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Ce mardi 31 janvier, c’était l’acte 2 du large mouvement de contestation de la réforme des retraites façon Macron-Borne. Une démonstration de force puissante dans la rue, de l’avis quasi-unanime des observateurs. Le quotidien Libération indique que “le rapport de force se complique pour le gouvernement”. “La mobilisation s’intensifie”, fait remarquer Le Monde. Mais, tels des Gaulois dans leur village d’Astérix, une équipe d’observateurs semble considérer que les manifestants qui ont déferlé sur Paris n’étaient pas si nombreux que ça. Il s’agit de l’équipe du cabinet “indépendant” Occurrence, racheté il y a peu par l’institut de sondage IFOP.
Qu’est-ce que ce cabinet Occurrence, qui s’était donné pour mission de dire le chiffre exact suite aux manifestations, loin des exagérations des organisateurs et des sous-évaluations de la police ? Pourquoi en arrive-t-il à donner un verdict qui suscite autant de railleries ? Peut-on sérieusement compter le nombre de participants à une marche, ou à un meeting en plein air ? Pour en parler, notre journaliste Théophile Kouamouo a voulu donner la parole à Alessio Motta, consultant et enseignant en sciences sociales, bon manipulateur des données chiffrées, spécialiste des enquêtes quali et quantitatives, auteur aussi du livre Sociologie des déclenchements d’actions protestataires paru aux Editions du Croquant et de l’Antimanuel de socio paru aux Éditions Bréal. On peut compter Alessio Motta au nombre des experts qui ont considéré que l’évaluation d’Occurrence, c’est-à-dire 55 000 manifestants à Paris le 31 janvier, était invraisemblable. Pourquoi pense-t-il ainsi ? Il s’explique.
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Ce mardi 31 janvier, c’était l’acte 2 du large mouvement de contestation de la réforme des retraites façon Macron-Borne. Une démonstration de force puissante dans la rue, de l’avis quasi-unanime des observateurs. Le quotidien Libération indique que “le rapport de force se complique pour le gouvernement”. “La mobilisation s’intensifie”, fait remarquer Le Monde. Mais, tels des Gaulois dans leur village d’Astérix, une équipe d’observateurs semble considérer que les manifestants qui ont déferlé sur Paris n’étaient pas si nombreux que ça. Il s’agit de l’équipe du cabinet “indépendant” Occurrence, racheté il y a peu par l’institut de sondage IFOP.
Qu’est-ce que ce cabinet Occurrence, qui s’était donné pour mission de dire le chiffre exact suite aux manifestations, loin des exagérations des organisateurs et des sous-évaluations de la police ? Pourquoi en arrive-t-il à donner un verdict qui suscite autant de railleries ? Peut-on sérieusement compter le nombre de participants à une marche, ou à un meeting en plein air ? Pour en parler, notre journaliste Théophile Kouamouo a voulu donner la parole à Alessio Motta, consultant et enseignant en sciences sociales, bon manipulateur des données chiffrées, spécialiste des enquêtes quali et quantitatives, auteur aussi du livre Sociologie des déclenchements d’actions protestataires paru aux Editions du Croquant et de l’Antimanuel de socio paru aux Éditions Bréal. On peut compter Alessio Motta au nombre des experts qui ont considéré que l’évaluation d’Occurrence, c’est-à-dire 55 000 manifestants à Paris le 31 janvier, était invraisemblable. Pourquoi pense-t-il ainsi ? Il s’explique.
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NewsTranscription
00:00 [Générique]
00:05 Ce mardi 30 janvier, c'était l'acte 2 du large mouvement de contestation
00:10 de la réforme des retraites façon Macron-Borne.
00:13 Une démonstration de force puissante dans la rue,
00:16 de l'avis quasi unanime des observateurs.
00:19 Le quotidien Libération indique que le rapport de force
00:22 se complique pour le gouvernement, la mobilisation s'intensifie,
00:26 fait remarquer le monde. Mais tel des Gaulois dans leur village d'Astérix,
00:31 une équipe d'observateurs semble considérer que les manifestants
00:35 qui ont déferlé sur Paris n'étaient pas si nombreux que ça.
