Discours de Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants République et Territoires, à l'origine d'une proposition de résolution de soutien à l'Ukraine discutée au Sénat le 7 février 2023.
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NewsTranscription
00:00 Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, mes chers collègues,
00:02 je voudrais tout d'abord remercier les présidents de groupe
00:05 et les très nombreux sénateurs
00:07 qui ont décidé de co-signer cette proposition de résolution.
00:10 Remercier également le président du Sénat
00:12 qui lui confère une solennité particulière
00:15 en demandant lui-même son inscription
00:17 à l'ordre du jour du Sénat.
00:20 Un an après l'invasion de l'Ukraine,
00:21 nous avons appris plusieurs leçons fondamentales.
00:24 La 1re est l'ampleur des mensonges
00:26 que le Kremlin a orchestré sans relâche depuis des années
00:29 pour justifier ses agressions successives.
00:31 L'Occident est responsable de tout, l'OTAN menace la Russie,
00:34 soutient des nazis et des criminels de guerre,
00:37 multiplie les provocations,
00:38 l'Europe est le valet de l'impérialisme américain.
00:41 Ces discours délirants,
00:42 relayés avec constance par le parti pro-russe en Europe,
00:46 ont trompé beaucoup de monde.
00:48 Ils ont volé en éclat le jour où, de juin dernier à Saint-Pétersbourg,
00:52 où Poutine lui-même a fini par avouer
00:54 ce qu'il pense depuis toujours, l'Ukraine est russe,
00:58 et comme autant de Pierre Le Grand, la Russie va reprendre par la guerre
01:00 ces territoires perdus.
01:02 Balayer la propagande, balayer tous les mensonges,
01:05 balayer la fable de l'Occident menaçant,
01:07 empire colonial sous les Tsars,
01:10 la Russie fait le dernier empire colonial sous le communisme
01:12 après la fin des empires anglais et français,
01:15 elle veut le redevenir,
01:16 et l'on comprend aujourd'hui le sens de la phrase
01:18 prononcée par Poutine en 2005,
01:20 "La chute de l'URSS fut la plus grande catastrophe politique
01:23 du XXe siècle",
01:25 parce que la chute de l'URSS, c'était la fin de l'Empire russe.
01:29 La deuxième leçon de cette guerre est que l'ampleur de ces mensonges
01:32 n'a eu d'égal que l'ampleur de nos illusions et de nos lâchetés.
01:36 Ce n'est pas l'agressivité de l'Occident qui a conduit Poutine
01:39 à envahir l'Ukraine, c'est sa passivité.
01:42 En 2008, les leaders européens ont refusé à l'Ukraine et à la Géorgie
01:45 l'adhésion à l'OTAN pour ne pas irriter Poutine.
01:49 Quelques mois plus tard, il envahissait la Géorgie.
01:52 Quand il a envahi la Crimée, nous avons à nouveau répondu
01:54 avec des sanctions bien modestes.
01:56 Il est clair que les craintes infondées de provoquer Poutine,
02:00 en le convainquant de notre faiblesse, ont ouvert la voie
02:03 à l'invasion totale de 2022.
02:05 Cette erreur majeure d'analyse fut d'abord celle de l'Allemagne
02:08 et de la France.
02:09 Depuis 30 ans, la politique allemande est fondée sur la dépendance
02:12 énergétique à la Russie, la dépendance commerciale à la Chine
02:15 et le désarmement face aux deux.
02:17 Celle de la France fut de courtiser la Russie pour trianguler
02:20 sa relation avec les États-Unis, en espérant acquérir
02:24 une position indépendante sans en avoir les moyens politiques
02:27 et militaires.
02:28 Que signifie puissance d'équilibre quand il y a d'un côté
02:31 une démocratie qui est notre alliée depuis plus de deux siècles,
02:34 qui nous a sauvés lors de deux guerres mondiales et nous a évité
02:37 de devenir la province occidentale du Reich allemand
02:40 ou de l'Union soviétique, et de l'autre, une cryptocratie
02:43 mafieuse qui succède à un régime totalitaire ayant asservi
02:46 l'Europe pendant des décennies.
02:49 Les avertissements répétés des Européens de l'Est,
02:51 qui savent eux ce que c'est que l'impérialisme russe,
02:55 ont été rejetés avec mépris, comme des agitations de vatanguer
02:58 hystériques.
02:59 L'invasion de l'Ukraine nous montre l'échec de ces deux politiques
03:02 et surtout l'urgence à ne pas les poursuivre.
03:05 L'apaisement et le compromis avec un dictateur n'ont jamais marché.
