Avis rapporté par M. Antoine Dulin, au nom de la section de l’économie et des finances, présidée par Mme Hélène Fauvel.
La mobilisation de la société civile et la médiatisation récente de plusieurs affaires dans le monde (Swissleaks, Luxleaks, Panama papers, Bahama leaks, Football leaks…) et en France ont mis en lumière l’ampleur des mécanismes d’évitement fiscal et leur impact sur le financement des services publics. La Commission européenne estime à plus de 1 000 milliards d’euros la perte de recettes fiscales chaque annéepour l’Union européenne. Pour la France, ces estimations se situent entre 60 et 80 milliards d’euros. Les pays en développement seraient, de leur côté 30 % plus impactés que les pays de l’OCDE par ce phénomène, du fait de conventions fiscales désavantageuses et d’administrations défaillantes.
L’évitement fiscal comprend l’utilisation de mécanismes illégaux, explicitement interdits par la loi ou la jurisprudence (notamment abus de droit, actes anormaux de gestion et autres techniques qui peuvent être qualifiées de fraude fiscale pénalement sanctionnée), et l’utilisation excessive de mécanismes légaux potentiellement dommageable et contraire à l’intérêt général. Ces mécanismes, utilisés par les entreprises et les particuliers, s’appuient notamment sur les failles législatives des États par le biais de montages complexes permettant d’échapper à l’impôt. La dématérialisation des flux financiers et la numérisation de l’économie soulèvent de nouveaux enjeux et complique le travail des administrations malgré les progrès technologiques.
L’évolution de l’impact des mécanismes d’évitement sur le consentement à l’impôt est difficilement mesurable, aucune étude n’ayant été menée régulièrement dans le temps sur ces questions. Néanmoins, ces mécanismes fragilisent fortement la cohésion sociale. Le manque à gagner pour les finances publiques entraîne souvent un report de la charge fiscale sur les éléments les moins mobiles. Ils créent ou accentuent, par ailleurs, une distorsion de concurrence entre les entreprises de différentes tailles. Ces mécanismes peuvent également avoir un impact sur les revenus des salarié.e.s et réduire l’assiette des cotisations sociales, fragilisant alors le financement de la protection sociale.
Ils créent, par ailleurs, un sentiment d’injustice chez les contribuables qui ne veulent ou ne peuvent pas se soustraire à tout ou partie de l’impôt et qui ont ainsi l’impression d’être les « seuls à payer ». La médiatisation des affaires ne va pas de pair avec la médiatisation des répressions,souvent longues à se mettre en place, ce qui génère le sentiment d’une « fraude insuffisamment traquée et sanctionnée ». Enfin, une certaine banalisation de l’évitement fiscal, l’impôt étant perçu comme une charge identique aux autres, tend à remettre en cause l’acceptation de l’impôt par les citoyens. En avril 2016, près d’un Français sur 5 se déclarait prêt à faire de l’évasion fiscale s’ils avaient beaucoup d’argent.
Confrontées à la crise financière de 2008 et poussées par une opinion publique de plus en plus sensibilisée, la communauté internationale et la France ont pris un certain nombre de mesures pour lutter notamment contre la fraude et l’optimisation fiscale agressive. Au niveau international, l’OCDE a publié 15 mesures dans le cadre d’un plan d’action contre l’érosion de l’assiette imposable et le transfert de bénéfices (« BEPS »). L’Union européenne a, entre autres, adopté en janvier 2016 le paquet sur la lutte contre l’évasion fiscale et a aussi relancé le projet de directive visant l’adoption d’une « assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés » (« ACCIS »), visant à harmoniser les règles de détermination de l’assiette imposable au niveau européen pour les groupes d’entreprises. La France, quant à elle, a adopté de nombreux dispositifs ces dernières années visant tant à renforcer son arsenal répressif (allongement des peines, création du délit de blanchiment de fraude fiscale, poursuite pour fraude fiscale organisée permettant de sanctionner les facilitateurs de la fraude (professionnels du chiffre et du droit…) que la transparence (reporting pays par pays public pour les banques, registre des trusts…)
Malgré ces mesures, la lutte contre l’évitement fiscal, qui est une des conditions au consentement à l’impôt, présente encore des limites. Le CESE recommande aux pouvoirs publics d’agir pour l’amplification de la régulation aux niveaux européen et international, le développement de la transparence financière, l’amélioration des moyens d’action juridique comme de l’administration fiscale, et enfin de soutenir l’action de la société civile afin de renforcer la légitimité de l’impôt.