00:39 Le cabinet indépendant qui apparaissait jusqu'ici le plus fiable
00:43 a donné un chiffre plus bas que le chiffre de la police.
00:47 La police dit 87 000 et le cabinet occurrence dit 55 000.
00:52 Résultat, il réussit l'exploit de rendre crédibles les chiffres de la police.
00:56 Ils ont compté les policiers à la place des manifestants, c'est pas possible.
01:01 Forcément, ça se marre sur les réseaux sociaux.
01:04 Selon le cabinet occurrence, vous n'êtes pas en train de lire ce tweet.
01:08 D'ailleurs, vous n'existez pas.
01:09 T'as vu les 34 dalmatiens ?
01:11 Tu veux dire les 101 dalmatiens ?
01:12 Non, mais je bosse sur occurrence.
01:14 Bref, qu'est-ce que c'est que ce cabinet occurrence
01:16 qui s'était donné pour mission de dire le chiffre exact suite aux manifestations,
01:21 moins des exagérations des organisateurs et des sous-évaluations de la police ?
01:26 Pourquoi on arrive-t-il à donner un verdict qui suscite autant de railleries ?
01:30 Peut-on sérieusement compter le nombre de participants à une marche
01:34 ou à un meeting en plein air ?
01:36 Pour en parler, j'ai voulu donner la parole à Alessio Mota,
01:39 consultant et enseignant en sciences sociales,
01:42 bon connaisseur des données chiffrées,
01:44 spécialiste des enquêtes quali et quantitatives,
01:47 auteur aussi du livre "Sociologie des déclenchements d'actions protestataires"
01:52 paru aux éditions "Du Croquant" et de l'anti-manuel de "Socio" paru aux éditions "Bréal".
01:58 On peut compter Alessio Mota au nombre des experts
02:02 qui ont considéré que l'évaluation d'occurrence,
02:05 c'est-à-dire 55 000 manifestants à Paris le 31 janvier, était invraisemblable.
02:12 Bonjour Alessio, comment tu vas ?
02:14 Bonjour, ça va et toi ?
02:15 Ça va.
02:16 Première question qui semble évidente pour les journalistes et les experts,
02:20 mais qui ne l'est pas, c'est quoi le cabinet Occurrence ?
02:23 Que fait-il ? À qui appartient-il ?
02:25 Occurrence c'est un cabinet d'études et de conseils en communication
02:28 comme il en existe beaucoup en France et en particulier à Paris.
02:32 Il a été créé en 1995 et dirigé par un monsieur qui s'appelle Assel Adari
02:37 et il appartient à l'IFOP depuis 2022.
02:40 Il travaille pour plusieurs entreprises privées
02:43 et comme pour beaucoup d'autres entreprises comparables,
02:46 les objets politiques sont surtout un moyen de promotion pour eux,
02:49 c'est-à-dire qu'ils ne misent pas leur rentabilité sur tout ce qui est politique
02:52 et notamment le comptage des manifestations,
02:54 c'est pour eux un moyen de faire part les deux
02:56 et d'être approchés par des clients qui eux apportent une rentabilité.
03:02 Eux ils ont une activité très diverse, si vous avez de l'argent à miser,
03:05 vous pouvez faire appel à eux pour des choses extrêmement variées,
03:08 concevoir l'aménagement d'un bus, étudier une opinion locale,
03:12 vous êtes dans une campagne de communication, donc des choses très variées.
03:15 – Alors pour démontrer qu'il y avait un problème dans le comptage du cabinet Occurrence à Paris,
03:20 tu passes de manière un peu particulière par Saint-Nazaire, explique-nous.
03:25 – Alors on est souvent séduit par la croyance dans la toute-puissance de la high-tech
03:31 et du mot "intelligence artificielle" qui fonctionne un peu comme un mot magique,
03:36 quand on l'entend on a l'impression qu'il va se passer quelque chose de miraculeux
03:39 et extrêmement efficace, la réalité c'est que c'est bien entendu plus complexe.
03:43 Occurrence, ils se désident d'outils qui à la base sont destinés à la sécurité,
03:47 c'est-à-dire des outils qui sont supposés être utilisés notamment par la police
03:52 et d'autres institutions qui font de la surveillance,
03:55 et ils se désident de ces outils sans forcément savoir vraiment
03:59 quels sont les usages qui en sont faits, dans la sécurité même.
