ABONNEZ-VOUS pour plus de vidéos : bit.ly/radioE1
Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Philippe Vandel reçoit chaque jour un invité.
Retrouvez "L'invité culture" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-culture
LE DIRECT : http://www.europe1.fr/direct-video
Nos nouveautés : http://bit.ly/1pij4sV
Retrouvez-nous sur :
| Notre site : http://www.europe1.fr
| Facebook : https://www.facebook.com/Europe1
| Twitter : https://twitter.com/europe1
| Google + : https://plus.google.com/+Europe1/posts
| Pinterest : http://www.pinterest.com/europe1/
Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Philippe Vandel reçoit chaque jour un invité.
Retrouvez "L'invité culture" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-culture
LE DIRECT : http://www.europe1.fr/direct-video
Nos nouveautés : http://bit.ly/1pij4sV
Retrouvez-nous sur :
| Notre site : http://www.europe1.fr
| Facebook : https://www.facebook.com/Europe1
| Twitter : https://twitter.com/europe1
| Google + : https://plus.google.com/+Europe1/posts
| Pinterest : http://www.pinterest.com/europe1/
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 - Culture Média sur Europe 1 avec votre invité Philippe Vandel jusqu'à 11h vous recevez un académicien ce matin.
00:05 - Bonjour Marc Lambron. - Bonjour.
00:07 - Vous êtes académicien donc de l'académie française, non pas que vous bossez dans une académie.
00:10 Vous êtes normalien, agrégé et narque. - Pas la star, j'ai pris longtemps.
00:13 - Pas encore, tout est dans le pas encore.
00:15 Romancier, prix féminin avec l'œil du silence, c'était en 93.
00:18 Haut fonctionnaire également, vous siégez toujours au Conseil d'État.
00:21 - Non, j'ai pris ma retraite l'année dernière à 65 ans.
00:24 Mais j'aurais pu rester jusqu'à 68 selon les statuts.
00:28 Mais ça allait. C'est-à-dire que je suis schizophrène ou dans une sorte d'économie mixte intime
00:34 puisque d'un côté en effet j'étais fonctionnaire au Conseil d'État
00:38 mais de l'autre j'écris depuis assez longtemps ou j'essaie d'écrire.
00:42 Si vous dites à quelqu'un qui exerce un métier de vocation, on dirait en nous,
00:47 si vous dites à un acteur, à un réalisateur, à un peintre, à un écrivain
00:51 qui doit s'arrêter à 62 ou à 64 ans, il va le prendre comme une destitution.
00:55 - Ou même un homme politique, Jean-Luc Mélenchon, qui milite contre la réforme des retraites, a lui-même 70 ans.
01:01 - Absolument. Et on ne parle pas de l'âge de M. Santini ou de l'âge auquel le maire de Marseille est parti.
01:07 Donc voilà, du côté de ce qui me tient dans la vie, c'est-à-dire le fait d'écrire,
01:14 là j'espère que ça durera le plus longtemps possible.
01:17 - Votre actualité, justement vous parlez du temps, on y est, c'est un récit, ça s'appelle "Le monde d'avant".
01:22 C'est publié chez Grasset, je dis "c'est un récit" parce que c'est pas un roman.
01:25 Vous racontez des souvenirs. "Le monde d'avant", c'est celui de vos grands-parents maternels,
01:29 c'est le portrait d'un siècle que vous avez parti, en partie connu, vous êtes né en 55 ?
01:33 - 57.
01:34 - 57. Vous écrivez "Je paye ma dette, le petit garçon qui regardait est devenu l'homme qui se souvient,
01:39 j'ai désormais atteint l'âge de mon grand-père lorsque je le côtoyais dans mon enfance".
01:44 Alors, quand on voit votre parcours scolaire, Marc Lambron, NormalSup, Sciences Po, l'ENA,
01:48 quand on connaît votre talent littéraire, votre érudition, on pourrait penser, je pensais,
01:52 que vous étiez né dans les hautes sphères culturelles de ce pays, les "sachants" comme on dit,
01:57 ou les CSP+, comme disent les gens du marketing, les catégories socio-professionnelles privilégiées.
02:01 Pas du tout. Qui étaient vos grands-parents ?
02:03 - D'abord, vous savez, les concours, on les passe tout seul avec une feuille de papier et un stylo.
02:08 Alors, mes grands-parents maternels, mon grand-père, et ce livre est un hommage à ses grands-parents,
02:13 s'appelait "Pierre Denis", il naît en 1902, c'est le fils d'un sabotier nivernais
02:18 dans une petite ville mi-rurale, mi-industrielle, qui s'appelle Infy,
02:23 qui a la particularité, d'une douzaine de kilomètres de Nevers,
02:28 d'être depuis le XVIIIe siècle une ville de forge, puis d'une usine de la sidérurgie française,
02:33 une grosse usine, en bord de Loire, par exemple, c'est là qu'un des pieds de la tour Eiffel sera forgé.
02:39 - Mais votre grand-père, c'est pas le grand patron de l'usine ?
