Harcelé du CE1 au CM2 par le même élève dans son école située près du Creusot, Maël a été forcé à quitter sa classe et de se scolariser à domicile. Son harceleur va finalement être changé d'école a annoncé jeudi l'académie de Dijon dans un communiqué.
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00:00 C'est la fin de plusieurs années de combat pour Maël et pour ses parents.
00:03 Maël, ce garçon de 10 ans, qui va pouvoir retourner à l'école, faire sa rentrée lundi,
00:07 après plusieurs mois de déscolarisation à cause d'un camarade de classe qui le harcelait.
00:11 Cet élève harceleur va finalement changer d'école.
00:15 7 minutes pour comprendre cette affaire de harcèlement qui émeut toute la France.
00:20 Avec nous pour en parler, Annelies Debbat. Bonjour.
00:27 Bonjour.
00:27 Vous avez souffert de harcèlement et aujourd'hui vous tentez d'aider d'autres victimes à se reconstruire.
00:31 Vous allez dans les écoles, dans les médias et vous avez aussi un podcast qui s'appelle Smile, pour redonner le sourire.
00:37 Et puis Véronique Fèvre, chef du service éducation de BFM TV.
00:40 Véronique, rappelez-nous d'abord la solution qui a été trouvée.
00:43 Les parents de l'élève mis en cause ont fini par accepter que leur enfant soit changé d'école.
00:51 C'est une solution qui avait été présentée déjà, mais qu'ils l'avaient toujours refusée.
00:54 Sans doute ont-ils dû céder à la pression médiatique et peut-être aussi celle de l'académie.
01:00 C'est un vrai changement logique parce que jusqu'à présent, la plupart des affaires qu'on voit,
01:04 c'est la double peine pour les enfants harcelés qui doivent à la fois souffrir et à la fois partir,
01:09 pouvoir espérer être un peu plus tranquille.
01:12 Vraiment, ça donne beaucoup d'espoir, je dirais, pour beaucoup d'enfants harcelés, cette situation.
01:17 L'école n'était pas restée passive jusqu'à maintenant dans cette affaire de Maël.
01:21 Elle avait tenté des médiations.
01:23 Beaucoup de choses, mais par exemple la médiation entre parents qui avait été demandée avec les parents,
01:28 c'est fortement déconseillé par tous les spécialistes du harcèlement
01:32 parce que ça fige chaque camp dans ses positions.
01:36 Donc il ne faut surtout pas mêler les parents.
01:38 C'est vraiment à l'école de gérer les choses.
01:40 Elle avait effectivement demandé aux parents de l'enfant mis en cause de changer d'école,
01:46 mais ils ne le voulaient pas comme la plupart des parents.
01:48 Après tout, leurs enfants leur disent "non, non, moi je n'ai rien fait".
01:51 Beaucoup de parents sont comme ça dans le déni.
01:54 On perçoit aussi qu'il y a quelques semaines encore, la direction de l'académie
01:58 nous parlait d'une affaire de harcèlement présumé.
02:01 Là, ça jette quand même un doute sur la capacité de l'éducation nationale
02:04 à croire les victimes et à faire en sorte que les harceleurs soient punis.
02:10 En l'occurrence, le jeune garçon avait été réprimandé, mais pas sanctionné.
02:14 La question à l'école primaire aujourd'hui, c'est qu'il y a un tabou,
02:18 c'est-à-dire que même si le programme phare prévoit des programmes de prise en charge,
02:21 il prévoit aussi des sanctions, ces sanctions ne sont pas prévues par les écoles.
02:26 Il y a une forme de tabou, on ne veut pas sanctionner.
02:28 Ça pourrait être une journée d'exclusion, ça pourrait être quelques jours d'exclusion,
02:31 histoire de renvoyer chacun à ses responsabilités, ça n'est pas appliqué.
02:34 Et tu le rappelais, Damien, ce qui nous frappe dans cette histoire, c'est la longueur du temps.
02:38 Ça fait trois années que Maël subissait ce harcèlement présumé,
02:42 on va employer ces termes-là, trois années.
02:45 Ça fait trois mois que finalement il n'allait plus à l'école parce que c'était devenu impossible.
02:49 Trois années perdues.
02:51 Oui, et puis pour six élèves de CM2 dont on ne parvient pas à venir à bout.
02:57 C'est quand même assez effrayant.
