Changement climatique : de la lutte à l’adaptation ?

  • l’année dernière
L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 23 Août 2022)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr

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Transcript
00:00 -Les matins de France Culture, Jean Lemarie.
00:03 -Quand va-t-il pleuvoir ? Et surtout, pendant combien de temps ?
00:07 Nous sommes le 27 février et la France manque d'eau.
00:10 Tout à l'heure, le ministre de la Transition écologique,
00:14 Christophe Béchu, réunira les préfets.
00:16 Le gouvernement prépare des mesures de restriction.
00:19 Sommes-nous prêts à nous adapter à cette situation
00:22 individuellement et collectivement ?
00:24 C'est ce que nous allons voir avec nos 2 invités.
00:26 Bonjour, Lola Valéjo,
00:28 directrice du programme Climat à Lydry,
00:30 l'Institut de développement durable et des relations internationales.
00:34 Je salue également Eric Soquet. Bonjour.
00:37 -Bonjour.
00:38 -Vous êtes à distance ce matin,
00:40 directeur de recherche en hydrologie à l'INRAE,
00:43 l'Institut national de la recherche agronomique.
00:46 Eric Soquet, nous sommes en plein hiver.
00:48 Il fait froid, d'ailleurs, ce matin.
00:50 Nous parlons déjà de sécheresse.
00:52 Est-ce la première fois ? Est-ce que ça vous surprend ?
00:55 -Les sécheresses, effectivement,
00:58 on a plus l'habitude d'entendre ce terme-là
01:00 pendant la période estivale.
01:02 C'est ce qui réunit ce phénomène en été
01:06 et ce que l'on constate aujourd'hui.
01:08 C'est un déficit pluviométrique,
01:10 c'est-à-dire l'absence prolongée de précipitations
01:14 qui viennent, d'une part,
01:17 bénéficier au sol, bénéficier aux aquifères
01:21 et également aux rivières.
01:23 Dans le passé, on a pu connaître des séquences de sécheresse.
01:27 C'est ce qu'on voit pendant les périodes hivernales.
01:30 Mais cette année, nous vivons quelque chose d'exceptionnel
01:34 puisqu'on a eu une trentaine de jours
01:37 sans absence totale de précipitations,
01:39 ce qui fait que nous avons des aquifères
01:42 qui sont un peu mis à mal
01:44 et nous avons également des rivières
01:46 qui sont dans des niveaux excessivement bas.
01:49 -Quelle est la situation,
01:51 si on devait l'évaluer sur une échelle
01:54 par rapport à la situation normale
01:56 pour les nappes phréatiques,
01:58 pour le niveau de pluie ?
02:01 On en est où, là ?
02:02 -Mon regard est plus basé sur ce qui se passe dans les rivières,
02:08 mais c'est révélateur, en gros,
02:10 de l'ensemble des composantes du cycle de l'eau.
02:14 On est aujourd'hui, sur certains cours d'eau,
02:17 fin février, on observait 20 % de ce qui habituellement coule.
02:22 Quand on regarde l'historique,
02:24 qu'on fait des moyennes de débit écoulées sur le mois de février,
02:27 par exemple, ces derniers jours,
02:30 la Saône, on avait 20 % de la moyenne historique
02:34 des débits des mois de février.
02:36 Sur certains cours d'eau,
02:38 on est dans une situation où on a des assecs
02:43 dans le sud de la France,
02:44 une rivière complètement assec sans écoulement.
02:48 On a des valeurs qui peuvent ressembler
02:50 à des valeurs qu'on observe en été.
02:52 Voilà, pour vous donner un panorama assez noir, quand même,
02:57 de la situation.
02:58 Lola Valéjo, en studio avec nous,
03:01 vous entendez le point de vue de l'hydrologue,
03:05 puisque Eric Soquet parle de vision noire,
03:07 tout de même, pour une fin février.
03:11 Êtes-vous surprise, vous qui avez, je le rappelle,
03:14 au sein de l'Hydrie, la charge du programme climat ?
03:17 Vous voyez la situation,
03:19 vous n'êtes pas ni météorologue, ni climatologue, ni hydrologue.
03:22 Qu'est-ce qui vous surprend ou ne vous surprend pas ?
03:26 Il faut avoir en tête que ce type d'épisodes,
03:30 sécheresse ou forte chaleur, comme on l'a vu l'été dernier,
03:34 ce sont des moments qui nous rappellent
03:38 qu'on vit déjà le changement climatique, il est déjà là.
03:42 À l'échelle métropolitaine,
03:43 on a déjà gagné 1,5 degré en moyenne
03:47 par rapport à l'ère pré-industrielle.
03:49 Donc, le changement climatique, il faut en parler au présent.
03:52 Et finalement, ce type d'événements,
03:54 donc sécheresse hivernale, sécheresse des fleuves,
03:57 sécheresse des sols, sécheresse météo,
04:00 l'absence de pluie, qui se combinent
04:02 et qui vont avoir des effets potentiellement très graves
04:06 pour les mois à venir,
04:08 c'est aussi un révélateur de l'importance
04:10 qu'il faut accorder au changement climatique
04:14 et la nécessité de l'intégrer d'ores et déjà
04:17 dans l'ensemble de nos politiques et l'ensemble de nos usages,
04:21 notamment de l'eau, mais aussi de l'énergie.
04:23 On a beaucoup parlé de ces questions il y a quelques mois.
04:26 Et finalement, on voit qu'il faut appliquer les mêmes principes
04:30 à la gestion des ressources rares que sont l'eau.
04:34 -Le mot-clé, celui qu'on a beaucoup entendu les derniers mois
04:38 et que nous allons probablement beaucoup entendre
04:40 dans les prochains mois, c'est le mot "sobriété".
04:43 Je vous propose d'écouter Emmanuel Macron.
04:45 Il était au Salon de l'agriculture.
04:48 -Sur la sécheresse, on va se doter d'une planification en la matière.
04:51 On a, ces derniers jours, transmis au Conseil d'Etat
04:54 un décret pour mieux réutiliser les eaux usées.
04:56 On doit mieux utiliser nos eaux, avoir moins de fuites,
04:59 préserver justement les choses.
05:00 On doit mettre en place des structures
05:02 partout sur le territoire pour permettre
05:04 ces rétentions culinaires, permettre aux agriculteurs
05:06 de fonctionner.
