Profits records chez Total : bonne ou mauvaise nouvelle ? Le débat du Talk franceinfo

  • l’année dernière
Jeudi 8 février, le géant de l’énergie a dévoilé ses bénéfices pour l’année 2022. En pleines crise énergétique, les profits records réalisé par le groupe correspondent à une croissance de 28% en un an. C'est le sujet du Talk franceinfo. Tous les soirs à partir de 18 heures, Manon Mella et ses invités débattent avec les internautes de la chaîne Twitch de franceinfo.

Category

🗞
News
Transcript
00:00:00 [Musique] …
00:00:10 [Musique]
00:00:30 [Musique]
00:00:50 [Musique]
00:01:10 [Musique]
00:01:30 [Musique]
00:01:50 [Musique]
00:02:10 [Musique]
00:02:30 [Musique]
00:02:50 [Musique]
00:03:10 [Musique]
00:03:30 [Musique]
00:03:50 [Musique]
00:04:03 Et bonsoir, bienvenue dans le Talk de France Info.
00:04:07 Comment ça va le tchat ?
00:04:08 On est ensemble pendant une heure pour débattre d'un sujet d'actualité.
00:04:12 Voilà, une heure de débat en direct sur Twitch
00:04:15 et aussi un petit peu plus tard en podcast vers 19h, 19h30.
00:04:20 Comment allez-vous le tchat ?
00:04:21 Racontez-moi un petit peu, est-ce que vous avez passé un bon week-end ?
00:04:24 Est-ce que vous étiez là vendredi ?
00:04:26 Merci à Ludovic Pochon qui m'a remplacée.
00:04:29 Voilà, j'ai posé ma journée du vendredi.
00:04:31 Ça arrive.
00:04:32 Merci de nous suivre le tchat.
00:04:34 Vous êtes de plus en plus nombreux et de plus en plus nombreuses
00:04:37 à nous suivre vraiment sur les directs, sur les streams sur Twitch.
00:04:41 Donc merci à vous.
00:04:43 Bonsoir. Vu le sujet, la question, elle est vite répondue.
00:04:47 Brest 85. Bienvenue à toutes et à tous en tout cas.
00:04:50 Ce soir, nous allons parler de Total, récemment rebaptisé Total Energy.
00:04:56 La multinationale a annoncé la semaine dernière
00:04:58 avoir réalisé le plus important bénéfice de son histoire,
00:05:01 19,5 milliards d'euros en 2022.
00:05:06 Annonce qui n'a pas manqué de relancer le débat sur la taxation des profits,
00:05:11 ce que le gouvernement n'envisage pas.
00:05:13 Elisabeth Borne préfère, je cite, "demander aux entreprises d'aider les Français".
00:05:17 Le groupe Total s'est d'ailleurs dit, pareille citation,
00:05:20 "prêt à envisager une nouvelle ristourne à la pompe".
00:05:24 Prêt à envisager.
00:05:26 Mais l'annonce de ces bénéfices records a suscité beaucoup de réactions,
00:05:31 beaucoup de critiques dans un contexte qui est marqué par l'inflation,
00:05:36 la réforme des retraites, la crise à la fois de notre système de santé,
00:05:40 mais aussi de l'éducation, etc.
00:05:43 Contexte aussi où le prix de l'essence à la pompe avoisine les 2 euros le litre.
00:05:48 Alors, faut-il taxer davantage Total Energy ?
00:05:52 Et pourquoi ? Est-ce que ces bénéfices records sont une bonne nouvelle pour la France ou pas ?
00:05:57 Comment expliquer que cette annonce soit aussi mal reçue ?
00:06:01 Que reproche-t-on à ce géant français ?
00:06:05 Pour en parler, nous recevons deux invités,
00:06:07 à la fois une invitée qui est avec nous en plateau et un autre qui est au Canada.
00:06:13 Hop, j'ai le mauvais.
00:06:15 Mireille Chiroleux Assouline, bienvenue.
00:06:18 Bonjour.
00:06:19 Vous êtes professeure d'économie de l'environnement
00:06:23 à Paris School of Economics, PSE pour les intimes,
00:06:27 et à l'université Paris 1, Panthéon-Sorbonne.
00:06:29 C'est cela.
00:06:30 Et Alain Deneau.
00:06:32 Bonsoir Alain Deneau.
00:06:34 Bonsoir.
00:06:35 Est-ce que vous nous entendez bien ? Nous, on vous voit bien.
00:06:38 Parfait.
00:06:39 Le chat, dites-nous, est-ce que vous voyez bien et est-ce que vous entendez bien Alain Deneau,
00:06:44 qui est philosophe et professeur au Canada.
00:06:47 Vous êtes où exactement ? Je ne vous ai pas demandé tout à l'heure pendant le test.
00:06:51 Je suis à l'université de Moncton, au campus de Chipaguin, dans la communauté acadienne au Canada.
00:06:58 Et vous êtes l'auteur, entre autres, du livre "De quoi Total est-elle la somme ?" aux éditions Rue de l'Échiquier.
00:07:07 Un ouvrage critique sur Total.
00:07:11 Merci à vous d'être parmi nous.
00:07:14 J'ai peut-être déjà vous demandé une réaction à cette déclaration de Patrick Pouyanné,
00:07:22 le PDG de Total dans Le Parisien.
00:07:24 Il dit "En France, il y a une relation d'amour et de haine avec l'entreprise.
00:07:29 D'amour quand on fait des rabais, de haine parce qu'on gagne 19,5 milliards."
00:07:35 Qui veut réagir en premier ?
00:07:38 Mireille.
00:07:41 J'ai l'impression que cette réaction généralise à toutes les entreprises,
00:07:45 alors qu'en fait, la réaction actuelle porte sur Total, qui est une entreprise très particulière.
00:07:53 Je ne suis pas sûre qu'il y ait beaucoup d'amour envers cette entreprise.
00:07:57 Souvent, effectivement, l'expression d'une surprise ou même d'un choc ressenti par certains devant ces profits considérables.
00:08:13 Et c'est bien plutôt la façon dont ces profits sont constitués qu'il faut interroger.
00:08:18 Patrick Pouyanné a tendance à se présenter un peu en victime d'une opinion publique qui lui voudrait du mal.
00:08:25 Je crois que les choses sont très, très différentes.
00:08:27 Et l'important dans cette émission, ce sera bien de le décrypter.
00:08:30 Exactement. Alain, peut-être ?
00:08:33 Je ne suis pas surpris d'entendre une définition aussi pauvre de la part de Patrick Pouyanné d'un enjeu complexe.
00:08:42 On pourrait revenir sur le débat politique, parce que très souvent, les PDG de Total, depuis 25 ans, nous ont habitués à des commentaires et des éditoriaux sur la réalité politique de la France et du monde.
00:08:57 J'insisterais quand même sur une chose pour que des gens ont des mails, un certain nombre de points.
00:09:03 Allez-y.
00:09:05 Et c'est peut-être aussi ce qui est à l'origine d'un certain émoi quand, effectivement, on entend parler de ces chiffres.
00:09:16 Total n'est une entité française que formellement.
00:09:22 Elle est d'abord et avant tout, dans notre régime, un réseau constitué de plus de 1000 filiales.
00:09:30 Dans 130 pays.
00:09:33 Et ce que nous disent les représentants de Total à chaque fois qu'on leur reproche de ne pas payer d'impôts en France, c'est de dire que l'activité de Total en France est marginale, insuffisante pour expliquer qu'on paie des impôts, c'est-à-dire qu'on dégage des bénéfices suffisants pour arriver à ce point.
00:09:52 Donc, ce qu'il faut comprendre, c'est que Total est, du point de vue de son activité, une entreprise qui est brésilienne, canadienne, américaine, qui est engagée en Arabie saoudite, au Myanmar, en Russie, partout et notamment en France.
00:10:09 Mais au pro rata de ses activités, c'est insuffisant même pour payer des impôts dans le pays.
