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L'Etude Homère, la première étude en France, concernant les conditions de vie et les besoins des personnes déficientes visuelles: Bruno Gendron président de la Fédération des Aveugles et Amblyopes de France est l'invité de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-mercredi-08-fevrier-2023-4178449

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00:00 Il est 6h20, il y a 400 000 personnes aveugles en France et 1,7 million d'efficients visuels.
00:14 Et pour la première fois, une étude sociologique s'est intéressée à eux, à leur quotidien,
00:19 à leurs conditions de vie.
00:20 Des associations se sont réunies en collectif pour mener une vaste enquête portée par
00:24 la Fédération des aveugles de France que vous présidez Bruno Gendron.
00:27 Bonjour.
00:28 Mathilde, bonjour à tous.
00:30 Jusqu'à présent, ça n'existait pas, on n'avait pas de données à grande échelle.
00:32 Comment ça se fait ? Pourquoi personne ne s'était donné la peine de le faire ?
00:35 En fait, on se rend compte que personne n'avait eu cette idée et du coup, y compris les
00:42 politiques qui par ailleurs ont besoin de ces données-là pour construire leur politique
00:46 publique et nous-mêmes en tant que collectif associatif, on en a besoin aussi pour construire
00:52 notre plaidoyer.
00:53 Mais comment vous expliquez qu'il n'y avait pas ça jusqu'à présent ? Qu'on se
00:56 modôt que vous ne comptez pas ? C'est ça, c'est comme ça que vous le ressentez ?
00:57 Je pense que la déficience visuelle est un handicap mal connu, tellement spécifique
01:03 que finalement on n'est pas dans les radars et des pouvoirs publics.
01:08 Alors, il y a des discours bien sûr autour de ces questions-là mais au-delà de ça,
01:12 on n'est pas suffisamment dans les radars.
01:14 Il n'y a par exemple pas de plan déficience visuelle en France.
01:18 Et quand on n'identifie pas les problèmes, évidemment c'est plus compliqué de les résoudre.
01:21 D'où l'intérêt de votre étude qui a duré un an.
01:24 Vous avez interrogé 1865 personnes dans toutes les régions de France.
01:28 Vous leur avez posé des questions sur les transports, la scolarité, les loisirs, la
01:32 vie sociale.
01:33 Et ce qui ressort entre autres, parce qu'on va prendre le temps de détailler plusieurs
01:36 points, mais le premier c'est que finalement c'est presque plus compliqué pour les malvoyants
01:40 que pour les aveugles.
01:41 Plus ça arrive tard, plus c'est difficile.
01:43 Oui, parce qu'en fait la malvoyance c'est une situation multiforme.
01:47 Il y a plein de formes de malvoyance quand on est complètement aveugle.
01:51 Entre guillemets c'est relativement simple.
01:53 C'est pas que c'est complètement simple de le vivre, mais c'est relativement simple
01:57 à gérer.
01:58 La malvoyance, il y a des gens qui sont en difficulté par rapport à la lumière, par
02:03 rapport au contraste des couleurs, qui peuvent regarder devant eux ou au contraire sur les
02:07 côtés.
02:08 Donc c'est tellement multiforme que c'est beaucoup plus difficile à prendre en charge.
02:11 Et par ailleurs, quand on est malvoyant, on peut encore faire comme si on voyait et du
02:18 coup la prise en charge est moins bonne.
02:20 Et aussi quand on vieillit, ça arrive beaucoup aussi pour les personnes âgées qui du coup
02:25 n'ont pas l'habitude, ne maîtrisent pas le brail, ne savent pas se déplacer en sécurité
02:29 et ont du mal à prendre tout ça.
02:31 Oui, vous avez raison.
02:33 Lorsqu'on devient âgé, la déficience visuelle augmente évidemment avec l'âge.
02:39 Et toutes ces techniques qu'on appelle de compensation, le brail apprendre à se déplacer
02:44 avec une canne blanche, toutes ces techniques de compensation, c'est moins facile aux
02:50 personnes âgées de les acquérir.
02:52 Et surtout, on voit bien d'ailleurs dans l'étude, il y a 50% des personnes qui n'accèdent
02:58 pas à ces propositions qui pourtant existent en France, même s'il y a des inégalités
03:04 territoriales.
03:05 Il y a des départements en France où il n'y a pas de services dédiés aux personnes
03:09 déficientes visuelles.
03:10 Le problème, c'est pas tant qu'il n'y ait pas assez d'aides, c'est que les personnes
03:12 ne sollicitent pas suffisamment les dispositifs existants.
03:15 En fait, il y a les deux.
03:16 Il y a le fait qu'il n'y ait pas assez d'aides, il y a le fait que pour solliciter
03:20 une aide, il faut se reconnaître comme déficient visuel, et puis après il y a cette inégalité
03:25 territoriale.
03:26 - Alors revenons à votre étude et à ces difficultés au quotidien que vous mettez
03:29 en évidence.
03:30 L'une des principales, c'est l'accès aux outils numériques.
03:33 Faire un mail, oui, ça marche à peu près, c'est assez simple.
03:36 Mais faire des démarches administratives seules de manière autonome, ça c'est plus compliqué.
03:40 Il n'y a que 10% qui le font de manière autonome.
03:42 - Oui, c'est ça.
03:43 Il n'y a que 10% qui le font de manière autonome.
03:45 Alors on nous promet effectivement un plus grand nombre de démarches administratives
03:50 accessibles.
03:51 Il y en a encore beaucoup qui ne le sont pas.
03:54 Et par ailleurs, pour pouvoir accéder aux numériques, il faut pouvoir être formé
03:59 aux outils numériques dédiés à la déficience visuelle, ce qui renvoie à cette difficulté
04:05 d'accompagnement aussi des personnes sur le territoire pour qu'elles acquièrent l'usage
04:10 de ces outils.