05:07 Et la nation a besoin de faire sur l'eau,
05:09 comme on l'a fait sur l'énergie,
05:10 une forme de plan de sobriété.
05:12 C'est-à-dire qu'on doit tous, nous, citoyens,
05:14 industriels, services, collectivités locales,
05:16 les agriculteurs, faire attention à cette ressource
05:18 qui devient rare. C'est ce que je disais en fin d'été.
05:20 C'est la fin de l'abondance.
05:21 Il faut qu'on aille vers des comportements de sobriété
05:24 dans nos pratiques.
05:25 -Vous l'entendez, Lola Valéjo,
05:26 le président de la République, ce week-end.
05:28 La fin de l'abondance, encore une fois.
05:30 Qu'en pensez-vous ?
05:31 -Le constat est le bon.
05:33 Je repense à une autre phrase qui m'avait un petit peu heurtée
05:37 sur qui aurait pu prévoir l'état dans lequel on se trouve aujourd'hui.
05:42 -Le discours des voeux, le 31 décembre.
05:44 -C'est effectivement le bon moment pour se poser des questions.
05:48 Le meilleur moment, ça aurait été effectivement
05:51 il y a des décennies.
05:52 En fait, on n'est pas à notre coup d'essai.
05:54 La France a déjà eu un premier plan d'adaptation en 2011.
05:58 On en a eu un deuxième en 2017.
06:00 Là, c'est vrai qu'on a une grande opportunité
06:03 pour se poser les bonnes questions,
06:05 pas uniquement par le petit bout de la lorgnette
06:07 et en tirant le frein à main sur l'utilisation maintenant
06:11 avec les sagesses qu'on a déjà devant nous,
06:13 mais pour lever un peu le nez et regarder peut-être un peu plus loin
06:16 sur ce qui est en train de devenir la nouvelle normale, quelque part,
06:20 et se reposer la question des usages.
06:22 C'est là où je rejoins l'usage du terme sobriété.
06:25 Il est le bon, parce qu'il faut re-questionner les usages,
06:28 que ce soit pour l'énergie ou pour l'utilisation de l'eau.
06:30 Mais il faut peut-être le faire aussi de façon un peu systémique,
06:34 c'est-à-dire en regardant l'ensemble des secteurs de production,
06:38 par exemple l'agriculture,
06:39 où évidemment la question de l'eau va être un enjeu majeur.
06:42 Et peut-être penser pas juste
06:45 "on va réparer les fuites, on va colmater les trous dans les tuyaux",
06:48 mais aussi se demander
06:49 "est-ce qu'on organise des nouvelles formes de production
06:53 pour des cultures moins gourmandes en eau, par exemple ?
06:56 Comment est-ce qu'on accompagne les agriculteurs ?"
06:58 Il faut vraiment se poser des questions d'ampleur,
07:00 parce qu'on a l'opportunité de le faire en ce moment,
07:02 parce qu'on prépare justement
07:03 cette troisième stratégie nationale d'adaptation.
07:06 - Vous mettez le doigt là sur un point évidemment important,
07:09 c'est la question des leviers les plus efficaces
07:12 au niveau individuel, au niveau collectif, secteur par secteur.
07:16 Posons la question à l'hydrologue.
07:18 Éric Soquet, nous sommes dans l'urgence.
07:20 Vous nous l'avez bien présenté il y a quelques minutes.
07:23 Quelle est la réponse aujourd'hui la plus urgente et la plus efficace ?
07:27 - Alors c'est assez compliqué de répondre à cette question.
07:31 Alors effectivement,
07:32 comme nous a invité le président Macron à être sobre,
07:38 c'est la première des choses,
07:39 d'essayer de réduire notre demande en eau dans cette situation-là.
07:44 Au-delà de ça, effectivement aussi,
07:47 il faut essayer de penser à la sécheresse de l'année dernière.
07:52 Et puis, on va dire malheureusement,
07:54 cette opportunité de cette année nous incite à repenser des systèmes,
08:01 comme ce qui vient d'être dit,
08:02 c'est-à-dire d'avoir une vision un peu,
08:04 pas que de l'eau en tant que telle,
08:06 mais des systèmes, notamment pour l'agriculture,
08:08 de savoir quelle agriculture on veut,
08:11 quelle pratique on peut mettre en place
08:14 qui soit bénéfique à la fois pour l'environnement et pour l'eau.
08:19 Il y a beaucoup d'éléments à regarder.
08:22 Il n'y a pas une seule solution
08:24 parce que les territoires sont très différents.
08:26 Il y a des secteurs où on pourra jouer, par exemple,
08:30 sur des économies en améliorant les rendements.
08:33 Il y a d'autres secteurs où on est déjà au maximum
08:36 et ce n'est certainement pas ce levier qu'on va mobiliser.
08:39 Donc, il faut avoir en tête que,
08:41 que ce soit dans la crise ou même dans l'adaptation,
08:43 il n'y a pas une seule solution, mais il y en a plusieurs.
08:47 Et il faut jouer sur plusieurs tableaux.
08:49 Ce n'est pas avec une seule solution
08:53 qu'on va guérir malheureusement tous les maux
08:56 liés à la sécheresse et à l'absence de ressources en eau.
09:00 L'agriculture et l'irrigation représentent
09:02 la moitié de la consommation d'eau potable en France.
09:05 Est-ce que vous voyez les pratiques changer en ce moment,
09:08 vous, Éric Soquet ?
09:10 Alors, je le vois au travers, évidemment,
09:13 de ma vision de chercheur.
09:15 C'est vrai qu'il y a des communautés d'agriculteurs
09:18 qui essayent notamment d'encourager
09:22 aux pratiques d'agriculture de conservation,
09:26 notamment c'est des situations pour travailler les sols,
09:28 pour favoriser l'infiltration.
09:30 Il y a des pratiques qui émergent
09:32 qui aujourd'hui ne sont pas généralisées
09:34 parce que ça nécessite pour d'autres agriculteurs
09:38 de changer complètement leur façon de faire, leur pratique.
09:42 Et ils s'interrogent justement pour changer du jour au lendemain,
09:46 mais avec un échantillat assez court,
09:48 quand on voit le rythme du changement climatique,
09:51 c'est assez complexe.
09:52 Donc, il y en a.
