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NewsTranscription
00:00 Eugénie Bastier, votre revue de précepto des idées,
00:02 la contestation contre la réforme des retraites, elle est bien partie pour durer.
00:06 Vous êtes allé voir Eugénie ce que pensaient les médias étrangers de ce débat si français.
00:11 Oui parce qu'on nous le rabâche toute la journée.
00:12 En France, on ne bosse pas assez.
00:14 Alors j'ai voulu aller voir ce que pensent ces pays,
00:16 qui travaillent plus que nous, du psychodrame français autour des retraites.
00:19 Est-ce qu'ils pensent que nous sommes de grosses feignasses irrécupérables ?
00:22 Alors oui c'est vrai, dans beaucoup de médias étrangers, c'est la stupéfaction qui règne.
00:26 Ils sont fous ces Gaulois pour résumer.
00:28 The Economist demande, effaré, comment il est possible que notre âge de retraite soit si bas.
00:33 Tandis que The Guardian rappelle qu'au Royaume-Uni,
00:36 environ 70% de la retraite des gens provient de leur propre épargne.
00:39 Seul un petit tiers vient de l'État.
00:41 Non seulement le minimum retraite y est à environ 700 euros par mois,
00:45 mais on ne le touche qu'à 65 ans, et bientôt 67 avec la prochaine réforme en marche.
00:49 Alors les Britanniques ont du mal à comprendre que les Français,
00:51 avec leur retraite garantie, protestent tant pour un recul de 62 à 64 ans.
00:56 Ils ne sont pas les derniers sur la protestation, ceci dit les Anglais en ce moment.
00:59 Enfin, il y a bien des pays étrangers qui nous regardent avec bienveillance quand même, non Eugénie ?
01:02 Oui, et j'étais assez surprise de trouver dans la presse anglo-saxonne
01:06 un regard parfois tendre et presque envieux sur cette révolte française.
01:10 Tenez, prenez par exemple cet article du Financial Times, un journal plutôt libéral.
01:14 Un article qui s'appelle "Prendre sa retraite à 62 ans, les Français ont totalement raison".
01:18 Non, le Financial Times dit ça ?
01:20 Oui, le journaliste Simon Keper écrit
01:23 "Jusqu'à présent, j'avais la vision anglo-saxonne, selon laquelle les Français devaient s'adapter à la réalité.
01:27 Mais j'ai changé d'avis.
01:29 Les Français ont souvent raison, nous dit-il, sur le nucléaire, le fromage, la guerre en Irak.
01:33 Ils ont aussi créé cette merveilleuse invention, la décennie glorieuse,
01:37 the glorious decade, comme il dit.
01:38 Celle de la soixantaine, quand vous venez d'être à la retraite,
01:41 et que vous êtes encore en bonne santé, que vous n'avez plus d'enfants à charge,
01:44 que vous n'avez pas encore décliné, et que pour la première fois de votre vie,
01:47 vous pouvez faire ce que vous voulez.
01:49 Les Français ont inventé le paradis laïque, le valala des salariés.
01:53 Pourquoi y renoncerait-il ?
01:54 C'est un peu une vision dorée du modèle social français, c'est un peu exagéré, non ?
01:58 Oui, parce qu'elle ne dit pas, à mon avis, ce qui est au cœur de l'hostilité à la réforme des retraites,
02:02 un rapport au travail abîmé.
02:03 Lisons par exemple Annie Arnault, la prix Nobel de littérature, dans "Le monde diplomatique",
02:07 qui voit dans la colère des Français
02:09 une exaspération du salariat qui n'en peut plus de l'absurdité du travail.
02:13 Un autre écrivain, Patrick Besson, le dit bien dans "Le Point"
02:16 "Le plus triste dans l'affaire de l'âge de la retraite, c'est de constater qu'une majorité de Français n'aiment pas leur travail.
02:21 Le boulanger est impatient de ne plus cuire le pain,
02:24 le boucher est pressé de reposer ses couteaux,
02:26 les médecins sont écœurés par leurs malades,
02:28 les infirmières énervées par les médecins,
02:30 les femmes de service exaspérées par les infirmières.
02:33 On pourrait ajouter, en France, la semaine on rêve des week-ends,
02:37 en janvier des ponts de mai,
02:38 toute l'année des grandes vacances, et toute la vie de la retraite.
02:41 C'est déjà ce que disait il y a cent ans Charles Péguy.
02:44 Comme le chrétien se prépare à la mort,
02:46 le moderne, il aurait dû dire le français,
02:48 se prépare à la retraite.
02:50 Je ne sais pas si c'est un rêve ou un cauchemar.
02:52 - Aïe, aïe, aïe, ce débat sur le travail,
02:55 oui ça c'est une vraie question.
02:56 Alors c'est vrai qu'il y a ces chiffres de l'Institut Montaigne
02:58 qui nuançaient un peu ce constat sur la dégradation de la valeur travail en France.
03:02 Est-ce que c'est surtout que le travail paye mal aujourd'hui qui pose problème ?
03:05 On n'a pas fini d'en parler, merci beaucoup Eugénie Bestia.