00:10:14 D'autre part, son actionnariat est international.
00:10:18 La République française, du point de vue de ses institutions publiques, mais également les Français en général, détiennent fort peu d'actions de Total, comparativement à des investisseurs institutionnels qui sont du Royaume-Uni, des États-Unis, de la Belgique, d'Israël, de partout, y compris de nombreux paradis fiscaux, du Qatar et d'Arabie saoudite.
00:10:42 Donc, ce qu'il faut comprendre aujourd'hui, c'est qu'il y a un lien historique, parfois folklorique, de Total avec la République française qui n'est pas conforme à la conjoncture dans laquelle l'entreprise se déploie.
00:10:57 Justement, on va revenir tout à l'heure sur les impôts. Mais avant, Mireille, est-ce que vous pouvez peut-être nous expliquer d'où viennent en fait ces bénéfices qui sont annoncés, les 19,5 milliards, ça vient de quoi ? Qu'on essaye de bien comprendre déjà la base.
00:11:20 C'est très particulier au secteur pétrolier et gazier. Total, comme les autres groupes du même genre, donc Shell, Exxon, Chevron, a réalisé des profits extraordinaires en 2022 pour une raison assez simple, qui est que les prix sur les marchés, les prix des produits pétroliers et gaziers, se sont envolés.
00:11:43 Pourquoi se sont-ils envolés ? Parce que la guerre en Ukraine déclenchée par la Russie a provoqué une forte instabilité sur les marchés et qu'en plus, la Russie est elle-même productrice de ces énergies fossiles.
00:12:00 Donc, les embargos qui ont été décidés, les mesures de rétorsion qui ont été prises par la Russie de limiter l'offre, etc., tout ceci a fait s'envoler les prix. Mais les compagnies pétrolières n'ont absolument rien changé ni à leur activité, ni n'ont rien vu changer à leur coût de production.
00:12:20 Les coûts de production sont restés les mêmes, les salaires de leurs salariés sont restés les mêmes, les matières premières, etc. Ce qui fait que pour ces compagnies pétrolières, elles ont engrangé un profit absolument exceptionnel, mais sans rien faire, en fait, pour engranger un tel profit.
00:12:38 C'est la véritable différence avec d'autres groupes, d'autres multinationales qui peuvent faire des profits extraordinaires. Je pense aux compagnies pharmaceutiques, je pense aux groupes de luxe, mais qui font des profits qui sont liés à une activité de leur part, éventuellement à une stratégie marketing pour les groupes de luxe.
00:12:54 Pour les compagnies pétrolières, c'est un pur effet d'aubaine, c'est uniquement lié au marché. Et donc ce profit qui est extraordinaire, qui est de 20,5 milliards de dollars, donc 19 milliards d'euros...
00:13:09 Et ça aurait pu être plus d'ailleurs, sans le retrait de la Russe.
00:13:13 C'est plus, c'est-à-dire que le résultat de l'activité, en fait, c'est plus de 36 milliards de dollars. Et pour quelle raison est-on passé de 36 milliards à 20,5 milliards seulement ?
00:13:25 C'est parce que des pertes ont été enregistrées en Russie et surtout des provisions ont été passées en prévision de pertes, justement liées à l'activité en Russie.
00:13:37 Et donc ce sont des provisions comptables. Bon, tout ceci a été certifié par des commissaires aux comptes. Je ne suis pas commissaire aux comptes, j'imagine que c'est justifié.
00:13:47 Mais c'est tout ceci qui fait qu'au lieu d'être à 36 milliards de dollars, le bénéfice est seulement à 20,5 milliards de dollars.
00:13:56 Je voudrais juste comparer avec les autres grands groupes pétroliers et gaziers. Le premier dans le secteur a réalisé plus de 57 milliards de dollars de profit.
00:14:14 Donc Total n'est pas le plus gros intervenant, mais il est quand même en très bonne position. Il me semble qu'il est au quatrième rang des groupes pétroliers de ceux qui ont déjà annoncé leurs résultats.
00:14:27 Et sa quatrième capitalisation boursière de la zone euro, en tout cas. Alain Deneau, les très bons revenus aussi du groupe proviennent du gaz naturel liquéfié.
00:14:42 Oui, en fait, Total est intéressant de le rappeler, mais elle l'a souligné elle-même, ce qui est assez récent. Ce n'est pas une entreprise pétrolière, c'est une entreprise gazière.
00:14:53 C'est une entreprise qui tente de diversifier ses sources d'approvisionnement en énergie d'une manière tout à fait large. Ce qui nous donne à penser, là je vais un peu faire dévier la conversation sur autre chose que des enjeux de revenus,
00:15:14 mais sur des prétentions politiques qui l'amènent à suggérer qu'elle serait engagée dans un 21e siècle écologiste, qu'elle serait partie des partenaires qui luttent contre le réchauffement climatique.
00:15:29 Les acteurs de la transition énergétique, c'est ce que dit Patrick Pouyanné. On va réinvestir tout cet argent dans la transition énergétique.
00:15:39 Oui, d'ailleurs on situe le gaz parmi les énergies renouvelables alors qu'on s'entendra qu'on est dans une situation industrielle où on extrait du gaz naturel selon des méthodes non conventionnelles.
00:15:56 C'est de la fracturation hydraulique qui met en péril les nappes phréatiques, qui est extrêmement polluante, mais qu'on présente quand même comme le gaz est naturel, comme étant une filière verte, on fait autant à le faire.
00:16:08 Pour produire ensuite de l'électricité et éventuellement faire rouler des voitures directement au gaz.
00:16:14 Mais ce qui est intéressant, c'est de voir comment au fond, on joue sur les mots et on est suggestif dans cette façon de dire, nous sommes engagés dans une diversité énergétique pour favoriser une transition énergétique.
00:16:28 Savoir que bientôt on se passera du pétrole et on procédera par des modes moins polluants.
00:16:33 Évidemment, le fait d'avoir concentré la réflexion écologique strictement sur l'enjeu du climat et non pas sur une diversité de problèmes liés à l'environnement, donne à penser que lorsqu'on émet moins de CO2, on pollue moins.
00:16:52 Ce qui est évidemment réducteur, mais surtout ce qui est sophistique dans cette présentation des choses, c'est de donner à penser qu'on est en train de passer d'un mode énergétique à un autre, c'est à dire de passer du pétrole et éventuellement du gaz à d'autres formes d'énergie.
00:17:14 Alors qu'on additionne les énergies, on additionne les énergies. Qu'est-ce à dire? C'est à dire qu'on favorise, comme la production est toujours en croissance, mais que la demande l'est aussi, comme les sources non conventionnelles de pétrole et de gaz ne garantissent pas une capacité à s'approvisionner au même rythme que ça se fut jusqu'à maintenant.
00:17:38 On additionne les sources énergétiques, mais on n'est en rien écologiste.
00:17:44 On a Lilas Patia dans le chat qui dit "Une entreprise aussi grosse ne pourra jamais nous faire croire qu'elle est verte".
00:17:52 Et d'ailleurs, je vous conseille, on peut peut-être vous l'envoyer dans le chat. Je l'avais mis dans la petite liste. Je salue au passage les modérateurs et les modératrices qui modèrent le chat. Un lien pour... Il y a eu un cache-investigation sur justement les promesses vertes des grandes entreprises multinationales, notamment Total.
00:18:13 Et peut-être Mireille, est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi Total ne fait pas de bénéfices en France?
00:18:24 Elle ne fait pas de bénéfices en France parce que, comme le disait Alain Deneau, son activité en France est marginale. Elle a une faible activité de raffinage et de distribution. Elle a 3 500 stations-services sur le territoire. Donc elle a relativement peu de salariés en France.
00:18:44 Combien, vous savez, à peu près?
00:18:47 Oui, 33 000 ou 34 000. C'est-à-dire à peu près 25 % de ses effectifs totaux. Mais elle ne réalise pas 25 % de son chiffre en France. L'essentiel de ses activités sont des activités d'exploration et d'exploitation qui ont lieu dans d'autres pays du monde.
