Face aux pressions des États et des puissances économiques, comment les médias indépendants peuvent-ils continuer à enquêter ?
On se pose la question dans ce podcast vidéo avec Ariane Lavrilleux de Disclose, Yann Philippin de Mediapart et Walid Bourouis, journaliste tunisien en exil.
On se pose la question dans ce podcast vidéo avec Ariane Lavrilleux de Disclose, Yann Philippin de Mediapart et Walid Bourouis, journaliste tunisien en exil.
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00:00:00En septembre 2023, effectivement, je vois débarquer chez moi
00:00:03une dizaine d'agents de la DGSI, une juge d'instruction, des greffiers,
00:00:07qui viennent me dire « vous êtes placé en garde à vue et on va parquisitionner votre domicile ».
00:00:12C'est bien le Qatar qui aurait tenté de me pirater.
00:00:16Alors le Qatar a démenti, donc on ne saura pas…
00:00:19Aujourd'hui, on ne sait toujours pas ce qu'il en est.
00:00:21Les médias en France sont-ils libres ?
00:00:23Les journalistes peuvent-ils enquêter en toute indépendance ?
00:00:25Peut-on exprimer toutes les opinions sans être censuré ?
00:00:28En théorie, oui, mais dans les faits, c'est malheureusement un peu plus compliqué.
00:00:32Enquêter, c'est bien souvent révéler des affaires qui dérangent
00:00:35et parfois s'attaquer à des personnages puissants.
00:00:37Dans le cadre de l'enquête pour faux que j'avais déposée contre Mediapart,
00:00:42auprès du juge Cross.
00:00:43Dans certaines rédactions de journaux de gauche, dans les campagnes électorales,
00:00:47il y a des dizaines de journalistes qui sont payés par la rédaction
00:00:50pour aller écumer les pages Facebook.
00:00:52Les réponses des mises en cause face à des révélations qui me déplaisent sont parfois brutales.
00:00:56Des journalistes sont régulièrement menacés de mort.
00:00:59Ça m'est arrivé à plusieurs reprises et certains de mes confrères ont même été agressés.
00:01:03Les médias doivent aussi faire face à de nombreux procès bâillons.
00:01:07Rien qu'à Street Presse, on a en ce moment neuf affaires en cours.
00:01:10Des militants d'extrême droite, des élus véreux
00:01:11ou des hommes accusés de violences sexuelles nous attaquent en justice.
00:01:15Les atteintes à l'indépendance et les pressions viennent parfois même de l'État.
00:01:18Quand je vois ce qui se passe actuellement ici en France,
00:01:20la valorisation des médias, cette montée d'extrême droite,
00:01:23je leur dis écoutez, moi je viens de futur, on a vu ça en Tunisie.
00:01:25Certains journalistes de Street Presse ont déjà été convoqués au commissariat.
00:01:29Plusieurs de nos confrères et consœurs ont même été perquisitionnés et placés en garde à vue.
00:01:34Une journaliste, elle vient de faire 39 heures de garde à vue
00:01:37pour avoir publié des informations sur une opération militaire secrète entre l'Égypte et la France.
00:01:41Les menaces sur la liberté d'informer, c'est justement le sujet de ce podcast.
00:01:45Pour en parler, j'ai invité trois journalistes indépendants.
00:01:48Ariane Lavrieux de Disclose, dont il était question dans cet extrait.
00:01:51Yann Philippin, journaliste au pôle enquête de Mediapart.
00:01:54Et Walid Bourouis, journaliste d'investigation tunisien en exil en France.
00:01:58Pour échapper à la prison, il a dû tout quitter.
00:02:00Il va nous raconter.
00:02:01Mais avant ça, je voudrais vous rappeler que ce travail d'enquête prend du temps et coûte cher.
00:02:05Les médias indépendants n'existent que grâce à votre soutien.
00:02:07Donc faites des dons ou abonnez-vous.
00:02:10On vous met les liens en description sous cette vidéo.
00:02:12Bonjour à tous les trois.
00:02:19Merci de participer à ce second épisode du podcast Média de Street Press
00:02:23qui réunit des journalistes et des médias indépendants.
00:02:27Je suis très heureux de ce casting 5 étoiles, on va dire, pour utiliser une formule un peu toute faite.
00:02:32Je vais faire un petit tour de table pour vous présenter.
00:02:35Alors Yann Philippin, salut.
00:02:36Bonjour Mathieu.
00:02:37Tu es journaliste au sein du pôle enquête de Mediapart depuis plus de 10 ans.
00:02:42Alors Mediapart, on ne vous présente plus.
00:02:44Vous êtes à l'origine de certaines des plus grandes révélations politiques et financières de ces 15 dernières années.
00:02:49Financement illégal de la campagne de Sarkozy, évasion fiscale record de Kering, le groupe de la famille Pinault.
00:02:55A noter aussi que tu es membre du réseau EIC, European Investigative Collaboration.
00:03:01J'espère que vous appréciez mon accent anglais.
00:03:04C'est un réseau européen de médias indépendants qui mène des grosses enquêtes transnationales
00:03:09comme les Football Leaks ou les Predator Files.
00:03:12Walid Bouroui, salut.
00:03:13Bonjour Mathieu.
00:03:14Tu as été journaliste au quotidien, journal francophone tunisien.
00:03:18Puis tu as été rédacteur en chef de Cactus Prod, une chaîne de télé.
00:03:23Tu as enquêté sur une affaire de corruption au sein de ton propre média.
00:03:26On y reviendra.
00:03:27Aujourd'hui, tu vis en exil en France.
00:03:29Merci d'être avec nous.
00:03:30Merci.
00:03:32Ariane Lavrieux, bonjour.
00:03:34Bonjour.
00:03:34Tu es journaliste à Disclose, c'est un média à but non lucratif qui fait des enquêtes
00:03:39au long cours sur des sujets d'intérêt général.
00:03:41On peut citer l'enquête sur les ventes d'armes à Israël, l'implication de la France dans
00:03:46les crimes de la dictature d'Al-Sisi en Égypte ou très récemment une enquête sur
00:03:50Décathlon avec notamment le recours à du travail forcé chez un sous-traitant.
00:03:54Alors merci d'être avec nous.
00:03:56On va rentrer dans le vif du sujet avec toi.
00:03:58Tu as connu des pressions assez brutales puisque fin 2023, ton domicile a été perquisitionné,
00:04:05tu as été placé en garde à vue.
00:04:07Tout part d'une enquête que vous aviez baptisée les mémos de la terreur.
00:04:12Est-ce que tu peux nous résumer déjà cette enquête ?
00:04:15Oui, c'est une enquête collective qu'on publie en 2021, à la fin de l'année 2021,
00:04:19en partenariat avec France Télévisions, l'émission complément d'enquête.
00:04:23Et on révèle que la France, sous François Hollande puis Emmanuel Macron,
00:04:30a noué un partenariat avec la dictature égyptienne.
00:04:33Cette fuite sans précédent révèle les dérives d'une opération de renseignement clandestine en Égypte.
00:04:38Débutée en 2016 au nom de la lutte antiterroriste,
00:04:42cette coopération va en réalité servir à bombarder des civils par centaines.
00:04:47Des crimes d'État dont la présidence de la République a été constamment informée.
00:04:51C'est une opération secret défense, donc cette enquête est basée en grande partie
00:04:55sur des centaines de documents confidentiels défense.
00:04:59Et par ailleurs, elle est aussi maquillée en interne au sein de l'État
00:05:04puisqu'elle est présentée même au sein de l'État comme une opération antiterroriste
00:05:09dont le but est d'aider...
00:05:11Alors que c'est de la lutte contre la contrebande, c'est ça ?
00:05:14Oui, alors que c'est de la lutte contre la contrebande, en fait, alors que c'est une opération
00:05:18qui aide la répression d'un régime dictatorial, à savoir l'Égypte,
00:05:23une des dictatures militaires les plus féroces du Moyen-Orient.
00:05:28Et donc toi, tu vas être attaqué, Disclose va être attaqué pour avoir utilisé ces documents,
00:05:34pour les avoir publiés.
00:05:35Et à un moment, tu as une perquisition chez toi ?
00:05:39Oui, ça se déroule en plusieurs temps, juste après la publication de l'enquête.
00:05:44Le ministère de la Défense ne nie pas les révélations,
00:05:48elle même déclare qu'il va y avoir une enquête interne pour savoir si effectivement les dérives...
00:05:54Ça partait bien.
00:05:56Voilà, en tout cas, il y avait une volonté affichée de faire un peu de transparence
00:06:02et d'enquête interne, sauf que cette enquête interne va être classée en trois mois,
00:06:06classée également Confidential Défense.
00:06:08Elle va conclure que tout va bien, que tout s'est bien passé,
00:06:11mais personne n'aura jamais accès à ce rapport.
00:06:15Et donc voilà, il y a ce premier temps, mais en parallèle,
00:06:18le ministère de la Défense, en fait, dépose plainte.
00:06:21Une plainte contre X, qui ne vise pas directement Disclose,
00:06:24mais dont le but est de demander à la justice de trouver qui sont les sources,
00:06:28les personnes qui ont informé Disclose, qui ont transmis les documents.
00:06:32Et là, la machine judiciaire va se mettre en route.
00:06:38Deux juges vont être nommés.
00:06:41Le parquet national antiterroriste va être saisi de l'affaire,
00:06:44qui va lui faire appel à la DGSI.
00:06:46Donc la DGSI, c'est les services de renseignement intérieur français,
00:06:50qui sont chargés du contre-espionnage et de la lutte antiterroriste.
00:06:54Et donc, ils vont être missionnés...
00:06:55Tu es une espionne.
00:06:55Et donc voilà, ça veut dire que dans les esprits, je suis considérée comme,
00:07:00en tout cas, oui, potentiellement une espionne,
00:07:03en tout cas quelqu'un qui nuit fondamentalement aux intérêts de la France.
00:07:07Et surtout, le but, ça va être de trouver qui a informé Disclose.
00:07:13Donc, il y a un problème fondamental, puisque théoriquement, c'est interdit.
00:07:20En France, parce que les gens ne le savent peut-être pas forcément,
00:07:22il y a le secret des sources.
00:07:24C'est-à-dire que, même devant un tribunal,
00:07:26on n'est pas obligé de révéler qui sont nos sources.
00:07:30Et c'est une protection fondamentale de notre métier
00:07:34qui permet aussi à un certain nombre de personnes de nous parler,
00:07:37de faire ces enquêtes.
00:07:38Parce que sans ça, c'est plus possible.
00:07:40Oui, j'ai noté la définition exacte qu'il y a dans la loi de 2010.
00:07:44« Le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice
00:07:47de leur mission d'information du public ».
00:07:50Donc, ça veut dire que les gens qui viennent voir des journalistes
00:07:54doivent être protégés, leur anonymat doit être protégé
00:07:57parce qu'ils prennent parfois des risques,
00:07:59le risque d'être licenciés, virés, d'avoir des problèmes au travail
00:08:03ou, voire plus grave, dans le cas qui nous occupe,
00:08:07d'être poursuivis en justice, voire d'aller en prison.
00:08:10Donc, la loi prévoit ça, la loi française, évidemment,
00:08:16mais aussi la loi européenne.
00:08:17C'est un principe fondamental en démocratie
00:08:18de pouvoir protéger cet espace de liberté d'expression, en fait,
00:08:22de tous les citoyens qui ont accès à des informations
00:08:25qui nous concernent tous, mais qui sont accaparés par quelques personnes.
00:08:30Et donc, ils vont te perquisitionner ton domicile,
00:08:33ils vont rentrer chez toi pour identifier cette source, en fait.
00:08:35C'est ça, l'objectif ?
00:08:37C'est ça qu'ils ont effectivement en tête.
00:08:39Donc, leur enquête se poursuit.
00:08:41Moi, ce que je vais découvrir après,
00:08:43c'est qu'ils vont mobiliser tout un tas de moyens d'espionnage
00:08:46qui sont, en général, dédiés à la lutte antiterroriste,
00:08:50c'est-à-dire m'espionner, me filer, me suivre dans la rue.
00:08:55Je regarde vers la porte pour voir si ils sont là.
00:08:57Voilà, me mettre, géolocaliser mon téléphone en temps réel,
00:09:01donc avec les opérateurs pour savoir où je suis
00:09:04quand ils n'ont pas assez d'hommes pour me suivre sur le terrain.
00:09:07Ils savent précisément où je vais, à quelle heure, etc.
00:09:10Ils vont éplucher tous mes déplacements sur quatre ans,
00:09:14mes comptes bancaires.
00:09:15Donc, j'ai des tonnes de...
00:09:16C'est fou.
00:09:18Voilà, des dossiers très impressionnants.
00:09:23Et donc, tout ça se passe sans que je sois évidemment informée.
00:09:26Je le découvre plus tard, bien plusieurs mois après ma garde à vue.
00:09:31Et donc, en septembre 2023, effectivement,
00:09:33je vois débarquer chez moi une dizaine d'agents de la DGSI,
00:09:38une juge d'instruction, des greffiers,
00:09:40qui viennent me dire, ben voilà, vous êtes placés en garde à vue
00:09:42et on va parquisitionner votre domicile.
00:09:45Donc voilà, c'est ça la suite logique de l'enquête.
00:09:48Et donc, le but, encore une fois, n'est pas d'essayer de savoir
00:09:52si la France a dérivé, a aidé une dictature, a tué des civils.
00:09:57Est-ce qu'il y a des complicités internes ?
00:10:00Est-ce qu'il y a, voilà, un problème de fond au sein de l'État français ?
00:10:04Non, le but, c'est de savoir qui a alerté.
00:10:06Qui est la taupe ?
00:10:08Ce n'est pas la taupe, en fait.
00:10:09Pas dans leur tête.
00:10:10Oui, mais en fait, c'est de rechercher qui sont les héroïnes,
00:10:14les héros qui ont lancé l'alerte, même.
00:10:18Parce qu'en fait, ce qu'on révèle dans l'enquête,
00:10:20ce n'est pas seulement cette opération militaire,
00:10:23c'est qu'en interne, les militaires écrivent dans les rapports.
00:10:27En fait, ce sont des rapports qui compilent des alertes
00:10:32au fil des mois, au fil des années.
00:10:33Donc c'est une opération qui a commencé en 2016,
00:10:35qui a continué au moins jusqu'en 2022,
00:10:38mais peut-être encore à l'heure actuelle.
00:10:41Et les militaires alertent, ils disent
00:10:42« Attention, on n'est pas du tout en train de faire de la lutte antiterroriste,
00:10:45on est en train de donner des informations
00:10:46pour bombarder, tuer des gars qui transportent des cigarettes Cléopatra. »
00:10:51Et c'en est où cette procédure aujourd'hui ?
00:10:53J'ai été placée sous le statut de témoin assisté.
