Anne Fulda reçoit Didier Decoin pour son livre «Le nageur de Bizerte» dans #HDLivres
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00:00 Bienvenue à l'heure des livres, Didier Decoin.
00:02 - Merci.
00:03 - On vous connaît, pas besoin de vous présenter.
00:06 Vous êtes écrivain, vous êtes scénariste, vous êtes aussi président
00:09 de la prestigieuse Académie Goncourt.
00:11 Vous venez d'y être réélu et vous venez de publier, après un roman,
00:14 un précédent roman graphique qui se passait au Japon au XIIe siècle,
00:17 là, un roman qui s'intitule "Le nageur de Bizerte" et c'est paru aux éditions
00:21 Stock et c'est un roman épique, sensuel, gourmand,
00:26 burlesque parfois, qu'on ne lâche pas.
00:29 Quel voyage en effet, parce que vous nous emmenez, on part de la Russie,
00:34 on prend à la guerre civile, on va à Sébastopol, à Bizerte.
00:39 Et à l'époque, Bizerte est sous protectorat français.
00:43 Et c'est là, en 1921, qu'on retrouve le héros du livre, Tariq,
00:47 qui tombe sur un drôle de navire au bord duquel il y a des réfugiés,
00:50 des réfugiés qui sont des Russes blancs qui ont fui la révolution bolchevique.
00:53 Ils ont existé ces navires ?
00:55 - Ils ont existé.
00:57 On a plus ou moins oublié cette anecdote, mais qui est quand même formidable.
01:00 C'est-à-dire qu'effectivement, ils étaient acculés devant la mer.
01:03 Il n'y avait qu'une solution, c'était les Russes blancs,
01:04 c'était de fuir sur l'eau et sur l'eau, prendre des bateaux.
01:07 Ils ont pris les bateaux qui se trouvaient là, qui étaient des bateaux de guerre
01:10 russes, de la flotte impériale,
01:14 qui était dans un état de décrépitude inimaginable.
01:17 C'est-à-dire qu'ils prenaient l'eau, certains n'avaient pas de machine.
01:20 Ils sont montés à bord de ces trucs-là, où ils se sont débrouillés pour se caser
01:24 et ils sont partis.
01:26 On en arrivera bien quelque part.
01:27 Au fur et à mesure qu'ils commençaient à naviguer, ils demandaient aux pays d'Europe
01:30 "Qui veut nous accueillir ?" Et tout le monde, c'était "Non, pas nous."
01:33 On connaît un peu la chanson.
01:34 - Oui, ça se reprend bien.
01:36 - Les plus virulents ayant été les Britanniques, "Jamais !
01:39 On vous coulerait plus tôt."
01:41 Le seul pays qui a dit "Oui, on veut bien vous prendre", c'est les Français.
01:46 "On vous prend à Bizerte."
01:48 Il y a une très bonne raison à ça, c'est que à Bizerte, il y a un port.
01:52 Ce port a un chenal qui conduit dans une sorte de lac, grand lac,
01:57 la lagune de Bizerte, qui est bien enserrée dans des dunes de sable,
02:01 ce qui fait que, vu de l'extérieur, on ne voit pas ce qu'il y a dedans.
02:04 Donc, on ne pouvait pas tirer sur les bateaux qui s'y réfugiaient.
02:07 Donc, c'était une garantie de sécurité pour ces pauvres Russes,
02:11 qui étaient fous de bonheur.
02:13 Imaginez, ils avaient quitté une Russie qui était sous la neige, sous le sang,
02:17 parce que la révolution était extrêmement violente.
02:21 Et ils arrivent là, dans un paysage idyllique,
02:23 des palmiers, des dromadaires, ils avaient vu ça,
02:27 des femmes avec des gants de dourade,
02:30 extraordinaires, ils étaient fous de bonheur.
02:33 Et il y a eu un bémol très vite, c'est qu'on leur a dit
02:35 "Vous n'avez pas le droit de descendre."
02:38 "Vous attendez que nous, Français, ayons reconnu le gouvernement bolchevique,
02:43 et là, vous pourrez peut-être descendre."
02:44 "Et vous allez le reconnaître quand ?" "Oh, ça, on n'en sait rien."