00:19:10 Et là, effectivement, c'est aussi sur ces activités-là qu'elle réalise son chiffre le plus important en vendant sur les marchés ce pétrole.
00:19:22 Si je peux me permettre de rebondir sur ce qui a été dit par l'intervenante et ce qui a été dit par Alain Deneau sur la façon dont Total présente son action dans la transition énergétique, c'est totalement typique du greenwashing d'une entreprise qui agit dans un secteur qui, par lui-même, est fondamentalement contraire à la transition énergétique.
00:19:49 Alors, le changement de nom de Total en Total Énergie visait à faire penser que Total n'était pas uniquement une compagnie spécialisée dans les énergies fossiles, mais dans tous les types d'énergie.
00:20:04 C'est justement d'ailleurs beaucoup sur ça que Total Énergie communique. Mais si on regarde plus précisément ses activités et ses investissements, les énergies renouvelables ne représentent qu'une très faible partie de son activité.
00:20:20 Mais ça va évoluer.
00:20:22 C'est ce qui est annoncé. Mais quand on regarde un peu les engagements pris par Total et ce qui figure sur son site web, Total Énergie fait attention à la façon dont ses engagements sont libellés.
00:20:39 Par exemple, je me souviens d'un engagement qui est que la part du pétrole ne devrait plus représenter que 30% de l'énergie vendue par Total Énergie.
00:20:54 Mais s'engager en part, déjà c'est sur le pétrole, il y a le gaz. Et déjà, c'est seulement sur le pétrole. Et s'engager en part, ça ne signifie pas grand-chose quand la demande et donc l'offre va augmenter.
00:21:08 On peut tout à fait avoir une part qui stagne, enfin, ou qui diminue à 30%, alors qu'en fait, l'ensemble de l'offre a tellement augmenté que finalement, ça va recouvrir une augmentation de l'offre de pétrole.
00:21:23 Et ça, c'est véritablement du greenwashing.
00:21:26 Alors, par rapport à votre intervenante, je voudrais juste relativiser un tout petit peu les choses. Je ne crois pas que c'est parce que c'est une grosse entreprise qu'elle ne peut pas être verte.
00:21:35 Certaines grosses entreprises font des efforts. Je n'ai pas d'exemple à citer d'entreprises, de grosses entreprises qui seraient vraiment vertes parce qu'elles ont toutes plus ou moins des défauts.
00:21:46 Mais certaines ont fait beaucoup d'efforts à certains moments et vont continuer à le faire. Là, je pense que c'est plutôt parce qu'on est dans un secteur d'activité et qu'on a une entreprise qui se comporte conformément à ses objectifs premiers,
00:22:04 donc de réaliser du profit pour ses actionnaires et donc pour qui la transition énergétique est vraiment plus une contrainte à laquelle il faut faire comme si elle s'adaptait, mais pas véritablement un engagement.
00:22:22 Alain, il faut croire les promesses vertes faites par Total Energy ?
00:22:28 Il faut déjà entendre que lorsque les représentants de Total font des promesses vertes, en même temps, de façon concomitante, ils vont tenir des propos qui les amènent à se contredire.
00:22:39 On va nous dire d'une part, oui, dont acte, nous faisons partie de ceux qui sont responsables du réchauffement climatique. Oui, nous le reconnaissons, nous y sommes pour quelque chose.
00:22:51 Mais en même temps, si on veut une transition de type technoscientifique qui supposera beaucoup de capitaux et du savoir-faire, ça donne qu'en polluant comme on l'a fait, on a aussi engrangé suffisamment de capitaux pour être les sujets de la transition écologique.
00:23:06 C'est par nous que ça passera aussi. Donc, ne nous soyez indulgents parce que nous sommes indispensables à une transition qu'on présente à la condition qu'on ne touche en rien à notre mode de vie, que notre régime de vie reste intact et qu'on essaie de rêver sa continuation sur un mode autre, par d'autres formes d'énergie.
00:23:31 Il faut voir aussi qu'il y a une réelle crise dans le domaine énergétique, c'est-à-dire que les énergies conventionnelles sont de moins en moins abondantes, qu'il faut maintenant être très ingénieux pour aller chercher du pétrole pour satisfaire la demande.
00:23:50 Quand on va à 2000 mètres sous les eaux, quand on va chercher le pétrole dans de la boue qui n'est même pas achevé dans son processus naturel, quand on va le pulvériser dans des cailloux, quand on va le chercher sous des glaciers, c'est qu'on est désespéré aussi.
00:24:05 C'est fini le temps du pétrole qui giclait comme dans le Tintin en Amérique. Donc quand on est face à une demande croissante, on est face à une raréfaction des sources traditionnelles, on est donc face à des procédés industriels et techniques qui sont de plus en plus coûteux dans un monde géopolitique qui est incertain.
00:24:31 Et je crois sincèrement que la filière dite verte, du point de vue du verdissement et puis du marketing, sert quand même à suppléer un manque annoncé, étant donné que la croissance en demande continue d'être stimulée.
00:24:47 Cela dit, lorsqu'on nous présente Total comme étant verte, lorsqu'on parle en son nom comme PDG ou comme représentant, en même temps, on va nous dire quelques secondes plus tard, vous savez, nous, on n'y est pour rien, c'est la demande, c'est pas de notre faute, c'est les gens qui en veulent.
00:25:04 Nous, notre métier, c'est d'aller chercher le pétrole là où il se trouve et de l'offrir à ceux qui le demandent. Ne nous demandez pas d'être responsable, on n'a pas à être plus démocrate que les autres, plus vert que les autres.
00:25:14 Et donc, on est continuellement face à ces formes de dissonance discursive, quand on écoute les gens de Total et très vite, le jupon dépasse. On n'a pas besoin d'aller très loin.
00:25:25 Et ça, je pourrais m'en référer au documentaire récent de Jean-Robert Ravialet et de Catherine Legal, le système Total, qui montre bien comment le discours écologiste de Total ne résiste pas à l'analyse lorsqu'on inscrit la problématique dans un portrait plus large.
00:25:42 Et c'est vrai qu'on a un peu cette impression de tourner en rond dans le débat. Aujourd'hui, quelle est l'influence de Total, Total Energy, dans le débat public et politique ?
00:25:56 Je pense que l'influence est très forte. Quand on voit la réaction du ministre de l'Économie, qui a voulu faire taire les critiques sur les profits considérables de Total, déjà à la fin de l'année dernière, lorsque c'était les annonces du troisième trimestre,
00:26:14 en disant que c'était une entreprise française et qu'on devait être fier d'avoir une entreprise française qui réalise autant de profits, comme on le disait tout à l'heure, c'est une entreprise à peine française.
00:26:25 Et donc, il n'y a pas de véritable raison d'être fier. Pour quelle raison ce discours est-il tenu ? Parce qu'il y a sans aucun doute une influence très forte des instances dirigeantes sur le reste des secteurs industriels.
00:26:46 Et puis, on a pu constater une influence très forte au niveau européen lorsque la nomenclature financière au niveau européen a été décidée, a été discutée.
00:27:05 On a vu apparaître énormément d'argumentations en faveur du gaz et du nucléaire pour les faire apparaître comme des filières vertes, ou à défaut, parce que ça a suscité quand même beaucoup d'opposition, ou à défaut comme des filières permettant d'accéder à la transition.
00:27:28 Et ça, ce sont les forces de lobbying, le secteur gazier en particulier, l'industrie du gaz, là aussi il y a eu une enquête journalistique extrêmement intéressante qui l'a montré, le secteur gazier a été extrêmement influent dans ces discussions.
00:27:45 Donc, il y a un poids très important, il y a un poids très important qui est dû tout simplement au cash flow qui est dégagé par ce secteur.