03:10 Le dictateur avance devant la faiblesse et recule devant la force.
03:13 C'est aussi simple que ça depuis toujours.
03:16 Si l'Europe veut une paix durable sur le continent,
03:18 elle doit apprendre le langage de la puissance,
03:21 le seul que les dictateurs comprennent.
03:23 La troisième leçon est le degré de nuisance, de bassesse
03:26 et de complicité du parti pro-russe en Europe
03:29 et particulièrement en France.
03:31 Cette cinquième colonne des extrémistes qui cherche sans relâche
03:33 à nous désarmer face à un loup qu'ils présentent comme un mouton,
03:37 qui depuis des années nous répètent que Poutine est le plus grand
03:41 dirigeant du monde, qui reprennent mot à mot sur les réseaux antisociaux
03:44 avec les milliers de faux comptes, de trolls et de bots pilotés
03:48 depuis Moscou, sur les télé RT et d'autres la propagande de Poutine.
03:52 L'Ukraine n'existe pas, elle est russe, ses dirigeants sont des nazis.
03:56 Pouchkine, le grand poète russe, disait qu'on nous donne une auge,
04:01 nous trouverons les cochons.
04:03 Ils sont la boussole qui indique sans jamais se tromper
04:06 la direction du déshonneur par le chemin le plus sordide.
04:10 Depuis l'invasion de l'Ukraine, Le Pen, la baronnette des guichets
04:13 de Moscou, et Mélenchon, le génuflecteur des plus infâmes
04:16 dictatures, condamnent du bout des lèvres car ne pas le faire
04:20 serait un suicide.
04:21 Mais ils ne changent pas d'avis.
04:22 Tout est de la faute de l'Occident, surtout pas d'armes,
04:25 surtout pas de sanctions.
04:27 Leurs députés européens ont refusé de voter même l'aide humanitaire
04:30 à l'Ukraine.
04:31 Leurs parlementaires français ont refusé de voter l'entraide
04:34 de la Suède et de la Finlande dans l'OTAN.
04:36 Lors du discours du président de la Rada ukrainienne à l'Assemblée
04:39 mardi dernier, ils ont déserté l'hémicycle pendant que tous
04:42 leurs collègues étaient debout pour l'applaudir.
04:45 N'écoutez pas ce que disent les dirigeants des partis de la France
04:48 russe.
04:49 Regardez leur vote, regardez leurs gestes et vous comprendrez
04:53 qu'ils n'ont rien lâché, qu'ils sont toujours en embuscade
04:56 comme des crapauds blottis sous une grosse pierre en attendant
04:59 que passe l'orage.
05:00 Que faire aujourd'hui ?
05:02 D'abord, tirer les leçons de nos erreurs passées, car nous ne
05:06 les avons pas toutes tirées.
05:07 Nous nous félicitons à juste titre que l'Europe ne soit pas
05:10 divisée comme l'espérait Poutine, mais unie.
05:14 Que notre alliance avec les États-Unis et les autres
05:16 démocraties se soit renforcée, que le soutien à l'Ukraine reste
05:19 constant.
05:20 Que les opinions publiques, horrifiées par les crimes de guerre
05:23 et les crimes contre l'humanité, chaque jour sur leurs écrans,
05:26 tiennent bon.
05:27 Mais attention, les différences d'appréciation entre
05:30 Européens de l'Ouest et Européens de l'Est et du Nord n'ont pas
05:33 disparu.
05:34 Et chaque étape du conflit voit réapparaître l'écart entre ceux
05:38 qui se qualifient de "réalistes" et ceux qui veuillent aller plus
05:42 loin et plus vite.
05:44 Les réalistes craignent l'escalade.
05:46 Ils pensent qu'il y a des lignes rouges à ne pas franchir.
05:49 Chaque épisode de cette guerre prouve qu'ils ont tort.
05:52 En refusant l'escalade, ils en laissent le monopole à Poutine
05:55 et font perdre à chaque fois les semaines nécessaires à la
05:58 contre-offensive.
05:59 Ces semaines, ces mois, parfois, ce sont des milliers d'Ukrainiens
06:03 qui meurent.
06:03 Les lignes rouges, nous savons désormais qu'elles ne sont que
06:06 le fruit de nos peurs.
06:07 Chaque fois que Poutine les trace et qu'elles sont franchies,
06:11 il ne se passe rien.
06:13 Comment pourrait-il frapper plus fort alors que son armée,
06:16 minée par la corruption qui ronge son matériel, l'incompétence
06:20 de ses chefs et la défiance de ses soldats est déjà au-delà
06:23 de son maximum et paralysée sur tous les fronts ?
