La vie antérieure de l’écrivain nationaliste russe Prilepine

  • l’année dernière
ABONNEZ-VOUS pour plus de vidéos : http://www.dailymotion.com/Europe1fr
Chaque vendredi, Eugénie Bastié dévoile aux auditeurs sa «Revue de presse» hebdomadaire et ses idées.
Retrouvez "La revue des hebdos et des idées" sur : http://www.europe1.fr/emissions/la-revue-de-presse
LE DIRECT : http://www.europe1.fr/direct-video


Retrouvez-nous sur :
| Notre site : http://www.europe1.fr
| Facebook : https://www.facebook.com/Europe1
| Twitter : https://twitter.com/europe1
| Google + : https://plus.google.com/+Europe1/posts
| Pinterest : http://www.pinterest.com/europe1/

Category

🗞
News
Transcript
00:00 Eugénie Bastier, votre revue de presse des idées.
00:03 Eugénie, vous nous parlez ce matin d'un personnage à la trajectoire aussi fascinante qu'inquiétante.
00:09 Je veux parler de l'écrivain russe Zakhar Prilépine.
00:12 - Oui, vous savez, en France, nous avons des ministres de l'économie qui écrivent des romans.
00:15 En Russie, il y a des romanciers qui font de la politique.
00:18 C'est le cas de Zakhar Prilépine, écrivain ultra-nationaliste engagé en Ukraine.
00:22 Le 6 mai dernier, il a été gravement blessé dans un attentat près de Nizhny Novgorod.
00:26 Cette attaque ressemble à celle qui avait coûté la vie, vous vous souvenez, à Darya Dugin,
00:30 la fille de l'idéologue inspirateur de Poutine, Alexandre Dugin, qui est lui aussi proche de Zakhar Prilépine.
00:36 Zakhar Prilépine n'est pas un romancier ordinaire.
00:39 C'est un vétéran de la guerre en Tchétchénie, engagé dans la guerre du Donbass auprès des séparatistes prorusses depuis 2014,
00:45 ardent soutien de la guerre en Ukraine, devenu le propagandiste du Kremlin.
00:50 Début août, il a même créé un groupe de réflexion au Parlement russe visant à exclure de la vie culturelle les artistes ne soutenant pas la guerre.
00:56 Voulant mener une véritable purge, comme au bon vieux temps du stalinisme.
01:00 Pourtant Eugénie, celui qui est devenu un chef de guerre, c'est aussi un grand romancier.
01:05 Oui, c'est un des meilleurs écrivains russes contemporains.
01:07 D'ailleurs, toute son œuvre est traduite aux éditions Actes Sud et je vous la recommande, ce sont vraiment de très bons romans.
01:13 Et c'est ce que pense également Emmanuel Carrère, qui dans L'Obs consacre un grand portrait absolument passionnant et génial à Prilépine.
01:20 Carrère raconte comment il l'a connu l'écrivain à Moscou en 2007, dans l'appartement d'un autre écrivain, Limonov.
01:26 Un auteur ultra-nationaliste et punk à qui Carrère a consacré un roman.
01:31 A l'époque, Limonov avait créé un parti, le parti national bolchevik.
01:35 Le nom dit déjà tout.
01:36 Les nazbols rassemblaient des nostalgiques de l'URSS, de vrais fachos, mais aussi des ultra-gauchistes, des rockeurs.
01:43 Dans son très bon roman, Sankia, traduit chez Actes Sud, Prilépine racontait cette jeunesse russe née dans les années 80,
01:48 qui a vécu dans les ruines du communisme et sous un capitalisme déchaîné.
01:52 Écoeurée par la misère et par le matérialisme, elle rêvait à nouveau de grandeur et de révolution.
01:57 A l'époque, Emmanuel Carrère écrivait "Je mets ma main au feu que Zakar Prilépine est un type bien, honnête, courageux, tolérant,
02:04 le contraire de la brute fasciste et, sous sa dégaine de nazbol, la douceur incarnée".
02:09 Il ajoute aujourd'hui "Riez à votre aise, c'était vrai aussi".
02:12 - Effectivement. Finalement, qu'est-ce qu'il représente ce Prilépine, Eugénie ?
02:17 - Il se trouve que j'avais interviewé moi-même Prilépine en 2018 en marche du Salon du Livre à Paris.
02:22 Crâne rasé, bourru, taiseux, il me lâchait entre deux verres de vodka au milieu de l'après-midi, ce n'est pas un cliché.
02:27 En Russie, les gens font leur choix en grande partie par nostalgie.
02:31 Les Occidentaux ont tendance à penser que les Russes ne regrettent pas le pouvoir soviétique, mais c'est pourtant le cas.
02:36 La trajectoire de Prilépine, c'est celle d'une Russie rongée par la nostalgie de la grandeur.
02:42 Ces nazbols, ces nationaux bolcheviques, sont convaincus que nous sommes en décadence, que la Russie doit se détacher de l'Europe.
02:48 Ils ont été à l'avant-garde de ce qui est désormais le cœur de la rhétorique poutinienne.
02:52 Comme le dit aussi très bien Carrère, ils étaient la marge de la marge, ils sont maintenant au centre de l'empire du mensonge.
02:58 Mais le cas Prilépine est aussi plus universel, il ressemble à ceux qu'on a connus en France avec Braziac ou Driola Rochelle.
03:05 C'est un écrivain dont le talent a été peu à peu abîmé par la guerre, consumé par un engagement qui lui a fait perdre le sens de la nuance.
03:12 La Russie est une terre de violence et de littérature, où il n'est pas rare que la violence dévore la littérature.
03:18 Signature Eugénie Bastier.

Recommandée