00:27:54 Et là aussi, il a été montré que les plus grosses entreprises du secteur pétrolier sont aussi des entreprises qui ont dépensé énormément d'argent ces dernières années en dépense de lobbying à tous les niveaux, que ce soit en Europe ou aux États-Unis.
00:28:13 Ou aux États-Unis, le problème est peut-être encore plus important qu'en Europe, étant donné la façon dont le secteur pétrolier a pu prendre l'ascendant sur le milieu politique.
00:28:29 Et donc, c'est l'argent qui fait l'influence, et il se trouve que les profits considérables de ces compagnies leur permettent cette influence.
00:28:37 D'où une motivation supplémentaire pour taxer ces profits.
00:28:41 On va revenir là-dessus. Alain, le pouvoir d'une multinationale comme Total Energy, c'est un pouvoir qui surpasse celui de l'État ?
00:28:49 C'est ce que vous écrivez, ce que vous dites, entre autres ?
00:28:52 Tout à fait, on le voit bien par rapport à... Je vais enchaîner sur ce qui était dit, je souscris absolument ce que j'entends.
00:28:59 Ce n'est pas Total qui est acquise aux règles de la République, c'est la République qui se trouve acquise aux intérêts de Total, si je peux résumer par une formule.
00:29:14 Parce qu'en plus du lobbying, se pose la question plus sociologique, sociologique du pouvoir, du phénomène des portes tournantes, qui est extrêmement important chez Total, entre Total et la France.
00:29:30 Du point de vue de la diplomatie, des conseillers d'État, et ainsi de suite, même des anciens ministres, et ainsi de suite.
00:29:38 Il y a comme ça une rotation qui est impressionnante. Il y a les carrières qui sont soutenues.
00:29:45 Il y a un président français qui répond du nom de François Hollande, qui, pour se donner un petit peu de consistance au terme d'une carrière politique mal terminée,
00:29:54 s'est trouvé accueilli dans une ONG conçue pour lui, en grande partie par Total, parce qu'il fallait bien qu'il puisse un petit peu marcher droit.
00:30:03 Pendant qu'on voit la fondation Total financer tout ce qui se finance au point d'être une sorte d'établisse, dans le domaine de la culture, du patrimoine, de la recherche, et ainsi de suite,
00:30:14 on entend le PDG de Total, Patrick Pouyanné, parler de la République française comme s'il la dirigeait, en disant « nous avons un droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU,
00:30:28 nous avons un réseau de diplomates et d'ambassades, nous avons... » Lorsqu'il signe un communiqué de presse du Kremlin,
00:30:35 au sortir d'une rencontre avec Vladimir Poutine, il déclare lui-même dans ce communiqué, substantiellement,
00:30:44 « je représente la plus grande entreprise de France et conséquemment, lorsque je parle, c'est la France qui parle. »
00:30:49 Oui, c'est ça. Il dit « même si Total est une société privée, c'est la plus grande entreprise française et elle représente, d'une certaine manière,
00:30:57 le pays lui-même. »
00:30:59 Et au-delà de... Bon, moi je me suis intéressé, pas tout à fait à Total comme tel, mais à Total comme cas d'école pour penser la puissance des multinationales en général,
00:31:10 cet objet difficile à définir. Et bon, ce qu'on constate avec Total et d'autres, c'est qu'on est face non plus à des entreprises,
00:31:18 de simples entreprises qui sont, on dirait, engagées dans des filières d'activités spécifiques, mais à des pouvoirs.
00:31:24 Et c'est ce que représentent ces 20 millions de dollars, 19 millions d'euros. C'est un pouvoir.
00:31:31 C'est pas seulement de l'argent qu'on se distribue pour acheter des yachts. C'est un pouvoir qu'on a sur le réel historique.
00:31:37 C'est-à-dire que c'est un capital qui rend les grands actionnaires de ces entités multinationales sans contre-pouvoirs,
00:31:44 qui débordent les cadres législatifs, qui agissent à une échelle mondiale sans qu'aucun État soit capable de légiférer, lui, à cette échelle-là,
00:31:52 comme des pouvoirs souverains d'un type nouveau, des pouvoirs privés qui exercent leur autorité d'une manière spécifique,
00:32:00 qui ont un rapport spécifique au droit, qui ont un rapport spécifique au pouvoir, mais qui néanmoins se donnent à penser,
00:32:08 sous une forme nouvelle, comme des pouvoirs. Et c'est l'aspect le plus problématique de cette évolution,
00:32:15 de voir dans le domaine de l'énergie, de l'informatique, de l'agroalimentaire et de tout ce que vous voudrez,
00:32:21 des entités tellement puissantes qu'elles règnent et qu'elles ont un pouvoir souverain,
00:32:25 c'est-à-dire qu'elles sont capables de déterminer le cours historique des choses en grande partie.
00:32:30 On a Kyle CM dans le chat qui fait la transition et qui dit « par contre, pour payer des impôts en France, c'est non ».
00:32:38 Est-ce qu'on peut expliquer, parce qu'on entend beaucoup de personnes qui disent « ils font du bénéfice, mais par contre, ils ne veulent pas payer d'impôts ».
00:32:47 Est-ce qu'on peut expliquer ? Déjà dire, est-ce que Total paye des impôts, des taxes à la France ? Et sinon, pourquoi ?
00:32:55 Total paie évidemment des contributions sociales, ce qui est tout à fait normal, des cotisations sociales sur les salaires
00:33:05 qui sont versés à ses collaborateurs en France. Il n'y a pas de quoi en tirer une particulière fierté.
00:33:12 Et pourtant, dans les communications officielles de Total, Patrick Pouyanné, par exemple,
00:33:19 tient à rappeler le montant de taxes et de cotisations qu'il paye à l'État français.
00:33:25 Il ne paye que ce qui est dû sur les activités et sur le travail de ses collaborateurs.
00:33:32 En revanche, que la société paie peu d'impôts en France, très peu d'impôts sur les bénéfices,
00:33:41 ça tient à ce qu'on a dit précédemment sur la répartition de l'activité.
00:33:45 Ayant peu d'activités en France, les bénéfices sont forcément très faibles par rapport aux bénéfices mondiaux.
00:33:52 Donc là, il y a deux éléments. Soit c'est totalement justifié et dans ce cas, il n'y a pas à s'étonner particulièrement.
00:34:04 Il se trouve qu'en plus, les trois dernières années, Total Energy a été déficitaire en France et donc n'a pas payé d'impôts en France.
00:34:15 Ce qui va changer cette année. Maintenant, il y a la possibilité, Total Energy étant une multinationale,
00:34:24 les multinationales ont beaucoup d'opportunités pour faire de l'optimisation fiscale et pour reporter dans certains pays
00:34:35 où les règles d'imposition sont moins strictes, une partie des bénéfices qu'ils réalisent.
00:34:42 On pourrait aussi imaginer une structure, si Total Energy était si patriote que ça,
00:34:49 une structure où tous les bénéfices seraient rapatriés en France, afin que le maximum d'impôts puisse être payé à l'État français et non à d'autres États.
00:34:59 Visiblement, ce n'est pas le cas. Donc je ne suis pas fiscaliste. Je ne peux pas entrer vraiment dans ce détail.
00:35:09 Mais c'est vrai que face à des résultats de ce genre, de toute multinationale, on peut quand même se poser la question.
00:35:19 Dans la mesure où on sait, c'est prouvé que le taux d'imposition moyen sur le bénéfice d'une multinationale
00:35:27 est bien inférieur au taux d'imposition sur le bénéfice d'une entreprise standard, qui a moins d'opportunités comme ceci d'optimisation fiscale.
00:35:39 On a dans le chat Volca Schultz qui dit "un État sans frontières, sans lois, le libéralisme"
00:35:45 et Lloyds67 qui ajoute "le problème c'est que Total ne réalise pas ses bénéfices en France".
00:35:51 C'est ce que vous disiez, donc c'est le fait que Total ne paie pas d'impôts en France, ou en tout cas très peu.