02:42 - C'est pas vraiment le grand patron de l'usine, il est orphelin de mer assez tôt,
02:45 il est alphabétisé, mais il garde des moutons,
02:49 à 16 ans, il devient compagnon du Tour de France, et il apprend le métier de tailleur de pierre et de maçon.
02:56 - Il y a une histoire qui fait ma joie, je vous interromps, parce qu'il est trop jeune,
02:59 il échappe de par sa naissance à la guerre de 14-18,
03:02 mais en 1920, on l'envoie en Algérie, c'est l'Algérie coloniale,
03:05 comme il avait été tailleur de pierre, on lui attribue une drôle d'affectation.
03:09 C'est-à-dire que le sergent qui note sa qualification,
03:14 note tailleur, mais il oublie de pierre,
03:17 ce qui fait qu'il va passer son service militaire à recoudre des boutons,
03:20 si vous voulez, sur une équivoque.
03:24 Et quand il en revient, il s'installe au pays,
03:27 et il est engagé, donc il doit avoir 22 ans,
03:30 comme ouvrier maçon
03:33 aux aciéries d'un filles,
03:36 et c'est là qu'il va perdre toute sa carrière,
03:39 en vivant aussi près de l'usine, dans une cité ouvrière.
03:42 - Avant, vous nous racontiez les conditions de vie de l'époque,
03:45 et puis époque que vous avez croisée quand vous étiez petit garçon dans les années 60,
03:48 vous dites cette phrase absolument magnifique, vous dites "Ces pauvres m'ont fait riche".
03:52 - Oui, parce que je me sens en dette
03:56 vis-à-vis de ses grands-parents, vis-à-vis de ce monde,
04:00 vis-à-vis de sa poésie, car c'était un monde rigoureux, sans doute,
04:04 où il y avait des beautés, je pourrais vous dire lesquelles,
04:07 et puis, dans mon souvenir, il y a une droiture
04:10 de ces personnages,
04:13 et aussi, c'est une époque,
04:16 je n'ai pas le souvenir d'une acrimonie.
04:18 Aujourd'hui, on est quand même dans une société extrêmement aigre,
04:22 à bien des égards, et clivée.
04:25 Alors, il ne cédait pas sur la défense de leurs droits,
04:30 comme on dit aujourd'hui, il occupe l'usine en 36,
04:33 c'est une très bonne idée, mais en même temps,
04:36 il y a une sorte de culture du bonheur,
04:38 qui est quelque chose qui me reste, le bonheur malgré tout.
04:40 - De l'honneur, du bonheur, de la générosité, de l'humanité,
04:43 de la beauté, c'est dans les quelques pages de Marc Lambron,
04:46 je dis ça parce que son précédent pavé, il fallait se le farcir,
04:49 ça faisait bien 2 kilos sur la balance, ça s'appelle "Le monde d'avant",
04:51 Culture Média continue sur Europe 1.
04:53 - Et ce matin dans Culture Média, on vous propose un bond dans le passé
04:56 avec le nouveau livre de Marc Lambron, "Le monde d'avant".
04:59 - Marc Lambron, vous parlez de votre mère, évidemment, Jacqueline,
05:02 qui est elle, je vais employer un anachronisme,
05:04 elle a échappé à sa condition.
05:06 - Bon, elle naît en 1931,
05:09 est-ce qu'elle échappe à sa condition ?
05:11 Oui, il y a, je crois, cette idée chez ses parents,
05:15 que l'école est un vecteur d'ascension sociale,
05:19 et notamment ce que ça vous fait passer des métiers manuels
05:22 aux métiers intellectuels.
05:23 Alors, son père, qui était alphabétisé, c'est important,
05:27 surveillait ses résultats, elle était toujours première
05:30 à l'école primaire.
05:32 Un mois, elle est deuxième, il lui dit "si tu continues comme ça,
05:34 tu iras garder les oies".
05:36 Bon, et il y a les bourses à l'époque,
05:39 donc elle est repérée par une institutrice qui la pousse,
05:42 comme on dit, il faut pousser les enfants, ça c'était un mot important,
05:45 et les filles aussi bien,
05:47 et elle va avoir le bac,
05:49 donc elle va à Nevers,
05:52 dans un internat, dans un collège,
05:55 et elle est bachelière en 1949,
05:57 et en 1949, dans cette ville de 3000 habitants,
06:00 il y a trois bacheliers cette année-là, qui sont des filles.
06:03 Et après un petit stage à l'école normale du lieu,
06:07 on l'envoie comme institutrice remplaçante
06:11 dans des bourgades et des hameaux du Morvan.
06:14 Et là, c'est encore le 19e siècle,
06:16 car elle a des élèves qui sont des petits,
06:19 qui sont des fils de bûcherons ou de paysans,
06:21 dont la première langue, le premier parlé, est le patois.
06:24 Et c'est un patois qui remonte...
06:27 - Ah, il y a des exemples savoureux de patois et de parlé dans le livre.
06:30 - Au 15e et 16e siècle.
06:32 Et elle se trouve par exemple avec un petit élève qui lui dit
06:35 "Jars rarle", ça veut dire "hier je suis allé à Arleuf".
