Les réalisateurs Benoît Bringer et Jean-Baptiste Renaud se sont rendus au Yémen et au Pakistan, les pays les plus frappés par les drones pour enquêter sur le vrai visage du programme de drones.
Ils sont allés dans les zones extrêmement dangereuses où tombent les frappes américaines, à la rencontre des victimes invisibles des drones : des civils innocents, parmi lesquels on trouve des femmes et des enfants.
Là, ils ont découvert la réalité cachée des frappes de drones.
Ils sont allés dans les zones extrêmement dangereuses où tombent les frappes américaines, à la rencontre des victimes invisibles des drones : des civils innocents, parmi lesquels on trouve des femmes et des enfants.
Là, ils ont découvert la réalité cachée des frappes de drones.
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00:00Dans une zone rurale du Yémen, un homme monte à l'arrière d'un véhicule.
00:10Il est suspecté par les Américains d'être lié au groupe terroriste Al-Qaïda.
00:15Son nom, Rabi Laib.
00:19La voiture se met en route.
00:22Les passagers ne se doutent de rien.
00:24Mais à plusieurs kilomètres au-dessus de leur tête, un drone, un avion sans pilote télécommandé, surveille le véhicule.
00:33Aux Etats-Unis, sur une base militaire, l'homme qui commande l'appareil reçoit l'ordre de tirer.
00:40Il appuie sur la gâchette.
00:46Cette frappe fait partie des centaines menées par les Américains lors d'opérations clandestines autour de la planète.
00:54Les drones sont la nouvelle arme de leur puissant service de renseignement, la CIA.
01:03Avec elle, Barack Obama, président des Etats-Unis, mène une campagne secrète pour tuer les ennemis de l'Amérique aux quatre coins de la planète.
01:14Il a été décidé que plutôt que de détenir les membres d'Al-Qaïda et les talibans, on allait utiliser les drones pour les tuer.
01:24Selon les Etats-Unis, c'est l'arme parfaite, d'une précision chirurgicale.
01:32Mais derrière le discours, la réalité est différente.
01:37Les innocents ne sont pas épargnés.
01:38Aujourd'hui, certains s'interrogent.
01:48Avec ce programme secret, Barack Obama a-t-il commis un crime de guerre ?
01:53Si vous tuez des femmes et des enfants continuellement depuis tant d'années, c'est un crime de guerre.
02:01Martin Luther King disait « j'ai un rêve ». Obama dit « j'ai un drone ».
02:04« J'ai un drone »
02:28Notre enquête commence au fin fond des Etats-Unis.
02:40À des milliers de kilomètres des pays où les Américains mènent leur guerre,
02:45voici les plaines tranquilles du Nouveau-Mexique.
02:48Dans le ciel, des avions sans pilote survolent le désert.
03:02Leur hélice fait un bruit caractéristique, celui d'un bourdon, drone en anglais.
03:10Il décolle de cette base militaire, Holloman, où l'US Army forme les pilotes de ces nouveaux appareils.
03:21Aujourd'hui, c'est journée porte ouverte.
03:25L'armée organise une opération de communication sur les drones pour des journalistes venus du monde entier.
03:35Bienvenue sur la base d'Holloman.
03:36Ici, on entraîne tous les pilotes de drones sur les modèles Predator et Reaper.
03:44N'oubliez pas, vous n'avez pas le droit de parler aux personnes que vous croiserez dans les allées,
03:49mais seulement aux pilotes que nous mettons à votre disposition.
03:56La visite est très encadrée.
03:59Sur le tarmac, des pilotes parfaitement préparés nous accueillent pour nous présenter la nouvelle arme des Etats-Unis.
04:06Il y a le Predator, le modèle le plus courant, 164 exemplaires dans la flotte américaine.
04:16Et voici le dernier modèle plus performant, le Reaper, traduire la faucheuse.
04:22L'armée en possède 104.
04:26Ces appareils sont équipés de bombes et de missiles à guider laser.
04:29Mais leur atout principal est à l'avant de la machine.
04:35Ici, à l'intérieur, il y a un boîtier qui communique avec un satellite.
04:39C'est cette liaison satellite qui nous permet de piloter l'avion à distance.
04:50Sous l'avion, voici ce qui remplace les yeux des pilotes.
04:55Ici, il y a trois caméras.
04:58Une caméra infrarouge.
05:00Celle-ci pour une vue très large.
05:05Et celle-ci pour des vues de très près.
05:14Grâce à ces technologies,
05:16ces appareils sont devenus des armes très utiles pour la puissance américaine.
05:20Ils ne volent pas très vite, 400 km heure maximum.
05:30Mais ils peuvent aller très haut, jusqu'à 15 000 mètres,
05:34ce qui les rend difficilement détectables.
05:37Ces machines sont aussi peu chères.
05:40Et comme elles consomment peu de carburant,
05:42elles peuvent rester très longtemps en vol.
05:4420 heures environ, contre 4 pour des avions de chasse.
05:48Surtout, comme le montre cette vidéo de démonstration,
05:53avec les drones,
05:54les pilotes n'ont plus besoin d'être sur le champ de bataille.
05:59Depuis leur poste de commande aux Etats-Unis,
06:01grâce à une liaison satellite,
06:04ils peuvent contrôler leur avion n'importe où dans le monde.
06:09Les drones, de leur côté,
06:11transmettent les images filmées par leur caméra.
06:14Elles permettent de surveiller un territoire,
06:16mais aussi de tirer grâce aux armes qui les équipent.
06:21Si le drone est touché ou détruit,
06:23le pilote, lui, ne risque rien.
06:25Il est sur sa base, aux Etats-Unis,
06:28dans ses baraques militaires futuristes,
06:30blindés et climatisés.