04:03 La réalité c'est que dans le domaine de la sécurité,
04:05 c'est des outils qui sont encore pour beaucoup plutôt en phase de test,
04:09 qui sont utilisés mais de façon limitée,
04:12 qui ne donnent pas des résultats qui permettent de se passer
04:15 d'un travail très très approfondi de la part des humains.
04:18 Et ça c'est la base en sciences sociales quand on étudie
04:21 ce qu'est le recours à des nouveaux outils technologiques,
04:24 c'est qu'on a plusieurs niveaux, on a à un premier niveau l'outil
04:28 et la consigne théorique qui va avec l'outil,
04:31 deuxième niveau l'usage qui va en être préconisé dans telle ou telle entreprise,
04:36 et troisième niveau les résistances qui sont liées à la culture antérieure des gens
04:42 qui utilisent l'outil, à leur logique d'activité, à leurs habitudes professionnelles,
04:46 des fois à de la négligence, à divers réflexes.
04:50 Et il y a beaucoup de précisions et d'informations qui se perdent aux trois étages.
04:54 L'expérience nous montre que l'usage de nouveaux outils conduit souvent
05:00 à des erreurs liées à de la négligence ou à de l'impréparation.
05:03 Typiquement des agents qui sont formés plutôt dans les écoles de commerce
05:07 ou dans d'autres domaines, qui parfois viennent à voir avec les outils
05:11 qu'on met entre leurs mains.
05:13 Et souvent on évalue ces erreurs tard, puisque par définition ces outils,
05:17 ne voyant pas le plus souvent leurs propres failles,
05:20 rien ne permet de les corriger, sinon le fait de faire appel
05:23 à un autre mode de comptage très différent.
05:25 Eux ils prétendent régler ça en recomptant les vidéos sur les passages
05:30 où il y a plus de foule et donc dans lequel l'outil semble le plus en peine.
05:34 Mais rien ne permet de savoir comment ils choisissent les moments
05:37 sur lesquels ils font leurs recomptages
05:39 et qui leur permettent de faire un coefficient pour redresser.
05:43 Rien ne permet de savoir s'ils les choisissent bien.
05:46 Donc on sait que quelque chose se perd, en tout cas je vais vous expliquer pourquoi.
05:50 Moi je ne peux pas savoir où se perdent les choses
05:52 puisque je n'ai pas participé à leur comptage,
05:54 mais je peux affirmer que des choses se perdent.
05:56 Pour affirmer ça je me base effectivement sur l'exemple de Saint-Nazaire
05:59 qui est celui que j'ai pu étudier de près.
06:01 Saint-Nazaire c'est un exemple très intéressant et très différent de Paris.
06:04 Pourquoi ? Parce qu'on a une configuration favorable
06:09 pour faire du comptage qui est lié à la présence d'une grande place rectangulaire
06:12 qui s'appelle la place de l'Amérique latine,
06:14 sur laquelle les manifestations stagnent très très longtemps avant de démarrer.
06:20 Et donc les gens se réunissent sur cet énorme espace rectangulaire
06:23 et je me suis appuyé sur des photographies prises
06:27 dans les dernières dizaines de minutes avant le départ des manifestations.
06:30 Quand tout ce monde est sur la place,
06:32 j'ai modélisé en trois dimensions une grille
06:36 que j'ai placée au-dessus des têtes des manifestants sur une zone figée,
06:43 puisque on est avant le démarrage de la manifestation,
06:46 donc on est sur une approche très différente.
06:47 Et j'ai fait ça sur différents angles,
06:50 ensuite en comptant manuellement les têtes dans les cases
06:53 sur lesquelles le comptage était possible,
06:55 à divers endroits et en extrapolant.
06:59 Donc on est sur une approche qui se rapproche davantage,
07:03 mais en allant beaucoup plus loin, d'un outil en ligne
07:06 que tout le monde peut utiliser qui s'appelle "map checking",
07:09 qui permet sur une surface fixe de calculer en fonction de la densité
07:13 le nombre de gens qui sont présents.