00:10:56Donc ça veut dire, en janvier dernier, le 17 janvier dernier,
00:10:59la juge d'instruction souhaitait me mettre en examen.
00:11:04Et après trois heures d'interrogatoire,
00:11:06finalement, elle a décidé qu'il n'y avait pas assez d'éléments
00:11:09pour me mettre en examen.
00:11:12Et qu'en plus, là pour le coup je la cite,
00:11:15elle me dit « Votre enquête, l'enquête de disclose est d'intérêt public
00:11:19et je ne serai pas jugée, je ne serai pas poursuivie devant un tribunal
00:11:23où je risquais quand même 5 ans de prison
00:11:27et 75 000 euros d'amende. »
00:11:31Mais l'enquête est toujours en cours.
00:11:34Elle peut décider de transformer mon statut,
00:11:36de me remettre en examen.
00:11:39Bon, il y a a priori, il y aurait peu de logique à faire ça.
00:11:45La suite logique, c'est que l'enquête soit classée
00:11:49et que cette dérive, cette nouvelle dérive de la lutte antiterroriste
00:11:57soit clôturée et qu'on puisse reprendre tranquillement notre travail
00:12:02et que l'État aussi, les parlementaires, puissent interroger
00:12:07ce qui a pu se passer dans le cadre de cette coopération franco-égyptienne.
00:12:10Oui, et puis le secret défense, c'est quand même un outil juridique
00:12:14qui permet des fois de masquer un certain nombre de dérives.
00:12:17Je me souviens avoir travaillé sur l'affaire Claude Hermand,
00:12:20qui est un militant d'extrême droite qui a été trafiquant d'armes
00:12:23et qui a importé les armes qui ont servi à commettre les attentats de l'hypercachère.
00:12:29Et Claude Hermand était un indique auprès notamment de la Gendarmerie nationale.
00:12:35Et comme la Gendarmerie nationale, c'est des militaires,
00:12:38tous les rapports étaient classés secret défense,
00:12:41tous les rapports de Claude Hermand.
00:12:43Et le juge s'est battu pendant plusieurs années pour obtenir la déclassification.
00:12:47Et au moment du procès qui s'est tenu à Lille,
00:12:52les militaires sont convoqués, sont interrogés.
00:12:54Et déjà, les militaires demandent et obtiennent un huis clos.
00:12:59Alors, le juge décide de faire un huis clos partiel.
00:13:05Donc, huis clos, ça veut dire qu'il n'y a pas de public.
00:13:06Mais partiel, seuls les journalistes ont le droit d'y assister
00:13:09pour assurer une forme de publicité à l'audience.
00:13:13Et à ce moment-là, on assiste à un mensonge de la part des militaires
00:13:17parce qu'ils commencent à dire, nous n'étions au courant de rien,
00:13:19nous n'étions pas au courant du fait qu'ils trafiquaient,
00:13:22qu'ils vendaient des armes, alors que dans des rapports,
00:13:24on voit des photos des armes prises par l'agent de renseignement.
00:13:27Donc, c'est bien qu'ils étaient au courant puisqu'il y a des photos.
00:13:29Donc, ils mentent.
00:13:30Et quand le gradé est interrogé sur les règles qui définissent,
00:13:36qui encadrent l'encadrement d'une source dans le cadre,
00:13:39quand on est gendarme, le gradé dit,
00:13:42même le corpus, même les règles sont secret défense,
00:13:45je ne peux pas vous répondre.
00:13:46Et ils ont répondu secret défense, secret défense, secret défense,
00:13:49à l'infini.
00:13:50Il n'y a pas eu de suite à ce mensonge qu'ils ont commis devant la justice
00:13:55parce que la justice n'était pas saisie de cette affaire.
00:13:57Oui, mais ça, c'est un énorme problème.
00:13:59En France, on a un dévoiement total du concept de secret défense
00:14:02qui est un mot-valise qui permet de mettre toutes les affaires
00:14:06dont on ne veut pas avoir à se justifier.
00:14:09Mais en fait, il y a un règlement qui fixe les bornes
00:14:13et on ne peut pas l'utiliser pour des motifs illégitimes et arbitraires.
00:14:17C'est une directive de 2021.
00:14:19Mais sauf qu'ensuite, il n'y a personne pour le contrôler.
00:14:22Il n'y a personne pour dire,
00:14:23« Ah bah oui, c'est bon, c'était le bon cas, la bonne application. »
00:14:26En fait, les personnes qui sont, qui notent,
00:14:28qui classent eux-mêmes les documents au secret défense,
00:14:31ce sont eux-mêmes les juges de la bonne application.
00:14:34Donc ça donne des situations absurdes comme ça.
00:14:37Yann, à Mediapart, vous avez aussi subi au moins une tentative de perquisition
00:14:43après avoir publié, je crois, un enregistrement dans le cadre de l'affaire Benalla.
00:14:49Est-ce que tu peux nous raconter un peu cette histoire ?
00:14:50Oui, il faut se remettre dans le contexte de l'époque.
00:14:53On est en 2018, quand l'affaire Benalla éclate.
00:14:56Vous vous souvenez, il a tabassé un des manifestants
00:14:57lors de la manifestation du 1er mai.
00:15:00C'est le monde qui fait la première révélation.
00:15:02Et nous, on embraye assez vite.
00:15:05Et en 2019, on révèle notamment le contenu d'un enregistrement
00:15:10où il y a Benalla et, j'allais dire, son complice et ami Vincent Crase
00:15:15qui discutent.
00:15:16Et cet enregistrement, il est bombesque pour trois raisons.
00:15:19La première, c'est qu'ils sont ensemble alors qu'ils n'ont pas le droit de l'être.
00:15:22Parce que normalement, ils ont l'interdiction de se rencontrer
00:15:25à cause de l'enquête en cours.
00:15:27La deuxième chose, c'est qu'ils se vantent d'avoir toujours le soutien d'Emmanuel Macron.
00:15:31Et la troisième chose, c'est qu'ils discutent d'un contrat extrêmement controversé
00:15:36de sécurité qu'ils ont passé avec un oligarque russe,
00:15:39avec des histoires de société écran, etc.
00:15:41Donc cet enregistrement, il est absolument cata pour Alexandre Benalla
00:15:45et plus généralement pour la Macronie.
00:15:47Et peu de temps après, on voit débarquer à Mediapart
00:15:51un procureur, trois policiers,
00:15:54donc quand même un officier de la brigade criminelle.
00:15:57Donc là, c'est un peu le pendant de ce qui était arrivé à Ariane.
00:16:00C'est-à-dire qu'on se demande bien quel crime on a dû commettre
00:16:02à part publier des informations pour qu'on ait un officier
00:16:06de la brigade criminelle qui vienne.
00:16:09Et donc le procureur nous lance.
00:16:11Ceci est une perquisition.
00:16:14Alors évidemment, on refuse d'ouvrir.
00:16:16On les emmène dans un bureau, dans un étage supérieur.
00:16:21Et heureusement pour nous, comme c'est une enquête préliminaire,
00:16:24donc menée par les procureurs qui ne sont pas statutairement indépendants,
00:16:28ils doivent avoir le coup de tampon d'un juge indépendant
00:16:31pour pouvoir nous forcer à ouvrir.
00:16:34Et en fait, ils n'ont pas osé demander ce coup de tampon
00:16:36d'un juge indépendant, ce qui aurait fait un peu de tâches.
00:16:38Donc du coup, ils ne peuvent pas nous forcer à ouvrir.
00:16:40Du coup, on ne nous voit pas.
00:16:42Là, ils menacent de demander l'autorisation du juge
00:16:46pour nous forcer à ouvrir.
00:16:48Ils sont bons.
00:16:48Sauf qu'entre-temps, on fait du ramdam, on alerte la presse,
00:16:52on fait une conférence de presse.
00:16:54L'indignation est assez générale.
00:16:55Et du coup, ils ne sont jamais revenus.
00:16:57Mais ce qui est très fort, c'est qu'on ne voulait pas laisser passer ça
00:17:00parce qu'on trouvait que c'était trop grave.
00:17:02D'autant plus que, ah oui, quand même pour le contexte,
00:17:04il y avait eu une enquête ouverte judiciaire,
00:17:06justement, notamment pour déterminer si Alexandre Ménala et Vincent Crase
00:17:10avaient violé leur contrôle judiciaire.
00:17:12Et dans le cadre de cette enquête, nous, on avait déjà dit publiquement
00:17:14qu'on était prêts à donner des morceaux pertinents de la bande.
00:17:20C'est-à-dire qu'il n'y a pas besoin d'aller la chercher
00:17:22vu qu'on était prêts à la donner, mais sous certaines conditions,
00:17:25et notamment des conditions qui permettent de respecter
00:17:29le secret des sources.
00:17:30Même problématique que pour Ariane.
00:17:33Donc, c'était totalement absurde de venir chercher
00:17:35cet enregistrement de force.
00:17:36Et du coup, on a attaqué l'État en justice.
00:17:38Et on a gagné en 2022, ce qui est extrêmement rare.
00:17:41Mediapart est l'un des très, très rares médias
00:17:43qui a réussi à faire condamner l'État en justice.
00:17:46Et je voudrais vous lire un petit extrait de ce jugement,
00:17:48parce qu'il est vraiment très intéressant.
00:17:50Que dit le tribunal ?
00:17:52C'est que, en fait, ce que venaient chercher les policiers
00:17:56et les procureurs, ce n'était pas, je cite,
00:17:58« la vérification et l'authenticité du document »,
00:18:01mais les modalités de sa captation,
00:18:05l'investigation qui impliquait nécessairement un aspect
00:18:07au support, donc au fichier informatique,
00:18:09et à ses éventuelles métadonnées
00:18:11qui sont de nature à permettre
00:18:13l'identification de la source.
00:18:16Donc, c'est ça que dit le tribunal.
00:18:17Et c'est pour ça qu'il a condamné l'État.
00:18:19C'est qu'il disait que, en fait,
00:18:20l'objectif caché de cette perquisition,
00:18:23ce n'était pas d'enquêter sur Alexandre Benalla,
00:18:26c'était, encore une fois,
00:18:27d'essayer de trouver la source
00:18:28grâce au fichier original,
00:18:30avec les métadonnées,
00:18:31qui auraient pu permettre, justement,
00:18:33d'identifier cette source.
00:18:35Et c'est pour ça que le tribunal a jugé
00:18:37que cette tentative de perquisition
00:18:38était totalement abusive,
00:18:40parce qu'elle visait à porter atteinte
00:18:42au secret des sources,
00:18:43et aussi, finalement,
00:18:44à décourager plus largement
00:18:45les sources de nous parler.
00:18:47Parce que si les gens se disent
00:18:49« Ah ben zut,
00:18:50dès que je fais une info à Mediapart,
00:18:52ils sont susceptibles d'être perquisitionnés
00:18:53et de mon identité être découverte »,
00:18:55évidemment, ça décourage les gens
00:18:57de nous parler.
00:18:58C'est pour ça qu'on a voulu,
00:19:00j'allais dire, taper très fort,
00:19:01et faire qu'on ait un État
00:19:02ce qu'on a réussi à faire,
00:19:04pour que ça ne se reproduise plus,
00:19:05et que, justement, les sources se disent
00:19:06« Les infos sont sûres chez nous ».
00:19:08Et puis, ça envoie un message
00:19:09à la justice dans son ensemble.
00:19:12Nous, on a eu une journaliste
00:19:13qui a été convoquée au commissariat
00:19:14parce qu'elle avait fait une enquête
00:19:16dans laquelle elle avait raconté
00:19:17qu'un policier était aussi dealer.
00:19:19Et on publie cette enquête
00:19:22et elle est convoquée au commissariat
00:19:24et le policier lui demande très clairement
00:19:26« Quelles sont vos sources ? »
00:19:28Alors, évidemment, nous, on avait dit
00:19:31« On veut bien aller voir cette convocation »,
00:19:34mais accompagnée de l'avocate du Média,
00:19:36évidemment, qui a dit
00:19:37« On ne répondra pas à cette question ».
00:19:40Et elles ont quitté le bureau.
00:19:42Et là, le commissaire de police
00:19:45a menacé d'attaquer la journaliste
00:19:47en justice pour ne pas avoir divulgué ça.
00:19:51Et on a passé un coup de fil au parquet
00:19:52en disant « Mais attendez, c'est quoi cette affaire ? »
00:19:54Et le parquet s'est dégonflé.
00:19:55Et je pense que c'est aussi parce qu'il y a eu
00:19:57Mediapart qui a fait ce genre de procédure
00:20:00que ça garantit un peu plus
00:20:02le secret des sources pour tout le monde,
00:20:03même si, on l'a vu, il est encore attaqué.
00:20:06Est-ce que vous pensez que dans ces affaires,
00:20:08il y a des consignes qui viennent d'en haut ?
00:20:09Est-ce que Emmanuel Macron,
00:20:11est-ce que François Hollande, avant lui,
00:20:14donne des consignes sur la surveillance
00:20:16des journalistes
00:20:18ou c'est de l'ordre du fantasme, tout ça ?
00:20:20Nous, on a eu des informations off
00:20:26de sources qui nous ont dit
00:20:30qu'après l'enquête de Disclose
00:20:32sur les ventes d'armes à l'Arabie saoudite
00:20:35et aux Émirats-Unis,
00:20:36donc c'était en 2019,
00:20:39la première grande enquête de Disclose
00:20:41qui est publiée en partenariat aussi avec Mediapart,
00:20:43ça passe très mal.
00:20:46C'est Emmanuel Macron qui est président à l'époque,
00:20:49ça fait un an qu'il est président,
00:20:51et lors d'une réunion,
00:20:53il dit qu'il faut arrêter ces fuites.
00:20:59C'est insupportable,
00:21:00il faut arrêter ces fuites.
00:21:02Et donc, c'est pris à priori au pied de l'alerte.
00:21:07Ensuite, tout en haut du sommet de l'État,
00:21:10vous avez une parole comme ça,
00:21:11même s'il n'y a pas ensuite d'ordre qui est donné,
00:21:13clair et net,
00:21:14c'est interprété ensuite,
00:21:16potentiellement interprété en tout cas,
00:21:18dans le reste de l'État
00:21:23et du ministère de la Justice.
00:21:27Et effectivement,
00:21:28le média qui a eu le plus de convocations à la DGSI,
00:21:32c'est Disclose.
00:21:33Il y a eu cinq journalistes qui ont été convoqués en tout.
00:21:37Et moi, je suis la dernière
00:21:38qui a été en plus perquisitionnée
00:21:40et placée en garde à vue.
00:21:41mais il est possible.
00:21:44Effectivement, il y a un petit focus
00:21:46sur le média Disclose.
00:21:49En tout cas,
00:21:50je crois qu'il y a une grande sensibilité
00:21:53de cette présidence
00:21:55vis-à-vis des fuites
00:21:58dans la presse,
00:21:59de paroles
00:22:01dont ils n'ont pas envie
00:22:03qu'elles soient dans la presse.