09:53 Nous aussi, en tant qu'Institut de recherche,
09:56 on étudie les solutions,
09:58 parfois des solutions qu'on n'imaginerait peut-être pas
10:01 parce qu'on les voit un peu antagonistes,
10:03 typiquement des projets
10:05 où on mêle irrigation et agriculture de conservation,
10:09 où on essaye de regarder la sélection variétale,
10:12 comment elle peut jouer sur la demande en eau.
10:15 Donc, il y a beaucoup d'éléments, comme je vous disais,
10:18 beaucoup de leviers possibles,
10:20 et on essaye d'apporter notre regard de scientifique,
10:24 y compris d'accompagner ensuite les décideurs
10:27 dans les solutions les plus pertinentes.
10:32 L'usage de l'eau provoque évidemment des frictions,
10:34 des tensions, parfois des affrontements.
10:36 Je pense évidemment à la question des retenues d'eau,
10:39 des bassines, toujours très contestées,
10:41 que le gouvernement continue à défendre,
10:43 dans certains cas, le Laval-et-Jean.
10:45 Est-ce que ces retenues restent tout de même
10:48 une solution, encore une fois, face à l'urgence, quelquefois ?
10:51 Je ne suis pas une experte particulièrement sur ce thème-là,
10:54 mais c'est sûr que dans certains cas,
10:58 ces retenues ne sont pas adaptées.
11:03 Et je pense que les tensions que montrent...
11:07 Les tensions dont vous avez parlé,
11:11 elles montrent l'importance, justement, d'anticiper
11:14 et d'organiser des discussions au niveau local.
11:18 Et la puissance publique a un vrai rôle là-dessus.
11:21 On a énormément d'expertise sur ces thèmes-là,
11:24 qu'il s'agirait de mobiliser davantage.
11:26 - Mais pour faire quoi ? Vraiment du cas par cas ?
11:30 - Je pense qu'il faut faire du cas par cas,
11:31 mais schématiquement, c'est sûr que les retenues collinaires,
11:33 on ne peut pas dire que ça va être des choses à généraliser,
11:36 parce qu'on comprend instinctivement
11:37 que c'est des choses qui favorisent l'évaporation.
11:41 Et aussi, ce qu'on met dans des retenues,
11:45 c'est des choses qu'on prend en pratique
11:47 et donc qui ne sont pas forcément les mieux placées
11:52 pour ensuite aider à faire face aux étés très chauds qu'on pourrait avoir.
11:56 Donc les retenues collinaires,
11:58 c'est vraiment des choses à regarder au cas par cas,
12:01 mais quand même, la balance des preuves
12:04 est sur le fait de faire attention à ce genre de solutions.
12:07 On a tendance à voir à courte vue,
12:10 parce qu'évidemment, il y a des enjeux financiers très importants,
12:12 mais c'est aussi pour ça que je parlais de l'importance de la planification
12:16 et de regarder un peu le temps long,
12:18 ce qui est aussi parfois très difficile
12:19 quand on est déjà au pied du mur
12:21 et que la question se pose de manière aiguë, comme c'est le cas maintenant.
12:24 Éric Soquet, qu'en pensez-vous sur ces retenues collinaires,
12:27 sur ces retenues d'eau qui suscitent toujours beaucoup de tensions ?
12:31 Elles suscitent effectivement beaucoup de tensions.
12:35 Ce qu'on peut également lui reprocher,
12:37 c'est d'être d'une certaine manière un frein à l'évolution,
12:40 c'est-à-dire que des pratiques,
12:42 c'est-à-dire que donner de l'eau aujourd'hui avec les pratiques actuelles,
12:48 je veux dire, c'est juste temporaire comme solution.
12:51 On voit très bien que c'est tous les usages de l'eau
12:55 qui doivent être discutés, réfléchis, y compris l'usage agricole.
13:01 Une bassine posée dans le paysage pour un usage en particulier,
13:07 ça ne va pas forcément dans le bon sens.
13:09 L'eau est un bien commun.
13:10 Et souvent, ces bassines sont perçues comme des verrues dans les paysages
13:18 pour un seul usage avec derrière un frein aux évolutions,
13:23 quel type d'agriculture on veut sur le territoire.
13:26 Si on met de l'eau à disposition,
13:27 on aura tendance à maintenir de manière temporaire
13:30 jusqu'où on peut d'une certaine manière par rapport au climat.
13:33 Donc ça peut être vraiment perçu comme un frein à l'adaptation
13:40 des territoires dans leur ensemble face aux changements climatiques.
13:44 Plus en ce qui vient d'être dit sur des prélèvements hivernaux,
13:47 cette année, par exemple,
13:49 ça paraît complètement inconcevable de prélever dans des nappes
13:53 vu que les nappes sont au niveau le plus bas dans certains secteurs.
13:56 Donc il y a une vraie difficulté
14:00 des vraies réflexions sur ces infrastructures.
14:04 Qu'est-ce qui nous attend pour cet été, Eric Soquet,
14:08 en termes de niveau d'eau, d'accès à l'eau ?
14:11 Est-ce que les difficultés d'aujourd'hui sont rattrapables ?
14:14 Est-ce que la situation peut s'améliorer d'ici l'été ?
14:18 Alors, on peut espérer de l'eau,
14:20 c'est-à-dire les systèmes précipitants.
14:22 On va espérer qu'ils arrivent.
14:26 C'est vrai qu'aujourd'hui, on a des voyants qui sont orange ou rouge.
14:30 En termes de recharge de nappes,
14:32 il n'y a pas eu suffisamment de précipitations.
14:34 On a perdu un mois de février, d'une certaine manière,
14:37 avec l'absence totale de précipitations.
14:39 Donc on voit qu'on a un déficit, on part avec un déficit notable
14:43 qui n'a pas pu bénéficier à la recharge des nappes,
14:46 c'est des sols hyper secs.
14:48 Donc voilà, on a un état aujourd'hui
14:52 qui est assez défavorable pour passer un été serein.
14:55 Et d'ailleurs, pour rebondir dessus,
15:00 aujourd'hui, on manque encore cruellement de prévisions hydrologiques.
15:05 C'est-à-dire qu'on n'a pas d'outils opérationnels
15:09 qui nous permettent d'anticiper exactement
15:11 ce qui va se passer pendant la période estivale.
15:13 On y travaille aussi au sein de l'Institut.