06:39 Elle dessine des oeufs sur le tableau,
06:43 et un élève lève le doigt et lui dit "ce sont des kaki pouffés d'oujons".
06:46 Ça veut dire "ce sont des cocos, ce sont des oeufs pour faire des oisons".
06:49 - C'est un récit. - Et donc, oui.
06:51 - Pardonnez-moi, c'est un récit qu'elle vous a fait,
06:53 ou même quand vous alliez voir vos grands-parents,
06:56 on parlait comme ça, alentour ?
06:58 - Non. Alors quand je vais voir mes grands-parents...
07:00 - Quel souvenir vous avez vous-même, de petits garçons ?
07:02 - Dans les années 60, alors d'abord j'ai le souvenir du...
07:05 On est en Bourgogne, du "air roulé",
07:07 qui est quelque chose qui a à peu près disparu aujourd'hui en France.
07:11 Non, ils parlaient un français syntaxiquement correct,
07:14 mais avec un vocabulaire tout à fait pittoresque, truculent.
07:18 - Des gens pittoresques, truculents, vous écrivez ceci
07:21 "la vie locale avait engendré ces figures baroques,
07:23 fortement silhouettées, parfois dérangées,
07:25 et dans certains cas blâmables, racontait le curé".
07:29 - Le curé que j'ai encore connu,
07:32 je crois qu'il est mort au début des années 90,
07:34 le père, par an,
07:36 qui était donc le vicaire d'un fil.
07:38 Ce que j'en ai su d'abord,
07:41 c'est qu'il vivait, il concubinait avec la cheftenne des Jeannettes.
07:44 Très bien.
07:45 Mais il avait un passé absolument glorieux.
07:48 Il avait été un grand résistant à Lyon pendant la guerre,
07:52 faisant transiter des dizaines de juifs vers la Suisse,
07:56 au point que, dans les années 70,
07:58 il a été déclaré juste parmi les nations
08:01 au mémorial de Yad Vashem.
08:03 Et dans cette petite ville,
08:05 il y avait ce curé héroïque, discret et concubin.
08:08 - Il y a la vieille dame aussi.
08:10 - Alors la vieille dame, oui, je vois que vous vous intéressez
08:12 aux choses les plus aigriardes, la vieille dame qui...
08:15 - Vous aussi, parce que vous consacrez quatre pages.
08:18 Alors qu'il n'y a que deux pages pour François Mitterrand.
08:21 - Oui, la réputation est qu'elle ne portait jamais de culottes,
08:24 qu'elle avait eu comme amant un jeune sourd muet,
08:26 qu'elle accueillait le facteur en fin de tournée
08:29 qui, fatigué du poignet, brûlait le courrier surnuméraire dans son poêle.
08:35 Elle tenait son lit toujours ouvert, disait-on,
08:38 mais elle a fini âgée pour compagnon
08:42 dans son lit de loire, comme si elle avait eu des chats.
08:45 Voilà, donc on est un peu dans un...
08:47 C'est un peu un film de dinorésie, c'est un peu...
08:50 Il y a quelque chose de pagnolesque, même si on est dans le Morvan.
08:54 Et oui, il y a le simple d'esprit, le bécassin,
08:57 qui est le fils de la bécassine,
08:59 qui disait, c'est curieux,
09:01 je bois du vin et je pisse de l'eau.
09:04 Il y a la vava, qui était un monument municipal,
09:08 23 enfants, avec son époux, le charlot,
09:11 et qui ne faisait rien parce qu'il avait mal au dos, disait-il,
09:14 mais pas au point de freiner ses rythmes reproducteurs.
09:17 - Il y a de la gastronomie aussi.
09:19 Écoutez, j'ai relu deux fois la phrase parce que je n'y croyais pas.
09:22 "Si l'huile de table manque, on fait dorer les frites dans la poêle
09:25 sur un coulis d'huile de machine prélevée à l'usine."
09:28 - Oui, c'est-à-dire que l'huile industrielle
09:31 pouvait servir comme huile de cuisine.
09:34 - Sans vous la raconter, vous ne l'avez pas goûtée.
09:37 - Non, je ne l'ai pas goûtée.
09:39 C'est un livre qui est très construit,
09:41 c'est-à-dire pour partie de la mémoire secondaire,
09:43 j'ai interrogé la mémoire de ma mère, de sa sœur,
09:46 et d'une de leurs cousines, qui sont aujourd'hui octogénaires
09:49 et nonagénaires pour ma mère, donc il y a cette strade de mémoire,
09:52 et puis vient s'y greffer ma mémoire à partir des années 60,
09:57 quand j'y séjourne l'été.
10:00 Et pour moi, c'était au fond un lieu de vacances,
10:02 donc j'en ai un souvenir assez, en même temps, lumineux,
10:05 et je ne crois pas que dans l'enfance, on ait une conscience très claire
10:08 des classes sociales ou des différences.
10:10 J'ai été émerveillé par une chose, qui était le jardin de mon grand-père.
10:14 - Marc Lambron, avec nous, dans Culture Média,
10:17 l'émission continue évidemment sur Europe 1.