00:22:04et il y a eu récemment Emmanuel Macron
00:22:07qui s'est énervé
00:22:08que des journalistes,
00:22:10je crois que c'était de l'AFP,
00:22:12qui racontaient les coulisses
00:22:14d'une discussion internationale
00:22:17sur le conflit en Palestine.
00:22:20et il a réagi très vivement
00:22:23en disant que c'était des fake news,
00:22:24etc.
00:22:25Et je sens qu'il y a une sensibilité,
00:22:29enfin, je ne sais pas ce que tu en penses,
00:22:30mais assez forte
00:22:32sur la communication
00:22:36et comment les journalistes...
00:22:37Contrôler le discours présidentiel
00:22:39de manière très claire.
00:22:43Walid,
00:22:44toi, tu as connu directement
00:22:46les pressions de l'État.
00:22:48La dictature, oui.
00:22:49La dictature,
00:22:50c'est autre chose, tout à fait.
00:22:51Déjà sous Ben Ali,
00:22:52qui a été président,
00:22:54je mets des guillemets à président,
00:22:55pendant 23 ans.
00:22:58Toi, tu as vécu la censure
00:22:59dans cette période-là.
00:23:01Au quotidien,
00:23:01c'était quoi,
00:23:02un journaliste censuré sous Ben Ali ?
00:23:04Alors, au quotidien,
00:23:04un journaliste censuré sur Ben Ali,
00:23:06il y avait ce qu'on appelait
00:23:07les lignes rouges
00:23:07à l'époque de Ben Ali.
00:23:09Tu ne touches pas à Ben Ali,
00:23:10tu ne touches pas à la politique,
00:23:11tu ne touches pas au Trabilsi.
00:23:12Le Trabilsi,
00:23:12c'est la famille de Laila Ben Ali,
00:23:14l'épouse de Ben Ali.
00:23:15Donc, c'est ses frères et ses sœurs.
00:23:16Pourquoi tu ne touches pas à ça ?
00:23:17Parce que les commerces florissants,
00:23:19l'import, l'export,
00:23:20ils contrôlaient l'État.
00:23:21C'était un État dans un État.
00:23:23C'est les Trabilsi
00:23:24qui contrôlaient tout le pays.
00:23:25Donc, ce qu'on appelait,
00:23:26à cette période-là,
00:23:27les tabous,
00:23:28les lignes rouges,
00:23:29il ne faut pas les toucher.
00:23:37Il va chuter.
00:23:38Donc, je fais un reportage
00:23:40à la grande manifestation
00:23:42de l'avenue Abibourguiba.
00:23:44Et donc, j'écris un article
00:23:45sous forme de billet.
00:23:46La voix du peuple
00:23:47crie à roue sur le régime.
00:23:49Et là, le rédacteur en chef,
00:23:51il la regarde comme ça.
00:23:52Il dit, mais c'est un peu tôt,
00:23:53Ali.
00:23:54C'est un peu tôt, Ali.
00:23:55Il fallait attendre 24 heures
00:23:57avant de l'écriton.
00:23:59Quand j'écris l'article,
00:24:00le temps de le corriger,
00:24:02de l'ajuster et tout ça,
00:24:03Ben Ali, on avait l'information
00:24:05que Ben Ali,
00:24:05il était actuellement
00:24:06à l'Arabie Saoudite.
00:24:07Et donc, après,
00:24:08il y a la révolution du jasmin.
00:24:10C'est une grande bouffée d'air
00:24:11pour le pays.
00:24:13Et toi, on te propose
00:24:14de prendre la rédaction en chef
00:24:15d'une nouvelle chaîne
00:24:16de télévision.
00:24:17C'est une grande boîte.
00:24:18C'est un peu spécifique.
00:24:20Voilà, c'est Cactus Prod
00:24:21qui est une société de production
00:24:22qui est récupérée.
00:24:25Ça fait partie des biens confisqués.
00:24:27Donc, quand Ben Ali,
00:24:28il quitte la Tunisie,
00:24:30il est trabés ici aussi.
00:24:31Sa femme,
00:24:31il laisse des milliards
00:24:32et des milliards.
00:24:33Des châteaux,
00:24:34des villas de luxe,
00:24:35des hôtels,
00:24:35des voitures.
00:24:36Des commerces florissants,
00:24:38donc,
00:24:39des grandes sociétés et tout.
00:24:40Donc, ils contrôlaient
00:24:41toute l'économie.
00:24:42Parmi ces...
00:24:42Donc, ils ont créé
00:24:43ce qu'on appelle
00:24:44une commission
00:24:44des biens confisqués.
00:24:46C'est des milliards
00:24:46et des milliards.
00:24:47Parmi ces biens confisqués,
00:24:48il y avait quatre médias.
00:24:49Quatre médias.
00:24:50Donc, un journal franco-arabe,
00:24:51le Dar Saber,
00:24:53deux radios,
00:24:54Radio Zitona,
00:24:55Radio Shamsafem,
00:24:56et la plus grande boîte
00:24:57de Nord-Afrique,
00:24:58Cactus Prod.
00:24:59C'est une très, très grande boîte.
00:25:00Les studios,
00:25:01c'est un hectare et demi et tout.
00:25:03C'est énorme.
00:25:03C'était la plus grande boîte
00:25:05de production à l'époque.
00:25:07Donc, elle appartenait
00:25:08en 51% à Ben Hassan Trabel,
00:25:10c'est le soeur de Laila Ben Ali,
00:25:11et 49% à notre honte d'affaires
00:25:14qui s'appelle Semil Fahri.
00:25:15Ça a été confisqué.
00:25:16J'ai été approché.
00:25:17Je quitte le quotidien,
00:25:18je suis d'émission.
00:25:18J'ai été approché
00:25:19pour être rédacteur en chef
00:25:20dans cette chaîne-là.
00:25:21On commence.
00:25:22La chaîne achète
00:25:23sa propre fréquence.
00:25:25Je commence petit à petit
00:25:26à découvrir
00:25:27que des logos,
00:25:28notre société s'appelle
00:25:29Cactus Prod,
00:25:29notre logo, c'était simple,
00:25:30un cactus vert.
00:25:31Et on commence à avoir
00:25:33des logos dans nos génériques
00:25:35d'émissions.
00:25:36Samouraï Prod,
00:25:37Viprod,
00:25:38Biprod,
00:25:398prod.
00:25:40Mais c'est qui ces sociétés-là ?
00:25:41Ça n'existe pas.
00:25:42Le personnel, c'est Cactus Prod.
00:25:43Les plateaux, les studios,
00:25:44c'est Cactus Prod.
00:25:45Les techniciens,
00:25:45l'administration,
00:25:46les journalistes,
00:25:47tout ça, c'est Cactus Prod.
00:25:48Et c'est l'État.
00:25:49Je commence ma petite enquête.
00:25:51Le premier choc.
00:25:52Samouraï Prod,
00:25:52cette société-là,
00:25:53je me souviens,
00:25:54des animateurs
00:25:55dans notre chaîne
00:25:56étaient actionnaires,
00:25:58des journalistes,
00:25:58la sœur de Samuel Fahri,
00:26:00la femme de Samuel Fahri.
00:26:02Rappelle qui est Samuel Fahri ?
00:26:03Samuel Fahri,
00:26:04c'était donc,
00:26:05comme je dis,
00:26:06c'était un homme d'affaires
00:26:06qui était l'actionnaire
00:26:0849% avec Baksam Trabelsi.
00:26:10C'était un ancien,
00:26:11un ancien proche
00:26:12du clan Ben Ali
00:26:13qui re-rentrait.
00:26:14Très proche.
00:26:15Et donc,
00:26:16lui,
00:26:16il a été,
00:26:17son 49%
00:26:18a été gelé par l'État.
00:26:19Il ne peut pas,
00:26:20donc il y avait
00:26:20une administratrice judiciaire.
00:26:22Et donc,
00:26:23il a créé
00:26:23avec l'administratrice judiciaire
00:26:25et la juge aussi
00:26:26qui était chargée
00:26:27tout ce montage-là,
00:26:29toutes ces sociétés-là,
00:26:30Hate Prod,
00:26:30ou bien Samouraï Prod,
00:26:32ou bien Viprod,
00:26:33ou bien Biprod,
00:26:34vous allez trouver
00:26:34ou bien un proche
00:26:35de Samuel Fahri,
00:26:36ou bien un membre
00:26:37de sa famille,
00:26:38ou bien un ami d'enfance,
00:26:39ou bien un animateur
00:26:40dans la chaîne.
00:26:41Et c'était quoi
00:26:42le but de ce montage ?
00:26:43Alors,
00:26:43c'est tout à fait simple.
00:26:44C'est quoi les ressources
00:26:45d'une chaîne de télé ?
00:26:47C'est la publicité.
00:26:48Au lieu de verser
00:26:48la publicité à Cactus Prod,
00:26:50ce qui veut dire à l'État,
00:26:51on va verser la publicité
00:26:53de Cactus Prod,
00:26:54du travail qui a été fait
00:26:55par Cactus Prod,
00:26:56par le personnel
00:26:56de Cactus Prod,
00:26:57par les moyens
00:26:57de Cactus Prod,
00:26:58à d'autres boîtes de prod
00:27:01qui sont Samouraï,
00:27:02Viprod,
00:27:03un détournement d'argent
00:27:04et un blanchiment d'argent
00:27:05pur et dur.
00:27:07Et ça avait été organisé
00:27:08donc avec les magistrats ?
00:27:11Ah oui,
00:27:11elle était au courant.
00:27:13Elle ne pouvait pas nier.
00:27:15Et donc,
00:27:15à l'époque,
00:27:17en 2016,
00:27:18on découvre ça en 2016,
00:27:20je dépose plainte
00:27:21avec mon syndicat.
00:27:22J'étais président
00:27:23de section syndicale
00:27:24du syndicat national
00:27:25des journalistes tunisiens.
00:27:26Et donc,
00:27:26comment tu vas faire sortir
00:27:27cette affaire ?
00:27:28Avec,
00:27:30je tiens à remercier,
00:27:31Senawet,
00:27:31c'est un média alternatif
00:27:33tunisien très connu.
00:27:35C'est un site franco-arabe
00:27:36qui va en sortir.
00:27:36C'est un collègue,
00:27:37Yassine Nebli,
00:27:38qui va commencer à enquêter.
00:27:40Et donc,
00:27:40je vais lui donner
00:27:41plein de documents.
00:27:43Il va publier l'enquête
00:27:44en premier lieu en 2018.
00:27:46Ça commence,
00:27:47cette petite enquête,
00:27:47ils ont réouvri
00:27:48une petite enquête
00:27:49et après,
00:27:49ils ont dit,
00:27:50écoutez,
00:27:50on va créer en 2019
00:27:51le premier pôle
00:27:52d'anticorruption.
00:27:53Et c'est qui la première affaire
00:27:55qui va être examinée
00:27:57par ce pôle anticorruption ?
00:27:58C'est l'affaire Cactus Pod
00:27:59encore une fois.
00:28:00Donc,
00:28:01ça traîne
00:28:01et ça traîne
00:28:02du 2018 à 2019.
00:28:03Pourtant,
00:28:04Nawet,
00:28:04elle a fait
00:28:05une très belle enquête
00:28:07et elle a fait
00:28:07deux parties
00:28:08de cette enquête-là.
00:28:09Ça crée une grande polémique.
00:28:10On parle de la chaîne
00:28:11numéro un en Tunisie.
00:28:12J'en peux plus.
00:28:132019,
00:28:13je décide de sortir.
00:28:14Voilà,
00:28:14on va jouer à visage
00:28:16découvert.
00:28:18Je sors dans la radio
00:28:19numéro un,
00:28:20Mosaïc a fait,
00:28:20dans une émission de radio
00:28:2230 minutes
00:28:22où j'explique
00:28:23tout ce qui se passe
00:28:24réellement.
00:28:32Je te jure,
00:28:32le lendemain,
00:28:33j'étais directement
00:28:34contacté par
00:28:35la brigade économique.
00:28:37Bonjour,
00:28:37on recherche monsieur,
00:28:38on a besoin de vous.
00:28:40Vous savez où je suis.
00:28:41On parle de la Tunisie,
00:28:42on parle de 3000 journalistes,
00:28:43on parle de la chaîne numéro un.
00:28:45On ne parle pas de grand monde.
00:28:46Donc,
00:28:46ils le savent très très bien.
00:28:47Et toi,
00:28:48tu as subi des pressions après ça ?
00:28:49Ah oui,
00:28:49j'étais au frigo
00:28:50parce que j'étais président
00:28:51de section syndicale.
00:28:53Ils voulaient me l'assentir.
00:28:54On ne peut pas
00:28:54le licencier.
00:28:55Donc,
00:28:55on va le mettre au frigo
00:28:56pour le licencier.
00:28:57Il faut avoir une procédure
00:28:58un peu spéciale
00:28:58pour un syndicaliste
00:28:59ou bien avoir
00:29:00une faute professionnelle grave.
00:29:02Chose qu'ils ne vont pas trouver.
00:29:03Donc,
00:29:03on va le faire sortir
00:29:05de son bureau
00:29:05et n'est plus
00:29:06au rédacteur en chef.
00:29:07On va le laisser un an
00:29:08comme ça traîner.
00:29:09C'est ses amis
00:29:10qui l'insultent.
00:29:10Des agressions.
00:29:12Oui,
00:29:12j'ai lu ça,
00:29:13des agressions.
00:29:14Ah oui,
00:29:15des agressions.
00:29:16C'est-à-dire,
00:29:16tu es dans la rue.
00:29:17Oui,
00:29:18surtout dans les manifs.
00:29:19Non,
00:29:19surtout dans les manifs.
00:29:20Quand tu fais les manifs,
00:29:22on t'arrête,
00:29:23on t'agresse,
00:29:25on t'envoie des gens.
00:29:26Alors là,
00:29:27on s'en parlait
00:29:27des messages
00:29:29que je reçois
00:29:29sur mon téléphone,
00:29:30sur Facebook surtout.
00:29:32On parlera de Facebook
00:29:32en Tunisie
00:29:33parce que Tunisie
00:29:34est une société facebookienne.
00:29:35C'était de l'harcèlement.
00:29:37C'était de l'harcèlement
00:29:38pour ma famille,
00:29:40pour moi.
00:29:41Mais c'est des anonymes
00:29:41qui te harcèlent.
00:29:42Oui,
00:29:42c'est des anonymes
00:29:43ou bien c'est de la police.
00:29:45C'est la police.
00:29:46Qui ne te déguise même pas.
00:29:47Ah oui,
00:29:48ils t'agressent,
00:29:49ils t'arrêtent.
00:29:50Quand je conduisais
00:29:52ma voiture,
00:29:52j'étais toujours arrêté.
