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Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Philippe Vandel reçoit chaque jour un invité.

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Transcription
00:00 Et il y a un livre dans lequel les personnages
00:02 mangent beaucoup dans leur lit et prennent leur petit déj dans leur lit. C'est le dernier livre de Mélissa D'Acosta qui est votre invité
00:08 Philippe Vandel. - Tout à fait, au lit mais dans la cuisine. Bonjour Mélissa D'Acosta. - Bonjour. - Il est beaucoup question de petit déj.
00:13 Vous êtes la nouvelle étoile du roman français. C'est pas moi qui le dis, c'est votre éditeur, c'est le bandeau
00:17 Albin Michel qui a mis ça sur votre nouveau roman "Les femmes du bout du monde".
00:21 Deux millions de livres vendus, pas de celui-ci mais des autres, à 32 ans seulement, tout le bleu du ciel.
00:26 Les lendemains je revenais des autres et l'an passé vous avez sorti pas moins de deux romans
00:30 "La douleur fantôme" et "La doublure". Vous êtes la troisième meilleure vente française, je le dis comme ça c'est fait.
00:34 Derrière Guillaume Musso qui est numéro un depuis 12 ans, derrière le Suisse Joël Dicker.
00:38 Et on vous annonce à la première place pour 2023 parce que Musso et Dicker ne sortent pas de livres l'année prochaine, c'est pas prévu.
00:44 Donc "Les femmes du bout du monde" sera peut-être le numéro un des ventes et vous avec, qui sont ces femmes, ces trois femmes ?
00:52 - Alors
00:54 tout d'abord on a Flore, la française, c'est par elle qu'on entre dans le roman.
00:58 Flore qui a 27 ans, qui fuit Paris et une existence qui a fini par devenir étouffante, toxique et douloureuse.
01:05 Et elle cherche à disparaître de la surface de la terre et donc plutôt que d'avoir un geste malheureux,
01:11 elle part à l'autre bout du monde, là où elle se retrouvera seule ou presque.
01:15 - Sans prévenir personne, sans prévenir sa famille, sans prévenir son mari.
01:19 - Presque sur un coup de tête, un geste de survie.
01:22 Et donc elle s'envole pour la Nouvelle-Zélande et comme c'est pas encore assez le bout du monde,
01:26 elle descend tout au sud de l'île du Sud, au plus près du pôle Sud finalement.
01:32 Et elle trouve une place de "woofer", c'est à dire qu'elle travaille à peu près quatre heures par jour contre le gîte et le couvert,
01:39 dans un camping. - Les "woofer" c'est ça, on est logé, on travaille un peu pour la ferme,
01:43 et en contrepartie on vous nourrit, on vous loge. - Tout à fait.
01:46 - Ça s'appelle les "woofer" et elle fait ça. - Ça se fait beaucoup là-bas en Nouvelle-Zélande.
01:49 - Elle débarque chez deux femmes. - Dans un camping tenu par deux femmes.
01:52 Enfin un camping, c'est un bien grand mot, en tout cas un bout de terre fouetté par le vent avec très très peu d'infrastructures.
01:58 Et donc le camping est tenu par Autonne, qui a une cinquantaine d'années,
02:01 et sa fille Millie, 23 ans, qui n'a jamais quitté ce petit terrain sauvage.
02:07 Elles sont très seules au monde en fait, elles sont seules face aux éléments, très taiseuses, très travailleuses.
02:13 - Comment vous les avez construites, chacune, que recherche-t-elle ?
02:17 - Alors elles sont chacune... On a Autonne qui est sur ce bout de terre,
02:24 et qui a perdu son mari, Dan, qui a été emporté lors d'une tempête par un tsunami,
02:31 et qui s'oublie un petit peu dans le travail, qui élève sa fille, et qui se refuse à vivre...
02:37 Elle est vivante, elle travaille, elle mange, elle dort, mais il y a une partie d'elle qui s'est éteinte.
02:43 Mais elle ne se pose pas de questions, parce qu'elle est d'une génération où on ne se pose pas de questions.
02:46 - Déjà elle n'a pas refait sa vie, comme on dit. Je déteste cette expression, mais enfin, elle n'a pas de nouveau Jules.