02:48 Ils sont restés sur les bateaux et ils sont restés quatre ans.
02:51 Oui, c'est ça.
02:52 C'est ça qui m'a sidéré, parce que
02:55 ils ont réagi, c'est-à-dire qu'ils ne se sont pas laissés enfermer bêtement.
02:59 Ils se sont dit "On va transformer ces bateaux,
03:01 on va faire une sorte de ville flottante."
03:04 Et à partir de ces vieux cuirs assez rouillés,
03:06 mais qui étaient vraiment, vous savez Anne, c'est impossible de décrire l'état.
03:10 J'ai vu des photos dans lesquelles étaient ces navires, ce n'étaient pas des navires,
03:13 c'étaient des épaves.
03:14 Et alors, ils ont installé dedans des salles de bal, chapelles,
03:18 restaurants, par les deux mots en disent, écoles,
03:21 terrains de sport.
03:23 Ils ont transformé cette horreur en une flotte vivante,
03:27 une sorte de petite ville.
03:29 Petite ville, oui.
03:30 Rouillée en tôle, voilà.
03:31 Alors dans cette petite ville, il y a par exemple Yelena, notamment,
03:34 qui a fui avec sa tante la Russie.
03:37 Elle se retrouve d'ailleurs non loin d'autres personnages
03:40 qui ont pillé sa maison, mais qui ont quand même fui la Russie bolchevique.
03:45 Et lorsqu'il aperçoit cette Yelena, toute de blanc vêtue,
03:48 qui est comme ça, qui s'appuie au bastingage,
03:53 Tarik tombe amoureux, fois amoureux.
03:55 Et ce qui est fou, c'est que bon, il n'y aura pas vraiment une histoire d'amour,
03:58 mais ils vont se connaître.
03:59 Ils vont... Qu'est-ce qui les relie ces deux personnages qui n'ont rien à voir ?
04:03 Ce qui a relié Roméo et Juliette, c'est que la première fois qu'ils se voient,
04:07 Tarik, il nage dans la mer,
04:10 il heurte le flanc du bateau,
04:13 il lève la tête et il voit cette jeune fille avec une robe à manche-ballon,
04:17 une robe blanche, et il est ébloui.
04:22 Mais c'est exactement Roméo sous le balcon avec Juliette.
04:26 Ils ne se connaissent pas.
04:28 Alors, ils ont un avantage quand même, c'est que tous les deux parlent français.
04:30 Elle, parce que c'est une aristocrate russe et que c'était la seconde langue,
04:34 si j'ose dire, et lui, Tarik, parce qu'il est Tunisien et qu'il parle le français.
04:38 Ils vont pouvoir communiquer.
04:40 Jusqu'où ira leur histoire d'amour ?
04:41 D'abord, est-ce que cette histoire d'amour va arriver à exister ?
04:43 La réponse est oui.
04:45 Alors, je n'aurais pas...
04:46 Sinon, il n'y aurait pas de livre.
04:48 Jusqu'où ira cette histoire d'amour ?
04:49 Ça, je ne le dis pas, c'est la surprise du chef.
04:51 Mais c'est Roméo et Juliette, oui.
04:56 - Oui, c'est Roméo et Juliette avec des péripéties
05:00 assez étonnantes parce qu'ils viennent de l'univers qui n'ont absolument rien à voir.
05:04 Lui a perdu son père, ce que vous racontez, parce que c'est un roman qui est à la fois drôle.
05:08 Ils vont raconter qu'il a perdu son père et donc il s'occupe de sa famille.
05:11 Son père est tombé dans une cuve d'olives.
05:14 - De toutes petites olives.
05:16 - Toutes petites olives.
05:17 - Des huileuses.
05:18 - Il n'a pas empêché de mourir.
05:20 Donc, c'est plein de péripéties.
05:23 Et vraiment, je vous conseille de lire parce qu'on ne le lâche pas, vraiment.
05:27 Ça s'appelle "Le nageur de Bizerte".
05:28 C'est paru aux éditions Stock.
05:31 Et donc, merci beaucoup, Didier Decoin.
05:33 - Merci, Anne Filda.
05:34 - Merci, Anne Filda.
05:36 [Musique]
05:39 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]