00:29:53J'étais toujours arrêté.
00:29:55Jusqu'au jour
00:29:56où il y a
00:29:57une nouvelle loi
00:29:58qui va être votée.
00:29:59Le fameux
00:30:00décret loi 54.
00:30:01Voilà.
00:30:02Est-ce que tu peux nous expliquer
00:30:03simplement ce que c'est
00:30:04et comment ça t'a amené
00:30:06finalement à quitter
00:30:06la Tunisie ?
00:30:07Alors,
00:30:07le décret loi 54,
00:30:09il faut rappeler
00:30:09qu'Aïsaride le 25 juillet 2021
00:30:11prend le plein pouvoir
00:30:12et il n'en peut plus
00:30:14de cette opposition.
00:30:15A l'époque,
00:30:15quand même,
00:30:16il y avait une grande opposition
00:30:17à ce qui a fait
00:30:18qu'Aïsaride
00:30:19parce qu'il a pris
00:30:19tous les pouvoirs.
00:30:21Il va dissoudre
00:30:23le gouvernement
00:30:24et il va geler le Parlement.
00:30:26Il va prendre le plein pouvoir
00:30:27et il va arrêter aussi
00:30:28la Constitution.
00:30:31Donc,
00:30:31arrête la Constitution
00:30:32de 2014.
00:30:33Donc,
00:30:33il va prendre le plein pouvoir.
00:30:35Il ne pouvait plus.
00:30:36Qu'est-ce qu'il va faire ?
00:30:36Il y avait quand même
00:30:37des...
00:30:38C'est la fin de la démocratie.
00:30:39C'est bon.
00:30:40C'est la rentérée
00:30:40la démocratie même.
00:30:42Donc,
00:30:42qu'est-ce qu'il va faire ?
00:30:43Il va créer
00:30:43ce fameux décret loi 54
00:30:45pour lutte contre
00:30:46les informations,
00:30:47fausses informations
00:30:47et tout ça.
00:30:48En gros,
00:30:49entre 5 et 10 ans
00:30:50de prison
00:30:51et 13 000 euros
00:30:51d'amende.
00:30:53Ce qui permet
00:30:53des arrestations arbitraires.
00:30:55C'est le cas.
00:30:56C'est le cas actuellement.
00:30:57Et moi,
00:30:58donc,
00:30:59lors d'une manifestation
00:31:00qui s'était offerée
00:31:012023,
00:31:02je prends la parole
00:31:03à la Kasbah.
00:31:04La Kasbah,
00:31:05c'est la place du gouvernement
00:31:06en Tunisie.
00:31:07Je dénonce
00:31:07les agissements
00:31:08de Kayes Haïd.
00:31:08La veille,
00:31:09il était au ministère
00:31:09de l'Intérieur.
00:31:10Il a prononcé
00:31:10un discours anti-journaliste.
00:31:12C'est des malfaiteurs.
00:31:13C'est des traîtres.
00:31:13C'est toujours le cas.
00:31:14C'est toujours
00:31:15le discours de Kayes Haïd.
00:31:17Donc,
00:31:17j'étais un peu grossier
00:31:18pour être honnête aussi.
00:31:19Oui,
00:31:19il se prend pour un dieu
00:31:20mais ça a été diffusé largement.
00:31:22Donc,
00:31:23abat cette constitution,
00:31:24constitution de mer.
00:31:25Tu peux la faire
00:31:25en tant que papiers toilettes,
00:31:27un gouvernement de marionnettes.
00:31:28C'était un peu ça,
00:31:29cette manifestation.
00:31:30Oui.
00:31:31Et là,
00:31:31après ce discours public
00:31:33qui a été diffusé
00:31:34massivement sur Internet.
00:31:35Oui.
00:31:38On te fait comprendre
00:31:39ou des gens t'alertent
00:31:41que tu dois partir ?
00:31:42Oui,
00:31:42parce que l'un de ceux
00:31:43que j'ai dénoncés,
00:31:44il a un magistrat,
00:31:45son frère est un magistrat militaire.
00:31:47Et son frère,
00:31:48je vais découvrir ça après,
00:31:49c'est celui qui a fait
00:31:50le sale boulot
00:31:50pour faire taire
00:31:51toute l'opposition
00:31:52de Kayes Haïd.
00:31:53Je parle de l'opposition politique.
00:31:55Donc,
00:31:56il a été amené
00:31:57au ministère des Affaires Sociales
00:31:58pour tenir le dossier
00:31:59des médias confisqués.
00:32:00C'est très très bien
00:32:01que c'est moi
00:32:01qui ai dénoncé
00:32:02son frère et tout
00:32:03ce réseau-là.
00:32:04Et donc,
00:32:05il voulait ma peau
00:32:06à tout prix.
00:32:06Et donc,
00:32:07c'est une source
00:32:08qui te...
00:32:09Non,
00:32:09non,
00:32:09après le mec,
00:32:10je le connais,
00:32:10c'est bon.
00:32:11Donc,
00:32:11ouais.
00:32:13Tu comprends
00:32:13qu'il faut partir ?
00:32:14Non,
00:32:14non,
00:32:14c'est bon.
00:32:15Donc,
00:32:15c'est une source à moi
00:32:15qui m'appelle
00:32:16et me dit,
00:32:16écoute,
00:32:16Walid,
00:32:17là,
00:32:17on ne rigole pas.
00:32:18Est-ce que j'ai eu le temps ?
00:32:19Il me dit,
00:32:19oui,
00:32:20t'as un petit peu de temps,
00:32:20mais écoute,
00:32:21on va t'arrêter
00:32:23et voilà,
00:32:25je décide de quitter.
00:32:26Donc,
00:32:26mon syndicat
00:32:26alerte la Fédération
00:32:28internationale des journalistes
00:32:29et les syndicats
00:32:29ici en France
00:32:30et je quitte la Tunisie
00:32:31directement.
00:32:32Et depuis,
00:32:33t'es jamais retourné
00:32:33en Tunisie ?
00:32:34Je ne peux pas retourner
00:32:35en Tunisie.
00:32:36Bah,
00:32:37sacré affaire,
00:32:37mais bon,
00:32:38c'est toujours difficile
00:32:39de faire des parallèles
00:32:40entre des régimes dictatoriaux,
00:32:43la France
00:32:43qui est quand même
00:32:45une démocratie,
00:32:45on peut parler de démocratie
00:32:47de basse intensité,
00:32:48mais c'est quand même
00:32:48pas exactement la même chose.
00:32:50Mais il y a quand même
00:32:50le sujet de lois
00:32:52qui ont vocation
00:32:53à restreindre
00:32:54des lois liberticides.
00:32:56Alors,
00:32:57peut-être juste
00:32:57une petite parenthèse
00:32:58parce qu'il ne faut pas croire
00:32:59que parce qu'on est
00:33:00dans une démocratie,
00:33:01on est préservé.
00:33:02Alors,
00:33:02heureusement,
00:33:03il n'y a pas de journaliste
00:33:05assassiné en France,
00:33:06croisons les doigts,
00:33:07mais ce que je voudrais rappeler,
00:33:08c'est qu'il y en a en Europe,
00:33:09y compris dans l'Union européenne
00:33:11et dans des pays démocratiques.
00:33:13Je voudrais juste rappeler
00:33:13deux exemples.
00:33:15Celui de la journaliste maltaise
00:33:16Daphne Coramana-Galicia,
00:33:18assassinée en 2017
00:33:19de façon totalement mafieuse,
00:33:21une bombe sous sa voiture,
00:33:22donc il faut imaginer
00:33:22la violence.
00:33:24Elle a travaillé
00:33:24sur les Panama Papers,
00:33:25je me souviens.
00:33:26Elle travaillait
00:33:26sur la corruption
00:33:27du Premier ministre
00:33:28et de ses proches.
00:33:29Donc, vous voyez,
00:33:30elle se fait assassiner
00:33:31parce qu'elle dénonce
00:33:32la corruption
00:33:32du Premier ministre
00:33:33et de son entourage
00:33:34dans un pays démocratique
00:33:35de l'Union européenne.
00:33:36Et quelques mois plus tard seulement,
00:33:38en février 2018,
00:33:39c'est autour de Jeanne Kusiak
00:33:40en Slovaquie,
00:33:41qui lui aussi enquêtait
00:33:42sur le Premier ministre
00:33:43et son cercle proche,
00:33:45et qui lui aussi
00:33:46est assassiné, lui,
00:33:48par balle.
00:33:48Donc, voilà,
00:33:51ça se rapproche.
00:33:52C'est-à-dire qu'il ne faut pas
00:33:52se dire qu'on est
00:33:53complètement immunisé
00:33:54parce qu'on vit
00:33:56dans une démocratie.
00:33:56Et puis, il y a eu
00:33:58des intimidations
00:33:59qui s'apparentent
00:34:00à des tentatives
00:34:00d'assassinat en France.
00:34:03Par exemple,
00:34:03Morgane Large,
00:34:04qui est une journaliste
00:34:05en Bretagne,
00:34:06où ses pneus
00:34:07avaient été déboulonnés
00:34:09ou crevés
00:34:10pour qu'elle ait un accident
00:34:11de voiture.
00:34:14Moi, j'ai une collègue
00:34:14dans le sud de la France
00:34:15aussi qui avait été menacée
00:34:18par un agriculteur
00:34:19qui avait essayé
00:34:20de la renverser
00:34:21avec son tracteur.
00:34:23Il y a aussi des...
00:34:25Oui, je pense,
00:34:26des intimidations
00:34:26qui s'apparentent
00:34:27à des tentatives d'assassinat,
00:34:28y compris en France,
00:34:30dont on ne parle pas
00:34:31ou dont on n'a
00:34:32pas forcément conscience.
00:34:33Et il y a un journaliste
00:34:34Azéri,
00:34:34qui est en exil
00:34:37et qui habite à Nantes,
00:34:38qui a échappé
00:34:39à trois tentatives
00:34:40d'assassinat en France.
00:34:41C'est complètement dingue.
00:34:42Il vit actuellement
00:34:43sous surveillance.
00:34:45Il a pris
00:34:45plus de dix coups de couteau
00:34:47de la lune
00:34:48de ses tentatives.
00:34:49Il vit sous protection.
00:34:50Ils ont arrêté
00:34:51un groupe
00:34:52qui était armé.
00:34:54Ils ont déjà tenté
00:34:55de le tuer trois fois
00:34:56parce qu'il fait
00:34:58des sujets sur YouTube
00:34:59qui critiquent
00:35:01le pouvoir
00:35:01en place
00:35:02en Azerbaïdjan.
00:35:03Et il vit
00:35:04sous protection
00:35:05pour le policière,
00:35:06caché,
00:35:07parce qu'à trois reprises
00:35:09différentes,
00:35:09ils ont tenté
00:35:10de l'exécuter
00:35:11à Nantes.
00:35:11Ici, en France.
00:35:12Ça se passe ici,
00:35:13en France.
00:35:13Ces dernières années,
00:35:14en France,
00:35:15on a vu des lois
00:35:15qui, certaines,
00:35:16sont passées,
00:35:17d'autres qui ont été freinées.
00:35:18Je pense au secret
00:35:19des affaires,
00:35:20qui est quand même
00:35:20une loi qui est...
00:35:21En gros,
00:35:22les secrets de l'économie,
00:35:24je me tourne vers toi,
00:35:24Yann,
00:35:24tu seras peut-être
00:35:25plus fort que moi
00:35:26pour la résumer.
00:35:28Le secret des affaires,
00:35:30c'est une grande innovation
00:35:31qu'on doit à Emmanuel Macron,
00:35:33qui, comme chacun sait,
00:35:34est très pro-business.
00:35:35Il aime les entreprises.
00:35:36C'est la start-up nation.
00:35:38Plus que la démocratie.
00:35:40Et plus que la liberté
00:35:42de la presse.
00:35:43En fait,
00:35:44c'est une loi
00:35:44complètement dingue
00:35:45parce qu'elle,
00:35:46en gros,
00:35:46elle part du principe
00:35:47qu'à partir du moment
00:35:48où une entreprise
00:35:49décide que quelque chose
00:35:50d'interne est secret,
00:35:51c'est secret.
00:35:52Donc c'est quand même
00:35:53très simple,
00:35:54c'est extrêmement pratique
00:35:54pour les grandes entreprises.
00:35:58Et il y a un autre truc dingue
00:35:59dans cette loi,
00:36:00c'est qu'en France,
00:36:02on a la chance
00:36:02d'avoir un droit de la presse
00:36:04qui est vraiment très bien fait.
00:36:06C'est la fameuse loi de 1881
00:36:07sur la liberté de la presse,
00:36:08qui est une des grandes conquêtes
00:36:10de la Troisième République
00:36:10et de la démocratie française.
00:36:12Et elle impose
00:36:14que quand quelqu'un attaque
00:36:15un journaliste,
00:36:16par exemple une entreprise
00:36:17qu'on aurait critiquée,
00:36:18ça se passe devant
00:36:19la Chambre de la presse,
00:36:20la fameuse 17e chambre
00:36:21du tribunal de Paris
00:36:22avec des magistrats
00:36:23qui connaissent extrêmement bien
00:36:24cette loi
00:36:24et qui sont conscients
00:36:26à la fois de la liberté
00:36:27de la presse
00:36:28et aussi des choses
00:36:29que les journalistes
00:36:29doivent respecter
00:36:30pour faire du bon travail.
00:36:32Dans le cadre
00:36:32de la loi sur le secret
00:36:33et les affaires,
00:36:34on n'est pas jugé
00:36:35devant ce tribunal spécialisé,
00:36:37on est jugé devant
00:36:37le tribunal de commerce
00:36:38dont il faut rappeler
00:36:40que les juges
00:36:40sont en fait
00:36:41des chefs d'entreprise
00:36:42élus par leur...
00:36:43Et donc vous avez une loi
00:36:44qui dit
00:36:45bon ben voilà
00:36:45tout ce que l'entreprise
00:36:46a décidé de classer secret,
00:36:48c'est secret.
00:36:48Et pour arbitrer
00:36:49entre ce secret arbitraire
00:36:51et la liberté d'expression
00:36:52et d'information
00:36:52des citoyens,
00:36:53en fait c'est des chefs
00:36:53d'entreprise
00:36:54qui vous jugent
00:36:55donc c'est complètement...
00:36:56Voilà, c'est complètement dingue.
00:36:58C'est bon l'oreille.
00:36:59Voilà, alors heureusement
00:37:00les rares tentatives
00:37:02de museler la presse
00:37:04en faisant appel
00:37:06à cette loi
00:37:07ont échoué.
00:37:08Alors elles ont pu marcher
00:37:08en première instance
00:37:09mais en général
00:37:09elles ont échoué en appel.
00:37:11Par contre,
00:37:12ça a un effet collatéral
00:37:13qui est extrêmement grave,
00:37:15c'est l'accès
00:37:15aux documents administratifs.