02:50 - Non, et puis elle a un petit peu cessé de vivre. Elle est en mode automatique, elle travaille, et elle nourrit sa fille, et c'est tout.
02:56 - Et Millie ? - Millie, qui a tenté de...
03:00 Alors pas de fuir, mais en tout cas d'aller voir un petit peu ailleurs de ce bout de terre,
03:04 qui a réussi à faire deux ans d'études dans une ville de Nouvelle-Zélande, un peu plus au nord,
03:09 qui a des rêves plein la tête, mais qui elle étouffe, parce qu'elle ne peut pas envisager de quitter ce petit bout de terrain,
03:14 elle n'a jamais rien connu d'autre, elle est effrayée par le reste du monde.
03:18 Tout ce qui touche aux relations humaines, elle connaît très peu, elle est très peu sociale.
03:24 Elle a grandi seule au monde avec sa mère, et elle ne peut pas se résoudre à laisser sa mère sur ce bout de terre.
03:28 - Mais alors dit comme ça, on se dit "Oh là là, on va s'ennuyer", or on ne s'ennuie pas.
03:31 Parce qu'il se passe des choses, il y a des tensions, parce que ce n'est pas lisse.
03:36 - Il y a surtout un espèce de choc des cultures, quand Flore débarque, Flore la parisienne qui elle a trop vécu,
03:42 c'est ce qu'elle dit "J'ai trop vécu, j'ai laissé trop d'empreintes",
03:45 elle a côtoyé la vie de la nuit, la vie parisienne, l'effervescence,
03:50 elle a connu beaucoup d'hommes aussi, elle s'est emplie de ces hommes, et puis elle s'est perdue auprès d'eux,
03:55 et elle débarque face à deux femmes qui elles n'ont presque jamais connu d'hommes,
03:59 qui vivent sans effervescence, et c'est ce qui va la perturber dans un premier temps,
04:05 parce qu'elle fuit tout ce qu'elle cherche à fuir, elle le fuit dans la vie nocturne, la fête,
04:11 et là-bas elle ne peut plus se cacher qui elle est, ce qu'elle a fait,
04:14 elle est dans un silence et une nature totale, et donc il y a une espèce de choc entre ces deux cultures,
04:20 ces deux façons de vivre, elles vont devoir s'apprivoiser, se comprendre les unes les autres.
04:25 Il y a quelque chose que j'aime beaucoup chez vous, Mélissa D'Acosta,
04:27 c'est que vous dites que vous n'aimez pas le terme de roman "feel good", c'est un roman où on devrait bien aller,
04:31 vous allez nous dire pourquoi, on marque une courte pause, Culture Média continue sur Europe 1.
04:34 Culture Média sur Europe 1, Philippe Vandel vous nous proposez jusqu'à 11h de plonger dans l'univers de Mélissa D'Acosta avec son nouveau roman.
04:41 Phénomène de l'édition, comme disent les journalistes, les femmes du bout du monde, c'est votre sixième roman,
04:45 ça peut dire qu'il est très attendu, puisque les cinq précédents se sont vendus à 2 millions d'exemplaires, ce qui n'est pas rien.
04:52 Je l'ai dit, vous n'aimez pas le terme de roman "feel good", pour quelle raison ?
04:55 Alors ça dépend ce qu'on met derrière "feel good".
04:57 Si "feel good" ça veut dire, c'est le terme que les lecteurs me donnent,
05:04 c'est-à-dire un roman qui va nous faire remettre en cause certaines choses de nos vies.
05:08 Je vais dire ce que c'est un roman "feel good", c'est un roman qui se lit vite, souvent des histoires de filles,
05:12 sur la plage, vite lu, vite oublié, roman de plage,
05:18 ça j'aime pas, après si "feel good" c'est un roman qui nous fait sentir bien,
05:24 parce qu'on a revu sa vie, ses valeurs, on a retrouvé une dose d'énergie et d'envie de vivre,
05:30 et c'est ce que me racontent les lecteurs, alors là ça me va.
05:32 Tout dépend ce qu'on y met.
