L'Orchestre National de France, dirigé par Emmanuel Krivine, joue la Symphonie n° 4 de Johannes Brahms. Concert enregistré le 13 septembre 2018 à l'Auditorium de la Maison de la Radio, à Paris.
La dernière symphonie de Brahms est considérée par certains comme une réponse à la Septième de Bruckner dont la création en 1884, au Gewandhaus de Leipzig, avait propulsé le compositeur autrichien au premier plan. La partition de Brahms reste fidèle aux canons des trois symphonies antérieures, dont elle n’excède ni la durée, ni les moyens. Manière de récuser une démesure dans laquelle Bruckner, amoureux dévot de la musique de Wagner (mort en 1883), se serait, selon Brahms, laissé emporter.
La Symphonie en mi mineur fut accueillie avec beaucoup de chaleur par le public de Meiningen lors de sa création. Il n’en alla pas de même à Vienne où un certain nombre de brahmines (ainsi qu’on nommait les partisans du compositeur), le jeune Hugo Wolf mais aussi, plus étonnamment, le critique Eduard Hanslick, pourtant fidèle défenseur de Brahms, émirent plus d’une réserve à son égard. Il fallut attendre la toute fin de la vie de Brahms pour que la capitale autrichienne fasse sienne la partition du vieil homme. La pianiste Florence May, qui fut l’élève de Brahms et sa première biographe en langue anglaise, raconte avec une émotion un peu appuyée comment les Viennois firent un accueil enthousiaste à la Quatrième Symphonie lors d’un concert qui eut lieu le 7 mars 1897 dirigé par le fidèle Hans Richter (qui avait assuré la création des Deuxième et Troisième Symphonies), alors qu’il restait à Brahms moins d’un mois à vivre :
« Une tempête d’applaudissements éclata à la fin du premier mouvement, ne s’apaisant que lorsque le compositeur, s’avançant jusqu’au bord de la loge où il était assis, se montra au public. Cette manifestation se renouvela après les deuxième et troisième mouvements, et une scène extraordinaire suivit la conclusion de l’œuvre. L’auditoire applaudissait, criait, les regards fixés sur cette silhouette si familière, mais si étrange d’apparence, au balcon, et semblait ne pas vouloir le laisser partir. Son visage était ruisselant de larmes et il restait là, ridé et amaigri, ses cheveux blancs raides et ternes. Il y eut une sorte de sanglot refoulé dans l’auditoire, car tous savaient qu’ils lui disaient adieu. »
Cette Quatrième Symphonie est d’une certaine manière une «symphonie d’automne», comme le dit Claude Rostand. Elle fait alterner la douleur d’un trop-plein de santé qui n’arrive plus à s’exprimer, et la résignation dans les joies simples de la nature. C’est aussi, par l’usage réservé ici aux bois, la plus colorée des symphonies de Brahms. Elle s’ouvre sur un thème d’une grande beauté, portée par une houle à la fois nostalgique et passionnée. Le premier mouvement se poursuit dans une tension orageuse, la musique semblant parfois avancer avec douleur, avec rage, jusqu’à une coda dont le pathos est assez rare dans l’œuvre plutôt introvertie de Brahms.
Le mouvement lent se partage entre le recueillement et l’effusion, puis glisse dans une atmosphère de légende où les bois apportent autant leur animation que leur couleur. Page aux sentiments variés qui n’atteint pas aux sommets d’éloquence du mouvement initial cependant, et reste un épisode de répit en attendant d’autres moments décisifs.
L’Allegro qui suit est réellement giocoso, avec son entrain rustique, les sonorités de son triangle, et une atmosphère qui n’est pas sans rappeler celle de la Symphonie « Printemps » de Schumann. Mais il faut attendre le finale, construit en forme de passacaille (à la manière, aimait rappeler Brahms, du finale de la Symphonie héroïque de Beethoven), et qui reprend par ailleurs un thème d’une cantate de Bach (Nach dir, Herr, verlanget mich, BWV 150) pour retrouver le Brahms de la grande forme. L’orchestre, ici, tour à tour raconte, se confie, élabore, le tout avec une véhémence qui laisse assez peu de répit. Malgré son énergie cependant, le morceau ne s’attarde guère et se termine par une coda brève et abrupte.