00:37:17C'est-à-dire que vous savez
00:37:17qu'il y a une loi en France
00:37:18qui permet à n'importe quel citoyen
00:37:19et pas seulement aux journalistes
00:37:21d'accéder aux documents administratifs
00:37:22de façon libre
00:37:24et il y a une commission spécialisée
00:37:26qui s'appelle la CADA
00:37:27qui, quand par exemple
00:37:28un ministère refuse
00:37:29de nous donner des documents,
00:37:30peut ordonner à ce ministère
00:37:32de nous les donner.
00:37:33Et on voit
00:37:34qu'il y a de plus en plus
00:37:35de demandes d'accès
00:37:36aux documents administratifs
00:37:37qui sont en fait refusées
00:37:39au nom du secret des affaires.
00:37:40Pour vous donner
00:37:41un exemple très simple,
00:37:42on avait beaucoup enquêté
00:37:43sur les fameux masques
00:37:46de protection pendant le Covid.
00:37:48Il y avait une énorme polémique
00:37:49à ce sujet
00:37:49et on avait demandé
00:37:51les contrats tout simplement
00:37:52d'achat de masques
00:37:53au ministère de la Santé.
00:37:54Là, on parle de dizaines
00:37:55et de dizaines de millions d'euros.
00:37:56Donc évidemment,
00:37:57c'était d'intérêt public
00:37:58de savoir à qui l'État
00:37:59a acheté ces masques,
00:38:00comment, etc.
00:38:01Quel prix ?
00:38:02Et la CADA a refusé
00:38:05de nous donner ces informations
00:38:06au nom du secret des affaires
00:38:07parce qu'il faut protéger
00:38:08les entreprises
00:38:09qui ont vendu
00:38:10ces masques à l'État.
00:38:12Alors même que ces masques
00:38:12ont été achetés
00:38:13avec de l'argent public,
00:38:14ce qui est évidemment
00:38:15totalement absurde.
00:38:16Puis, ces attaques
00:38:18devant le tribunal du commerce
00:38:20ont aussi vocation
00:38:21à intimider les journalistes.
00:38:24Reflet.info
00:38:24qui avait bossé
00:38:25sur les dry leaks
00:38:26avait été attaqué
00:38:28devant le tribunal du commerce
00:38:29au prétexte du secret des affaires.
00:38:31Ils avaient été condamnés
00:38:33et la décision de justice
00:38:34était complètement dingue.
00:38:35Elle disait
00:38:35« Ce que vous avez publié,
00:38:37on reconnaît que c'est
00:38:38d'intérêt général,
00:38:40mais comme à l'avenir
00:38:41vous pourriez violer
00:38:43le secret des affaires,
00:38:44vous n'avez plus le droit
00:38:45de publier quoi que ce soit.
00:38:46Et c'est à ce moment-là
00:38:47qu'ils avaient appelé
00:38:48différents médias,
00:38:49Blast et Street Press,
00:38:50et qu'on avait décidé
00:38:51de passer outre
00:38:52cette première décision
00:38:53et de publier
00:38:54de nouvelles enquêtes.
00:38:55Et vous avez gagné en appel.
00:38:56Et on a gagné en appel.
00:38:57Mais on a publié
00:38:58dans l'entre-deux.
00:38:59Donc il y avait un moment
00:39:00où on allait
00:39:01contre une décision de justice
00:39:03alors qu'il n'était pas définitive,
00:39:05mais quand même
00:39:05avec un risque juridique
00:39:06qui était extrêmement fort.
00:39:08Et là, le but était clairement
00:39:09d'empêcher
00:39:10les nouvelles enquêtes
00:39:11puisque c'était écrit
00:39:12dans la décision de justice.
00:39:14Oui, c'était un acte de censure
00:39:15a priori,
00:39:16ce qui était inédit.
00:39:17Oui, au préalable,
00:39:19c'est « Arrêtez-vous là,
00:39:20il n'y a rien d'intéressant. »
00:39:22Alors qu'il y avait quand même
00:39:23un certain nombre d'éléments
00:39:24d'intérêt public
00:39:25et notamment,
00:39:26ces documents ont permis
00:39:28de révéler
00:39:29une fraude fiscale
00:39:31en Suisse
00:39:31assez massive
00:39:32de Patrick Drahi
00:39:34et comment il avait tenté
00:39:35de limiter l'impôt
00:39:38qu'il devait payer
00:39:39en faisant croire
00:39:40qu'il avait quitté sa femme
00:39:41alors qu'ils habitaient
00:39:42encore ensemble.
00:39:43Et pour des questions
00:39:44de domiciliation,
00:39:46il avait fait croire
00:39:46qu'il ne vivait plus
00:39:48avec son épouse
00:39:49qui relève de la vie privée
00:39:50sauf si ça permet
00:39:51d'éviter les impôts.
00:39:53Et ces documents
00:39:55démontraient absolument
00:39:55le contraire
00:39:56parce que dans les leaks,
00:39:58on avait
00:39:58tout un tas de documents
00:40:00qui relèvent du quotidien
00:40:02mais qui montrent
00:40:02que ce quotidien
00:40:03se fait en commun.
00:40:04La liste des shampoings
00:40:05quand ils partent en vacances,
00:40:07les marques de yaourt,
00:40:08etc.
00:40:09Mais c'est ces petits éléments
00:40:10qui démontrent
00:40:11qu'au quotidien,
00:40:12ils sont ensemble.
00:40:12Ils sont ensemble.
00:40:13Puisque,
00:40:14c'était écrit
00:40:15dans des tableaux,
00:40:16les shampoings
00:40:17pour Madame Drahi,
00:40:18etc.
00:40:18La France n'est donc pas
00:40:22toujours aussi fan
00:40:24de la liberté de l'expression,
00:40:26enfin de la liberté de la presse.
00:40:27Ariane,
00:40:27tu as publié une enquête
00:40:28dans laquelle
00:40:29tu révèles
00:40:30qu'elle a tenté
00:40:31avec d'autres pays
00:40:31de torpiller une loi
00:40:33qui au niveau européen
00:40:35devait consacrer
00:40:36un peu plus
00:40:36cette liberté.
00:40:37Tu peux nous raconter ?
00:40:38C'est vrai qu'au niveau européen,
00:40:40la France a un devisage.
00:40:43Devant ses partenaires européens,
00:40:45au Conseil de l'Europe,
00:40:46elle fait partie des Amis
00:40:47de la liberté de la presse.
00:40:49C'est un groupe officiel.
00:40:50Oui, oui,
00:40:51c'est la vérité.
00:40:53Et donc,
00:40:54la France se considère
00:40:55sincèrement
00:40:56comme un pays phare
00:40:59en termes de liberté de la presse.
00:41:01Le problème,
00:41:02c'est que dans les faits,
00:41:03dans la réalité,
00:41:05c'est le pays
00:41:06qui milite
00:41:07le plus
00:41:08ces dernières années
00:41:09pour limiter
00:41:10la liberté de la presse.
00:41:11Et en particulier
00:41:12pour pouvoir
00:41:14surveiller
00:41:15les journalistes.
00:41:17Et un des exemples
00:41:18les plus récents,
00:41:19c'est son activisme
00:41:20au cours
00:41:21des négociations
00:41:22sur la loi
00:41:23sur la liberté
00:41:24des médias,
00:41:24le Media Freedom Act,
00:41:26qui était une loi
00:41:27en 2023
00:41:29dont le but était
00:41:30d'assurer
00:41:31une sorte
00:41:31de standard minimum
00:41:32d'indépendance
00:41:33pour tous les médias
00:41:34européens
00:41:36qui sont soumis
00:41:37à des pressions
00:41:37très fortes,
00:41:38notamment à l'Est,
00:41:40en Hongrie,
00:41:41notamment,
00:41:41du pouvoir politique.
00:41:44Donc,
00:41:44il y avait des éléments
00:41:45utiles
00:41:46dans cette loi-là.
00:41:48Mais la France
00:41:49a milité
00:41:50pour qu'on puisse utiliser,
00:41:51qu'on pervertisse
00:41:52en fait un des articles
00:41:53qui disait
00:41:54au départ
00:41:55qu'on ne doit pas utiliser
00:41:56des logiciels espions
00:41:58pour surveiller les journalistes,
00:41:59pour savoir qui sont leurs sources,
00:42:01qui leur parlent,
00:42:01qui leur transmettent
00:42:02des informations.
00:42:03Et la France a dit
00:42:04« Ouh là là,
00:42:05qu'est-ce que c'est
00:42:05que cet article ? »
00:42:06Il faut absolument
00:42:07qu'on ait une dérogation
00:42:08et que derrière ce titre
00:42:10très général
00:42:11qui dit
00:42:11« Non, interdit
00:42:12d'utiliser des logiciels espions,
00:42:14qu'on ait le droit
00:42:14de l'utiliser
00:42:15quand la sécurité nationale
00:42:17est menacée. »
00:42:18Ce qui est un terme
00:42:18bien pratique
00:42:19parce que très vague.
00:42:20Alors,
00:42:21dans les dictatures,
00:42:22on connaît très bien
00:42:22ce mot.
00:42:23Ah oui, ça, c'est ça.
00:42:24C'est le mot préféré
00:42:25des dictatures
00:42:26parce que ça permet
00:42:27de mettre tout dedans.
00:42:29Les opposants,
00:42:30les gens qui critiquent,
00:42:32les manifestants
00:42:32qui disent
00:42:33que le ticket du métro
00:42:34a augmenté
00:42:34et qu'ils protestent.
00:42:36C'est tout un tas de gens.
00:42:38Ou les journalistes
00:42:39qui révèlent des documents
00:42:40classés secret défense.
00:42:42Et donc,
00:42:43en France,
00:42:43on a peut-être
00:42:44pour le moment
00:42:45une définition
00:42:46un peu plus restreinte
00:42:47que dans des dictatures.
00:42:49Mais néanmoins,
00:42:50les dernières années
00:42:51ont montré
00:42:51qu'on pouvait l'utiliser
00:42:52de manière assez large.
00:42:55Et c'est tout le problème.
00:42:56Ce n'est pas défini.
00:42:57Et donc,
00:42:57dans le cadre
00:42:58d'un énorme mouvement social,
00:43:00on peut décider
00:43:01que ça porte atteinte
00:43:02à la sécurité nationale.
00:43:03Et donc,
00:43:03on a l'utilité
00:43:05de placer sous surveillance
00:43:07des journalistes.
00:43:07Et on en est où ?
00:43:08Qu'est-ce qui s'est passé
00:43:08après cette révélation ?
00:43:09Alors,
00:43:09après cette enquête,
00:43:10c'était pas juste moi,
00:43:11mais c'était une enquête
00:43:13collective
00:43:13avec une dizaine
00:43:14de médias européens,
00:43:16notamment le collectif
00:43:17de journalistes européens
00:43:18Investigate Europe.
00:43:20Donc,
00:43:20on a publié
00:43:21simultanément
00:43:22dans plein
00:43:23de médias européens.
00:43:24Chaque,
00:43:25à Chypre
00:43:26et en Grèce,
00:43:27les gouvernements,
00:43:28par exemple,
00:43:28ont été obligés
00:43:29de s'expliquer
00:43:29parce que la France
00:43:30n'était pas toute seule
00:43:31dans cette histoire.
00:43:32Elle a embarqué
00:43:32six autres pays
00:43:33et notamment la Hongrie,
00:43:35Chypre,
00:43:36Grèce,
00:43:36la Grèce.
00:43:38Et donc,
00:43:39finalement,
00:43:40ça a créé
00:43:40un émoi
00:43:41à Bruxelles.
00:43:43la France
00:43:43a dû rétro-pédaler
00:43:45un petit peu
00:43:45sous la pression
00:43:47aussi d'ONG
00:43:48comme Reporters
00:43:49sans frontières.
00:43:51Et finalement,
00:43:52la loi
00:43:53est un peu moins
00:43:54liberticide
00:43:55que prévue.
00:43:56C'est-à-dire
00:43:56que la dérogation
00:43:57n'est pas aussi explicite.
00:44:00Elle n'est pas totalement
00:44:02éliminée non plus.
00:44:03C'est-à-dire que
00:44:04si les États
00:44:04veulent vraiment recourir
00:44:05à des logiciels
00:44:06espions contre des journalistes,
00:44:08ils le pourront
00:44:10parce que c'est dans
00:44:11un alinéa
00:44:12de la loi européenne.
00:44:14Mais c'est moins flagrant
00:44:16que le texte
00:44:18sur lequel
00:44:19avait milité
00:44:20la France.
00:44:21Et ce texte
00:44:22de loi,
00:44:23par ailleurs,
00:44:25permet aussi
00:44:26aux forces de police
00:44:28de placer sous surveillance
00:44:30ou de perquisitionner,
00:44:31d'interroger des journalistes
00:44:32dans une liste
00:44:33de 32 délits
00:44:34et qui sont très vastes.
00:44:37Il y a du sabotage,
00:44:38quand on porte atteinte
00:44:41à la propriété privée,
00:44:43crimes environnementaux,
00:44:44etc.
00:44:45Et donc,
00:44:46de toute manière,
00:44:48cette loi
00:44:49est quand même
00:44:49assez permissive.
00:44:51Le cadre général
00:44:52se dit
00:44:53de dire
00:44:53« Vous n'avez pas le droit
00:44:54de porter atteinte
00:44:55au secret des sources. »
00:44:56Mais il y a tellement
00:44:58d'exceptions
00:44:58qu'en réalité,
00:44:59ce droit n'est pas vraiment
00:45:00très bien protégé.
00:45:02Et par exemple,
00:45:03après cette loi-là,
00:45:04je peux toujours
00:45:05être repérisionnée,
00:45:07replacée en garde à vue,
00:45:08tout le monde peut l'être
00:45:09encore à nouveau.
00:45:11Ça ne change pas
00:45:12fondamentalement
00:45:13les choses.
00:45:15On a parlé beaucoup
00:45:16des pressions émanant
00:45:17des États.
00:45:19Mais dans notre travail
00:45:20des journalistes,
00:45:21on est quand même
00:45:21confronté souvent
00:45:23à des entreprises privées.
00:45:25Alors toi, Yann,
00:45:26tu as été confronté
00:45:27plein de fois,
00:45:27parce que tu bosses
00:45:28sur l'économie,
00:45:29à des entreprises privées.
00:45:30Dans le cas du PSG,
00:45:32parce qu'on en a parlé
00:45:33pas mal dans les médias
00:45:34récemment,
00:45:35tu as été confronté
00:45:35à un acteur privé,
00:45:36le PSG,
00:45:37avec un acteur
00:45:38qui était un État
00:45:38derrière le Qatar.
00:45:40D'abord,
00:45:40tout part des Football Leaks.