http://www.lecese.fr/travaux-du-cese/saisines/les-m-canismes-d-vitement-fiscal-et-leurs-impacts-sur-le-consentement-l-imp-t-et-la-coh-sion-sociale
La mobilisation de la société civile et la médiatisation récente de plusieurs affaires dans le monde (Swissleaks, Luxleaks, Panama papers, Bahama leaks, Football leaks…) et en France ont mis en lumière l’ampleur des mécanismes d’évitement fiscal et leur impact sur le financement des services publics. La Commission européenne estime à plus de 1 000 milliards d’euros la perte de recettes fiscales chaque annéepour l’Union européenne. Pour la France, ces estimations se situent entre 60 et 80 milliards d’euros. Les pays en développement seraient, de leur côté 30 % plus impactés que les pays de l’OCDE par ce phénomène, du fait de conventions fiscales désavantageuses et d’administrations défaillantes.
L’évitement fiscal comprend l’utilisation de mécanismes illégaux, explicitement interdits par la loi ou la jurisprudence (notamment abus de droit, actes anormaux de gestion et autres techniques qui peuvent être qualifiées de fraude fiscale pénalement sanctionnée), et l’utilisation excessive de mécanismes légaux potentiellement dommageable et contraire à l’intérêt général. Ces mécanismes, utilisés par les entreprises et les particuliers, s’appuient notamment sur les failles législatives des États par le biais de montages complexes permettant d’échapper à l’impôt. La dématérialisation des flux financiers et la numérisation de l’économie soulèvent de nouveaux enjeux et complique le travail des administrations malgré les progrès technologiques.
L’évolution de l’impact des mécanismes d’évitement sur le consentement à l’impôt est difficilement mesurable, aucune étude n’ayant été menée régulièrement dans le temps sur ces questions. Néanmoins, ces mécanismes fragilisent fortement la cohésion sociale. Le manque à gagner pour les finances publiques entraîne souvent un report de la charge fiscale sur les éléments les moins mobiles. Ils créent ou accentuent, par ailleurs, une distorsion de concurrence entre les entreprises de différentes tailles. Ces mécanismes peuvent également avoir un impact sur les revenus des salarié.e.s et réduire l’assiette des cotisations sociales, fragilisant alors le financement de la protection sociale.
Ils créent, par ailleurs, un sentiment d’injustice chez les contribuables qui ne veulent ou ne peuvent pas se soustraire à tout ou partie de l’impôt et qui ont ainsi l’impression d’être les « seuls à payer ». La médiatisation des affaires ne va pas de pair avec la médiatisation des répressions,souvent longues à se mettre en place, ce qui génère le sentiment d’une « fraude insuffisamment traquée et sanctionnée ». Enfin, une certaine banalisation de l’évitement fiscal, l’impôt étant perçu comme une charge identique aux autres, tend à remettre en cause l’acceptation de l’impôt par les citoyens. En avril 2016, près d’un Français sur 5 se déclarait prêt à faire de l’évasion fiscale s’ils avaient beaucoup d’argent.
Confrontées à la crise financière de 2008 et poussées par une opinion publique de plus en plus sensibilisée, la communauté internationale et la France ont pris un certain nombre de mesures pour lutter notamment contre la fraude et l’optimisation fiscale agressive. Au niveau international, l’OCDE a publié 15 mesures dans le cadre d’un plan d’action contre l’érosion de l’assiette imposable et le transfert de bénéfices (« BEPS »). L’Union européenne a, entre autres, adopté en janvier 2016 le paquet sur la lutte contre l’évasion fiscale et a aussi relancé le projet de directive visant l’adoption d’une « assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés » (« ACCIS »), visant à harmoniser les règles de détermination de l’assiette imposable au niveau européen pour les groupes d’entreprises. La France, quant à elle, a adopté de nombreux dispositifs ces dernières années visant tant à renforcer son arsenal répressif (allongement des peines, création du délit de blanchiment de fraude fiscale, poursuite pour fraude fiscale organisée permettant de sanctionner les facilitateurs de la fraude (professionnels du chiffre et du droit…) que la transparence (reporting pays par pays public pour les banques, registre des trusts…)
Malgré ces mesures, la lutte contre l’évitement fiscal, qui est une des conditions au consentement à l’impôt, présente encore des limites. Le CESE recommande aux pouvoirs publics d’agir pour l’amplification de la régulation aux niveaux européen et international, le développement de la transparence financière, l’amélioration des moyens d’action juridique comme de l’administration fiscale, et enfin de soutenir l’action de la société civile afin de renforcer la légitimité de l’impôt.
http://www.lecese.fr/travaux-du-cese/saisines/les-m-canismes-d-vitement-fiscal-et-leurs-impacts-sur-le-consentement-l-imp-t-et-la-coh-sion-sociale
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