07:15 D'ailleurs cet outil a été testé pour le cas de la manifestation
07:19 du 31 janvier à Paris, par plusieurs personnes sur la place d'Italie
07:24 en tenant compte des avenues sur lesquelles débordait la manifestation.
07:28 Et on arrive globalement à des comptages
07:30 qui tourneraient aux alentours de 80 000 et 150 000.
07:34 Alors c'est une énorme différence entre 80 000 et 150 000,
07:37 mais déjà ça permet d'avoir un ordre d'idée
07:40 qui est plus proche de la réalité
07:42 que ce qui a été livré par le cabinet en l'occurrence.
07:46 Le résultat auquel j'arrive en faisant cette expérience sur Saint-Nazaire,
07:50 c'est qu'on aurait eu entre 11 000 et 13 000 manifestants sur Saint-Nazaire.
07:55 C'est un chiffre assez proche de ce qui a été donné par la police
07:58 et par les syndicats sur Saint-Nazaire,
08:00 puisque évalué à 14 000 et 15 000.
08:03 Et donc ce qui m'interpelle, c'est qu'on a une disproportion délirante,
08:06 parce que l'occurrence nous dit qu'il y a eu 55 000 manifestants à Paris.
08:11 Ça veut dire, si je me fie à tout ça, si je me fie à leur chiffre,
08:15 que la manifestation parisienne aurait été seulement quatre fois grosse
08:20 comme la manifestation de Saint-Nazaire.
08:22 Pour resituer un peu les ordres de grandeur,
08:25 Paris c'est 30 fois la population de Saint-Nazaire.
08:28 Et si on prend en compte les communes alentours qui peuvent fournir des manifestants,
08:31 donc autour de Saint-Nazaire les communes qui n'ont pas fait leur propre manif,
08:36 et autour de Paris la petite couronne,
08:41 on passe d'un rapport de 1 à 45.
08:44 Donc on a une population qui varie de 1 à 45
08:47 et la manifestation serait seulement 4 à 5 fois plus grande à Paris qu'à Saint-Nazaire.
08:54 C'est quelque chose d'absolument inrassemblable que rien ne pourrait expliquer.
08:58 Et c'est ce qui me fait dire qu'il y a forcément quelque chose
09:00 qui pèche dans le mode de comptage de l'occurrence.
09:02 – D'autant plus qu'à Paris il y a une tradition de manifestation.
09:05 – C'est vrai, alors ça par contre c'est un argument qu'on peut opposer aussi à Saint-Nazaire.
09:09 Saint-Nazaire est une ville qui a une histoire, une forte présence ouvrière.
09:13 Donc c'est un argument qui se vaut pour les deux villes.
09:16 On ne peut pas compter exactement dans quelle ville, bien entendu ça joue plus fort,
09:20 mais c'est un argument qu'on peut mobiliser pour les deux villes,
09:22 donc qu'on peut mettre au second plan en l'occurrence
09:25 et qui en tout cas ne permet pas d'expliquer la disproportion.
09:29 – Occurrence explique utiliser des méthodes numériques
09:32 et manifestement algorithmiques pour compter les manifestants.
09:37 Une vidéo plutôt vieille a resurgi,
09:39 postée par des adversaires voulant pointer du doigt un outil technique un peu fou,
09:43 regardons un petit magnéto.
09:45 – En fait la ligne compte dans les deux sens,
09:48 donc les flèches vertes sont celles qui rentrent,
09:50 donc qui vont dans le sens de la manif,
09:51 c'est-à-dire de République vers Nation,
09:53 et les flèches rouges indiquent les personnes qui vont de Nation vers République,
09:56 donc que l'on ne compte pas dans la manifestation puisqu'ils vont à contre-sens.
09:59 – Comme on peut le voir, il n'y a visiblement personne qui va à contre-sens,
10:03 mais les flèches rouges sont très visibles sur l'exemple qui était brandi à l'époque.
10:09 Alessio, dans une tribune, tu estimes que les outils numériques ont des failles
10:12 qui peuvent se justifier par plusieurs facteurs.
10:15 Est-ce que là, on a un exemple type ?
