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00:00Je salue donc Michel Rumi, bonjour, économiste et professeur d'économie à Sciences Po Paris et à l'ESCP.
00:05Alors c'est vrai qu'en pleine guerre commerciale avec la Chine, qui affole un peu les marchés financiers,
00:10les Etats-Unis ont infléchi hier leur position. Est-ce que Donald Trump perd une bataille ?
00:15La fin du match n'est pas encore terminée.
00:18Donc ce qui fait dire, c'est qu'on peut avoir des aspects.
00:21Je pense que la fin du match, entre guillemets, viendra s'il y a des accords ou s'il y a guerre commerciale.
00:28Donc pour l'instant, c'est des négociations.
00:31Ce qu'il faut bien voir, surtout, c'est que l'art du deal, puisque c'est l'ouvrage de Donald Trump,
00:38ne doit pas être considéré comme l'équivalent de l'art de la guerre de Sun Tzu ou de Prince de Machiavel.
00:44Donc ce qu'il faut bien voir, c'est que c'est toute proportion gardée.
00:47Il convient de regarder, sachant qu'on a une grande imprévisibilité avec le président des Etats-Unis.
00:53Alors est-ce que là, l'idée, ce n'était pas dans un premier temps de donner un peu d'air aux consommateurs américains
00:57qui risquaient de voir les prix de ces produits qui sont très très populaires s'envoler ?
01:02Oui, certes, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a une base électorale.
01:06Ce qu'il faut bien voir, c'est que Donald Trump a mis en place tous ces tarifs douaniers
01:11pour deux aspects.
01:12La première des choses, c'est modifier la géographie commerciale,
01:16et puis également aussi récupérer de l'argent.
01:18C'est ce qu'il ne faut pas oublier.
01:20Notamment parce qu'il a promis dans son programme électoral de baisser les impôts.
01:24Alors, qu'est-ce qu'il faut bien voir, c'est que les Etats-Unis sont sous une pression devant une dette abyssale.
01:30Rien que pour information, ils ont 35 000 milliards de dettes,
01:34et ça fait à peu près 1 000 milliards d'intérêts.
01:36Rien que pour information, la France, en 2024, elle paye 58 milliards.
01:40Donc on voit que c'est impossible, et ça risque de peser lourd dans les années à venir pour les Etats-Unis.
01:46Alors Michel Rumi, demain, on l'a dit, réunion entre Marcos Sefcovic,
01:50qui est commissaire européen en charge du commerce, et l'administration Trump.
01:54Ça se passe à Washington.
01:55Que peut espérer l'Europe de cette rencontre ?
01:58La position de l'Europe est une position d'équilibriste.
02:01Dans la mesure où, ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que les Etats-Unis ne veulent pas
02:06que la Chine devienne la première puissance économique.
02:09Donc au-delà des tarifs qui pourraient discuter,
02:13va être aussi en jeu les relations entre l'Union Européenne et la Chine.
02:18Et selon que l'Europe soit favorable ou moins avec la Chine,
02:22cela peut aussi infléchir ou, je dirais, améliorer les relations avec les Etats-Unis.
02:27Il n'en demeure pas moins que l'Europe est entre Caribe et Sylla.
02:33D'une certaine manière, elle est face à une Amérique qui était de plus en plus moins amicale,
02:37où des relations avec la Chine deviennent plus préoccupantes.
02:41Donc elle doit gérer, et c'est pour ça qu'elle est en position d'équilibriste,
02:44parce qu'au-delà des aspects commerciaux, c'est un rôle stratégique,
02:47et c'est des années à venir.
02:49Et ce qu'il faut bien qu'elle se rende compte, l'Europe,
02:52c'est que les Etats-Unis deviendront de plus en plus protectionnistes.
02:55Donc il faut qu'elle trouve aussi une solution,
02:57c'est-à-dire à travers son marché intérieur à moyen terme,
03:00c'est-à-dire relancer l'activité économique.
03:02Et elle peut se renforcer, justement, l'Europe,
03:04et ne plus être prise en étau, justement, vous le rappelez,
03:06entre ces deux géants ?
03:09Oui, mais c'est une position de moyen terme.
03:11Parce que ce qu'il faut bien voir,
03:14c'est qu'une des forces dans ces négociations de l'Europe,
03:17c'est qu'elle parle d'une voie unie,
03:18et donc c'est sa crédibilité.
03:20Si on vient à chacun parler de son côté,
03:23Donald Trump sera très content,
03:24parce qu'il faut bien se rappeler que
03:26Donald Trump ne veut pas recevoir Ursula von der Leyen,
03:29parce qu'il n'aime pas ses organisations supranationales.
03:32Donc il ne veut pas le téléphone ni la recevoir.
03:34Donc lui, il préfère les pays.
03:36Donc, si l'Europe arrive unie,
03:39c'est autant de gêne pour Donald Trump.
03:42Et vous le disiez juste avant qu'on démarre cet entretien,
03:44Michel Rumi, on n'est pas au bout de nos surprises
03:46et peut-être de nouveaux rebondissements, j'imagine ?
03:48Tout à fait.
03:48Tout à fait, parce qu'en fait,
03:50aujourd'hui, on voit que c'est l'imprévisibilité
03:52des décisions de Donald Trump,
03:54et donc, il faut rester calme, simple,
03:58essayer de voir une tendance de long terme,
04:00sans oublier les objectifs que l'on doit avoir,
04:02notamment pour l'Europe,
04:03c'est-à-dire que dans un monde nouveau
04:05où les établissements sont plus protectionnistes,
04:08où la Chine aura aussi des difficultés,
04:11eh bien, de trouver sa voie,
04:13et elle a ses possibilités,
04:15mais c'est à moyen terme,
04:15et se donner les moyens.
04:16Et vous reviendrez nous en parler sur Europe 1.
04:19Merci beaucoup, Michel Rumi,
04:20économiste, professeur d'économie
04:21à Sciences Po Paris et à l'ESCP.