00:45:42Rapidement,
00:45:43tu peux nous expliquer
00:45:43ce que c'est,
00:45:44revenir sur cet éthère.
00:45:45C'est que, en fait,
00:45:47ce qui m'est arrivé,
00:45:47c'est que moi,
00:45:48j'enquête sur le PSG
00:45:49depuis très longtemps.
00:45:50Et plus, en fait,
00:45:51avant d'enquêter sur le PSG,
00:45:52j'ai enquêté sur l'affaire
00:45:53de la Coupe du Monde
00:45:54au Qatar,
00:45:55qui, comme chacun sait,
00:45:57est entachée
00:45:58de très, très fortes
00:45:59options de corruption.
00:46:00Donc, je commence
00:46:01à m'intéresser
00:46:01au patron du PSG,
00:46:05comme ça,
00:46:05Nasser El Khelaifi,
00:46:06parce qu'il a aussi
00:46:06joué un rôle
00:46:07dans, on va dire,
00:46:09les manœuvres
00:46:09pas très claires
00:46:10du Qatar
00:46:11pour obtenir
00:46:12divers événements sportifs,
00:46:14dont la Coupe du Monde
00:46:15est les championnats
00:46:16du monde d'athlétisme.
00:46:17Et ensuite,
00:46:17arrivent les Football Leaks,
00:46:18qui sont une énorme fuite
00:46:20de données
00:46:20sur le monde du football,
00:46:22qu'on publie en deux saisons,
00:46:23en 2016 et en 2018,
00:46:24avec le consortium européen
00:46:25EIC,
00:46:26dont tu as parlé tout à l'heure,
00:46:28et qui révèle,
00:46:29là aussi,
00:46:30pas mal de turpitudes
00:46:31du PSG,
00:46:32notamment ce qu'on appelle
00:46:33le dopage financier,
00:46:34le fait qu'ils sont
00:46:34arrosés de gazodollars
00:46:36par le Qatar
00:46:37pour être plus riches
00:46:38et pour gagner.
00:46:39Et aussi,
00:46:39une affaire
00:46:40qui a été très embarrassante
00:46:41pour eux,
00:46:42qui est des cas
00:46:43de fichage ethnique
00:46:44et même de discrimination
00:46:45ethnique
00:46:46au sein du club,
00:46:47où les jeunes joueurs
00:46:49étaient fichés
00:46:50comme étant
00:46:51noirs,
00:46:52maghrébins
00:46:53ou, je cite,
00:46:53français.
00:46:54Français,
00:46:54ça voulait dire blanc.
00:46:56Voilà,
00:46:56donc chacun appréciera
00:46:57la classification interne.
00:47:00Bref.
00:47:01Et là,
00:47:01il m'est arrivé
00:47:02une première chose,
00:47:04c'est que,
00:47:05en fait,
00:47:05j'ai été victime
00:47:07d'une tentative
00:47:07de piratage informatique
00:47:09assez sophistiquée.
00:47:11C'est-à-dire que j'ai reçu
00:47:11un mail
00:47:12qui venait,
00:47:16en tout cas,
00:47:17apparaissait
00:47:17comme venant
00:47:18d'un membre
00:47:18de ma famille proche.
00:47:20En fait,
00:47:21c'était une notification
00:47:21au Flickr.
00:47:22Flickr,
00:47:22c'est un site
00:47:23de partage de photos
00:47:23et donc,
00:47:24il y avait ce membre
00:47:25de ma famille
00:47:25qui me disait,
00:47:26Yann,
00:47:26j'ai mis des photos
00:47:27pour toi sur Flickr,
00:47:28va les télécharger.
00:47:30Donc,
00:47:30je clique,
00:47:31mais en fait,
00:47:31je me rends compte
00:47:32que je clique
00:47:34parce que j'étais en vacances.
00:47:35Bref,
00:47:36mais j'ai un tilde
00:47:38dans mon cerveau.
00:47:40Donc,
00:47:40tout de suite,
00:47:40je ferme la page
00:47:41sur mon téléphone,
00:47:42j'enlève la carte SIM,
00:47:43j'éteins le téléphone,
00:47:45voilà,
00:47:45j'appelle Mediapart
00:47:46avec le téléphone
00:47:47de ma femme
00:47:47qui était à côté de moi.
00:47:49Bon,
00:47:50ensuite,
00:47:51j'appelle
00:47:51cette membre
00:47:52de ma famille
00:47:52qui me dit,
00:47:53ben non,
00:47:54je ne t'ai jamais rien envoyé.
00:47:56Voilà.
00:47:57Et,
00:47:57bon,
00:47:57du coup,
00:47:57on me change tout,
00:47:58mes téléphones,
00:47:59mes ordinateurs.
00:48:00Et ensuite,
00:48:01on fait une petite enquête
00:48:02pour essayer de savoir
00:48:03d'où venaient les photos.
00:48:04Parce que,
00:48:05dans le mail,
00:48:05il y avait des photos
00:48:07qui étaient censées m'appater
00:48:08et qui étaient des photos
00:48:09des enfants
00:48:10de ce membre de ma famille.
00:48:13Et donc,
00:48:14on cherche,
00:48:14on cherche,
00:48:15et les photos,
00:48:15elles ne sont pas
00:48:16sur les réseaux sociaux,
00:48:17elles ne sont pas
00:48:17sur son Facebook,
00:48:18voilà.
00:48:18et un jour,
00:48:22ce membre de ma famille
00:48:23m'appelle et me dit,
00:48:24ben Yann,
00:48:24j'ai trouvé,
00:48:25en fait,
00:48:25les photos,
00:48:25elles sont sur le frigo.
00:48:27Et c'était les photos
00:48:28du faire-part de naissance
00:48:29d'un des enfants,
00:48:32donc,
00:48:32de ce membre de ma famille,
00:48:34que moi,
00:48:34j'avais reçu
00:48:35qu'en version papier,
00:48:36que je n'avais même plus,
00:48:37voilà.
00:48:38Et donc,
00:48:40il y a un mystère
00:48:40qui plane,
00:48:42qui est comment
00:48:42les pirates ont réussi
00:48:44à obtenir
00:48:46ces photos
00:48:46que moi,
00:48:48je n'avais nulle part
00:48:49en version numérique
00:48:49sur mes différents appareils,
00:48:51ce qui est logique,
00:48:52parce que,
00:48:52vu qu'ils essayaient
00:48:53de me pirater,
00:48:53s'ils avaient réussi
00:48:54à me pirater,
00:48:55enfin,
00:48:55bref,
00:48:55voilà.
00:48:56Et la suite de l'histoire,
00:48:58c'est que,
00:48:59quelques temps plus tard,
00:49:00je crois,
00:49:00deux ans plus tard,
00:49:01il y a eu une enquête
00:49:02du Sunday Times
00:49:03qui,
00:49:05en fait,
00:49:05a mis au jour
00:49:06une vaste opération
00:49:07de piratage,
00:49:09en fait,
00:49:10qui aurait été orchestrée
00:49:11par des hackers indiens
00:49:12pilotés par une officine suisse
00:49:15pour le compte
00:49:15de divers clients
00:49:16dont le Qatar,
00:49:18avec des cibles
00:49:20de haut niveau,
00:49:21par exemple,
00:49:22selon cette enquête,
00:49:23ils auraient également
00:49:23tenté de pirater
00:49:25Michel Platini,
00:49:26et ce qui est drôle,
00:49:27c'est qu'ils auraient
00:49:28tenté de le pirater,
00:49:29en fait,
00:49:30peu avant
00:49:30qu'il soit auditionné
00:49:31par la police,
00:49:32justement,
00:49:32dans l'affaire
00:49:33de la Coupe du Monde
00:49:34au Qatar,
00:49:35alors peut-être,
00:49:35je ne sais pas,
00:49:35pour savoir
00:49:36s'il allait balancer,
00:49:38bref,
00:49:40et donc,
00:49:41selon le Sunday Times,
00:49:42c'est bien le Qatar
00:49:43qui aurait tenté
00:49:44de me pirater,
00:49:46alors le Qatar a démenti,
00:49:47donc on ne saura pas,
00:49:49voilà,
00:49:50aujourd'hui,
00:49:50on ne sait toujours pas
00:49:51ce qu'il en est,
00:49:52voilà,
00:49:53et donc,
00:49:54j'insiste là-dessus
00:49:55parce que,
00:49:56au-delà des menaces,
00:49:58en fait,
00:49:58aujourd'hui,
00:49:58les logiciels d'espion
00:49:59dont tu parlais,
00:50:00Ariane,
00:50:01c'est vraiment,
00:50:01pour moi,
00:50:01la menace numéro un,
00:50:02en fait,
00:50:03beaucoup plus
00:50:03que les menaces physiques
00:50:04qui sont heureusement
00:50:05très rares,
00:50:07parce qu'aujourd'hui,
00:50:07il y a des logiciels d'espion,
00:50:08les deux plus connus
00:50:09étant Pegasus
00:50:10et Predator
00:50:11qui permettent
00:50:12de pirater un téléphone
00:50:13quasiment instantanément.
00:50:16Pegasus,
00:50:17l'un des logiciels espions
00:50:18les plus intrusifs au monde,
00:50:20créés par une société
00:50:21fondée en Israël.
00:50:22Certains,
00:50:23même en mode zéro clic,
00:50:24c'est-à-dire,
00:50:24il n'y a même pas besoin
00:50:24de cliquer sur un lien
00:50:25qu'on vous envoie,
00:50:26comme ce qui m'est arrivé,
00:50:27le téléphone est piraté
00:50:29comme ça
00:50:29sans qu'il n'y ait
00:50:30absolument rien à faire,
00:50:30sans qu'il n'y ait
00:50:31aucune action de l'utilisateur,
00:50:32et à ce moment-là,
00:50:33les gens ont accès
00:50:34à tout,
00:50:34à vos messages,
00:50:35peuvent activer à distance
00:50:37le micro,
00:50:37à la caméra,
00:50:39etc.
00:50:39Et comment tu fais
00:50:40pour t'en prémunir
00:50:41au quotidien ?
00:50:42C'est très difficile.
00:50:45Moi,
00:50:45j'ai une cage de faraday.
00:50:46En fait,
00:50:46ça coupe physiquement
00:50:48toutes les ondes,
00:50:50le Wi-Fi,
00:50:50le GSM,
00:50:51le GPS,
00:50:52etc.
00:50:52Donc,
00:50:52c'est une petite pochette.
00:50:53Donc,
00:50:54après,
00:50:54il y a des mesures de prudence,
00:50:56mais c'est difficile
00:50:57de se prémunir
00:50:58contre ces outils
00:50:59qui sont extrêmement puissants.
00:51:02Et aujourd'hui,
00:51:03c'est vraiment
00:51:03une très,
00:51:04très grande menace
00:51:05pour la liberté de la presse.
00:51:07Peut-être pour finir là-dessus,
00:51:08on a fait
00:51:08une grande enquête
00:51:10avec le même consortium
00:51:11qui s'appelle
00:51:12les Predator Files.
00:51:13Et on a fait
00:51:14une interview
00:51:15dans le cadre
00:51:15de cette enquête
00:51:15d'un journaliste grec
00:51:17qui, justement,
00:51:17s'est fait pirater
00:51:18par Predator.
00:51:19Et c'était vraiment
00:51:20au poignant
00:51:20parce qu'il explique
00:51:22qu'il se fait pirater
00:51:24et tout d'un coup,
00:51:25il constate
00:51:26que la plupart
00:51:28de ses sources
00:51:29sont virées,
00:51:30mutées.
00:51:32C'est-à-dire,
00:51:32il avait dans ses sources
00:51:33des gens assez haut placés.
00:51:35C'était un journaliste
00:51:35d'investigation
00:51:36très connu en Grèce,
00:51:37des hauts fonctionnaires,
00:51:37etc.
00:51:39Et il nous raconte,
00:51:40et là,
00:51:40c'est là où c'est vraiment poignant,
00:51:42que lui,
00:51:43il a honte.
00:51:43Enfin,
00:51:44c'est évidemment pas de sa faute.
00:51:45Mais il dit,
00:51:46mais à cause de moi,
00:51:47ces gens-là
00:51:48ont vu leur carrière ruinée,
00:51:49ont été écartés
00:51:50de l'administration,
00:51:51etc.
00:51:51tout ça parce que son téléphone
00:51:53a été piraté
00:51:54et que les services secrets grecs
00:51:56ont pu identifier ses sources.
00:51:58Et donc,
00:51:58l'État grec,
00:51:59en fait,
00:52:00s'est vengé,
00:52:01notamment vis-à-vis
00:52:03de ses sources
00:52:03qui travaillaient
00:52:04dans la fonction publique
00:52:05et qui ont été virées
00:52:06ou placardisées.
00:52:07Donc,
00:52:07ça montre,
00:52:08en fait,
00:52:08le danger énorme
00:52:10que peut provoquer
00:52:11ce type de logiciel espion
00:52:13quand il est utilisé
00:52:15pour pirater un journaliste,
00:52:17et en particulier
00:52:18un journaliste d'investigation.
00:52:18Dans des pays démocratiques,
00:52:20du coup ?
00:52:21Oui,
00:52:21et puis c'est des logiciels
00:52:22qui ont été utilisés
00:52:23par un certain nombre
00:52:24de régimes non démocratiques
00:52:26et qui ont quand même
00:52:26mené à des exécutions.
00:52:28L'Arabie Saoudite,
00:52:30les Émirats Arabes Unis,
00:52:31l'Azerbaïdjan,
00:52:32l'Inde,
00:52:33la Hongrie en Europe,
00:52:34le Mexique,
00:52:35le Rwanda
00:52:35ou encore le Maroc
00:52:36ont utilisé
00:52:38ce logiciel Pegasus.
00:52:40Les révélations
00:52:40du consortium
00:52:41montrent aussi
00:52:42que des militants,
00:52:44des journalistes
00:52:44ont été traqués,
00:52:46emprisonnés,
00:52:47intimidés
00:52:47et parfois tués.
00:52:49Et notamment,
00:52:49on sait qu'il y a eu
00:52:50des traces d'infection
00:52:51par ces logiciels espions
00:52:53sur les téléphones
00:52:54de plusieurs proches
00:52:55du célèbre journaliste
00:52:56saoudien,
00:52:57Jamal Khashoggi,
00:52:58qui a été assassiné
00:53:00et découpé,
00:53:01démembré
00:53:01par les services secrets
00:53:04saoudiens
00:53:05dans le consulat
00:53:07en Turquie.
00:53:09Mais peut-être juste
00:53:10quelque chose
00:53:11sur le fait que,
00:53:12effectivement,
00:53:12on est une démocratie,
00:53:13la France est encore
00:53:14une démocratie
00:53:15par ses institutions,
00:53:17mais le fait que,
00:53:18dans la pratique,
00:53:18elle milite
00:53:19pour des mesures
00:53:21liberticides
00:53:21au niveau de l'Europe
00:53:23et qu'elle,
00:53:25par exemple,
00:53:25place en garde à vue
00:53:26des journalistes,
00:53:27interroge,
00:53:28intimide des journalistes,
00:53:30en fait,
00:53:30ça envoie des signaux
00:53:32positifs
00:53:33aux dictatures.