00:35:57 C'est étonnant, mais c'est légal si je puis dire. Où est-ce que Total paie des impôts alors, Alain ?
00:36:05 Il faut comprendre comment est structurée une multinationale d'abord et avant tout en se disant
00:36:11 qu'une multinationale sur un plan juridique, pour ainsi dire, n'existe pas.
00:36:19 Ce qui existe c'est un réseau d'entités lesquelles répondent respectivement d'un système de droit particulier national,
00:36:27 d'où qu'on parle de multinationale. Mais la multinationale n'est pas une entité une que vous pouvez circonscrire
00:36:34 et par exemple poursuivre en justice comme la boulangerie du coin.
00:36:39 C'est une entité qui est un réseau de structures indépendantes les unes des autres,
00:36:44 capables de se facturer des services, capables de se poursuivre en justice si elles deviennent folles,
00:36:50 capables de se contracter des prêts. Elles sont indépendantes les unes des autres et elles répondent du droit du pays
00:36:58 dans lequel elles ont été créées. Alors quand un PDG de Total nous dit "nous, nous respectons scrupuleusement la loi",
00:37:06 déjà il y a quelque chose de sophistique ici parce qu'il faudrait dire les lois, les systèmes de droit,
00:37:11 parce qu'ils sont pluriels, il n'y en a pas qu'un, et cela revient à dire "notre filiale des Bermudes
00:37:17 respecte scrupuleusement le droit fiscal bermudéen", "notre filiale du Nigeria respecte le droit environnemental du Nigeria",
00:37:26 "notre filiale du Myanmar respecte les droits de la personne au Myanmar tels qu'ils sont prescrits et appliqués" ainsi de suite.
00:37:35 Donc vous voyez bien que vous avez une entreprise qui est tout à fait en situation de pratiquer le forum shopping,
00:37:41 de faire du, ce qu'on appelle au Québec du magasinage, du shopping pour trouver la législation qui convient le mieux
00:37:47 à une activité voulue, le mieux pour une multinationale, cela voulant dire moins de contraintes possibles sur les enjeux sociaux,
00:37:55 sur les enjeux douaniers, sur les enjeux liés même au droit de la personne et sur la question fiscale.
00:38:01 Et ensuite, comme vous avez toutes ces entités qui se comptent par centaines et qui grouillent et fourmillent partout dans le monde,
00:38:08 le conseil d'administration en fait a pour rôle, et tous les gestionnaires, d'administrer le capital de façon à ce qu'il soit concentré
00:38:17 et inscrit dans les législations où le taux d'imposition est le moins élevé possible, voire nul.
00:38:22 Bon, même si c'est d'une manière tout à fait artificielle, ça se fait par de la vente de produits d'une filiale à l'autre,
00:38:27 alors que les produits évidemment ne bougent pas de là où ils sont, ce sont seulement des jeux d'écriture comptable.
00:38:33 Et c'est ce qui fait qu'effectivement les multinationales se trouvent à payer fort peu d'impôts,
00:38:37 même si elles bénéficient beaucoup des investissements publics.
00:38:41 Ce qui va dire qu'est-ce que ce serait total aujourd'hui s'il n'y avait pas l'État pour assurer la voirie.
00:38:45 Alors justement, d'ailleurs Alain Deneau, j'en profite, il y a l'image de votre caméra qui s'est bloquée un petit peu en mode photo,
00:38:55 si jamais vous arrivez à désactiver et à réactiver, on peut peut-être tester ça.
00:39:00 Sinon, ce n'est pas très grave, on vous entend, c'est l'essentiel, j'ai envie de dire.
00:39:05 Et pendant ce temps, je pose une question à Mireille Chirolo-Hassouline.
00:39:09 Selon l'Obs, le journal l'Obs, Total a touché plus d'argent de l'État français qu'il n'a payé d'impôts sur les sociétés au cours des dix dernières années.
00:39:19 C'est-à-dire ? Toucher de l'argent de l'État français, comment Alain Deneau en parlait un petit peu ?
00:39:24 Mais c'est vraisemblablement, alors moi j'ai pas ces informations.
00:39:29 Donc c'est vraisemblablement des subventions, des aides diverses, des crédits d'impôts.
00:39:35 Il ne faut pas oublier le CICE pendant une longue période et qui a été pérennisé sous la forme de réduction de charges.
00:39:44 Donc tout ceci, ce sont des aides de l'État.
00:39:49 Quand on pense qu'un grand nombre de cadres dirigeants de Total Énergie ont été formés dans les grandes écoles de la République,
00:40:00 là aussi c'est de l'argent public qui finalement est utilisé par une multinationale pour réaliser des profits qui vont à des actionnaires autres que rigoureusement la France.
00:40:18 Donc c'est un élément problématique aussi, oui.
00:40:22 Ça y est, merci beaucoup. On vous voit à nouveau. Merci, merci Le Chat de nous avoir signalé ce petit bug.
00:40:30 Qu'apporte Total Énergie aux Français ? Je cite encore une fois Patrick Pouyanné qui dit
00:40:36 "Dans ce pays, les profits, la réussite ont du mal à être acceptés. On oublie de dire que c'est ce qui permet d'investir et de créer de l'emploi."
00:40:45 Sauf que les investissements ne sont pas des investissements qui ont lieu en France.
00:40:51 La plupart des investissements de Total Énergie sont des investissements encore...
00:40:56 C'est au niveau mondial en fait.
00:40:57 Oui, ce sont encore des investissements dans l'exploration et dans l'exploitation de ressources d'énergie fossile.
00:41:05 Donc ça ne se fait pas en France, ça se fait en Afrique, ça se fait dans d'autres pays du monde.
00:41:15 Total Énergie a beaucoup d'activités d'exploitation en Norvège et au Royaume-Uni et sinon en Afrique et dans d'autres pays du monde.
00:41:24 Donc ces investissements ne produisent pas ni de croissance ni d'emplois en France.
00:41:31 On a dit tout à l'heure que Total Énergie, c'est 33 000 emplois en France.
00:41:37 Il y a beaucoup d'entreprises en France qui ont bien davantage d'employés et de salariés.
00:41:43 Donc en soi, Total Énergie apporte relativement peu à la France.
00:41:50 Alain, qu'apporte Total Énergie aux Français et aux Françaises ?
00:41:56 Ce que je trouve intéressant dans la tournure, où on fait presque pitié d'engranger autant de capitaux,
00:42:04 et c'est une sorte d'accablement, je répondrai surtout par ce biais-là,
00:42:10 c'est de se demander qu'est-ce que représente ce capital ?
00:42:14 Pour employer une formule locutoire désormais à la mode, de quoi ce capital est-il le nom ?
00:42:20 Parce qu'on parle des capitaux comme s'ils étaient légitimes, d'où viennent-ils ?
00:42:24 Pour ma part, j'ai fait un livre d'histoire sur Total, plus qu'un livre sur le contemporain.
00:42:29 Et j'ai été surpris en analysant le discours des responsables de Total.
00:42:34 C'est très intéressant de travailler sur elles parce que ces représentants sont proliges, sont très bavards.
00:42:39 On peut faire de l'analyse de discours assez facilement.
00:42:42 On peut voir à quel point ils haïssent l'histoire. Il ne faut pas parler d'histoire avec eux.
00:42:45 Il ne faut pas parler du fait que la compagnie française des pétroles, qui est l'ancêtre de Total,
00:42:50 a été fondée d'une manière inconstitutionnelle, qu'elle était d'emblée intégrée dans un cartel
00:42:56 qui aurait été illégal en France. Il ne faut pas dire qu'elle était présente dans le régime de l'apartheid.
00:43:01 Il ne faut pas raconter ce qu'elle a fait en Algérie. Il ne faut pas raconter ce qu'en a été de Elf,
00:43:06 une de ses trois composantes historiques, dans la guerre civile terrible des années 1990 au Congo-Brazaville.