06:26 Quant à la rengaine du danger nucléaire, Poutine laisse
06:31 désormais Medvedev le pochard et Lavrov le croque-mort les
06:35 brandir sur les plateaux des trash-télés de Moscou.
06:37 Il a compris depuis la mortifiante réunion de Saint-Marc-Andes,
06:41 où Chy et Modi l'ont mis publiquement en piqué, qu'elle lui
06:44 est interdite, même par ses proches alliés.
06:47 Cessons de nous faire peur avec ce disque rayé depuis 50 ans.
06:52 Le but n'est pas de permettre à l'Ukraine de résister,
06:55 mais de chasser l'occupant.
06:57 Si nous avions livré dès le début ce que nous nous apprêtons
07:00 à livrer aujourd'hui, l'Ukraine n'aurait pas seulement
07:02 reconquis Kharkiv et Kherson, mais largement profité dans
07:06 le Nombas, profitant de la déroute russe.
07:08 Ce sera bien plus difficile maintenant qu'on leur a laissé le
07:11 temps de se retrancher.
07:12 Mais c'est néanmoins un bon signe que de plus en plus de dirigeants
07:16 européens, hier dans le camp des "réalistes", soient en train
07:20 de comprendre que la livraison massive d'armes n'aurait pas eu
07:23 pour conséquence de prolonger la guerre, mais au contraire de
07:26 l'écourter par la débâcle des envahisseurs.
07:29 Mieux vaut tard que jamais.
07:31 C'est maintenant qu'il faut livrer les chars, les missiles,
07:35 les défenses solaires et les avions, si nous voulons,
07:37 comme le promettait le président de la République lors de ses voeux,
07:40 accompagner l'Ukraine jusqu'à la victoire finale.
07:42 Il est enfin une dernière raison, encore plus essentielle,
07:46 de ne pas répéter les erreurs du passé.
07:49 Les démocraties, au terme d'une lutte implacable, ont vaincu
07:52 au XXe siècle les deux totalitarismes aux dizaines de
07:55 millions de morts.
07:56 Certains les croyaient disparus à jamais.
07:58 Sous nos yeux, l'international des tyrans se reforme.
08:02 Le boucher de Moscou, le génocidaire des Ouïghours en
08:06 Chine, le docteur Folamour de Corée du Nord, le massacreur de
08:10 femmes de Téhéran et quelques autres se sont regroupés.
08:13 Leur seul but, se venger, abattre l'Occident, mettre à bas
08:18 la liberté.
08:19 La Deuxième Guerre froide a commencé et depuis plusieurs années.
08:23 Beaucoup de dirigeants occidentaux proclament que nous ne sommes
08:26 pas en guerre contre la Russie.
08:28 J'espère bien que ce discours n'est que tactique et qu'ils n'en
08:31 croient pas un mot, parce que les dictateurs, eux,
08:34 le savent clairement, ils sont en guerre contre nous.
08:37 Ils veulent tâcher les démocraties qu'ils croient agonisantes.
08:40 Il n'y aurait rien de pire que de croire que nous ne sommes pas
08:44 en guerre contre des gens qui sont en guerre contre nous et qui
08:46 le disent.
08:47 Quant au reste du monde, il attend l'issue du conflit pour
08:51 voler au secours de la victoire.
08:52 Ceux qui en espéraient une certaine sympathie se trompent
08:56 lourdement.
08:57 Les dirigeants bien peu démocratiques de la plupart de
08:59 ces pays se moquent de savoir si Poutine a violé les lois
09:03 internationales.
09:04 Ils ont même pour mantra la justification de leurs méfaits
09:08 actuels par la condamnation de notre domination passée.
09:11 L'Europe doit comprendre l'urgence de redevenir une puissance
09:16 militaire, d'avoir une stratégie commune et de consolider notre
09:20 alliance avec les autres démocraties du monde, à commencer
09:23 par les États-Unis.
09:24 Si nous n'y arrivons pas, si nous laissons les cinquièmes
09:28 colonnes des fachos, des trotskistes, des populistes et
09:31 des idiots utiles nous conduirent à l'aveuglement et au renoncement,
09:34 alors ce n'est pas seulement l'Ukraine demain qui sera vaincue,
09:38 mais la liberté.
09:39 Il est temps de réarmer les démocraties face aux tyrannies du
09:43 21e siècle.
09:44 Le peuple héroïque d'Ukraine nous en montre le chemin.
09:48 Je vous remercie.
09:49 [Musique]