00:53:34Ça leur dit,
00:53:36en fait,
00:53:36ce que vous faites,
00:53:37on ne va pas vous taper dessus
00:53:39et finalement,
00:53:40ce n'est pas très très grave.
00:53:41Donc ça crée
00:53:42une sorte de permissivité
00:53:44internationale
00:53:45d'attaque
00:53:47contre la liberté
00:53:48de la presse
00:53:49et dans mon cas
00:53:50très précis,
00:53:51il y a le président
00:53:51de la République démocratique
00:53:53du Congo
00:53:54qui a cité
00:53:55mon affaire,
00:53:57mon emplacement
00:53:57en garde à vue
00:53:58pour justifier
00:53:59le fait qu'il s'en prenne
00:54:00à un autre journaliste
00:54:01d'investigation.
00:54:02Le président
00:54:02de la République démocratique
00:54:03du Congo,
00:54:04Félix Tshisekedi,
00:54:06ne s'y est pas trompé
00:54:06ce week-end.
00:54:07Interrogé à l'ONU
00:54:08sur l'arrestation arbitraire
00:54:10du journaliste
00:54:11Stanis Boujakaira Tchiamala,
00:54:14il a rappelé
00:54:14l'arrestation en France
00:54:15de la journaliste
00:54:16Ariane Lavrieux
00:54:17pour illustrer
00:54:18la parfaite légitimité
00:54:19de l'arrestation
00:54:20du journaliste congolais.
00:54:21Ça crée
00:54:22un cercle vicieux
00:54:23de permissivité
00:54:24et ça donne
00:54:27une sorte de feu vert
00:54:28aux dictatures
00:54:29pour aller encore plus loin
00:54:30dans les attaques
00:54:31contre la société civile
00:54:33et contre les journalistes.
00:54:35Donc,
00:54:35quand on se bat
00:54:36ici aussi
00:54:37pour préserver
00:54:38une forme de liberté
00:54:41de la presse,
00:54:41ça sert aussi
00:54:43aux militants,
00:54:44aux journalistes
00:54:45en Tunisie
00:54:46et en Égypte
00:54:46d'ailleurs
00:54:47qui se battent
00:54:48parce que
00:54:49si on a plus
00:54:50ce cocon-là
00:54:51en France,
00:54:52derrière,
00:54:53on ne peut pas aider
00:54:54les autres journalistes
00:54:55dans les terrains
00:54:56encore plus dangereux.
00:54:57Il y a le risque
00:54:59d'autocensure
00:54:59parce qu'il y a
00:55:00un climat de port.
00:55:01Quand les journalistes
00:55:01entendent un peu
00:55:02nos histoires
00:55:03un petit peu,
00:55:03c'est des agressions
00:55:04et d'autres histoires
00:55:04un peu choquantes.
00:55:06Donc,
00:55:06il y a des jeunes journalistes
00:55:07ou bien des gens
00:55:07qui vont dire
00:55:08écoutez,
00:55:08moi,
00:55:09c'est intouchable
00:55:09pour moi,
00:55:10c'est tel sujet.
00:55:10Non,
00:55:11on ne touche pas
00:55:11parce qu'on risque
00:55:12des agressions,
00:55:13on risque de se faire arrêter,
00:55:14on risque des gardes à vue,
00:55:15on risque de se faire virer.
00:55:17Quand même,
00:55:17aussi,
00:55:18les journalistes,
00:55:18ils ont besoin de vivre,
00:55:19ils ont besoin d'un salaire
00:55:20et tout ça.
00:55:20Et ça aussi,
00:55:22les régimes,
00:55:22que ce soit démocratiques
00:55:23ou autoritaires,
00:55:24utilisent cette carte-là.
00:55:26Et c'est pour cela,
00:55:26moi,
00:55:27par exemple,
00:55:27quand je vois ce qui se passe
00:55:28actuellement ici en France,
00:55:29la valorisation des médias,
00:55:31cette montée d'extrême droite,
00:55:32je leur dis,
00:55:33écoutez,
00:55:33moi,
00:55:33je viens de futur.
00:55:34On a vu ça en Tunisie.
00:55:35On a vu que s'est-il passé
00:55:36et que comment,
00:55:38voilà,
00:55:38ces grosses richesses,
00:55:40ils ont mis à genoux
00:55:41les médias tunisiens
00:55:42à travers des policiers
00:55:42corrompus
00:55:43et à travers aussi
00:55:44des journalistes.
00:55:45Parfois,
00:55:45ils arrivent
00:55:45à avoir leurs propres journalistes,
00:55:48ce qu'on appelle,
00:55:48nous,
00:55:48les mercenaires,
00:55:49ou parfois aussi
00:55:50à intimider les autres,
00:55:51les militants,
00:55:52les journalistes
00:55:53qui font de l'investigation
00:55:54et comme ça,
00:55:55voilà,
00:55:55le message,
00:55:56il est clair.
00:55:56Parce qu'en arrêtant X,
00:55:58le message,
00:55:58il va passer à tout le monde.
00:56:00Et c'est ce qu'il veut,
00:56:00par exemple,
00:56:01le régime actuel en Tunisie,
00:56:02c'est ce qu'il le fait.
00:56:03Il multiplie toujours les messages.
00:56:04Il multiplie ce genre de messages.
00:56:06C'est ces arrestations arbitraires.
00:56:08Donc,
00:56:09monsieur tout le monde,
00:56:09qu'est-ce qu'il va dire ?
00:56:10Ah,
00:56:10c'est des journalistes connues,
00:56:11c'est des militants,
00:56:12c'est des secrétaires généraux
00:56:13de partis d'opposition
00:56:14qui sont actuellement en prison.
00:56:16Qu'est-ce qu'il va me passer,
00:56:17moi,
00:56:17le citoyen lambda ?
00:56:18Et donc,
00:56:18c'est un peu ça.
00:56:19C'est le climat de peur
00:56:20qui va se créer petit à petit,
00:56:21qui va aussi toucher les journalistes
00:56:23à l'autosensir.
00:56:24Ça,
00:56:24c'est intouchable.
00:56:24On laisse.
00:56:25Je ne veux pas faire ça,
00:56:26je ne veux pas écrire sur ça
00:56:27ou bien...
00:56:28Parce qu'en Tunisie,
00:56:29il y a plusieurs journalistes
00:56:31avec qui tu as travaillé
00:56:32pour un certain nombre
00:56:33qui sont en prison,
00:56:35qui sont enfermés,
00:56:36certains qui ont déclenché
00:56:38des grèves de la faim aussi
00:56:39pour protester.
00:56:41L'exemple phare,
00:56:42c'est la journaliste Sonia Darmani
00:56:43qui se fait arrêter
00:56:44sur France 24.
00:56:45Sonia Darmani,
00:56:45elle travaille avec moi
00:56:46dans cette chaîne,
00:56:47Cactus Prod,
00:56:48donc on travaille ensemble
00:56:48pendant 8 ans.
00:56:49Et on l'arrête
00:56:50pour un commentaire satirique
00:56:51au mois de mai 2024.
00:56:53Ça se passe sur France 24,
00:56:54je vois vite avoir la vidéo.
00:56:56C'est en direct.
00:56:57L'arrestation en direct.
00:56:58Il y a la police qui arrive,
00:56:59en fait,
00:57:00je suis désolée,
00:57:00il y a une entrée en direct
00:57:02de la police,
00:57:03probablement,
00:57:04pour arrêter Sonia Darmani.
00:57:06Elle était dans une émission
00:57:07où elle parlait
00:57:08de la crise du subsaharien
00:57:10actuellement,
00:57:10parce qu'il faut l'admettre,
00:57:12j'ai mal de dire ça,
00:57:14mais il faut l'admettre,
00:57:15il y a une vague raciste
00:57:16actuellement en Tunisie
00:57:17contre les migrants subsahariens.
00:57:19Et dans le débat,
00:57:20elle lui dit l'autre,
00:57:21bien sûr,
00:57:22les discours d'extrême droite,
00:57:24il y a un complot
00:57:25pour changer la démographie
00:57:26de la Tunisie.
00:57:27C'est valable,
00:57:28tout le monde le dit.
00:57:28Donc Marine Le Pen,
00:57:29Zemmour,
00:57:30c'est toujours ça.
00:57:30Sonia Darmani,
00:57:31pour répondre à ce,
00:57:32excuse-moi de le dire,
00:57:33à ce camp,
00:57:33elle lui dit,
00:57:34mais quel beau pays
00:57:35pour lui changer sa démographie.
00:57:38Les policiers débarquent,
00:57:40ils prennent Sonia,
00:57:41donc il agresse tout le monde,
00:57:43ils prennent Sonia,
00:57:44donc il l'emmène.
00:57:45Après, il se retourne,
00:57:46il voit qu'il y a une caméra,
00:57:48France 24,
00:57:48et la journaliste de France 24
00:57:49qui est en train de filmer,
00:57:50il ne savait pas
00:57:51qu'il y avait un direct.
00:57:51Nous avons la police
00:57:52qui arrive en direct
00:57:53pour prendre la caméra
00:57:54et que c'est pas ce qu'il,
00:57:56messieurs,
00:57:56nous sommes dans un endroit public.
00:57:58Arrêter le caméraman,
00:58:00bien sûr,
00:58:00elle est française,
00:58:01on ne l'arrête pas,
00:58:02oui, on la laisse.
00:58:03Et donc,
00:58:04elle est toujours en prison ?
00:58:05Elle est toujours en prison,
00:58:06elle a été condamnée en appel
00:58:08un an et six mois de prison
00:58:11par le décret de loi 54
00:58:12pour ce commentaire satirique.
00:58:14Donc, non, c'est fou.
00:58:16Il y a plusieurs journalistes
00:58:17et par ce fameux décret de loi
00:58:19qui a été créé
00:58:20pour faire taire toute opposition.
00:58:22C'est ça le clémas
00:58:23actuel en Tunisie.
00:58:25Un beau clémas quand même.
00:58:26Tu dis que c'est l'avenir de la France,
00:58:27j'espère pas.
00:58:28Si ça continue comme ça,
00:58:30avec cette valorisation,
00:58:31avec cet extrême de droite,
00:58:32avec aussi des lois
00:58:33qui favorisent
00:58:34la concentration des médias
00:58:36et aussi,
00:58:36on peut parler aussi
00:58:37de la loi de l'RTF,
00:58:39la loi Rachida Dati
00:58:40pour l'audiovisuel public.
00:58:42Alors là,
00:58:43je vois aussi,
00:58:44je vois ce qui se passe
00:58:45actuellement en Tunisie.
00:58:47Des gens,
00:58:47ici en France,
00:58:48sont en train de faire
00:58:49le même processus aussi
00:58:50pour donner
00:58:51le pouvoir
00:58:52à l'extrême droite.
00:58:53C'est un peu ça.
00:58:54D'ailleurs,
00:58:54on a beaucoup parlé
00:58:55du journalisme d'enquête
00:58:56qui est un journalisme
00:58:58effectivement
00:58:59où il y a la volonté
00:59:00de faire des révélations
00:59:01et des acteurs puissants
00:59:03qui vont tenter
00:59:03de faire taire
00:59:05ces journalistes.
00:59:06Mais il y a aussi
00:59:07des atteintes
00:59:08nombreuses
00:59:09à des journalistes
00:59:10qui font des reportages,
00:59:11qui sont sur le terrain.
00:59:13Il y a eu plusieurs journalistes
00:59:14qui, à l'occasion
00:59:14de manifestations,
00:59:15notamment des manifestations
00:59:16d'extrême droite,
00:59:17qui sont agressées.
00:59:18Il y a des menaces
00:59:20sur les réseaux sociaux.
00:59:22Ariane,
00:59:22je crois que tu as
00:59:23déposé une plainte
00:59:24contre une menace
00:59:26en ligne
00:59:26où tu as été menacée.
00:59:28Oui,
00:59:28c'est un groupe
00:59:29sur Telegram
00:59:30d'extrême droite
00:59:31qui a lancé
00:59:32des invectives
00:59:34et des menaces
00:59:34de mort
00:59:35contre d'abord
00:59:36des avocats
00:59:37et puis une liste
00:59:38de journalistes
00:59:40qui avaient signé
00:59:42une pétition
00:59:42pour demander
00:59:44une réforme
00:59:45justement
00:59:45de la loi
00:59:46sur la protection
00:59:47des sources.
00:59:48C'était suite
00:59:48à mon placement
00:59:50en garde à vue.
00:59:51C'était une sorte
00:59:52de tribune
00:59:53de soutien.
00:59:54J'en faisais partie
00:59:55également,
00:59:56mais il y avait
00:59:57plein d'autres journalistes,
00:59:59Salomé Saquet,
00:59:59par exemple,
01:00:00qui était aussi
01:00:01signataire
01:00:01de cette liste
01:00:03et donc on a été
01:00:04placé sur une liste
01:00:05de gens à abattre,
01:00:06de journalistes à abattre.
01:00:08On a déposé plainte
01:00:09il y a un an environ.
01:00:12Et est-ce que l'enquête
01:00:13avance ?
01:00:15Je n'ai pas de nouvelles.
01:00:16Parce que nous,
01:00:18alors j'ai malheureusement
01:00:19été l'objet
01:00:20de menaces de mort
01:00:21à un certain nombre
01:00:22de reprises.
01:00:24À deux occasions,
01:00:26on a déposé plainte,
01:00:27on a fait un signalement
01:00:28auprès du parquet.
01:00:28Mais c'était
01:00:30il y a plusieurs années.
01:00:31Ces enquêtes
01:00:31n'ont pas bougé
01:00:33et même
01:00:34notre avocate
01:00:35s'est renseignée
01:00:36auprès du parquet.
01:00:37On n'est même pas certain
01:00:38que le moindre acte
01:00:39d'enquête
01:00:39a été mené.
01:00:40Que la justice
01:00:41ait fait quoi que ce soit
01:00:42pour tenter
01:00:43d'identifier
01:00:43les auteurs
01:00:45des menaces de mort.
01:00:46Et on parle
01:00:47de photomontage
01:00:48avec des cibles
01:00:49placées sur nos têtes,
01:00:51avec des liens
01:00:51vers un site internet
01:00:52sur lequel on pouvait
01:00:53acheter des armes.
01:00:54donc ça donnait
01:00:54quand même un caractère
01:00:55assez concret
01:00:56à ces menaces.
01:00:57J'ai aussi reçu
01:00:58des vidéos d'égorgement,
01:01:00enfin un certain nombre
01:01:00de choses.