00:43:14 Il ne faut pas raconter ce qu'il en est du travail forcé des enfants, des femmes et des hommes du Myanmar,
00:43:20 encore à une date récente, de la crise écologique formidable du Nigeria,
00:43:25 de la pollution dans l'ouest du Canada, en Alberta.
00:43:28 Il ne faut pas dire en quoi l'engrangement des capitaux dont il s'agit sur un plan sociologique,
00:43:35 je ne parle pas de droit, sur un plan strictement sociologique, relève d'un esprit criminogène.
00:43:40 Bon, il ne faut pas le dire ça. Il faut juste faire comme si ce capital-là apparaissait légitimement
00:43:45 parce qu'on a des gens très brillants qui gèrent une firme très rentable et qu'on mérite, au fond, tous ces capitaux.
00:43:51 Ça, c'est l'amont, l'aval maintenant. Qu'est-ce que ça veut dire, avoir autant de capitaux ?
00:43:55 Ça veut dire peser sur le cours historique des choses. Ça veut dire que dans le domaine de l'énergie
00:43:59 et quant à d'autres multinationales, dans le domaine de la santé, dans le domaine de l'éducation, de la culture,
00:44:05 dans le domaine du logement, on aura des firmes capables de dire « nous, on a la main sur le robinet,
00:44:13 on détermine qui aura droit ou pas et selon quelles conditions à ce que nous produisons,
00:44:18 parce que nous avons un rapport oligopolistique à ces choses-là, nous sommes toujours en partenariat très étroit
00:44:24 avec les autres multinationales qui nous ressemblent et nous exerçons donc un pouvoir souverain de type privé
00:44:31 qu'aucun contre-pouvoir n'arrive vraiment à contrecarrer. »
00:44:35 Et ce problème est inouï et je ne vais pas, pour ma part, rentrer dans la rhétorique de Patrick Pouyanné
00:44:42 pour lui donner, au fond, la réplique du berger à la bergère. C'est à ce niveau-là, je crois, qu'il faut se situer.
00:44:48 On a, dans le chat, on parle carrément de colonialisme énergétique.
00:44:55 C'est une expression qui s'entend.
00:44:59 « J'imagine que la référence est faite en ce moment au projet, notamment le projet ECOPE,
00:45:05 qui fait grincer des dents en Ouganda et en Tanzanie, projet qui pourrait émettre 33 millions de tonnes de CO2,
00:45:13 qui va traverser 16 aires naturelles protégées tout en déplaçant des milliers de personnes
00:45:18 et dans le même temps, c'est d'ailleurs, on le voit très bien dans le cash investigation,
00:45:22 mais Total Energy qui, en gros, paye des voyages de presse à des journalistes pour ouvrir les portes de ce projet
00:45:29 tout en mettant en scène aussi des habitants qui auraient trouvé un emploi grâce aux activités de Total avec ce projet ECOPE. »
00:45:38 Oui, c'est absolument typique de ce type de projet qui sont complètement contradictoires avec ce que devrait être la démarche vers une transition énergétique.
00:45:55 C'est en opposition avec les intérêts environnementaux des pays traversés,
00:46:02 c'est en opposition avec les intérêts des populations locales et du greenwashing est réalisé de façon malheureusement assez efficace
00:46:13 parce que je ne suis pas sûre que la majeure partie de l'opinion publique soit véritablement au courant de la façon dont les choses se font
00:46:24 et ce sont surtout des ONG, des personnes engagées dans la protestation vis-à-vis de ces projets qui ont l'information
00:46:38 et cette information diffuse assez peu et quand Total paie des voyages à des journalistes pour que la bonne parole soit diffusée,
00:46:48 évidemment ça va dans le sens de la diffusion d'informations biaisées à tout le moins et si ce n'est fausse.
00:46:59 Et quand Total dit « on est prêts à envisager » c'est les termes, « prêts à envisager une ristourne sur le prix de l'essence à la pompe » ?
00:47:14 Oui, si vous regardez la séquentialité des annonces de Total, c'est assez intéressant, c'est-à-dire que Total Energy a d'abord annoncé,
00:47:23 donc ça c'était il y a quelques jours, a d'abord annoncé que l'augmentation de salaire qui allait finalement être consentie à ses salariés
00:47:33 serait supérieure à ce qui avait été décidé quelques mois auparavant étant donné les bons résultats et des bonus allaient leur être distribués.
00:47:42 Donc quand on regarde les augmentations de salaire, ça permet de compenser l'inflation observée sur l'année précédente.
00:47:49 Ensuite, il a été annoncé que les résultats allaient sans aucun doute être très bons mais que bien sûr Total Energy payait déjà beaucoup d'impôts
00:48:02 à beaucoup d'endroits et que c'était totalement légal. Donc un montant d'impôts évidemment faramineux par rapport au montant de bénéfices annoncés
00:48:16 a été diffusé, donc de 33 milliards d'impôts partout dans le monde en confondant impôts, taxes, cotisations sociales.
00:48:28 Donc ceci pour dire, regardez notre bénéfice n'est pas si grand par rapport à ce que nous avons déjà payé en impôts.
00:48:36 Et ensuite, il a été annoncé que Total Energy allait sans doute consentir une ristourne aux consommateurs.
00:48:46 Quand on regarde le chiffrage produit même par Total Energy, ce serait de l'ordre de 500 millions d'euros.
00:48:55 Un bénéfice de 550 millions.
00:48:57 Voilà, à rapporter aux bénéfices de l'année dernière qui est quand même de plus de 19 milliards d'euros.
00:49:04 Et on voit bien que ça va dans le sens de la discussion qui s'est engagée depuis des mois entre le ministère de l'économie et l'opinion publique et l'entreprise
00:49:17 sur le fait que Total Energy va faire des gestes pour aider les consommateurs et que pour cette raison, il ne faut pas envisager de taxer davantage ses profits.
00:49:28 Et donc c'est un raisonnement extrêmement cohérent et une suite d'annonces qui poursuit l'objectif de surtout réduire l'incitation à taxer les super profits réalisés par Total Energy.
00:49:45 Désolée de rebond, vous vouliez ajouter quelque chose ?
00:49:49 Je dirais seulement que ça me faisait penser à la question des rescrits fiscaux dans les paradis fiscaux.
00:49:54 C'est-à-dire qu'on a l'État qui négocie à la pièce un régime fiscal avec sa plus grande entreprise.
00:50:00 Il y a quelque chose de gênant, on s'attendrait à ce qu'il y ait des lois, que ces lois conviennent et qu'elles soient contraignantes d'elles-mêmes.
00:50:08 Mais s'il faut que ce soit négocié à la pièce, on se trouve dans une situation où tout n'est que rapport de force finalement.
00:50:15 Je ne veux pas… si vous me permettez un mot.
00:50:20 Bien sûr.
00:50:21 Cela s'inscrit dans le paradoxe de l'éthique des entreprises, l'éthique des affaires.
00:50:27 Quand on écoute les gens un peu pontifiants qui nous parlent d'éthique des affaires, très souvent on en arrive à la phrase « l'éthique c'est bon pour les affaires ».
00:50:36 Et c'est une façon aussi de nous faire comprendre indirectement qu'il y a éthique lorsque c'est bon pour les affaires.
00:50:42 Au fond, on est obligé de faire preuve d'éthique à la façon d'un investissement lorsque ne pas faire preuve d'éthique nuirait aux affaires.
00:50:49 Et c'est seulement quand cela nuirait aux affaires qu'on se met là à effectivement tenir compte des consommateurs, du personnel, de l'écologie, d'une population en Ouganda ou quelque part.
00:51:00 Parce que là, tout d'un coup, on sent que si on n'est pas éthique, ce sera mauvais pour les affaires.
00:51:04 Mais ce n'est pas une éthique au sens de Spinoza, là, on s'entend.
00:51:08 Ce n'est pas une éthique sur le mode d'une conviction ou d'une croyance ou d'une subjectivité forte dans son rapport au monde.
