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Anne Fulda reçoit Christophe Donner pour son livre «Ce que faisait ma grand-mère à moitié nue sur le bureau du général» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 -Bienvenue à "L'heure des livres", Christophe Donner.
00:02 Vous avez fait plein de choses, vous avez été cinéaste,
00:04 vous avez été chroniqueur épique,
00:06 vous avez écrit beaucoup de livres, surtout une cinquantaine,
00:09 et là, notamment dans ce que nous, "L'esprit de vengeance",
00:13 "L'empire de la morale",
00:14 et là, vous venez de publier un livre avec un titre
00:18 qui donne envie de lire,
00:20 "Ce que faisait ma grand-mère à moitié nue sur le bureau du général",
00:23 et c'est paru chez Grasset.
00:25 C'est un roman gigogne qui est truculent,
00:29 mais amusant et instructif dans le même temps.
00:32 Un livre qui est un peu,
00:34 cela dit, dans le droit fil de votre précédent,
00:36 qui s'appelait "La France goye",
00:38 et qui était un tableau de l'antisémitisme français.
00:43 On retrouve Léon Daudet, de l'Action française,
00:47 enfin, qui dirigeait l'Action française,
00:49 et qui était un ami de votre arrière-grand-père.
00:53 C'est bien ça.
00:55 Alors, on fait des allers-retours entre l'époque contemporaine
00:59 et l'année 1923, qui est une année importante.
01:02 - C'est le moment, l'année, le moment où
01:07 le prince, le roi, le chef,
01:10 le mentor de l'extrême droite française s'effondre.
01:14 Et pour moi, c'est important parce que...
01:16 Enfin, j'ai lu pas mal de biographies sur Daudet,
01:21 d'autres qui n'en ont pas eu énormément,
01:24 et j'étais surpris de voir que ce qui est pour moi
01:27 l'événement le plus important de sa vie, de la vie de Daudet,
01:30 et de sa carrière politique, et probablement de l'histoire
01:33 de l'antisémitisme et de l'extrême droite française,
01:36 c'est cette année-là, en 1923, quand son fils Philippe,
01:41 qui a 14 ans, fait des fugues.
01:44 Après plusieurs fugues, très jeune, il a commencé,
01:48 c'était un petit peu...
01:50 Voilà, difficile, quoi.
01:52 Et puis, ce jour-là, la fugue se poursuit,
01:56 et il peut pas aller là où il veut,
02:00 c'est-à-dire dans le Grand Nord.
02:03 Il revient à Paris, et là, on sait pas exactement ce qui se passe.
02:07 Il va chez les Annars.
02:08 Alors, le fils du chef de l'extrême droite
02:11 qui se rend au Libertaire,
02:13 le journal hebdomadaire à l'époque
02:17 de l'extrême gauche anarchiste, c'est étrange,
02:21 surtout qu'il annonce qu'il a toujours été anarchiste.
02:26 Et qu'il veut faire comme les grands anarchistes du siècle dernier,
02:32 c'est-à-dire tuer quelques bourgeois,
02:34 dont son père, dont le président de la République,
02:38 auquel il a accès, parce qu'il est le fils de Léon Daudet.
02:41 Et on l'accueille quand même un peu froidement,
02:45 mais on reste copains, ils sont jeunes, tous.
02:48 Le type qui dirige le Libertaire, il a 20 ans,
02:51 il a les cheveux jusque là, c'est des romantiques, etc.
02:54 Donc ils s'entendent assez bien.
02:56 Et là encore, un mystère, on ne sait pas comment...
02:59 réussir à se procurer une arme.
03:02 En plus, pour lui, c'était assez facile,
03:04 parce qu'il y en avait chez lui, des armes,
03:06 donc il aurait pu retourner chez lui, prendre une arme.
03:08 Non.
03:09 Trouve une arme pour aller tuer son père.
03:12 -Enfin, ce qui est intéressant, c'est qu'il ne le fait pas,
03:14 il se suicide,
03:15 mais que ça marque, ce que vous disiez au début, un tournant,
03:19 puisqu'à partir de là, le père dépose plainte.