15:15 Mais on sait qu'on part dans une situation aujourd'hui
15:19 qui est assez négative.
15:23 Enfin, on est dans le rouge, on est bien dans le rouge, en tout cas.
15:27 – Lola Valléjoche, vous voyez réagir.
15:30 – Peut-être juste pour rappeler que, alors, outre la sécheresse météo et hydro,
15:36 si on a une sécheresse des sols, et des sols qui sont très secs,
15:40 quelque part qui sont très tassés, des fortes pluies très intenses
15:44 pourraient aussi conduire à des inondations.
15:46 Ça, c'est aussi quelque chose qu'on a vu par le passé.
15:49 Et donc, c'est aussi apporté au nombre des raisons
15:54 d'être préoccupées pour les mois à venir.
15:57 C'est que si on a d'énormes pluies,
15:59 on pourrait aussi ensuite avoir des inondations localisées
16:03 à cause de cette sécheresse hivernale.
16:05 – La question du développement durable
16:07 est au cœur de votre travail, évidemment, à Lydry.
16:09 Quel est le rôle aujourd'hui du politique et de politiques,
16:11 fin du mois de février, en plein hiver,
16:14 dans une perspective peu réjouissante,
16:16 on l'a entendu pour l'été prochain ?
16:18 À quel niveau faut-il agir d'abord ?
16:20 Court terme et long terme ?
16:22 – Oui, alors, à court terme, on entend les mesures
16:26 qui sont en train d'être mises en œuvre.
16:28 – Mais au-delà de l'interdiction de laver les voitures,
16:30 c'est déjà le cas dans certains départements,
16:32 de ne pas remplir les piscines privées, ce genre de choses.
16:34 – Voilà, il y a des rationnements qui peuvent être imposés
16:37 par la puissance publique quand on est en situation d'urgence.
16:42 Après, ce qui est aussi important, c'est, encore une fois,
16:45 de réfléchir à ce que les réglementations
16:48 dans de nombreux secteurs, que ce soit dans la façon
16:53 dont on opère les infrastructures, dont on construit des bâtiments,
16:57 dont on dépense l'argent public, toutes ces réglementations
17:00 devraient prendre en compte le réchauffement qui est déjà là,
17:03 mais encore une fois, le réchauffement qu'on n'évitera pas.
17:09 Et c'est très important de, finalement,
17:11 prendre en compte ces nouvelles règles du jeu.
17:13 – Ce n'est pas le cas aujourd'hui ?
17:15 – Pour l'instant, c'est ça qui est un peu difficile,
17:17 c'est qu'on ne sait pas, il y a eu une étude de nos collègues
17:20 de I4C qui montrait qu'une des grandes difficultés,
17:24 c'est qu'on ne sait pas dire si les fonds publics
17:29 sont utilisés en tenant en compte des changements climatiques.
17:32 On sait que l'Agence nationale de rénovation urbaine,
17:34 par exemple, a un nouveau fonds qui tient compte
17:38 des nouvelles conditions climatiques,
17:40 mais dans beaucoup de cas, on ne sait pas.
17:43 Et notamment dans tout ce qui est fait pour mettre à jour
17:48 les infrastructures, qui vont durer 50, 60 ans,
17:52 on ne sait pas si on prend en compte un 2 degrés minimum,
17:56 ce qui devrait être, évidemment, on devrait le faire sans y réfléchir.
18:00 – Comment agir ? Quelle est la place politique,
18:03 évidemment, dans cette action, face à l'adaptation,
18:06 face à la crise climatique ?
18:07 – Il faut rester avec nous tous les deux,
18:08 Éric Soquet, directeur de recherche en hydrologie à l'Inrae,
18:11 Lola Valéjo, directrice du programme "Climat" à l'Idry.
18:15 [Générique]
18:22 Nous sommes toujours avec Éric Soquet,
18:24 directeur de recherche en hydrologie à l'Inrae,
18:26 l'Institut national de recherche agronomique,
18:29 et avec Lola Valéjo, directrice du programme "Climat" à l'Idry,
18:32 l'Institut de développement durable et des relations internationales.
18:36 On le rappelait tout à l'heure dans le journal,
18:37 cet hiver est beaucoup trop sec, la France manque d'eau,
18:40 le gouvernement prépare des mesures de restriction,
18:43 le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu,
18:46 réunira tout à l'heure les préfets.
18:47 Sommes-nous prêts, individuellement, collectivement,
18:50 à nous adapter à cette situation ?
18:52 Les politiques ont-ils une réponse globale ?
18:55 Pas seulement pour les prochains mois,
18:56 mais pour le moyen terme, pour le long terme ?
18:58 Voilà les questions que nous nous posons ce matin.
19:00 Lola Valéjo, c'est intéressant parce que vous avez à l'Idry,
19:03 à la fois un regard national et puis un regard international
19:07 sur les politiques d'adaptation.
19:09 Si vous étiez, vous, au pouvoir, on vient d'entendre le billet politique,
19:12 où mettriez-vous l'accent d'abord ?
19:15 Je pense que ce qui est très important,
19:17 c'est que le politique prenne sa responsabilité de définir
19:21 à quel niveau de risque on est prêt à se préparer
19:23 et quelles hypothèses on fait.
19:25 Je pense que Christophe Béchu a déjà commencé à donner des idées là-dessus
19:29 en disant, imaginons qu'on s'adapte à un monde
19:31 où on tient en gros l'accord de Paris,
19:34 c'est-à-dire un monde à 2 degrés de réchauffement climatique
19:37 et un monde où on ne le tient pas et on continue dans le tendanciel
19:40 avec les politiques actuellement sur la table,
19:42 donc un monde à 3 degrés.
19:44 Moi, je pose la question, est-ce qu'on ne devrait pas aussi
19:46 même ouvrir un troisième scénario
19:48 qui serait plutôt même une dégradation des politiques actuelles
19:52 et se préparer à des niveaux de réchauffement
19:55 potentiellement encore plus élevés ?
19:56 C'est-à-dire ?
19:58 Par exemple, là, on voit qu'il y a un rebondissement du charbon en Asie
20:06 étant donné le renchérissement des prix du gaz,
20:09 étant donné que l'Europe arrête d'utiliser le gaz russe
20:11 et crée des tensions sur les marchés du gaz international.