00:51:16 Il s'agit simplement d'une instrumentalisation de l'éthique qui se vérifie partout et tout le temps.
00:51:22 Quand Elisabeth Borne, la première ministre, dit qu'elle préfère « demander », c'est encore le terme aux entreprises, d'aider les Français,
00:51:32 c'est vrai que si on peut y voir une forme de, enfin presque d'aveu de faiblesse, on attend des lois ?
00:51:38 C'est une déclaration surprenante.
00:51:41 C'est vraiment une déclaration surprenante.
00:51:44 En termes de rapport de force, c'est quand même presque...
00:51:47 Quand on revient à l'origine de ces profits, de ces super profits en 2022, un élément important, c'est que ces super profits sont nés finalement de prix à la pompe exorbitants.
00:52:03 Et donc ces super profits ont été gagnés aux dépens des consommateurs.
00:52:07 Et si on s'intéresse à la justice, il serait tout à fait normal que ces super profits retournent dans la poche des consommateurs.
00:52:16 Et donc c'est pas une petite ristourne qui devrait être consentie aux consommateurs.
00:52:20 Maintenant, d'un point de vue écologique, je suis persuadée qu'il vaut mieux, contrairement à ce que peuvent penser les consommateurs et les conducteurs de véhicules automobiles en particulier,
00:52:33 je pense qu'il vaut mieux que les prix restent élevés.
00:52:36 Il vaut mieux que les prix restent élevés.
00:52:38 On le voit bien, on l'a vu là en début d'année, mais c'était... Enfin, depuis la rentrée, c'est absolument extraordinaire.
00:52:46 Là où on pensait que les consommateurs français n'avaient plus de marge de manœuvre pour réduire leur consommation d'énergie fossile et d'électricité,
00:52:54 ils ont fortement réduit celle-ci, à la fois parce qu'on leur a dit qu'on avait des risques de rationnement, mais aussi parce que les prix étaient très élevés.
00:53:04 Donc il vaut mieux avoir des prix très élevés. Mais ces prix étant très élevés, très bien, que dans ce cas, les surprofits soient surtaxés.
00:53:15 Et quand je dis "surtaxer les surprofits", là je limite mon propos au secteur pétrolier et à ses effets d'aubaine.
00:53:22 C'est-à-dire que c'est une perspective totalement différente que celle de la taxation des profits en général.
00:53:31 - Et c'est pour ça que vous employez le terme "superprofit". - Oui, parce que les superprofits, ce sont vraiment ceux qui résultent de ces effets d'aubaine,
00:53:40 sans que la stratégie de l'entreprise ait changé, sans qu'aucune action particulièrement habile n'ait été entreprise.
00:53:47 C'est simplement l'occasion. En anglais, on dit "windfall profit", c'est-à-dire des profits qui tombent du ciel, des profits apportés par le vent.
00:53:56 C'est vraiment la pure conjoncture et sans aucune réaction même de l'entreprise.
00:54:03 Et donc là, la Commission européenne a décidé que les profits qui sont en excès par rapport à des profits déjà possiblement en croissance vis-à-vis des trois années précédentes,
00:54:19 c'est-à-dire quand au niveau global une entreprise fait plus de 120% de profit par rapport à ce qu'elle faisait précédemment,
00:54:29 donc une augmentation de plus de 20% par rapport à la moyenne des trois années précédentes,
00:54:34 à ce moment-là, il y a une contribution spéciale sur ces profits qui est perçue...
00:54:41 - C'est au niveau européen. - Ça c'est au niveau européen.
00:54:43 - C'est la contribution temporaire de Solidarité. Ils ne veulent pas employer le mot "tax" ou "impôt".
00:54:48 - Oui, parce que pour adopter une taxe, il aurait fallu l'unanimité au niveau européen et tous les pays n'auraient pas voté pour ça.
00:54:54 Donc c'était assez habile d'utiliser le terme de "contribution".
00:54:58 Et cette contribution, elle est à 33% de l'excédent de profit par rapport à ces 120%.
00:55:09 C'est là qu'on voit que le fait d'avoir fait des provisions considérables pour Total Energy lui permet sans doute d'échapper à une partie de cette contribution spéciale
00:55:19 dont Patrick Pouyanné dit déjà que c'est une somme considérable pour 2022.
00:55:27 - Alors on fait une toute petite pause, si vous me permettez, mais je vais demander aux tchats et aux modérateurs et aux modératrices de lancer un petit sondage.
00:55:35 Le lundi, on propose trois sujets, trois thématiques de débats d'émissions aux viewers.
00:55:42 Ils votent et ça donnera lieu à une émission le vendredi.
00:55:45 Le tchat, est-ce que vous êtes prêts ? Je vous propose trois sujets.
00:55:49 Et désolé les modérateurs, je ne vous ai pas prévenus en amont, mais je vais parler doucement.
00:55:53 Trois sujets, vous votez pour celui que vous préférez, puis comme ça on vous montrera un plateau avec Joey Cuadio à la programmation.
00:56:02 Sujet numéro un, un sujet sur ces ballons et autres objets volants qui ont été aperçus dans le ciel américain notamment,
00:56:09 qui ont été abattus ce week-end. Que penser de ces mystérieuses nouvelles intrusions ?
00:56:14 Sujet numéro deux, un sujet sur la cigarette peut-être et les nouvelles manières de fumer,
00:56:22 notamment chez les jeunes, vape potage et compagnie, que penser de tout ça ?
00:56:26 Et en sujet numéro trois, comment les applications de rencontres bouleversent nos vies intimes, émets en 2023 ?
00:56:35 Voilà c'est quand même, bah oui c'est la Saint-Valentin demain.
00:56:38 Donc je répète, soit un sujet sur les objets volants, ballons, espions, qui ont été aperçus dans le ciel américain, et autres, au Canada d'ailleurs je crois.
00:56:48 Deux, la cigarette, le vape potage et les nouvelles manières de fumer.
00:56:52 Et trois, comment les applications de rencontres bouleversent nos vies intimes ?
00:56:56 Ne répondez pas là comme ça dans le chat, on lance un sondage et comme ça vous cochez la bonne réponse.
00:57:03 Alain Deneau, on arrive bientôt à la fin de l'émission, est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose ?
00:57:09 Moi je pose des questions, le chat aussi, mais il y a peut-être un point qu'on n'a pas abordé, qui est important.
00:57:16 Je considérerais seulement que ce dont on parlait à l'instant relève de la délicate question des multinationales et de leur rapport à la conjoncture.
00:57:26 Patrick Pouyanné se plaît à dire, et son prédécesseur faisait de même, qu'il ne fait pas de politique, la politique c'est l'affaire des villes-gens,
00:57:33 il ne va pas se mêler à ça, mais il en parle comme s'il était un, mais qu'il fait de la géopolitique.
00:57:37 Oui, ça ressort souvent ça.
00:57:39 Faire de la géopolitique, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire s'intéresser à la loi, à la vraie loi, la loi universelle,
00:57:47 pas la loi des législateurs qui s'entretrippent entre eux dans des parlements, mais la loi du marché, la loi de l'offre et de la demande,
00:57:56 la loi telle qu'elle peut être thématisée d'une manière pseudo-scientifique dans un ordre idéologique donné.
