Michel Maffesoli : «La modernité a fait que le travail, qui était une nécessité, est devenue une valeur»

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Pour le sociologue, Michel Maffesoli, la modernité a fait que le travail, qui était une nécessité, est devenue une valeur : «La modernité a fait que le travail, qui était une nécessité, est devenue une valeur».
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00:00 Je crois qu'on est dans un moment, vous venez de citer mon livre "L'ère des soulèvements"
00:05 où il y a un tel désaccord entre le pouvoir institué et ce que j'appelle pour ma part la puissance populaire
00:12 que tout est bon pour faire des soulèvements, tout est bon.
00:15 Dans le sens simple du terme, ce que je fais ce n'est pas de la sociologie.
00:20 Moi j'étais pendant 34 ans professeur de sociologie à la Sorbonne,
00:23 mais je suis plus un renifleur social et mes chers collègues parfois me contestaient le titre de sociologue
00:29 parce que justement je n'étais pas très scientifique et je ne mettais pas des mathématiques dans mes analyses.
00:34 Mais là en la matière quand je dis prétexte, c'est que tout comme cela fut le cas pour les Gilets jaunes,
00:39 pour le convoi des libertés, si je suis encore un peu plus paradoxal,
00:45 même dans les grands rassemblements musicaux juvéniles où les gens se rassemblent pour se rassembler.
00:49 Voilà, mon hypothèse moi c'est que c'est être ensemble pour être ensemble.
00:54 Dans un moment où on a voulu sautement isoler les gens, leur faire mettre des muselières et autres gestes barrières,
01:03 on est dans un moment, et je pense que cela va continuer, où il y aura, je dis bien,
01:08 une espèce de griserie de la liesse d'être ensemble.
01:13 Et donc actuellement c'est ce thème des retraites qui est en cause.
01:18 Pour moi si on prend un peu de hauteur,
01:20 je me souviens l'avoir dit dans une discussion avec un président précédent qui était Sarkozy,
01:26 qui le premier a lancé cette idée de valeur-travail,
01:30 je lui ai expliqué d'une manière un peu ironique qu'il était marxiste sans le savoir,
01:35 puisque c'est dans le capital de Mars qu'on trouve cette valeur-travail.
01:38 Et pour moi c'est la contestation essentiellement de cette valeur-travail.
01:43 C'est-à-dire que dans le fond, de plus en plus les jeunes, mais pas que,
01:47 n'ont plus envie de perdre leur vie à la gagner.
01:50 Faire de sa vie une œuvre d'art,
01:52 quelque chose qui met l'accent sur d'autres éléments que la valeur-travail.
01:56 Et donc une des manifestations actuellement de cette contestation,
02:00 dans le sens simple du terme et à mon avis très profond de la valeur-travail,
02:04 eh bien c'est les retraites, bien sûr.
02:06 Pousser un peu plus loin l'âge de la retraite
02:11 est une manière, je dirais, dans la marxisation des esprits actuellement dominante,
02:16 est une manière de faire du stacanovisme.
02:19 C'est-à-dire ce fameux mineur de l'Union soviétique
02:23 qu'il fallait battre les records de production.
02:27 Eh bien d'une certaine manière,
02:29 même si on ne fait pas référence au capital de Mars,
02:32 même si on ne fait pas référence à stacanov,
02:35 je crois qu'il y a là très profondément une critique.
02:39 Je viens de dire encore une fois, premièrement pour ne pas se retrouver,
02:44 ne pas considérer que la vie s'épuise uniquement dans la production.
02:49 Et pour moi c'est un des éléments, puisque cher ami,
02:52 vous avez employé cette expression qui n'est pas très connue en France,
02:55 pour moi c'est un des éléments de la post-modernité.
02:58 La modernité a fait que le travail qui était une nécessité est devenu une valeur.
03:03 Et là moi je pense que nous sommes en train de rentrer dans une autre époque,
03:07 avec difficulté, nous vivons une période un peu crépusculaire,
03:11 où d'une certaine manière cette valeur travail ne va plus être quelque chose à partir duquel je vais penser ma vie.
03:17 [Musique]
03:21 [SILENCE]

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