10:17 – Oui, alors c'est ce que je vous expliquais tout à l'heure,
10:20 à savoir que l'étude de l'utilisation de nouveaux outils
10:25 par des individus dans des organisations,
10:27 que ce soit dans le domaine du comptage,
10:29 que ce soit dans le domaine de la sécurité ou même dans le domaine médical,
10:32 montre qu'on a toujours plusieurs niveaux sur lesquels il y a des pertes d'informations,
10:37 il y a des logiques qui entravent ce que devrait être théoriquement l'efficacité de l'outil.
10:42 Et là, sur occurrence, je ne peux pas dire à quel niveau ça se perd,
10:46 même si on peut soupçonner qu'il y a un mix entre les différents niveaux,
10:50 c'est-à-dire qu'on a un outil qui n'est pas totalement performant,
10:53 et ça on peut le vérifier dans la vidéo qui a beaucoup tourné sur internet,
10:57 et on a en même temps des agents dont la formation ne les prépare pas
11:02 à l'utilisation approfondie de ce type d'outils,
11:04 qui sortent d'autres formations très variées,
11:07 qui sont celles qu'on trouve classiquement dans les cabinets de conseil,
11:11 et donc à tous ces niveaux, il peut y avoir une perte de qualité,
11:14 de l'information et du travail qui expliquent des chiffres imprésemblables.
11:19 – Tu pointes aussi du doigt le manque de transparence de la méthode Occurrence,
11:23 qui ne publie ni les vidéos exhaustives sur lesquelles il s'est basé, ni sa méthodologie.
11:30 – Effectivement, Occurrence sur les réseaux sociaux et notamment sur Twitter,
11:33 joue à fond l'image de la transparence, en mode entre guillemets "on partage tout",
11:38 mais la réalité c'est qu'ils ne partagent rien,
11:40 ils répondent aux questions qui les arrangent,
11:42 ils mettent des liens vers des vidéos filmées par d'autres
11:45 et qui sont inexploitables pour le comptable,
11:47 et jusqu'ici, je ne dis pas que ça ne va pas changer,
11:49 mais jusqu'ici ils ne répondent pas aux questions
11:52 qui leur ont été posées sur la possibilité de consulter leurs vidéos.
11:56 Et la question leur avait d'ailleurs déjà été posée dans un autre contexte,
12:00 il y a un an et demi,
12:01 ils avaient évoqué la possibilité de création d'une cellule scientifique
12:05 et la possibilité de partager publiquement leurs vidéos,
12:09 pour le moment ce n'est toujours pas le cas,
12:12 et à l'époque ils disaient d'ailleurs qu'ils ne pouvaient pas partager leurs vidéos,
12:15 et même qu'ils effacaient quelques minutes après le comptage,
12:18 tout ça de leur disque dur.
12:20 J'attends de voir la suite, mais pour le moment la transparence n'est qu'un mot,
12:23 on n'a pas de transparence dans leur méthode de travail.
12:27 – Et est-ce que justement c'est un problème pour la méthodologie en sciences sociales
12:33 et la méthodologie tout court,
12:35 justement de ne pas publier ces techniques d'approche
12:38 et de ne pas les rendre publiques ?
12:41 – Alors eux ils ne prétendent pas faire des sciences sociales,
12:43 mais ils prétendent avoir une approche qui est quelque chose de scientifique quand même,
12:47 au détour de leurs formules, de leurs interviews etc.
12:51 Oui effectivement dès lors qu'on n'est pas dans un partage d'informations sur les données,
12:55 on ne peut rien contrôler sur le plan de la méthodologie.
12:58 La méthodologie, si on a une boîte noire, il n'y a pas de méthodologie,
13:02 parce que le principe c'est de pouvoir proposer des arguments,
13:05 contrôler, vérifier par différents moyens,
13:07 donc tant qu'on n'a pas accès aux vidéos qu'ils utilisent,
13:10 on ne peut pas savoir ce qui est juste, ce qui n'est pas,
13:14 et cela dit, cela ne veut pas dire qu'un jour ils le feront,
13:17 beaucoup de cabinets dans beaucoup de domaines,
13:19 que ce soit pour les sondages ou pour d'autres domaines,
13:21 ne partagent pas leur boîte noire,
13:23 ça ne veut pas dire qu'ils travaillent forcément mal.