00:58:03 Et cela suppose au fond d'être capable d'une part, d'une part, de façonner la conjoncture, par exemple en ce qui concerne la dépendance des produits pétroliers à la pompe,
00:58:15 de travailler pendant des décennies à aménager un territoire de façon à ce que l'automobile devienne indispensable pour une très grande partie de la population,
00:58:24 de nuire au transport en commun, ça s'est fait beaucoup en Amérique, un peu en Europe aussi,
00:58:29 mais d'autre part, parce qu'il ne s'agit pas d'être dans la théorie du complot et de penser que les multinationales façonnent tout,
00:58:35 d'être suffisamment puissante, d'avoir suffisamment de levier, d'être suffisamment équipée pour faire face à toute conjoncture,
00:58:42 c'est-à-dire qu'on ne fait pas comme si on maîtrisait le monde et son histoire au sens où nous étions les signataires de toute conjoncture,
00:58:49 mais on sait que s'il y a une crise entre la Russie et les États-Unis, s'il y a une montée des cours, une baisse des cours,
00:58:57 s'il y a des tensions quelconques avec la Chine, on sait manœuvrer avec les nombreux leviers qui sont les siens pour tirer profit d'une conjoncture,
00:59:09 quelle qu'elle soit, c'est le projet ultime d'une multinationale et la question, en France, des prix à la pompe et de ces marges miraculeuses
00:59:20 qui s'expliquent par la conjoncture font partie de ce type de cas de figure.
00:59:26 Mireille Chirollo-Hassouline, vous dites que taxer les super-profits, ce serait un juste retour aux citoyens, non pas un don, mais un retour.
00:59:35 Bien sûr, bien sûr.
00:59:36 Pas un cadeau, quoi.
00:59:37 Ce serait un retour puisque si Total avait décidé de ne pas augmenter les prix pour permettre aux consommateurs de bénéficier de prix moins importants,
00:59:53 ces profits ne seraient pas apparus.
00:59:55 Maintenant, comme je l'ai dit, je pense que ça n'aurait pas été la bonne solution.
00:59:58 Je crois que ce qu'il faudrait arriver à faire vis-à-vis des entreprises du secteur pétrolier et gazier,
01:00:06 ce serait de les pousser fortement à ne plus investir dans ces activités, mais à investir dans des activités autour des énergies renouvelables.
01:00:19 On pourrait imaginer, même si c'est sans doute difficile à mettre en œuvre,
01:00:24 que le taux de la contribution spéciale de Solidarité soit quasiment confiscatoire dès l'instant où les bénéfices ne sont pas réinvestis dans des activités d'énergie renouvelable.
01:00:38 Là, ce serait une façon de stimuler véritablement la transition énergétique de ces entreprises.
01:00:45 Je sais très bien ce que Patrick Pouyanné répondrait à ceci.
01:00:49 Il répondrait de toute façon qu'il y a une demande mondiale de produits pétroliers et gaziers.
01:00:54 Si ce n'est pas Total Énergie qui se préoccupe d'aller les exploiter et de les mettre sur le marché, ce seront d'autres compagnies.
01:01:04 Oui et non.
01:01:06 C'est-à-dire que s'il y a un véritable développement de l'offre d'énergies renouvelables, cela peut changer la structure de la demande.
01:01:15 Et en changeant la structure de la demande, on changera aussi la structure de l'offre.
01:01:20 Mais si vous permettez, ne perdons pas de vue le fait que ce qu'on appelle les énergies renouvelables sont extrêmement polluantes et exigeantes en ce qui concerne la filière minière.
01:01:31 C'est-à-dire que pour faire une voiture électrique, pour construire des panneaux photovoltaïques, pour construire des tours éoliennes, il faut mettre sous pression le secteur minier.
01:01:40 J'ai l'impression que très souvent on ne fait que déplacer les problèmes.
01:01:43 Bien sûr, il peut y avoir des différences.
01:01:49 C'est du second ordre. C'est vraiment du second ordre par rapport aux pollutions qui sont provoquées par le secteur pétrolier et gazier.
01:01:58 C'est pas négligeable, mais c'est du second ordre.
01:02:02 C'est moins pire si je résume dans un très mauvais français.
01:02:05 Si on voulait transformer le parc automobile en voiture électrique et puis faire rouler les voitures en France, par exemple, à partir de l'uranium du Niger, déjà sur le plan minier, il n'y aurait plus de lithium.
01:02:21 Mais la solution n'est pas forcément de transformer le parc automobile. Il peut y avoir des solutions qui passent par moins d'automobiles et des aménagements différents, des aménagements du territoire différents.
01:02:33 Si je le signale, c'est que très souvent il y a un impensé, surtout de la part des représentants du capital, qui serait notre mode de vie.
01:02:40 Comme si notre mode de vie ne devait pas changer, mais qu'on devait changer les façons de le rendre possible.
01:02:46 Effectivement, plus de transports en commun, moins d'automobiles et donc moins de minerais, moins de pétrole. C'est l'objectif.
01:02:53 Vous nous donnez peut-être là une idée pour peut-être un prochain talk.
01:02:59 Et avant qu'on se dise au revoir, peut-être Alain Deneau, vous qui êtes de l'autre côté de l'Atlantique.
01:03:06 Tout à l'heure, on disait qu'en France, ces annonces de bénéfices records de TotalEnergie étaient quand même plutôt mal perçues, critiquées.
01:03:15 Chez vous, ça se passe comment avec, je ne sais pas, Axon Mobile, etc.?
01:03:20 Comment sont vécus ces bénéfices?
01:03:23 On est confrontés au même type de phénomène dans un régime libéral qui est presque constitutionnalisé comme tel.
01:03:30 Nous ne sommes pas dans une république avec la même histoire que celle de France où on est habitué à la critique.
01:03:35 Et je dirais donc que la situation est pire parce qu'on n'a même pas la critique.
01:03:39 On observe les phénomènes de manière un peu passive, hélas.
01:03:44 Mireille Chirole-Hassouline, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?
01:03:48 Et sinon, je vous dis au revoir tranquillement.
01:03:51 Je vous remercie de cette invitation et de ce débat très intéressant.
01:03:55 Merci à vous. Merci Mireille Chirole-Hassouline, professeure d'économie de l'environnement à l'Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne et l'Economics.
01:04:05 Et Paris School of Economics.
01:04:07 Merci à vous. Merci Alain Deneau. Il est quelle heure chez vous là? 14h?
01:04:12 Oui, 14h.
01:04:14 Philosophe et professeur au Canada, auteur de "De quoi Total est-elle la Somme?" aux éditions Rue de l'Échiquier.
01:04:21 On vous a envoyé un petit lien d'ailleurs dans le chat si jamais vous souhaitez vous procurer le livre.
01:04:27 Merci à vous deux. Merci le chat d'avoir répondu présent.
01:04:31 "C'était top" nous dit Kyle C.M. Poète reloaded.
01:04:35 Merci Mireille. Merci Alain. Voilà, vous le savez.
01:04:38 Le chat vous remercie. Le chat a trouvé ce débat intéressant.
01:04:42 Mais c'était aussi grâce à vous le chat puisque vous participez à ces discussions.
01:04:46 Demain, on va parler de la vie quotidienne des jeunes à Kiev, en Ukraine.
01:04:51 Voilà, on sera notamment avec Franck Balanger de la rédaction internationale de Radio France et Thomas Sélin de France Info.
01:04:57 Ils reviennent justement tout juste de mission de reportage où ils ont ramené à la fois des podcasts audio, des vidéos.
01:05:05 Ils se sont vraiment concentrés sur cet angle-là. La vie quotidienne des jeunes à Kiev.
01:05:10 Comment on vit, comment on survit et quelle est la place de la guerre.
01:05:14 Vous vous en doutez omniprésente, présente partout, dans tout.
01:05:18 Rendez-vous demain à 18h. Encore merci à vous les invités.
01:05:22 Merci le chat. Demain, 18h sur la chaîne Twitch et en podcast audio un petit peu après, vers une heure et demie après.
01:05:28 Merci à vous. Bonne soirée. Merci Alain Deneau. Merci Mireille Chirot-Lehassouline. Salut.
01:05:34 Merci, au revoir.
01:05:36 [Musique]
01:05:46 [Musique]
01:05:56 [Musique]
01:06:06 [Musique]
01:06:16 [Musique]
01:06:26 [Musique]
01:06:36 [Musique]
01:06:46 [Musique]
01:07:12 [Musique]
01:07:14 [Musique]
01:07:24 [Musique]
01:07:34 [Musique]
01:07:44 [Musique]
01:07:54 [Musique]

Recommandée