02:59 Donc il est temps que les choses changent, comme vous dites, c'est trois années de perdues.
03:04 Et aussi un traumatisme qui, pour beaucoup d'élèves devenus adultes, dure.
03:11 Ça veut dire qu'aujourd'hui, Maël, il est suivi tous les 15 jours par un psy
03:14 et qu'il va sans doute devoir continuer parce que ça laisse des traces, ce harcèlement.
03:18 Et cette affaire, Adeline le disait, a ému dans tout le pays.
03:21 Et c'est une information que BFMTV vous révèle ce matin.
03:24 Brigitte Macron va rencontrer les parents de Maël
03:27 et elle nous a confié cette question qu'elle pose ce matin.
03:30 Pour un enfant qu'on va aider, combien en dure l'inacceptable ?
03:33 Et justement, Annelise Debarme, tout à l'heure, vous souriez quand Adeline disait
03:37 Maël va pouvoir retourner à l'école.
03:39 Mais il y en a beaucoup pour qui l'école, c'est la boule au ventre tout le temps
03:43 et ce qui se passe pour Maël n'est pas malheureusement la norme.
03:45 Tout à fait. C'est un vrai calvaire d'être victime de harcèlement scolaire,
03:49 sachant que les professeurs, les adultes qui sont au sein de l'école
03:51 sont au courant de ce qu'il se passe, mais qu'ils ne font rien.
03:54 Donc c'est inadmissible que des enfants aient peur d'aller à l'école
03:57 et soient obligés de rester chez eux pour ne pas être violentés.
04:01 Mais quand vous souriez, quand vous entendez que Maël va pouvoir retourner à l'école,
04:04 vous vous dites que là, on est vraiment dans un moment de bascule.
04:06 On se disait ce matin, finalement, la peur est en train de changer de camp.
04:09 Ça vous parle ?
04:10 Pas vraiment. Je pense que c'est une affaire parmi tant d'autres.
04:14 Maël, là, c'est un espoir pour beaucoup de personnes, dont moi.
04:17 Je suis très heureuse qu'il puisse retourner à l'école
04:19 après trois mois de déscolarisation.
04:21 Ça, c'est inadmissible en fait.
04:22 C'est inqualifiable de se dire qu'un enfant a dû arrêter d'aller à l'école.
04:26 Pourtant, malheureusement, c'est le cas de beaucoup trop d'enfants
04:28 qui sont aujourd'hui victimes de harcèlement scolaire et depuis des années encore.
04:31 On comprend aussi que ce qui a posé problème pendant longtemps,
04:34 c'était justement qu'il faut l'accord de la famille pour déplacer l'élève harceleur.
04:37 Est-ce que les choses bougent à ce niveau-là ?
04:38 Est-ce qu'il y a une prise de conscience avec les interlocuteurs
04:40 de l'éducation nationale que vous avez, par exemple ?
04:42 Je ne pense pas encore.
04:44 Malheureusement, au niveau de la loi, il n'y a rien qui prévoit
04:47 qu'un enfant d'élève de primaire peut être déplacé de son école
04:51 s'il harcèle, alors que même les élèves de collège et de lycée
04:56 peuvent être exclus pour harcèlement.
04:57 Je pense qu'aujourd'hui, dans la loi française,
04:59 il faut intégrer une loi qui met en place des sanctions
05:03 pour les élèves de primaire.
05:04 Les élèves de primaire qui harcèlent doivent également être exclus
05:07 des écoles primaires parce que c'est inadmissible
05:10 que ce soit aux personnes qui sont victimes de harcèlement
05:12 de partir.
05:13 Véronique, le cas de Maël soulève aussi le problème de la ruralité.
05:17 C'est-à-dire que changer d'école dans une commune
05:19 où il y a une seule école, c'est aussi le problème
05:21 qui s'est posé peut-être aux parents de l'élève harceleur.
05:24 Oui, forcément, mais ça aurait pu se passer en ville.
05:28 Personne ne veut changer d'école.
05:30 C'est vrai que ça implique des contraintes.
05:33 Malgré tout, il y avait eu des choses proposées
05:36 par l'Éducation nationale qui consistaient à mettre
05:40 des professeurs en plus.