20:15 Ça veut dire qu'on a actuellement des politiques mises en œuvre
20:19 et des engagements qui sont pris,
20:21 mais quid de si ces engagements ne sont pas tenus ?
20:24 Et finalement, l'adaptation, c'est aussi se préparer
20:28 à des scénarios potentiellement plus graves.
20:31 En tout cas, le rôle du politique, ce serait justement de préciser
20:34 à quoi on s'adapte et puis de faire un énorme effort de cohérence
20:37 pour que ça irrigue l'ensemble des réglementations existantes
20:41 dans le bâtiment, dans l'infrastructure.
20:43 On pourra détailler ensuite.
20:45 Envisager le ou les scénarios du pire,
20:49 aller encore au-delà de ce qu'on imagine aujourd'hui, c'est ça ?
20:52 Oui, en partie ça, finalement.
20:54 On a finalement été très timides pour l'instant pour l'adaptation
20:58 parce qu'on avait peur qu'il y ait une sorte d'aléa moral.
21:00 Si on envisage l'adaptation, est-ce que quelque part,
21:03 c'est dire qu'on abandonne les efforts de réduction des émissions ?
21:06 Or, on voit très bien maintenant qu'on ne peut pas faire l'un ou l'autre
21:09 et qu'il faut faire les deux
21:11 et qu'on a vraiment besoin d'accélérer pour l'adaptation.
21:13 Mais il y a quelques jours encore,
21:14 Christophe Béchut, le ministre de la Transition écologique,
21:17 a envisagé un scénario d'augmentation
21:19 de 4 degrés des températures en France.
21:22 4 degrés par rapport à l'ère pré-industrielle
21:25 et certains lui ont reproché d'évoquer cette perspective.
21:28 On l'écoute et on en reparle.
21:30 Préparer notre pays à 4 degrés,
21:32 ça veut dire anticiper beaucoup de changements.
21:34 À 4 degrés, c'est les deux tiers des stations de ski
21:38 qui manqueront de neige dans les Alpes.
21:40 À 4 degrés, la neige de culture,
21:42 elle ne suffira pas à remplacer la neige naturelle.
21:44 À 4 degrés, on aura cinq fois plus de sécheresse.
21:47 On aura une augmentation des jours de canicule
21:50 qui sera beaucoup plus intense.
21:52 À 4 degrés, on va atteindre jusqu'à 1,20 m d'augmentation
21:55 des eaux dans la deuxième moitié du siècle.
21:57 Se préparer à ça, ce n'est pas le souhaiter.
22:00 C'est au contraire sortir du déni et se dire,
22:03 on fait tout pour tenir les objectifs,
22:05 mais comme il y a une part qui ne dépend pas de nous,
22:07 parce que le réchauffement, c'est aussi ce qui se passe
22:09 à l'échelle mondiale dans d'autres pays
22:10 qui continuent à la mine d'où on se parle,
22:12 à ouvrir des mines de charbon,
22:13 à faire en sorte de continuer à investir dans le fossile.
22:17 Et on a donc à la fois à se battre
22:20 pour tenir ces accords de Paris et la baisse des émissions
22:23 en France et en Europe, et dans le même temps,
22:25 à se préparer au pire, à regarder les conséquences que ça
22:27 sur les investissements, sur les normes,
22:29 sur les sols, sur l'eau.
22:31 - Christophe Béchut, il y a quelques jours sur France Info,
22:34 Lola Valéjo, tout de même, est-ce que se préparer au pire,
22:38 ce n'est pas se résigner au pire ?
22:41 - Non, et je pense que c'est vraiment une idée
22:42 qu'il faut battre en brèche très fortement,
22:46 parce que tout simplement, ça dépend de logiques différentes.
22:50 On peut et il faut être exemplaire
22:53 dans la politique de réduction des émissions.
22:54 Donc on a des objectifs alignés avec la science.
22:58 Pour l'instant, on n'a pas encore les politiques et mesures
23:01 pour les atteindre, et c'est le cas de la plupart des pays.
23:05 Mais on est, encore une fois, au présent,
23:08 quand on parle de changement climatique.
23:09 En France, on est déjà à 1,7 degré par rapport à l'année pré-industrielle.
23:13 Et finalement, un été à +4 degrés, c'est l'été 2022.
23:18 Donc tout ce que le ministre a détaillé,
23:22 c'est des extrêmes qu'on peut déjà voir
23:25 et qu'il faut prévoir comme la nouvelle normalité.
23:29 Moi, je pense qu'il faut vraiment battre en brèche
23:31 cette idée de l'aléa moral.
23:34 C'était peut-être vrai il y a 30 ans.
23:37 L'adaptation, on n'osait pas trop en parler, c'était un tabou.
23:39 Ce n'est plus vrai maintenant.
23:40 Je pense que là, ça a beaucoup changé de l'agriculture,
23:42 restons évidemment aux avant-postes,
23:44 parce qu'ils voient les changements
23:46 et ils ont déjà commencé à prendre certaines mesures.
23:49 Beaucoup, beaucoup plus...
23:50 Enfin, il y en a d'autres, plus systémiques,
23:51 qu'il faudrait accompagner.
23:52 Mais là, tout le monde est en train de se rendre compte
23:55 que le changement climatique, c'est beaucoup plus tangible
23:56 dans la vie des gens aujourd'hui.
23:58 C'est pour ça qu'il faut vraiment accélérer,
24:00 sans rien lâcher, évidemment, sur les questions de réduction d'émissions.
24:02 - Éric Soquet, à quel niveau de normalité,
24:06 je reprends le mot de Lola Valéjo,
24:08 devons-nous nous préparer de manière très pragmatique ?
24:12 Et je m'adresse aussi aux scientifiques,
24:13 à l'hydrologue que vous êtes.
24:15 - C'est compliqué, là, au niveau de normalité.
24:19 En tout cas, le plus de degrés, le plus 4 degrés,
24:21 c'est très difficile de dire sur lequel il faut se baser.
24:27 C'est vrai que ce plus de degrés Celsius,
24:29 c'est nos accords de Paris.
24:31 Il faut essayer de maintenir cet objectif, de toute façon.
24:35 Le plus 4 degrés va nous montrer, d'une certaine manière,
24:39 ce que l'on gagne à, effectivement, engager une politique d'atténuation.
24:47 Donc, il y a ces deux éléments qui sont à intégrer.
