L'Orchestre Philharmonique et le Choeur de Radio France interprètent la Neuvième Symphonie de Beethoven sous la direction de Jaap Van Zweden. Extrait du concert enregistré le 4 janvier 2025 à l'Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique.
#Beethoven #symphonie
Située chronologiquement entre les dernières sonates pour piano et les derniers quatuors à cordes, la Neuvième est contemporaine de la Missa solemnis. Les deux œuvres ont plus d’un point commun : la monumentalité des formes, la confiance inoxydable en l’homme et en l’avenir, un désir d’élévation et de victoire de l’esprit sur la matière. Comme l’écrit Esteban Buch : « L’expansion de la forme symphonique explorée dans l’Héroïque se trouve alliée à une véritable rhétorique des genres musicaux qui évoque tantôt l’univers militaire, tantôt l’univers religieux, enfin le rituel de l’hymne, sacré ou profane, par lequel les hommes célèbrent en chœur le fait d’être ensemble : “Tous les hommes deviennent frères”, dit le vers le plus célèbre de cette œuvre où, pour la première fois, la voix humaine fait irruption au sein de la musique instrumentale ».
Couronnement, la Neuvième est aussi une récapitulation : héroïque comme la Troisième Symphonie, pastorale (dans son deuxième mouvement) comme la Sixième, elle s’élève comme la Cinquième d’une tonalité mineure à une tonalité majeure pour figurer l’ascension vers la lumière. Beethoven y reprend aussi l’Ode à la joie de Schiller (datée de 1785), qui avait déjà fait l’objet d’une (modeste) mise en musique en 1793 et de nouveau tenté le compositeur une dizaine d’années plus tard à la faveur d’une ouverture chorale laissée inachevée. Il est du reste possible que la joie célébrée par Schiller ne soit qu’une liberté masquée : la Neuvième ne réaffirme-t-elle pas sur une grande échelle le message délivré par la fin de l’opéra Fidelio, celui de l’indéfectible foi en des lendemains qui chantent ?
Le finale de la Neuvième soulève les auditoires par son enthousiasme péremptoire, et il est convenu d’y voir un coup d’audace ; on peut se demander néanmoins ce qui a poussé Beethoven à utiliser la voix dans une partition symphonique, lui qui avait tant fait pour affranchir la musique instrumentale, et, sinon inventé, du moins porté à l’incandescence le genre instrumental expressif. Berlioz, dans sa symphonie dramatique Roméo et Juliette, fera le choix inverse en montrant que l’orchestre seul est capable de « donner à sa fantaisie une latitude que le sens positif des paroles chantées ne lui eût pas laissée, et recourir à la langue instrumentale, langue plus riche, plus variée, moins arrêtée, et, par son vague même, incomparablement plus puissante en pareil cas ».
Alors, rédemption du son par le mot, comme le suggère Carl Dalhaus** ? Peut-être Beethoven voulait-il que son message soit clair avant toute chose et, à l’instar de ce que fera un Mahler avec sa propre Huitième Symphonie, fit le choix de substituer à un ensemble de symphonies subjectives et tourmen
#Beethoven #symphonie
Située chronologiquement entre les dernières sonates pour piano et les derniers quatuors à cordes, la Neuvième est contemporaine de la Missa solemnis. Les deux œuvres ont plus d’un point commun : la monumentalité des formes, la confiance inoxydable en l’homme et en l’avenir, un désir d’élévation et de victoire de l’esprit sur la matière. Comme l’écrit Esteban Buch : « L’expansion de la forme symphonique explorée dans l’Héroïque se trouve alliée à une véritable rhétorique des genres musicaux qui évoque tantôt l’univers militaire, tantôt l’univers religieux, enfin le rituel de l’hymne, sacré ou profane, par lequel les hommes célèbrent en chœur le fait d’être ensemble : “Tous les hommes deviennent frères”, dit le vers le plus célèbre de cette œuvre où, pour la première fois, la voix humaine fait irruption au sein de la musique instrumentale ».
Couronnement, la Neuvième est aussi une récapitulation : héroïque comme la Troisième Symphonie, pastorale (dans son deuxième mouvement) comme la Sixième, elle s’élève comme la Cinquième d’une tonalité mineure à une tonalité majeure pour figurer l’ascension vers la lumière. Beethoven y reprend aussi l’Ode à la joie de Schiller (datée de 1785), qui avait déjà fait l’objet d’une (modeste) mise en musique en 1793 et de nouveau tenté le compositeur une dizaine d’années plus tard à la faveur d’une ouverture chorale laissée inachevée. Il est du reste possible que la joie célébrée par Schiller ne soit qu’une liberté masquée : la Neuvième ne réaffirme-t-elle pas sur une grande échelle le message délivré par la fin de l’opéra Fidelio, celui de l’indéfectible foi en des lendemains qui chantent ?
Le finale de la Neuvième soulève les auditoires par son enthousiasme péremptoire, et il est convenu d’y voir un coup d’audace ; on peut se demander néanmoins ce qui a poussé Beethoven à utiliser la voix dans une partition symphonique, lui qui avait tant fait pour affranchir la musique instrumentale, et, sinon inventé, du moins porté à l’incandescence le genre instrumental expressif. Berlioz, dans sa symphonie dramatique Roméo et Juliette, fera le choix inverse en montrant que l’orchestre seul est capable de « donner à sa fantaisie une latitude que le sens positif des paroles chantées ne lui eût pas laissée, et recourir à la langue instrumentale, langue plus riche, plus variée, moins arrêtée, et, par son vague même, incomparablement plus puissante en pareil cas ».
Alors, rédemption du son par le mot, comme le suggère Carl Dalhaus** ? Peut-être Beethoven voulait-il que son message soit clair avant toute chose et, à l’instar de ce que fera un Mahler avec sa propre Huitième Symphonie, fit le choix de substituer à un ensemble de symphonies subjectives et tourmen
Category
🎵
Musique