01:01:01Et finalement,
01:01:03au bout d'un moment,
01:01:04et d'ailleurs,
01:01:04ça dissuade
01:01:05de porter plainte
01:01:06parce que
01:01:06pourquoi ?
01:01:08Tout ça pour ça.
01:01:10Et j'en ai discuté
01:01:11avec plusieurs journalistes,
01:01:12plusieurs confrères
01:01:13qui ont déposé plainte.
01:01:15Et dans l'immense
01:01:16majorité des cas,
01:01:17pour les menaces
01:01:18en ligne,
01:01:18à part quand c'est
01:01:19des menaces sur Twitter
01:01:20où on peut facilement
01:01:21identifier les auteurs
01:01:22de ces menaces,
01:01:23ça ne mène
01:01:24à peu près
01:01:25à rien.
01:01:26Après,
01:01:27ça montre aussi
01:01:28qu'il y a une justice
01:01:28à deux vitesses.
01:01:29Ah oui,
01:01:30dès qu'il s'agit
01:01:30de l'État français,
01:01:31Ariane,
01:01:32donc directement,
01:01:33voilà,
01:01:33on les place
01:01:34en garde à vue.
01:01:34Mais dès qu'il s'agit
01:01:35de meurtre
01:01:37ou bien de,
01:01:37voilà,
01:01:38de hate speech,
01:01:39menace,
01:01:39voilà,
01:01:40de menace de mort
01:01:43ou bien d'harcèlement
01:01:44ou bien de hate speech
01:01:45ou bien d'agression
01:01:46et tout ça,
01:01:47oui,
01:01:47c'est classé sans suite.
01:01:48Si on va poser la question
01:01:49à plusieurs journalistes,
01:01:50on va vous dire,
01:01:51oui,
01:01:51telle personne
01:01:52qui vous a envoyé
01:01:53tel message,
01:01:53est-ce que vous connaissez
01:01:54la suite ?
01:01:55À 90%,
01:01:56ils vont vous dire
01:01:56c'est sans suite.
01:01:57En tout cas,
01:01:57on ne va pas lâcher
01:01:58l'affaire,
01:01:59ça c'est sûr
01:01:59et je pense que sur ce,
01:02:01on est de plus en plus
01:02:02attaqué
01:02:03et il faut de plus en plus
01:02:04faire front aussi
01:02:05ensemble
01:02:05et peut-être
01:02:06qu'on n'est pas
01:02:07une profession
01:02:07très portée
01:02:09sur l'action collective
01:02:10et qu'aujourd'hui,
01:02:12à chaque fois
01:02:12qu'une journaliste
01:02:14est attaquée,
01:02:14que tu reçois
01:02:15une menace de mort,
01:02:16qu'un journaliste
01:02:17en France
01:02:18se fait embêter
01:02:19par la gendarmerie
01:02:20parce qu'il vient
01:02:21couvrir une manifestation
01:02:22écolo
01:02:23et qu'on lui fait
01:02:24une contravention
01:02:25parce que soi-disant
01:02:26c'est une propriété privée,
01:02:28pour citer un exemple
01:02:29récent d'un confrère
01:02:30dans le sud,
01:02:31il faut qu'il y ait
01:02:31une réaction
01:02:32de toute la profession
01:02:33et du coup,
01:02:35la justice
01:02:36se sentira
01:02:36d'autant plus obligée
01:02:38de mettre les moyens
01:02:40qu'il y a
01:02:40une réaction
01:02:42forte
01:02:43de la profession
01:02:44mais aussi
01:02:44des gens
01:02:45qui lisent
01:02:45la société
01:02:47et c'est peut-être
01:02:48ça qui nous manque
01:02:50pour le moment
01:02:50pour en faire
01:02:51un sujet public
01:02:53d'intérêt général
01:02:54on se dit
01:02:55ah oui bon
01:02:55c'est des journalistes
01:02:56qui sont menacés
01:02:57bon
01:02:57c'est pas très important
01:02:59mais en fait
01:03:01s'il n'y a plus
01:03:02de journalisme
01:03:02il n'y a plus
01:03:03de voie de recours
01:03:04pour la plupart
01:03:07la moitié
01:03:07de la société
01:03:08de faire sortir
01:03:09des informations
01:03:09et d'avoir accès
01:03:10à de l'information
01:03:11donc en fait
01:03:11on réduit
01:03:12totalement
01:03:13la démocratie
01:03:14je voulais parler
01:03:15d'une dernière
01:03:16atteinte
01:03:17enfin une atteinte
01:03:18un frein
01:03:19à notre exercice
01:03:20qui sont
01:03:21les procès
01:03:22alors on parle
01:03:23de procès
01:03:23baillon
01:03:24c'est pas toujours
01:03:25très clair
01:03:25la définition
01:03:26de ce terme
01:03:26mais la multiplication
01:03:27des procès
01:03:28j'ai fait le compte
01:03:29avant cette émission
01:03:29nous à Street Press
01:03:30on a neuf procès
01:03:31en cours
01:03:32et plusieurs dizaines
01:03:37au total
01:03:38puisque certains
01:03:39sont passés
01:03:40c'est 340
01:03:41depuis notre création
01:03:43340
01:03:45dont 5 perdus
01:03:46ce dont on est
01:03:47très fier
01:03:47les autres
01:03:49sont en cours
01:03:50non
01:03:51les autres
01:03:51sont gagnés
01:03:52ah ok
01:03:53super
01:03:53non mais
01:03:54c'est 340
01:03:56c'est gigantesque
01:03:57alors nous
01:03:57heureusement
01:03:57c'est moins que ça
01:03:58mais
01:03:58alors il y a une société
01:04:00liée au gu
01:04:00de l'époux
01:04:01d'une députée RN
01:04:03un candidat RN
01:04:04un identitaire
01:04:05un youtuber
01:04:05d'extrême droite
01:04:06un harceleur sexuel
01:04:08un élu
01:04:09qui a fait
01:04:09de la but
01:04:09bien social
01:04:10et mon préféré
01:04:11un criminel
01:04:12de guerre argentin
01:04:13qui est en prison
01:04:14en Argentine
01:04:14et qui nous attaque
01:04:15depuis l'Argentine
01:04:16pour diffamation
01:04:18celle-là étant
01:04:19plus anecdotique
01:04:20finalement que les autres
01:04:21puisque ses chances
01:04:22de gagner
01:04:22sont quand même
01:04:22très limitées
01:04:24mais c'est
01:04:24Mario Sandoval
01:04:25qui est en prison
01:04:28en Argentine
01:04:28qui a été condamné
01:04:29pour des actes
01:04:30de torture
01:04:31de meurtre
01:04:31et qui nous attaque
01:04:32quand même
01:04:32en diffamation
01:04:33alors Mediapart
01:04:34bon tu viens de le dire
01:04:35vous en avez
01:04:36un nombre
01:04:37j'allais dire
01:04:37incalculable
01:04:38mais si vous avez calculé
01:04:39et quand on a préparé
01:04:41cette émission
01:04:41tu m'as parlé
01:04:42d'un des procès
01:04:44où Bolloré
01:04:45était allé
01:04:46extrêmement loin
01:04:47pour tenter
01:04:48de faire condamner
01:04:49Mediapart
01:04:50on n'en a pas
01:04:51la preuve absolue
01:04:52mais on a un très fort
01:04:53soupçon
01:04:54que soit
01:04:55Vincent Bolloré
01:04:56alors peut-être
01:04:57pas lui personnellement
01:04:58mais en tout cas
01:04:59son entourage
01:05:00aurait pu fabriquer
01:05:01un faux document
01:05:02pour nous faire
01:05:03condamner
01:05:03c'est-à-dire que
01:05:04c'est une histoire
01:05:05qu'on a déjà racontée
01:05:06dans un film
01:05:07qu'on a produit
01:05:08qui s'appelle
01:05:09Mediacrash
01:05:09qui est justement
01:05:10consacrée à l'influence
01:05:11néfaste des milliardaires
01:05:13de certains milliardaires
01:05:14sur les médias
01:05:14c'est une enquête
01:05:16d'une journaliste indépendante
01:05:18Fanny Pigeot
01:05:19qui avait fait
01:05:20une enquête
01:05:21sur un homme d'affaires
01:05:22qui avait été ruiné
01:05:23par Bolloré
01:05:24en Afrique
01:05:25et qui avait gagné
01:05:27tous ses procès
01:05:28contre Bolloré
01:05:29donc elle publie
01:05:30son papier
01:05:31dans Mediapart
01:05:31Bolloré nous attaque
01:05:33et arrive le procès
01:05:36et au procès
01:05:37les avocats de Bolloré
01:05:39nous sortent
01:05:39un jugement
01:05:40qui en fait
01:05:41renversait
01:05:43tous les autres jugements
01:05:43qu'on avait
01:05:44c'est à dire que
01:05:45voilà
01:05:46qui finalement
01:05:46donnait raison à Bolloré
01:05:48et donnait tort
01:05:49à l'homme d'affaires
01:05:51qui l'avait pour suivi
01:05:52alors on tombe
01:05:54de l'armoire
01:05:54parce que
01:05:56ce jugement
01:05:57on ne savait pas
01:05:57d'où il sort
01:05:58etc
01:05:58et du coup
01:05:59on perd
01:05:59en première instance
01:06:00on fait appel
01:06:01et entre les deux procès
01:06:03on regarde ce document
01:06:05et il y a un truc
01:06:08qui nous interpelle
01:06:08c'est qu'en fait
01:06:09à la date du document
01:06:10le tribunal a changé de nom
01:06:11et donc
01:06:13ça ne pouvait pas être
01:06:14le bon tribunal
01:06:15parce que
01:06:16le tribunal avait changé
01:06:17de nom entre temps
01:06:18et du coup
01:06:18notre avocat a écrit
01:06:19à la prison du tribunal
01:06:21pour lui demander
01:06:22elle nous a confirmé
01:06:23elle nous a dit
01:06:24bah oui
01:06:24ça ne va pas
01:06:25parce que
01:06:26dans ce document
01:06:27il y a le nom
01:06:28d'un tribunal
01:06:28mais au moment
01:06:29où le document
01:06:30est rédigé
01:06:30c'est pas le bon nom
01:06:31donc ça voilà
01:06:32ça peut pas venir
01:06:33de chez nous
01:06:33et grâce à ça
01:06:35on a gagné
01:06:36le procès
01:06:37le procès en appel
01:06:38ils avaient fait
01:06:38un faux jugement
01:06:39enfin quelqu'un
01:06:41on sait pas qui
01:06:41a fait un faux jugement
01:06:43donc on ne sait pas
01:06:44d'où sort ce document
01:06:45qui l'a fait
01:06:46mais en tout cas
01:06:48ça montre que
01:06:50certains sont parfois
01:06:51prêts à aller
01:06:52très loin
01:06:52pour essayer
01:06:53de nous faire
01:06:53nous faire condamner
01:06:54mais c'est pas
01:06:55le plus fréquent
01:06:56en fait
01:06:56ce qui est embêtant
01:06:59avec les procès
01:06:59c'est que
01:07:00bon nous
01:07:00on a de la chance
01:07:01à Mediapart
01:07:01d'avoir un peu d'argent
01:07:03d'avoir
01:07:04des très bons avocats
01:07:05mais par contre
01:07:07le gros problème
01:07:08que ça pose
01:07:08c'est le temps
01:07:09c'est à dire que
01:07:10préparer un procès
01:07:11c'est extrêmement long
01:07:12vous le savez aussi
01:07:12très bien
01:07:13à la street press
01:07:13et en plus
01:07:15de plus en plus souvent
01:07:15on a des gens
01:07:16qui nous attaquent
01:07:17du coup
01:07:18on se fait
01:07:19à préparer notre défense
01:07:21à bosser
01:07:22à passer des heures
01:07:23et des heures
01:07:23et hop au dernier moment
01:07:24ils se désistent
01:07:25voilà
01:07:26et finalement
01:07:26l'audience n'a pas lieu
01:07:27et donc en gros
01:07:28il nous a fait bosser
01:07:28pour rien
01:07:29et en fait
01:07:30ces procès
01:07:30ils ont deux fonctions
01:07:31la première
01:07:32c'est une intimidation
01:07:33alors avec nous
01:07:34ça marche pas
01:07:34mais ça peut
01:07:35parfois marcher
01:07:36notamment pour des médias
01:07:38qui ont moins de moyens
01:07:39qui sont plus pauvres
01:07:40qui ont moins de capacité
01:07:42de se défendre
01:07:43et surtout
01:07:44ça fait perdre
01:07:45énormément de temps
01:07:46aux journalistes concernés
01:07:47qui en fait
01:07:48préparent leur procès
01:07:49au lieu de faire
01:07:50des enquêtes
01:07:50et puis aussi
01:07:52nous à street press
01:07:53et j'imagine
01:07:53que c'est votre cas aussi
01:07:54on fait relire
01:07:55un certain nombre
01:07:56de papiers
01:07:56avant publication
01:07:57pour se prémunir
01:07:58des attaques
01:07:59qui sont de plus en plus
01:08:00nombreuses
01:08:00donc c'est des frais
01:08:01juridiques
01:08:01supplémentaires
01:08:03qu'il faut dépenser
01:08:04et nous à street press
01:08:05et c'est partout pareil
01:08:07dans la plupart des médias
01:08:08qui font de l'enquête
01:08:08le budget juridique
01:08:10devient très important
01:08:12nous
01:08:13si on n'avait aucun budget juridique
01:08:15on pourrait au moins avoir
01:08:16un ou deux journalistes
01:08:16de plus à temps plein
01:08:17parce que c'est ce coup là
01:08:19que ça nous coûte
01:08:21d'ailleurs j'en profite
01:08:22pour dire
01:08:22abonnez-vous
01:08:23la transition était facile
01:08:25abonnez-vous à Mediapart
01:08:27faire des dons
01:08:28à Dix Close
01:08:29soutenez les associations
01:08:31d'aide aux journalistes
01:08:33en exil
01:08:33des syndicats aussi
01:08:34des syndicats aussi
01:08:35effectivement
01:08:35voilà
01:08:36on arrive à la fin
01:08:37de cette émission
01:08:38merci à tous les trois
01:08:39pour cet échange
01:08:40j'espère que ça vous a plu
01:08:41j'espère aussi que ça a plu
01:08:42à tous ceux qui nous regardent
01:08:44si vous voulez
01:08:45d'autres thèmes
01:08:47que d'autres thèmes
01:08:48soient abordés
01:08:48dans les prochains numéros
01:08:49ou si vous voulez
01:08:50que certains journalistes
01:08:51indépendants
01:08:51viennent sur ce plateau
01:08:53dites-le nous
01:08:53dans les commentaires
01:08:54on sera ravis
01:08:55de les inviter
01:08:55et puis
01:08:56au revoir
01:08:57merci à tous
01:08:59merci à tous