24:50 Et quand on parle de plus de degrés ou plus 4 degrés,
24:52 c'est, effectivement, masquer les extrêmes.
24:55 C'est-à-dire que derrière, c'est évidemment des extrêmes
24:58 beaucoup plus importants, les vagues de chaleur
25:00 beaucoup plus importantes, notamment.
25:02 Donc, c'est tout un paysage qui va changer,
25:05 des territoires qui vont complètement changer.
25:08 Et dans cette perspective, c'est des adaptations brutales.
25:13 On va passer de…
25:16 Ce n'est pas, comment on va dire, une adaptation incrémentale
25:20 qu'il va falloir faire.
25:21 Il va falloir, parfois, engager des vraies ruptures
25:23 parce que certains usages, certaines pratiques
25:27 sont, effectivement, beaucoup moins possibles,
25:30 voire pas du tout possibles, aux différentes échéances.
25:34 Par contre, les échéances, on ne les connaît pas encore aujourd'hui.
25:38 Le climat évolue, les trajectoires sont nombreuses aujourd'hui.
25:42 Il y a encore des incertitudes, mais c'est sûr que le climat d'hier,
25:46 ce n'est pas celui d'aujourd'hui, ce ne sera pas celui de demain.
25:48 Et qu'on a beaucoup de clés en main,
25:50 que ce soit pour l'adaptation comme pour l'atténuation.
25:52 Est-ce que l'État, aujourd'hui, est-ce que les politiques au pouvoir,
25:56 pour vous, prennent la mesure de cette rupture nécessaire ?
26:00 Rupture politique, là aussi.
26:04 Alors, j'ai du mal à répondre parce que je suis un hydrologue et un physicien,
26:09 mais dans mes discussions, dans les projets que je peux avoir de recherche,
26:13 on a une vraie volonté d'aller partager les connaissances avec les politiques.
26:18 Là, actuellement, il y a un gros projet qui s'appelle "Explore 2",
26:20 où on va élaborer des projections du climat et de l'hydrologie
26:25 en France métropolitaine entre aujourd'hui et la fin du XXIe siècle.
26:29 Et tout ça doit nourrir des perspectives territoriales
26:32 et des solutions d'adaptation, notamment.
26:34 Donc, il y a une vraie prise de conscience, ça, c'est clair.
26:39 La complexité, c'est le nombre de leviers qui peut exister
26:45 et les tensions qui existent aujourd'hui dans les usages
26:48 et les décisions à prendre vis-à-vis de certaines activités
26:55 dans les années à venir.
26:57 Mais alors, essayons d'être encore une fois le plus concret possible.
27:00 Le gouvernement doit présenter dans les prochaines semaines un plan eau.
27:04 Il y a aussi des plans successifs d'adaptation
27:06 au changement climatique, à la crise climatique.
27:08 Quelles mesures attendez-vous aujourd'hui, vous,
27:11 encore une fois, avec votre regard et vos connaissances d'hydrologue ?
27:15 Alors, concrètement, ça va être assez...
27:19 Comment je vais dire ? C'est encore assez compliqué.
27:22 Mais c'est vrai de rappeler ces éléments
27:25 relatifs au partage de la ressource en eau.
27:27 C'est un élément central dans les discussions et dans l'adaptation.
27:32 Vraiment ancrer une politique autour de ce partage.
27:37 Mais qu'est-ce que ça veut dire, par exemple,
27:38 décider qu'on fixe une certaine quantité d'eau
27:42 attribuée à l'agriculture, attribuée à l'usage des particuliers,
27:47 y compris quand je suis chez moi, que je me brosse les dents,
27:49 que je prends une douche ? Par où est-ce que ça passe ?
27:52 Alors, ça passe déjà par une prise de conscience,
27:57 par l'éducation, effectivement,
27:59 alors pour certains usages,
28:01 de rappeler ce qui est effectivement prélevable
28:04 sans remettre en péril les milieux.
28:08 Donc, c'est des choses qui existent actuellement.
28:11 Mais ce qui est aussi, à mon avis, assez important aujourd'hui,
28:14 ce qui manque, peut-être,
28:16 c'est tout ce qui relève de l'accompagnement.
28:18 C'est-à-dire que quand on modifie des pratiques,
28:22 il faut forcément donner les clés de nouvelles pratiques
28:28 et les bonnes clés.
28:29 Et peut-être renforcer cet aspect accompagnement
28:33 qui peut manquer aujourd'hui dans certains secteurs.
28:37 Donnez-nous un exemple.
28:38 Je vais passer, par exemple, à une agriculture de conservation,
28:45 ce que j'évoquais tout à l'heure,
28:47 de modifier les pratiques sur les sols,
28:51 qui peut être un gain bénéfique
28:53 pour tous les phénomènes d'infiltration.
28:57 Tous ces éléments-là qui ne sont pas forcément très connus aujourd'hui
29:01 et qui nécessitent un savoir-faire,
29:03 qui existe de manière locale chez certains agriculteurs,
29:07 mais qui ne sont pas généralisés.
29:08 -Lola Valéjo. -Les conséquences de ces pratiques.
29:11 -Comment déterminer le partage de l'eau ?
29:15 Est-ce que l'État doit poser des lignes extrêmement claires ?
29:18 Est-ce qu'il faut une police de l'eau ?
29:20 -Je pense que, quand on parlait de l'agriculture tout à l'heure,
29:24 il y a tellement de différentes thématiques
29:28 et de stress qui s'appliquent actuellement à ce secteur.
29:31 Il y a la question, on en parlait tout à l'heure,
29:33 dans le biais politique du niveau de revenu des agriculteurs,
29:37 la question de l'âge moyen.
29:41 Il y a aussi la question de quelle politique agricole commune
29:45 on met en place au niveau européen.
29:48 Finalement, c'est peut-être dans l'insertion
29:50 dans ces dispositifs-là, on est en train de réfléchir
29:53 à comment on va accélérer l'agroécologie
29:56 et comment on va aider l'agriculture
29:59 à passer d'une recherche de rendement
30:04 toujours en accélération vers des pratiques
30:06 qui soient plus alignées
30:08 avec la préservation de l'environnement
30:11 et aussi qui soient adaptées à de nouveaux besoins alimentaires,
30:15 par exemple des changements de diète.