04:11 - Et l'autre grosse difficulté que vous mettez en avant, ce sont les déplacements,
04:14 évidemment, se déplacer quand on ne voit pas ou qu'on voit très très mal.
04:17 Ça nécessite une aide.
04:18 Alors ça peut être une canne blanche, des outils technologiques.
04:21 Il y a des GPS ou des balises sonores, mais tout le monde n'en a pas.
04:24 - Tout le monde n'en a pas.
04:25 La canne blanche, c'est un outil qu'il faut savoir utiliser.
04:28 Ça s'apprend.
04:29 Et puis les outils technologiques comme le GPS, ce sont des aides au déplacement.
04:34 Mais en aucun cas, ça ne permet un déplacement aisé.
04:37 Parce que par exemple, le fait qu'il y ait un escalier devant soi, le GPS ne va pas le
04:42 repérer.
04:43 Il peut se repérer sur un trajet, préparer son trajet en amont.
04:46 Mais en revanche, on ne peut pas, évidemment, utiliser le GPS comme un véritable outil
04:52 de déplacement.
04:53 Aujourd'hui, c'est la canne blanche, la canne électronique, le chien guide.
04:56 - Et la mobilité, évidemment, c'est crucial pour pouvoir avoir un emploi.
04:59 Et à propos de travail, il y a quelque chose qui m'a vraiment surprise.
05:01 Un quart des personnes qui ont répondu à votre enquête et qui ont un emploi n'ont
05:05 pas parlé de leur déficience visuelle à leur entreprise.
05:08 Pourquoi ? Ils ont peur de quelque chose ?
05:09 - Je pense qu'ils ont peur de quelque chose et notamment de leur évolution professionnelle.
05:14 C'est-à-dire qu'on a un peu l'idée que si on est en situation de handicap, et de
05:19 handicap visuel en particulier, le fait de ne pas voir ou de mal voir, et là c'est
05:25 plutôt pour les malvoyants d'ailleurs, parce que quand on ne voit pas, la question
05:28 ne se pose pas.
05:29 Les gens le perçoivent d'emblée.
05:31 Mais quand on est malvoyant, on peut tout à fait le dissimuler.
05:34 Et il y a cette peur éventuellement de ne pas pouvoir progresser dans sa carrière.
05:39 Et aussi, quelque part, de vouloir être considéré comme tout le monde, c'est-à-dire comme
05:46 une personne voyante.
05:47 On est dans cette forme, quelque part, de déni de la malvoyance.
05:51 - Bruno Gendron n'a pas le temps malheureusement de tout évoquer.
05:53 Je vais citer rapidement le fait de voter aussi.
05:56 C'est difficile de le faire seul.
05:57 Il y a une personne sur cinq dans votre étude qui dit avoir au moins une fois renoncé à
06:01 voter à cause de ça.
06:02 Il y a aussi à l'école, avec des enseignants qui ne sont pas toujours formés, il n'y a
06:05 pas toujours d'aménagement de cours ni d'examens.
06:07 Il y a des problèmes aussi pour pouvoir faire du sport.
06:10 Comment faire pour améliorer les choses ? Que suggérez-vous ?
06:13 - Alors en fait, l'étude en tant que telle, évidemment, c'est un premier pas.
06:18 C'est un état des lieux.
06:20 Et on souhaite vraiment que les pouvoirs publics s'en emparent.
06:24 Et le collectif associatif fait absolument tout pour cela, pour que les pouvoirs publics
06:29 s'en emparent et puissent véritablement disposer de cet outil de mesure qui est ce
06:34 qu'il est, mais qui a aujourd'hui le mérite d'exister.
06:37 - On ne pourra plus dire on ne savait pas.
06:38 - On ne pourra plus dire on ne savait pas.
06:40 Et avec la perspective aussi de pouvoir construire un observatoire de la déficience visuelle
06:45 où il pourrait y avoir plusieurs parties prenantes, les associations bien sûr, les
06:49 chercheurs universitaires, mais aussi les institutions publiques parce qu'il y a vraiment
06:54 besoin de ces données quantitatives.
06:56 - Mais au gouvernement, il y a quand même deux ministres qui sont là pour gérer les
06:58 handicaps.
06:59 Il y a Jean-Christophe Combes qui est le ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des
07:02 personnes handicapées.
07:03 Avec lui, il y a une ministre déléguée, Geneviève Darriussec.
07:05 Vous êtes en lien avec eux ? Vous discutez ? Vous sentez qu'il va y avoir du concret ?
07:08 - Alors on est en lien avec eux.
07:11 Il y a des discussions d'engagés.
07:13 Évidemment, le collectif associatif a tendance à penser qu'il faudrait aller plus vite
07:20 et plus loin.
07:21 Mais en tout cas, nous nous positionnons volontairement pour proposer des solutions,
07:29 proposer des pistes de travail et nous cherchons à accompagner évidemment les pouvoirs publics.
07:34 - Il nous reste quelques secondes.
07:35 Quelles solutions ? Si vous pouviez nous en donner une, quelque chose de concret ?
07:38 - Moi, je crois qu'aujourd'hui, quelque chose d'important serait l'accessibilité numérique
07:45 autour des logiciels métiers pour favoriser l'emploi des personnes déficientes visuelles.
07:49 - Une dernière chose, je n'ai pas précisé le nom que vous avez donné à cette étude.
07:52 Elle s'appelle Homer.
07:53 Je vais vous laisser expliquer pourquoi.
07:54 - C'est parce que tout simplement, Homer était aveugle lui-même.
07:58 - L'aveugle sans doute le plus célèbre de l'histoire.
08:00 Merci Bruno Gendron, président de la Fédération des Aveugles de France.

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