05:34 Oui, "prost" ça peut être, c'est "feel good" aussi, parce qu'on se sent mieux après.
05:37 Montaigne également, "Flor, votre héroïne, elle a une vie sexuelle dissolue",
05:41 si on pense qu'on va lire un livre à l'eau de rose avec une jeune fille lisse, on se trompe,
05:45 Flor elle consomme les hommes, elle se comporte même très mal parfois avec eux,
05:49 pourquoi ce choix de caractère ?
05:51 Moi j'adore ces héroïnes qui sont en fait des anti-héroïnes,
05:55 qui peuvent parfois agacer le lecteur, moi je les adore,
05:58 parce que dans la littérature, la femme est bien souvent cantonnée,
06:02 soit à un rôle de mère, madone, qui se complaît dans la maternité,
06:06 qui adore ça et qui n'a pas grand chose d'autre dans sa vie,
06:09 soit c'est le rôle de l'amoureuse ou de la maîtresse qui attend,
06:13 en tout cas elles ne sont jamais elles-mêmes pleines d'aspérités,
06:17 de piquants comme le sont les personnages masculins.
06:19 C'est jamais des méchantes vous voulez dire en gros ?
06:21 Jamais, elles sont lisses, elles sont parfaites et c'est un petit peu dommage.
06:24 Et puis des personnages lisses, on n'a pas grand chose à leur faire dire.
06:28 Donc là vous êtes amusés à en faire une méchante ?
06:30 Elle n'est pas méchante, elle est en souffrance,
06:34 elle fait des mauvais choix, mais comme tout le monde en fait,
06:37 on a tous eu des comportements pas terribles.
06:40 Et vous ne faites pas non plus un tableau idyllique de la maternité ?
06:45 Pas du tout.
06:47 Non, parce qu'il y en a marre,
06:50 on en a des tableaux idylliques de la maternité,
06:53 et les gens ont envie de s'identifier,
06:55 ils ont envie de lire des choses qui leur ressemblent,
06:57 et donc la quête absolue de la maternité, ça peut être un cauchemar.
07:02 Il suffit de parler à des femmes qui sont passées par des parcours de FIV ou de PMA,
07:05 en fait à un moment donné c'est devenu juste un cauchemar médicalisé.
07:08 Même sans ça on l'a vu avec les éclats de rire de Florence Foresti, son spectacle,
07:12 où pour la première fois une fille disait "avoir un enfant c'est l'horreur",
07:15 elle le dit à la manière de Foresti, ça vous fait rire, mais c'était brillantissime.
07:19 Et les femmes et les filles qui étaient dans la salle s'identifiaient totalement à ce qu'elle disait,
07:23 qui allait complètement au-delà des clichés qu'on avait entendu pendant des siècles.
07:28 Il y a aussi le choix du lieu, c'est en Nouvelle-Zélande,
07:32 où personne ne vit en hiver, c'est très documenté,
07:34 vous y avez vécu un an.
07:36 Oui, j'y ai vécu un an en vanne, en nomade,
07:39 c'est-à-dire qu'on a sillonné le pays de haut en bas, de bas en haut.
07:44 Vous avez fait le "woofing" ?
07:46 J'ai fait du "woofing", exactement, on a travaillé beaucoup à l'extérieur,
07:50 en fait on a passé notre vie à l'extérieur pendant cette année,
07:52 du jardinage, de l'élagage, de la tonte, planter des piquets,
07:57 du travail aux grandes terres comme mes héroïnes.
07:59 Tout ce que vous racontez est vrai, il faut faire attention aux otaries au petit-déj ?
08:02 Complètement !
08:03 Ce camping-là existe, j'ai changé son nom,
08:07 mais il existe, il se trouve exactement à cet endroit-là,
08:11 dans cette baie où reviennent les dauphins chaque été,
08:14 et dans les allées du camping, on se trouvait régulièrement face à des otaries,
08:18 parfois qui barraient le chemin d'accès aux sanitaires,
08:21 et donc les gens s'adaptaient et se faisaient tout petits.
08:24 Pourquoi c'est méchant une otarie ?
