Le gouvernement a fait de la lutte contre le narcotrafic une priorité absolue et un texte de loi est en bonne voie d'adoption au Parlement, alors que les attaques contre les prisons et le personnel pénitencier se multiplie partout en France. Un groupe revendiquant la "défense des droits des prisonniers français", ou DDPF, sigle retrouvé aux abords des prisons prises pour cible, avait publié vidéo et menaces sur la messagerie Telegram. Le Parquet national antiterroriste s'est saisi de plusieurs faits, sans savoir à ce stade si un lien est clairement établi avec les narcotrafiquants.
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00:00Et tout de suite l'invité de RTL Matin, alors que les prisons françaises sont prises pour cibles depuis dix jours,
00:05Olivier, vous recevez aujourd'hui Jérôme Durin, c'est le sénateur PS de Saône-et-Loire
00:08et c'est lui qui a représidé il y a un an la commission d'enquête sur le narcotrafic.
00:13Six mois de travail à l'époque, 150 auditions de professionnels. Bonjour Jérôme Durin.
00:17Bonjour.
00:18Et ça avait été un coup de tonnerre en mars dernier quand des magistrats marseillais, précisément devant votre commission,
00:23étaient venus dire, donc auditionner officiellement, nous sommes en train de perdre la guerre contre les trafiquants.
00:29Leur propos avait été critiqué par Éric Dubon-Moretti à l'époque, leur ministre, en parlant de défaitisme.
00:35Ils avaient raison ces magistrats, on le voit encore avec ces attaques de prison, est-ce que c'est votre avis également ?
00:40Écoutez, la conclusion de notre commission d'enquête, c'était que le narcotrafic faisait peser une menace sur les intérêts fondamentaux de la nation.
00:49Certains ont accueilli ça avec des sarcasmes, quelques sourires.
00:52Aujourd'hui malheureusement on se rend compte que c'est une réalité dans tous les champs de la vie publique,
00:57avec ce qui se passe dans le champ pénitentiaire, mais les fusillades dans les quartiers, l'emprise économique, sociale,
01:06et puis un sujet de déstabilisation démocratique, donc la situation est grave effectivement.
01:09On rappelle juste l'ampleur du phénomène quand même depuis 10 jours.
01:1221 attaques, 16 prisons concernées, des domiciles de surveillants qui ont été visés,
01:17ils ont été suivis parfois jusque chez eux,
01:20et où on retrouve parfois ce sigle DDPF, donc Défense des droits des prisonniers français.
01:25Pour vous, ça ne fait pas doute, c'est le narcotrafic qui est derrière tout cela ?
01:29Non, moi je ne suis pas plus informé que ceux qui sont en train de conduire les enquêtes,
01:34et on est face à quelque chose qui est encore assez nébuleux.
01:37C'est l'hypothèse qui est privilégiée aujourd'hui semble-t-il.
01:39Tout à fait, on sent que le narcotrafic n'est pas loin,
01:43dans quelles mesures, dans quelles organisations ça reste à démontrer.
01:47Ce qui est inquiétant, c'est de se dire qu'on aurait désormais un crime organisé
01:52qui entre en confrontation directe avec l'État, avec la puissance publique,
01:56et ça c'est un phénomène qui est, s'il est avéré nouveau, est très très inquiétant.
02:00C'est l'État qui est visé, selon cette hypothèse ?
02:03C'est l'État qui est visé parce qu'on empêche le business.
02:07Le narcotrafic c'est quoi ? C'est du commerce.
02:09C'est un commerce illégal, qui est très rémunérateur,
02:12qui a besoin de pouvoir s'exprimer dans l'espace public,
02:16parfois qui est conduit depuis les cellules des prisons,
02:19et l'idée qu'on puisse contraindre les narcotrafiquants les plus capés
02:24à ne plus pouvoir piloter leur trafic depuis des prisons
02:27est sans doute quelque chose qui gêne les organisations criminelles.
02:29Donc ce serait l'origine de ces attaques contre le système pénisentiaire.
02:34Hier soir sur RTL, l'un des meilleurs experts du grand banditisme Éric Delbecq
02:38a eu ce mot, narco-terrorisme.
02:41Cette déstabilisation de la société pour des intérêts du grand banditisme,
02:45narco-terrorisme, est-ce que vous reprenez à votre compte cette expression ?
02:49Bon, on a utilisé beaucoup de vocabulaire,
02:51nouveau néologisme à la faveur de cette enquête et de ce travail.
02:57Je pense qu'il faut rester encore prudent.
02:58En tout cas, on peut se dire qu'il y a quelque chose qui est en train de bouger
03:03vers une situation à la Belge ou à la Néerlandaise
03:08avec des organisations comme la Mochromafia là-bas
03:12qui menacent des magistrats,
03:16qui tuent des journalistes,
03:18qui s'en prend à la famille royale ou à des ministres.
03:20Et dans les mois récents, on a vu des phénomènes nouveaux.
03:23C'est arrivé vis-à-vis du personnel pénitentiaire,
03:26mais aussi de magistrats, de policiers.
03:28Donc je pense qu'il faut être très très prudent
03:30et monter notre niveau d'alerte,
03:33ce qu'on a essayé de faire avec la loi d'ailleurs qui sera votée la semaine prochaine.
03:36Jérôme Durin, cet après-midi, François Bayrou est à Saint-Quentin Falavie en Isère.
03:40Il va précisément devant cette prison pour rencontrer des surveillants
03:43et du personnel pénitentiaire avec le ministre de l'Intérieur,
03:47avec le ministre de la Justice.
03:48Qu'est-ce qu'ils doivent dire ?
03:49Quels sont les mots que vous voulez entendre, vous, cet après-midi ?