30:18 Et au sein de ces processus-là,
30:21 on pourrait aussi mettre sur la table la question de la ressource en eau.
30:24 Je suis plus concrète, par exemple,
30:26 on sait qu'on doit énormément développer les légumineuses,
30:29 qui sont à la fois une façon de stocker de l'azote dans les sols
30:34 et avoir des rotations entre les cultures qui soient plus courtes.
30:37 On sait que c'est aussi une façon de faire du bien au sol,
30:40 de préserver les sols.
30:41 Et finalement, c'est aussi des cultures
30:43 qui sont relativement peu gourmandes en eau.
30:45 Et donc, quand on va remettre sur la table
30:47 la question de changer les rotations des cultures,
30:50 on peut, par exemple, insister sur le fait
30:53 que l'orge est moins gourmand en eau que le blé,
30:56 que le sorgho est moins gourmand en eau que le maïs,
30:59 et finalement, remettre ces questions d'adaptation
31:03 dans le contexte des politiques sectorielles,
31:05 parce que c'est vraiment là que se jouent les arbitrages
31:08 entre, pas juste la question de la ressource en eau,
31:11 mais toutes les autres questions sociales et économiques
31:14 que se pose un secteur.
31:15 -Vous insistez tous les deux beaucoup sur la question agricole.
31:18 Évidemment, elle est majeure,
31:21 pour ce qui relève, encore une fois, le Laval et Jeau,
31:24 de tout un chacun.
31:25 Que faut-il faire ?
31:27 -Il y a énormément de choses à faire pour s'adapter.
31:30 -Sans jeter en anecdote, encore une fois, sur l'eau, précisément.
31:34 Parce que je pense que c'est une question
31:35 que nous sommes nombreux à nous poser,
31:37 même si nous voyons bien, et encore une fois,
31:38 les points de fixation, la question des bassines
31:41 pour l'agriculture en est un.
31:42 -Je pense que c'est une bonne question,
31:44 parce qu'en fait, sur la gestion de l'eau,
31:48 oui, on peut fermer le robinet quand on se brosse les dents,
31:51 on peut mettre des mitigeurs qui utilisent moins d'eau,
31:54 parce qu'il y a de l'air pulsé.
31:57 Mais ça, c'est des choses, quelque part,
31:59 où on est souvent preneur de choses qui sont décidées au-dessus.
32:03 Les directives éco-conceptions,
32:05 que ce soit pour économiser l'eau, économiser l'énergie,
32:08 en fait, c'est des directives qu'on ne voit pas,
32:10 mais qui sont décidées au niveau européen,
32:12 qui sont ensuite appliquées par les manufactureurs,
32:15 et ensuite, nous, on achète dans notre supermarché ce qu'on trouve.
32:19 Donc, finalement, oui, il y a les questions de...
32:22 On peut arrêter de nettoyer sa voiture régulièrement,
32:25 on peut prendre des douches plutôt que des bains,
32:26 mais c'est pour ça que c'est important de rappeler
32:29 que les enjeux, ils sont quand même beaucoup
32:31 au niveau de l'organisation
32:34 par le secteur privé et par la puissance publique.
32:39 - Il définit aussi les règles, le cadre.
32:42 - Exactement.
32:44 Et je pense que sur l'eau, c'est vrai.
32:45 Après, quand on parle de l'adaptation en général,
32:47 il y a plein de choses qu'on peut faire chez soi.
32:48 Je pense que l'été 2022, encore une fois,
32:50 ça a été une sorte de réveil pour beaucoup de gens.
32:53 Et il y a beaucoup de choses qu'on pourrait faire
32:54 pour être sûr d'avoir de l'ombre chez soi,
32:58 de végétaliser autant qu'on peut,
33:00 de s'impliquer pour végétaliser les villes.
33:03 Il y a plein de choses qu'on peut faire,
33:04 mais finalement, c'est presque autant en tant que citoyen,
33:06 en s'impliquant au niveau local et en votant au niveau national,
33:09 qu'on peut avoir une action d'envergure.
33:11 - Il faut faire l'un et l'autre simultanément,
33:13 si je vous suis bien.
33:14 Évidemment, à Lydrie, vous regardez la manière
33:16 dont les choses se passent dans d'autres pays.
33:19 Est-ce que d'autres pays sont plus avancés que nous ne le sommes
33:23 sur cette question de l'adaptation,
33:25 et notamment pour ce qui est de l'eau
33:26 et pour ce qui est de la sécheresse, le Laval-et-Jau?
33:29 - Alors, en France, on a énormément de connaissances.
33:32 Je pense que ce qui a manqué pour l'instant,
33:34 et qui est peut-être l'opportunité qu'on voit cette année,
33:36 c'est que le politique fasse un relais
33:38 entre toutes les connaissances qu'on a,
33:41 que produit Météo France, que produit l'ONERC,
33:44 et en fait, la réglementation.
33:46 Quand on n'a pas de...
33:47 Si on n'a pas de mécanisme un peu contraignant
33:50 qui s'impose au secteur économique,
33:53 eh bien, tout simplement, ça va rester l'être morte.
33:56 Dans beaucoup d'autres pays, on a des plans d'adaptation.
34:00 Donc, la France, elle s'y est mise en 2011.
34:02 Je ne sais pas si en retard que ça.
34:04 Par contre, on a des pays qui ont plus de mécanismes,
34:08 encore une fois, pour que ce soit véritablement pris en compte
34:10 et pour alerter les opérateurs les plus importants.
34:14 Je prends un exemple. Au Royaume-Uni,
34:16 il y a un mécanisme par lequel les opérateurs d'infrastructures
34:20 qu'on considère de nature à impacter l'ordre public
34:24 sont obligés de rendre des comptes
34:27 sur leur risque au changement climatique
34:30 et les mesures qu'ils prennent pour y faire face.
34:32 Par exemple, l'opérateur de transport ferroviaire,
34:36 qui en plus, au Royaume-Uni, c'est très décentralisé,
34:38 il y a beaucoup de compagnies.
34:40 Donc, les différents opérateurs ferroviaires,
34:41 les différents opérateurs d'eau,
34:43 les différents opérateurs de tout ce qui est télécommunication,
34:48 ils ont cette obligation de rendre des comptes.
