Rencontre avec Francesco Masci (philosophe) à l'ESADMM dans le cadre du festival La Semaine de la pop philosophie
La pop philosophie est une fable à l’envers, où il n’y a même pas de happy end. Cette fable raconte l’histoire d’une grenouille qui embrasse la princesse pour essayer de rompre le charme qui pèse sur la culture occidentale. Mais aucun jeu vidéo, aucune série télé ou actrice porno n’a le pouvoir de transformer une posture théorique traditionnelle, qui reste non questionnée. La pop philosophie surgit comme une forme mineure d’autobiographie involontaire au moment terminal du post-structuralisme. Elle ne nous fait rien connaître des choses triviales du monde dont elle s’occupe, mais elle dit beaucoup sur la destinée de la modernité, sa perte dans le néant, son nihilisme, qui, coïncidant avec une stratégie esthétique de la pensée, n’est que la marque de son néant politique. « Pop philosophie » est le nom d’un retour à une interprétation hyperclassique, pré-kantienne, du monde. Le « plan d’immanence » dans lequel le sujet despotique de la tradition occidentale est censé se laisser affecter et « infecter » par l’« impur » des événements éphémères pour finalement dépérir, ressemble beaucoup au plan de la construction perspectiviste inventé à Florence dans les premières décennies du XVe siècle, même si ce dispositif a subi une modification. Il n’y a pas de définitions certaines de la pop philosophie, qui a volontairement laissé ouverte l’ambiguïté et la contradiction entre une filiation warholienne et une démarche populiste. Nous pouvons par contre affirmer qu’il y a pop philosophie quand ce n’est plus le sujet qui regarde vers le néant d’un point de fuite infini, mais la multitude dissolvante des objets anodins et éphémères de la culture populaire qui s’adresse au sujet. En se chargeant de ce néant, la philosophie laisse échapper, pour la première fois, un aveu involontaire à propos du nihilisme ontologique qui est son destin depuis les débuts de la modernité. Le choix de « la projection » du monde et donc d’une relation sujet-objet esthétiquement déterminée a décidé que les promesses de la modernité devaient se réaliser par la culture et pas par le politique : sur le plan des images et des événements et pas sur celui de l’opposition et du conflit non moralement déterminé. La modernité reste prisonnière de l’illusion fondée par le schéma géométrique d’ordonnancement florentin, même si elle tente de l’inverser. Mais, dans cette fuite vers le néant infini, dans ce jeu d’ombres et de projections, loin de la confrontation des groupes et des partis, c’est la Florence de Brunelleschi qui l’emporte sur la Florence du Machiavel.
Francesco Masci
La pop philosophie est une fable à l’envers, où il n’y a même pas de happy end. Cette fable raconte l’histoire d’une grenouille qui embrasse la princesse pour essayer de rompre le charme qui pèse sur la culture occidentale. Mais aucun jeu vidéo, aucune série télé ou actrice porno n’a le pouvoir de transformer une posture théorique traditionnelle, qui reste non questionnée. La pop philosophie surgit comme une forme mineure d’autobiographie involontaire au moment terminal du post-structuralisme. Elle ne nous fait rien connaître des choses triviales du monde dont elle s’occupe, mais elle dit beaucoup sur la destinée de la modernité, sa perte dans le néant, son nihilisme, qui, coïncidant avec une stratégie esthétique de la pensée, n’est que la marque de son néant politique. « Pop philosophie » est le nom d’un retour à une interprétation hyperclassique, pré-kantienne, du monde. Le « plan d’immanence » dans lequel le sujet despotique de la tradition occidentale est censé se laisser affecter et « infecter » par l’« impur » des événements éphémères pour finalement dépérir, ressemble beaucoup au plan de la construction perspectiviste inventé à Florence dans les premières décennies du XVe siècle, même si ce dispositif a subi une modification. Il n’y a pas de définitions certaines de la pop philosophie, qui a volontairement laissé ouverte l’ambiguïté et la contradiction entre une filiation warholienne et une démarche populiste. Nous pouvons par contre affirmer qu’il y a pop philosophie quand ce n’est plus le sujet qui regarde vers le néant d’un point de fuite infini, mais la multitude dissolvante des objets anodins et éphémères de la culture populaire qui s’adresse au sujet. En se chargeant de ce néant, la philosophie laisse échapper, pour la première fois, un aveu involontaire à propos du nihilisme ontologique qui est son destin depuis les débuts de la modernité. Le choix de « la projection » du monde et donc d’une relation sujet-objet esthétiquement déterminée a décidé que les promesses de la modernité devaient se réaliser par la culture et pas par le politique : sur le plan des images et des événements et pas sur celui de l’opposition et du conflit non moralement déterminé. La modernité reste prisonnière de l’illusion fondée par le schéma géométrique d’ordonnancement florentin, même si elle tente de l’inverser. Mais, dans cette fuite vers le néant infini, dans ce jeu d’ombres et de projections, loin de la confrontation des groupes et des partis, c’est la Florence de Brunelleschi qui l’emporte sur la Florence du Machiavel.
Francesco Masci
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