13:25 En l'occurrence il y a des éléments qui nous laissent dire
13:28 que leurs chiffres ont un problème,
13:31 et je serais curieux et ravi de pouvoir discuter avec eux
13:34 et accéder à l'ensemble des informations et en particulier à leurs vidéos.
13:38 – Est-ce que tu as essayé de parler avec eux ?
13:40 – J'ai publié, comme tu l'as dit, un article qui a été relayé sur Twitter,
13:46 dans lequel je les interpelle clairement,
13:48 j'ai eu une réponse de leur part dans un tweet très rapide,
13:53 à une petite question qui était un peu hors sujet,
13:56 et ils m'ont renvoyé d'ailleurs vers une vidéo,
13:58 comme je disais tout à l'heure, qui n'est pas la leur,
14:00 et qui n'est pas accessible au comptage,
14:02 j'ai demandé de nouveau s'il était possible d'accéder à leur vidéo,
14:05 pour le moment je n'ai pas de réponse.
14:06 Après on est sur du temps très court,
14:08 je ne vais pas dire qu'ils ne fourniront pas cette réponse, bien entendu,
14:12 mais je suis dans l'attente et dans une grande curiosité.
14:15 – Le cabinet Occurrence roule-t-il pour la Macronie ?
14:17 C'est ce que suggèrent certains de ses adversaires,
14:20 qui pointent les activités très partisanes de son président sur les réseaux sociaux.
14:25 J'ai voulu demander à Alessio Motta s'il pensait qu'un biais de ce type pouvait jouer.
14:30 Alessio, est-ce que le cabinet Occurrence, à ton avis, roule pour la Macronie ?
14:35 – Je suis le premier à dire qu'on peut assumer un engagement politique public,
14:41 et en même temps fournir un travail très rigoureux,
14:43 donc je ne vais pas répondre à cette question, je pense que ce serait une erreur.
14:46 – Alessio Motta travaille lui aussi sur des modèles scientifiques
14:50 permettant d'anticiper la montée de mouvements protestataires.
14:53 Forcément on a envie de lui demander comment il procède
14:56 et quel regard il porte sur le mouvement actuel,
14:59 ses chances de durer dans le temps, voire de gagner.
15:02 – Alessio, alors, tous les éléments que tu as, est-ce qu'ils t'indiquent
15:06 qu'il y a quelque chose qui se joue aujourd'hui
15:08 par rapport à des mouvements qu'on a eus par le passé ?
15:11 – Il y a des choses qu'on peut prédire avec un certain succès.
15:14 Par exemple, quand se lance une réforme des retraites
15:18 qui est critiquée par les organisations,
15:19 on peut prédire avec un certain succès qu'il va y avoir des manifestations,
15:23 on peut donner par avance les jours de la semaine où ça va se passer,
15:25 on peut prévoir un certain nombre de choses qui sont encrûlées dans des routines.
15:28 On ne peut pas prédire la durée d'un mouvement,
15:30 il y a trop d'éléments accidentels qui jouent là-dessus, d'éléments aléatoires.
15:34 Il suffit de voir comment le Covid en 2022
15:37 a soudainement figé tout le mouvement contre la réforme des retraites,
15:41 en 2020 pardon.
15:42 Ce que je veux dire c'est que les manifs ont beau être des démonstrations de force,
15:47 ça fait 17 ans qu'elles n'ont pas fait reculer un gouvernement
15:50 sur une question de premier ordre,
15:52 et ça fait plusieurs décennies qu'elles n'ont pas conduit
15:54 à conquérir des nouveaux droits, des nouveaux avantages sociaux.
15:57 Alors il y a quelques pistes innovantes et symboliques,
16:00 il y a eu des discussions récemment sur les coupures de courant etc.
16:04 Mais il faudra un jour que les organisations, notamment syndicales,
16:08 s'interrogent davantage sur la stratégie à mener.
16:11 Pour moi quand on perd avec une armée d'un à trois millions de personnes
16:14 prêtes à quitter leur travail plusieurs jours pour se mobiliser,
16:17 c'est que la stratégie est à revoir.
16:19 C'est ce qu'on a vu sur les dernières grandes mobilisations ensemble.