34:50 Alors, c'est uniquement informatif et volontaire,
34:53 mais néanmoins, ça a aussi suscité des conversations
34:55 parce qu'on s'est rendu compte que les risques,
34:57 ils sont aussi en cascade.
34:58 C'est-à-dire que si un opérateur de la chaîne
35:02 a un défaut,
35:03 ça va impacter beaucoup d'autres secteurs économiques
35:05 et finalement, ça a permis de renforcer la résilience
35:08 et de poser la question de qu'est-ce que les régulateurs
35:11 devraient avoir comme cadre commun
35:13 pour que le pays, en tant que tel, soit plus résilient
35:16 à la myriade d'impacts du changement climatique,
35:18 que ce soit les sécheresses,
35:21 les...
35:22 Voilà, les sécheresses, les fortes chaleurs, etc.
35:25 On pourrait faire ça en France aussi ?
35:27 Bien sûr, on a les moyens de faire ce genre de choses en France.
35:31 On a absolument les moyens de faire ce genre de choses.
35:35 Ce que j'entends aussi beaucoup chez vous, Lola Valéjo,
35:38 mais aussi également chez vous, Éric Soquet,
35:40 c'est l'importance de l'aller-retour
35:41 entre les connaissances scientifiques,
35:43 celles que vous développez, par exemple,
35:46 à l'INRAE, Éric Soquet,
35:48 la décision politique
35:50 et ensuite la manière dont, sur le terrain,
35:52 des acteurs, notamment économiques, s'en emparent.
35:54 C'est ça, vraiment, le levier ?
35:56 C'est ça qui est important, Éric Soquet ?
35:58 Ça en fait partie.
36:00 Donc, pour toucher, notamment,
36:02 quand on évoquait tout à l'heure ce que peut faire chacun des citoyens,
36:05 il faut que l'information aille aussi aux citoyens
36:07 sans qu'elle soit filtrée par le politique.
36:09 Mais au niveau de la décision,
36:11 effectivement, il faut que nos messages soient clairs,
36:15 le plus...
36:16 Qu'est-ce que ça veut dire, "filtrées par le politique" ?
36:19 Ben, disons que, quand on a des actions qui sont bonnes,
36:23 quelle que soit...
36:25 quelle que soit la...
36:27 le...
36:29 la situation, quand on parlait de sobriété,
36:31 c'est quelque chose qui est relativement positif.
36:33 On n'a pas...
36:35 ce qui a été rappelé sur les actions de chacun du quotidien,
36:39 d'éviter de gaspiller de l'eau, par exemple.
36:42 C'est vraiment des choses qu'il faut rappeler.
36:45 C'est bon à la fois pour l'environnement,
36:47 c'est bon pour le porte-monnaie.
36:49 Il y a beaucoup d'éléments comme ça qui doivent être...
36:52 d'exercice de sensibilisation à tous les niveaux
36:56 pour que le citoyen se sente engagé,
36:59 concerné par ces éléments-là, au-delà...
37:03 Et donc, le politique, d'une certaine manière,
37:06 n'apporte pas... Je dis pas que n'apporte pas grand-chose.
37:08 Il apporte un cadre dans le collectif,
37:11 mais pour l'individuel, il y a beaucoup de choses que l'on peut faire
37:14 en sollicitant, en informant le citoyen.
37:18 Lola Vallejo parlait, comme toujours, de l'eau,
37:21 parlait de la sécheresse,
37:23 parlait de la crise climatique, parlait du climat.
37:26 Il s'est parlé, évidemment, des inégalités
37:28 entre pays riches et pays pauvres.
37:31 Qui, aujourd'hui, doit être réellement en pointe
37:34 sur ces sujets-là et sur la question de l'adaptation ?
37:37 Ce matin, on parle beaucoup d'eau, mais on pourrait parler
37:38 de l'adaptation dans d'autres domaines qui touchent au climat.
37:42 Qui doit agir d'abord aujourd'hui ?
37:45 -Sur la question de l'adaptation, tout le monde doit agir.
37:48 Et je pense que c'est ça qui est intéressant,
37:49 c'est que, historiquement, la question de l'adaptation
37:52 au changement climatique, elle a été d'abord portée
37:54 par les pays en développement, et c'est encore, malheureusement,
37:57 vu comme un C.G. des pays en développement.
38:00 -Par nécessité. -Par nécessité,
38:02 parce qu'eux ont beaucoup moins de ressources
38:04 pour s'adapter au changement climatique.
38:07 Il y a aussi, évidemment, un enjeu d'équité,
38:10 parce que le continent africain a très peu contribué
38:14 à créer le problème actuel,
38:17 et pourtant, il est aux premières loges des effets.
38:20 Donc, c'est aussi une façon, il ne faut pas être naïf,
38:23 de poser la question de la responsabilité
38:26 des pays développés.
38:28 Néanmoins, je pense que c'est en train de changer,
38:30 et l'adaptation, et on est en train de se rendre compte
38:33 que c'est quelque chose qui touche absolument tout le monde.
38:35 Quand on voit des feux de forêt qu'il y a eu au-delà
38:38 du cercle arctique en Suède, en Russie,
38:41 on sait que c'est une question extrêmement importante.
38:45 Des pays comme le Canada, par exemple,
38:47 font face au risque de fondre du permafrost,
38:50 et sont en train d'adapter des panthiers de leur territoire
38:54 qui ne pensaient pas forcément
38:56 avoir ce niveau de réchauffement un jour.
38:59 Donc, heureusement, c'est en train de changer.
39:01 Mais c'est vrai que quand on pense à ce qu'il faudrait faire en France,
39:04 il faut aussi garder en tête que les scénarios qu'on prend,
39:07 par exemple, de +4 degrés en France,
39:11 quelles questions ça pose par rapport aux moyens
39:13 que des pays moins riches que nous ont
39:16 pour faire face au même risque ?
39:19 - Merci à tous les deux.
39:20 Éric Soquet, directeur de recherche en hydrologie,
39:23 Aline Raël, Institut national de recherche agronomique,
39:27 et vous, Lola Valéjo, directrice du programme Climat à L'Hydrie,
39:30 l'Institut de développement durable et des relations internationales.
39:33 Je rappelle qu'on peut retrouver votre échange, vos analyses,
39:37 les informations aussi que vous nous avez données
39:39 sur le site de France Culture et sur l'appli Radio France.
39:43 Merci à tous les deux.

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