05:42 Ce que je retiens surtout quand même dans cette affaire,
05:45 c'est un grand gâchis parce qu'on a mis presque 3 ans
05:50 à régler cette question et à la fin, l'élève harceleur
05:54 qui a été réprimandé mais qui a finalement pu continuer
05:58 en toute impunité à harceler.
05:59 Il a continué à harceler d'autres élèves.
06:01 Il a continué à harceler d'autres élèves.
06:03 Il a fait d'autres victimes.
06:04 Mais cet enfant aussi, il va mal.
06:06 Il est dans la toute-puissance.
06:08 Il n'a pas été stoppé à temps.
06:10 Ces affaires de harcèlement, quand elles durent,
06:13 elles font plus de victimes de chaque côté.
06:15 Donc tout l'enjeu, c'est que les professeurs soient formés
06:19 à détecter, à prendre en charge le plus tôt possible
06:22 de manière à ce que personne ne soit obligé
06:25 de changer d'école, qu'il s'agisse d'une école rurale
06:27 ou d'une école en ville parce que là aussi,
06:29 ça pose d'autres problèmes.
06:30 Formés aussi à prendre la mesure du problème
06:32 parce qu'on a des enfants en primaire tous.
06:34 On est conscient que peut-être en primaire,
06:37 on prend les choses moins au sérieux.
06:38 On se dit, c'est des histoires d'enfants.
06:40 C'est des histoires d'enfants, ça a toujours existé.
06:42 On voit bien qu'on a toujours du mal à obtenir
06:46 de la part des adultes une prise en compte réelle
06:48 de l'impact que cela produit pour les enfants.
06:50 On le voit tout simplement.
06:51 Quand on appelle les syndicats enseignants,
06:53 quand on demande aux premiers syndicats du primaire
06:55 "Est-ce que vous pouvez réagir ?"
06:56 On n'a pas de réaction.
06:57 C'est-à-dire que là aussi, il va falloir
06:59 que les syndicats d'enseignants prennent la mesure
07:01 aussi de leur responsabilité dans cette affaire.
07:04 Ce qui est triste, c'est qu'il a fallu
07:06 le suicide d'un petit garçon pour qu'on ait l'impression
07:09 que les choses bougent enfin.
07:13 Moi, par exemple, j'ai été concerné par le problème
07:15 et j'ai dû changer de collège entre la 4e et la 5e.
07:21 Et pour le coup, deux ans plus tard,
07:23 j'ai retrouvé ces mêmes personnes dans le même lycée
07:25 parce que je viens d'une zone rurale.
07:26 On a l'impression quand même que 10, 20 ans plus tard,
07:30 il y a encore des difficultés.
07:32 Véronique le disait très bien,
07:33 les professeurs parfois sont un peu démunis face à ça.
07:36 C'est-à-dire que prendre en compte ces questions
07:41 de "Voilà, tu es une très bonne élève"
07:43 ou "Toi, tu es gay", etc.,
07:45 c'est difficile pour certains professeurs.
07:47 Ils n'ont pas les clés pour...
07:49 Ce désarroi des enseignants, Annelise,
07:51 vous le mesurez vous aussi quand vous allez dans les écoles
07:53 faire de la prévention en ce moment ?
07:54 Oui, tout à fait.
07:55 Il y a beaucoup de professeurs qui ne se rendent pas compte
07:56 de ce qu'il se passe.
07:57 Et même quand je leur dis qu'un enfant est victime
07:59 de harcèlement, qu'une fille est frappée, insultée
08:01 ou victime d'agression sexuelle,
08:03 ils ne prennent pas les choses au sérieux
08:05 et c'est souvent le cas.
08:06 Donc, ça fait que des enfants se retrouvent seuls,
08:08 démunis eux-mêmes face à leur propre violence
08:11 et ne sachant comment réagir.
08:12 Ces enfants-là vont commettre des...
08:14 vont avoir des comportements autodestructeurs
08:16 envers eux-mêmes qui peuvent conduire jusqu'au suicide, justement.
08:18 Il y a aussi le côté pas de vague, j'ai l'impression.
08:20 Parfois, les professeurs remontent des choses et...
08:24 Alors, il y a le programme phare, après,
08:26 vu qu'il y ait cinq personnes dans les établissements,
08:28 mais c'est surtout le second degré aujourd'hui,
08:30 qui puissent prendre en charge.
08:32 Malheureusement, en primaire, on est vraiment loin du compte
08:34 sur l'application.
08:35 Merci à tous les trois.