blague de Bruno Le Maire.
19:25 Mais enfin, il faut regarder ce qui s'est passé par exemple au niveau de la Banque
19:28 Centrale Européenne.
19:29 Vous savez, ils se sont mis en séminaire en Finlande, ils sont allés au Pôle Nord
19:31 là, et ils ont passé une petite semaine entre eux pour demander « qu'est-ce qui
19:34 se passe ? ». Parce qu'il y a une augmentation des prix, mais il n'y a pas d'augmentation
19:39 des salaires.
19:40 Ils disent « ah non, on a un problème, c'est qu'il y a une augmentation des bénéfices
19:42 ». On n'est pas aujourd'hui dans une boucle, parce que Bruno Le Maire craint
19:45 beaucoup la boucle prix-salaires.
19:47 Ah non, il n'y a pas de boucle prix-salaires, il y a aujourd'hui une boucle prix-bénéfices
19:51 avec les firmes qui se gavent, qui se gavent, qui se gavent.
19:53 Et donc aujourd'hui, il y a un objectif pour moi qui est l'indexation des salaires
19:57 sur inflation, c'est le minimum.
19:58 Vous savez, même dans la manif où j'étais hier, j'étais contre la fermeture de l'usine
20:02 Theréos près de Cambrai, et bien même là, ce dont les gens vous parlent, c'est
20:07 comment ça fait que le patron me propose 3% d'augmentation alors que c'est 6% officiellement
20:13 d'après l'INSEE.
20:14 François, une fin à un mot sur la crise bancaire aux Etats-Unis qui touche déjà
20:16 en mêle à Suisse avec le crédit Suisse.
20:17 Est-ce que vous êtes inquiet aujourd'hui pour le système bancaire européen français
20:20 ou vous croyez Bruno Le Maire quand il dit « pas de panique, on a des banques solides
20:23 ». Tout va très bien, tout va très bien, Madame
20:25 Lamarckise.
20:26 Non, je ne sais pas, mais ça c'est une vraie question brûlante.
20:27 En même temps, il est dans son rôle qui est… Voilà, bon.
20:30 Maintenant, là, il y a un problème qui n'est pas seulement un problème de SVB ou de crédit
20:35 Suisse qui est une inquiétude générale sur le système bancaire, qui est en fait une
20:39 fragilité qui dure depuis 15 ans, avec une remise à flot permanente par l'injection
20:44 de liquidités tous azimuts.
20:46 Mais je veux rappeler une image qu'on m'avait donnée.
20:49 On m'avait dit finalement on injecte des liquidités, mais le tuyau est percé partout.
20:53 Et donc finalement, c'est qu'une infime fraction qui arrive aux États, qui arrive
20:57 aux collectivités, qui arrive aux entreprises.
20:59 Et à la place, on a des bulles qui se créent.
21:02 Vous savez, la bulle du CAC 40, elle est quand même complètement déconnectée de la réalité
21:06 de la production du pays.
21:07 Mais de la même manière, la bulle des start-up ou la bulle des crypto-monnaies qui est complètement
21:13 déconnectée.
21:14 Donc aujourd'hui, c'est comment on reconnecte la finance et l'économie réelles ?
21:17 Très rapidement, l'Assemblée nationale a entamé lundi les débats sur le projet de
21:20 loi de relance nucléaire qui vise à faciliter la construction de six nouveaux EPR à l'horizon
21:24 2035.
21:25 Il faut les construire ces EPR ?
21:26 C'est pas la question qui est posée aujourd'hui.
21:28 Cette question-là, elle viendra à l'automne.
21:31 Sur quel est le mix énergétique qu'on choisit ?
21:33 Donc on voit bien qu'on a de nouveau une Macronie qui met la chair devant les bœufs.
21:36 Je veux vous signaler ce qui s'est passé hier.
21:37 Hier, la majorité a été mise en large minorité.
21:42 Oui, sur la fusion entre les agences.
21:46 Ils sont fous.
21:47 Excusez-moi, mais je le disais, j'ai démarré la séquence en disant qu'il y a une espèce
21:50 de folie.
21:51 Mais on voit la folie même sur le nucléaire.
21:53 Il y a un accord, même chez ceux qui sont très critiques vis-à-vis du nucléaire,
21:57 qui disent aujourd'hui, l'IRSN, l'ASN, ce qui est les autorités de régulation du
22:02 nucléaire, on a plutôt confiance en elles.
22:04 Et que fait la Macronie ?
22:06 Elle veut casser ça.
22:07 Elle veut les fusionner.
22:08 Elle veut finalement, avec un risque de perte d'indépendance.
22:11 Et bien hier, l'Assemblée nationale, contre l'avis de la Macronie, a dit non à cette
22:16 fusion des deux branches.
22:17 Je veux dire, ça peut être un signe annonçateur de ce qui se passe dans la journée aussi.
22:20 Le président de la République réunissait jeudi dernier représentants des cultes, président
22:24 du comité d'éthique, médecin en soins palliatifs, philosophe.
22:27 Pour faire un point sur le débat sur la fin de vie, l'Obs publie un manifeste des 109
22:33 personnalités demandant au président de la République de faire évoluer la loi sur l'aide
22:38 active à mourir et le suicide assisté.
22:40 Quelle est votre position sur ce sujet ?
22:42 Je pense qu'il y a une évolution à mener.
22:45 Moi, je lis des choses, je rencontre des gens qui me parlent de la fin de vie qui peut être
22:51 compliquée.
22:52 Donc il y a une vraie réflexion à mener qui doit être menée avec pondération, avec
22:56 réflexion, sans se précipiter.
22:58 Mais je pense que là, c'est un dossier qui est en cours.
23:01 Tout comme, il y a des choses que je peux saluer.
23:03 Au deux bouts de la vie, dirais-je, à la fois l'inscription du droit à l'avortement
23:07 qu'on espère, qu'on aspire dans la Constitution et qui a été promise par Emmanuel Macron.
23:11 Ça, c'est à l'entrée de la vie et à l'autre bout de la vie.
23:14 Comment en sortir ?
23:15 Comment en sortir avec dignité ?
23:17 Merci François Ruffin d'avoir été à notre micro ce matin.
23:21 Il est 8h46.