08:26 En tout cas, elles peuvent se sentir agressées si on s'approche trop près,
08:29 et attaquer et charger.
08:31 Des fois c'est documenté, j'ai trouvé une petite erreur quand même.
08:35 On est page 89, les enfants marchent pieds nus sur la plage,
08:37 ils rêvent des animaux de l'autre côté de l'océan Austral, sur la banquise,
08:40 ils rêvent de manchots aux yeux jaunes, ça existe ?
08:43 Complètement !
08:44 Et d'ours polaires ?
08:45 Oui !
08:46 Il n'y a pas d'ours polaires ?
08:47 Il n'y a pas d'ours polaires !
08:48 Non !
08:49 On les voit pas, donc on les imagine, je les ai pas décrits.
08:54 Vous voulez que je donne un moyen mnémotechnique pour s'en souvenir ?
08:56 Vous savez pourquoi on dit l'Arctique et l'Antarctique ?
08:58 Non !
08:59 L'Arctique ça vient de "arkos" qui veut dire "ours" en grec,
09:02 l'Antarctique, l'endroit où il n'y a pas d'ours.
09:04 Il n'y a pas d'ours polaires là-bas.
09:06 Ils ont mal rêvé !
09:07 Il y a aussi une description en profondeur de la société néo-zélandaise,
09:11 moi je la regarde dans les matchs de rugby,
09:13 contre le All Black, on dit les Kiwis, non les Kiwis ce n'est pas les Néo-Zélandais.
09:16 Racontez ce que sont les Kiwis.
09:18 Les Kiwis ce sont des fruits, c'est l'oiseau emblématique de la Nouvelle-Zélande,
09:22 qui est très difficile à voir,
09:24 et les Kiwis ce sont les Néo-Zélandais d'origine européenne,
09:27 donc les colons européens.
09:28 C'est les Blancs.
09:29 Ce sont les Blancs, et les autres ce sont les Maoris,
09:31 et puis il y a une troisième population qui sont les Backpackers.
09:34 On le sent très très fort, le pays est scindé en trois.
09:36 Racontez ce que sont les Backpackers.
09:38 Alors les Backpackers, "backpack" c'est le sac à dos,
09:40 donc ce sont tous ces jeunes qui viennent passer six mois, un an dans le pays,
09:45 en "woofing", en tourisme.
09:47 Mais il y en a tant que ça que ça fasse une troisième population ?
09:49 Oui, mais en fait ils sont si peu nombreux là-bas,
09:51 et on arrive tellement en ombre avec nos visas pour faire un road trip,
09:56 et vivre une expérience, que oui, on est très nombreux,
09:59 et on est une troisième population.
10:00 Je parle des Kiwis, donc les colons blancs,
10:02 parce qu'ils ne se mélangent pas aux Maoris,
10:04 et comme si ces deux sociétés voulaient rester étanches d'un côté et de l'autre.
10:07 Alors dans les faits, ils se mélangent,
10:10 ils vivent ensemble dans les mêmes villes,
10:13 enfin voilà.
10:14 Mais quand on y est...
10:16 Non, il y a même des villes, vous dites qu'il y a même des villes d'un côté et de l'autre.
10:19 Théoriquement, ils se mélangent,
10:21 et puis quand on y est, on se rend compte qu'il y a des villages entiers Maori,
10:24 ils sont très très très localisés,
10:26 en réalité ils sont quasi absents de l'île Sud,
10:28 moi pour mon histoire j'avais besoin qu'ils soient là,
10:30 je voulais qu'ils soient là.
10:31 Mais en réalité ils vivent tous dans l'île Nord, sur la côte Est,
10:35 et dans des villages où ils sont quasiment qu'entre eux,
10:38 ou en tout cas des quartiers où ils sont entre eux.
10:40 Et quand on reste là-bas, et qu'on travaille là-bas,
10:43 on se rend compte qu'ils occupent en effet les emplois les plus précaires,
10:46 l'usine, les choses un petit peu difficiles.
10:48 On ne racontera pas ce qui se passe avec les Maori,
10:50 on va parler de cinéma, culture média continue,
10:52 on est avec Melissa D'Acosta sur Europe 1.