16:22 J'attends de voir ce qui va se passer pour la suite,
16:24 mais je pense qu'à un moment il faudra que les organisations
16:27 se posent la question des façons de se mobiliser
16:30 et remettre un grand nombre de choses à plat.
16:32 – Même si d'un point de vue national,
16:34 il n'y a pas forcément des succès redentissants tout le temps,
16:37 il y a quelques victoires sectorielles, peut-être même locales.
16:41 Est-ce que tu as analysé les ressorts qui permettent à une victoire
16:46 de se mettre en place dans le contexte que nous connaissons,
16:48 qui est un contexte où finalement les routines syndicales ne fonctionnent pas ?
16:53 Quelles sont les fenêtres d'espoir ?
16:56 – Les victoires sectorielles sont liées en général au fait
17:00 qu'on a par exemple des grèves, mettons à l'échelle d'une entreprise,
17:04 qui pèsent vraiment sur l'intérêt de l'entreprise
17:06 dans laquelle se déroule la grève.
17:08 Quand on bloque une entreprise, c'est un levier puissant
17:10 pour toucher à la décision du patron.
17:12 Mais là on ne parle pas de bloquer une entreprise
17:14 pour toucher à la décision du patron,
17:16 on parle de faire bouger un gouvernement sur une réforme en préparation.
17:23 Manifestement, ça ne veut pas dire que ça a toujours été le cas
17:26 et que ça sera toujours le cas, mais manifestement à ce jour,
17:29 et en tout cas depuis le début de la présidence de Nicolas Sarkozy,
17:35 les gouvernements ont tendance à considérer
17:38 que les manifestations n'ont pas d'effet pour eux,
17:42 que ce n'est pas quelque chose qui les contraint,
17:45 qui les oblige à prendre telle ou telle décision.
17:47 Donc ce qu'il faut c'est s'interroger sur quelles sont les choses
17:51 qui peuvent effectivement apparaître comme des contraintes
17:54 aux personnes qui décident et essayer de les répercuter.
17:58 Les Gilets jaunes ont obtenu quelques victoires,
18:03 des fois en menant une réflexion là-dessus,
18:05 des fois en tentant des choses un petit peu dans tous les sens.
18:08 Il y a eu une certaine efficacité.
18:09 Ce qu'on a pu voir, c'est que les principales victoires des Gilets jaunes
18:13 ont fait suite non pas au moment où la mobilisation était la plus grosse,
18:16 non pas au moment où elle était la plus fortement soutenue dans leur opinion,
18:19 mais au moment où, pour le dire de façon très schématique,
18:22 il y a eu des carreaux cassés chez certains députés,
18:25 et il y a un certain nombre de ministres et de députés
18:28 qui suite aux événements qu'il y a eu à l'Arc de Triomphe
18:31 ont commencé à avoir peur pour leurs propres proches.
18:35 Là il y a des choses qui ont bougé.
18:37 Le truc c'est que moi je ne vais jamais appeler à la violence,
18:40 donc ça veut dire qu'il faut au moins aller chercher d'autres leviers,
18:44 mais chercher des choses qui influent directement sur le quotidien
18:48 ou sur ce qui intéresse les décidères.
18:52 La piste des coupures du courant est intéressante,
18:54 juste ici on est sur quelque chose d'entièrement symbolique.
18:57 Je ne vais pas apporter la solution là en deux minutes,
19:00 mais en tout cas on peut mener une grande réflexion là-dessus,
19:03 et je pense que ça mérite un grand rassemblement
19:05 au niveau de tous les acteurs syndicaux, politiques,
19:09 pour réfléchir à quelles sont finalement les façons de manœuvrer efficaces.
19:13 Merci Alessio, je rappelle que tu es consultant et enseignant en sciences sociales,
19:17 bon connaisseur des données chiffrées, spécialiste des enquêtes quali et quantitatives,
19:22 auteur aussi du livre "Sociologie des déclenchements d'actions protestataires"
19:26 aux éditions Le Croquant,
19:28 et de l'antimanuel de Socio paru aux éditions Bréal.
19:32 Je rappelle aussi que Le Média garantit l'accès libre à la majorité de ses contenus
19:36 et ne vit que des abonnements et des dons de celles et ceux qui l'aiment.
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