03:52Vous avez présidé cette commission pendant six mois.
03:54Vous avez une vision globale du fléau de ce narcotrafic.
03:58Qu'est-ce que vous voulez entendre cet après-midi ?
04:00Il y a trois choses.
04:01Il y a d'abord le constat.
04:02Le constat, on l'a formulé avec la commission d'enquête.
04:04Le débat public maintenant a pris la mesure de la gravité des choses.
04:08Donc je pense que là, on est tous d'accord.
04:10Il y a la loi.
04:11La loi qui sera votée la semaine prochaine au Sénat lundi,
04:14à l'Assemblée nationale mardi.
04:16Donc on a de nouveaux outils juridiques, légaux,
04:20pour se battre contre le narcotrafic.
04:21Et puis il va y avoir les moyens.
04:22Et les moyens, c'est les policiers, les gendarmes, les douaniers, les prisons.
04:26Donc je pense qu'il faut que l'investissement de l'État,
04:29puisque c'est une guerre face au narcotrafic,
04:31il soit à la hauteur de cette guerre et qu'on ait des moyens.
04:34On a ces attaques, des gens qui se sont même filmés
04:37pour revendiquer ces actions.
04:39C'est-à-dire qu'ils rajoutent la provocation
04:42à la menace qu'ils font peser sur les cibles qu'ils visent.
04:46Je vous assure que l'appareil législatif
04:48qu'on est en train de construire avec la loi
04:49qui concerne le blanchiment,
04:51qui concerne les réseaux sociaux,
04:53qui concerne les prisons,
04:56qui concerne toute une série d'actions du quotidien
05:00pour nos forces de sécurité intérieure,
05:02va permettre quand même de passer un cap.
05:03Mais ce cap, on pourra vraiment le passer
05:05si on a des moyens à la hauteur.
05:07L'argent, c'est le nerf de la guerre.
05:08Vous parlez du blanchiment.
05:09Ces organisations,
05:10c'est parce que ce sont des millions qui sont en jeu ?
05:14C'est ça.
05:14C'est 3,5 milliards à 6 milliards de chiffre d'affaires par an.
05:19En France, c'est 4 à 500 milliards au niveau international.
05:24C'est des réseaux internationaux.
05:26C'est une mondialisation de la criminalité.
05:28Et on est un des maillons de la chaîne.
05:30Donc, il faut taper au portefeuille.
05:32Parce que c'est parce que ces criminels ont de l'argent
05:34qu'ils peuvent, depuis les prisons,
05:36piloter des trafics, commanditer des assassinats.
05:39Donc, il faut aller assécher les finances des criminels.
05:42Et je crois qu'on a certaines mesures qui permettent,
05:44dans la loi, d'y arriver.
05:46Vous parliez de l'exemple des Pays-Bas.
05:47Est-ce qu'aujourd'hui, après vos travaux à la Commission,
05:49il y a aujourd'hui en France des groupes qui sont si puissants,
05:51si organisés, si coordonnés,
05:53et si répandus sur le territoire,
05:55qu'ils ont un tel niveau de puissance ?
05:57Est-ce qu'il y a des groupes qui sont en train de prendre
05:59cette puissance-là en France ?
06:02C'est difficile de le dire,
06:03tant que l'enquête n'a pas produit ses résultats.
06:06Ce sont plutôt des alliances d'opportunités.
06:09Et d'ailleurs, la dimension criminelle,
06:11c'est souvent la moins pro des gamins qu'on paye
06:14pour aller rafaler, pour aller mitrailler.
06:16C'est pour ça qu'il y a beaucoup de victimes collatérales.
06:18Donc, je pense qu'on n'en est pas encore là.
06:21Mais il est vraiment temps de fermer les vannes,
06:24de taper fort et d'aller chercher l'argent des criminels
06:27pour les empêcher de nuire.
06:27Une dernière question, juste sur un exemple très concret,
06:30peut-être d'un renoncement, j'allais dire, du quotidien.
06:32Il y a 15 jours, il y a 10 jours,
06:33une école maternelle a été obligée de déménager à Saint-Ouen,
06:36en banlieue parisienne,
06:36parce qu'il y avait un point de deal juste à côté.
06:39Et la solution, on comprend les parents, ils ont voté pour dire
06:41nos enfants, on préfère les envoyer ailleurs.
06:43Alors, on les comprend, mais est-ce que ce n'est pas
06:44le cas typique d'un renoncement
06:46et d'une défaite de l'État face
06:48aux trafiquants ?
06:50Je crois que les élus locaux ont fait le bon choix.
06:53Ils ont fait le choix de protéger les enfants
06:55et les familles.
06:56Mais malheureusement, c'est tout le symbole
06:59de notre État de droit
07:00qui est mis à mal, qui est menacé par des organisations
07:03criminelles et c'est insupportable.
07:04Donc, il y a un sursaut démocratique, sécuritaire, à opérer.
07:09Sinon, on va être dans la main des narcotrafiquants.
07:12Merci beaucoup, Jérôme Durin, d'avoir été avec nous sur RTL ce matin.
07:15Je rappelle que vous êtes sénateur PS
07:16et que vous avez été le rapporteur de cette loi
07:19pour lutter contre le fléau du narcotrafic.
07:22Bonne journée sur RTL.
07:23Et on vous laisse filer parce que vous avez un train à prendre.
07:26C'est l'État qui est visé.
07:27Il est temps de taper fort
07:29et d'aller chercher l'argent des criminels.
07:31Voilà ce que dit ce matin Jérôme Durin, sénateur,
07:35qui a co-précisé cette commission d'enquête sur le narcotrafic.
07:38C'est un sujet dont on va beaucoup vous parler
07:39toutes ces heures qui viennent sur RTL.