03:24 Enfin, pour...
03:25 -C'est le déni que beaucoup de familles...
03:29 J'en ai connu une en particulier dans laquelle j'étais,
03:33 pour ne pas la citer, la famille Ricœur.
03:36 J'ai assisté à ce phénomène tragique, étrange,
03:40 du déni de suicide.
03:44 -Du suicide. -Du fils.
03:45 C'est vrai que c'est un truc dur à invaler pour un père,
03:48 pour toute la famille, mais pour un père.
03:49 Et là, c'est ce qui se passe avec Dodé,
03:52 il refuse d'admettre que son fils s'est suicidé.
03:56 Et donc, si c'est pas suicidé, ça veut dire que quelqu'un l'a tué.
03:58 Et si quelqu'un l'a tué, c'est d'abord forcément les anarchistes,
04:01 et puis il se rend compte que c'est pas possible.
04:03 Donc, il va accuser la police française.
04:06 -Oui, et tout ça va se retourner contre lui,
04:08 puisqu'il va être emprisonné,
04:09 puis ensuite, va devoir s'exiler en Belgique.
04:11 Alors, il y a aussi,
04:12 parce que plusieurs tiroirs dans ce livre,
04:15 une sorte de mise en abyme,
04:16 puisqu'il y a un écrivain qui travaille justement
04:19 sur l'antisémitisme en France,
04:22 mais qui fait la connaissance d'un oligarque russe
04:25 qui lui propose de monnayer en...
04:29 -En éther.
04:31 -En éther, voilà, ce qui est une crypto-monnaie.
04:35 Les travaux de rédaction de son livre,
04:36 l'élaboration, toute l'élaboration de son livre.
04:38 Donc, c'est une mise en abyme.
04:41 On comprend aussi pourquoi votre grand-mère,
04:45 qui a existé, Denise Gouzet, qui s'appelait Amine,
04:47 se retrouve, effectivement, ce qu'on comprendra juste...
04:51 -Sur le bureau du général.
04:53 -Moi, c'est ça que j'aime bien,
04:55 c'est raconter aussi comment un livre se fait.
04:59 D'abord, pourquoi je le raconte ?
05:01 Je ne suis pas historien, je ne suis pas prof d'histoire,
05:04 donc je suis juste écrivain.
05:07 Et pourquoi je tombe sur cette histoire-là ?
05:09 Donc, j'aime bien que mes livres,
05:11 ils contiennent le back-office de l'histoire que je veux raconter.
05:17 Parfois, je me fais avaler par l'histoire,
05:18 parfois l'histoire est trop importante par rapport à moi.
05:21 Mais là, dans celui-là, contrairement au précédent,
05:24 où je ne suis pratiquement pas présent,
05:26 parce que, justement, c'est un peu lourd, c'est gros,
05:29 là, c'est un peu plus léger.
05:30 -Oui, là, c'est léger.
05:31 -Bien qu'il y ait quand même...
05:33 -C'est léger et lourd en même temps, c'est ça qui est très fort.
05:35 -Il y a quand même des trucs lourds.
05:36 Mais j'aime bien raconter aussi...
05:39 Ça fait partie du romanesque, ça ne gâche pas l'histoire,
05:43 ça apporte de raconter.
05:46 Et donc, cet oligarque russe qui veut m'acheter ma fabrication,
05:55 il veut acheter un NFT, ce qu'il s'appelle,
05:57 c'est-à-dire le premier NFT littéraire
06:00 où, la première fois, on va suivre la rédaction,
06:04 grâce à l'ordinateur qui enregistre tout,
06:07 la rédaction d'un livre.
06:09 Voilà, il croit qu'il va faire fortune avec ça.
06:13 Là, il a des problèmes parce que ça baisse.
06:16 -Oui, c'est léger, drôle, truculent.
06:20 -Oui, c'est les hasards de la vie.
06:22 -Et ça s'appelle "Ce que faisait ma grand-mère à moitié nue
06:25 sur le bureau du général", c'est paru chez Grasset.
06:27 Merci beaucoup. -Merci à vous.
06:29 ...
06:33 [SILENCE]