La dernière symphonie de Brahms est considérée par certains comme une réponse à la Septième de Bruckner dont la création en 1884, au Gewandhaus de Leipzig, avait propulsé le compositeur autrichien au premier plan. La partition de Brahms reste fidèle aux canons des trois symphonies antérieures, dont elle n’excède ni la durée, ni les moyens. Manière de récuser une démesure dans laquelle Bruckner, amoureux dévot de la musique de Wagner (mort en 1883), se serait, selon Brahms, laissé emporter.
La Symphonie en mi mineur fut accueillie avec beaucoup de chaleur par le public de Meiningen lors de sa création. Il n’en alla pas de même à Vienne où un certain nombre de brahmines (ainsi qu’on nommait les partisans du compositeur), le jeune Hugo Wolf mais aussi, plus étonnamment, le critique Eduard Hanslick, pourtant fidèle défenseur de Brahms, émirent plus d’une réserve à son égard. Il fallut attendre la toute fin de la vie de Brahms pour que la capitale autrichienne fasse sienne la partition du vieil homme. La pianiste Florence May, qui fut l’élève de Brahms et sa première biographe en langue anglaise, raconte avec une émotion un peu appuyée comment les Viennois firent un accueil enthousiaste à la Quatrième Symphonie lors d’un concert qui eut lieu le 7 mars 1897 dirigé par le fidèle Hans Richter (qui avait assuré la création des Deuxième et Troisième Symphonies), alors qu’il restait à Brahms moins d’un mois à vivre :
« Une tempête d’applaudissements éclata à la fin du premier mouvement, ne s’apaisant que lorsque le compositeur, s’avançant jusqu’au bord de la loge où il était assis, se montra au public. Cette manifestation se renouvela après les deuxième et troisième mouvements, et une scène extraordinaire suivit la conclusion de l’œuvre. L’auditoire applaudissait, criait, les regards fixés sur cette silhouette si familière, mais si étrange d’apparence, au balcon, et semblait ne pas vouloir le laisser partir. Son visage était ruisselant de larmes et il restait là, ridé et amaigri, ses cheveux blancs raides et ternes. Il y eut une sorte de sanglot refoulé dans l’auditoire, car tous savaient qu’ils lui disaient adieu. »
Cette Quatrième Symphonie est d’une certaine manière une «symphonie d’automne», comme le dit Claude Rostand. Elle fait alterner la douleur d’un trop-plein de santé qui n’arrive plus à s’exprimer, et la résignation dans les joies simples de la nature. C’est aussi, par l’usage réservé ici aux bois, la plus colorée des symphonies de Brahms. Elle s’ouvre sur un thème d’une grande beauté, portée par une houle à la fois nostalgique et passionnée. Le premier mouvement se poursuit dans une tension orageuse, la musique semblant parfois avancer avec douleur, avec rage, jusqu’à une coda dont le pathos est assez rare dans l’œuvre plutôt introvertie de Brahms.
Le mouvement lent se partage entre le recueillement et l’effusion, puis glisse dans une atmosphère de légende où les bois apportent autant leur animation que leur couleur. Page aux sentiments variés qui n’atteint pas aux sommets d’éloquence du mouvement initial cependant, et reste un épisode de répit en attendant d’autres moments décisifs.
L’Allegro qui suit est réellement giocoso, avec son entrain rustique, les sonorités de son triangle, et une atmosphère qui n’est pas sans rappeler celle de la Symphonie « Printemps » de Schumann. Mais il faut attendre le finale, construit en forme de passacaille (à la manière, aimait rappeler Brahms, du finale de la Symphonie héroïque de Beethoven), et qui reprend par ailleurs un thème d’une cantate de Bach (Nach dir, Herr, verlanget mich, BWV 150) pour retrouver le Brahms de la grande forme. L’orchestre, ici, tour à tour raconte, se confie, élabore, le tout avec une véhémence qui laisse assez peu de répit. Malgré son énergie cependant, le morceau ne s’attarde guère et se termine par une coda brève et abrupte.
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