06:34Nous ne saurons rien sur les détails des opérations en cours.
06:37Ici, les informations livrées aux journalistes
06:43sont soigneusement choisies.
06:50Est-ce que vous pouvez me donner votre nom ?
06:52Oui, je m'appelle J.D.
06:54Et votre nom de famille ?
06:55Non, je ne veux vraiment pas le donner.
06:58Et c'est pareil pour tous les pilotes ?
07:01Oui, si vous regardez bien,
07:03les autres aussi ont recouvert leur nom.
07:07Le but de l'US Army n'est pas de parler des opérations,
07:11mais plutôt de convaincre les journalistes
07:13des capacités technologiques des drones.
07:16Allez, vous pouvez entrer.
07:18Pour cela, les militaires nous conduisent
07:21dans le simulateur où les pilotes s'entraînent.
07:23Le poste d'entraînement se concentre principalement ici.
07:30Ces écrans, avec les deux sièges,
07:32sont la réplique exacte d'un poste de pilotage.
07:36Pour faire fonctionner un drone,
07:39il faut deux personnes.
07:42D'un côté, un pilote dirige l'avion.
07:45Et de l'autre, un opérateur contrôle la caméra.
07:48Vous pouvez voir ici un homme.
07:59En zoomant, je peux avoir une image assez précise.
08:03Bon, là, ce n'est pas exactement
08:04comme un vrai poste de pilotage.
08:07C'est un simulateur.
08:08Donc, c'est un peu meilleur que dans la réalité.
08:12Si une cible est repérée
08:13et qu'il faut tirer,
08:15le pilote prend la tête des opérations.
08:18Imaginons que ce soit un ennemi
08:20et que j'ai eu l'autorisation d'ouvrir le feu.
08:24Je choisis mon arme ici.
08:26Tout est tactile.
08:29Là, par exemple,
08:30je sélectionne un missile Hellfire.
08:35Ensuite, c'est un travail d'équipe
08:36avec ma partenaire.
08:40Elle cible l'ennemi avec un faisceau laser.
08:43Et moi, je tire
08:44en appuyant sur la gâchette.
08:483, 2, 1, impact.
08:54Excellent job.
08:56En 2013,
08:58l'armée de l'air
08:59a prévu de former
09:00678 nouveaux pilotes de drones,
09:04presque autant
09:04que les pilotes de combat traditionnels.
09:08Ils seront ensuite répartis
09:10dans les nombreuses bases aux Etats-Unis,
09:12d'où sont pilotés les appareils.
09:14Les drones, eux,
09:19opèrent à des milliers
09:20de kilomètres de là.
09:22Ils ont été utilisés en Irak
09:24lors de l'intervention américaine
09:26et sont aujourd'hui en action
09:28en Afghanistan.
09:29Cette partie-là du programme
09:31est reconnue publiquement
09:33par les Américains.
09:34Car dans ces deux pays,
09:36ils sont entrés officiellement en guerre.
09:38Mais les drones frappent également
09:40au Pakistan, au Yémen
09:41ou encore en Somalie.
09:44Là, les Etats-Unis
09:45ne sont pas formellement en guerre.
09:48Dans ces pays,
09:50c'est la CIA
09:51qui utilise cette nouvelle arme
09:52dans sa vaste campagne
09:54d'élimination des combattants
09:55d'Al-Qaïda
09:56et de leurs alliés talibans.
09:59Mais sur la base d'Olohman,
10:01les pilotes ont l'ordre
10:02de ne pas parler
10:03de cette partie du programme.
10:05Officiellement,
10:06elle n'existe pas.
10:07Vous conduisez des opérations
10:10en Afghanistan ?
10:12Oui, nous conduisons
10:12des missions en Afghanistan.
10:14Et dans d'autres pays ?
10:16Je ne peux confirmer
10:17que pour l'Afghanistan.
10:19Au Yémen ?
10:21Je ne peux confirmer
10:23que pour l'Afghanistan.
10:24Au Pakistan ?
10:25Je ne peux confirmer
10:26que pour l'Afghanistan.
10:28Bref, vous n'avez pas le droit
10:29de parler des autres pays.
10:30C'est exact.
10:31C'est secret.
10:32Pourquoi les drones
10:36ont-ils pris une telle place
10:37dans l'arsenal américain ?
10:39Pour le comprendre,
10:41il faut revenir
10:42quelques années en arrière.
10:48Tout commence
10:49au lendemain des attentats
10:51du 11 mai.
10:56À la tête d'une Amérique traumatisée,
10:58frappée au cœur,
10:59George W. Bush
11:01déclare la guerre
11:02au terrorisme.
11:05Either you are with us
11:06or you are with the terrorists.
11:15Les Américains
11:16lancent alors
11:17une traque mondiale.
11:19Un programme d'action secrète
11:21mené par les forces spéciales
11:24et les agents de la CIA.
11:25Des centaines d'opérations
11:31au sol sont lancées
11:32pour débusquer
11:32les combattants d'Al-Qaïda.
11:38Certains suspects sont tués.
11:40Les autres sont arrêtés
11:41et transportés
11:42à bord de vols secrets
11:43pour être interrogés
11:45par les Américains.
11:47Les États-Unis
11:48emprisonnent
11:49près de 750 suspects
11:51sur la base de Guantanamo.
11:52Mais bientôt,
11:55leur détention
11:56sans jugement,
11:57en dehors
11:58de tout cadre juridique,
11:59ternit l'image
12:00de l'Amérique.
12:01Elle ne sait plus
12:02que faire
12:02de ses prisonniers.
12:04Puis,
12:05les photos
12:06de torture
12:07infligées par des GI
12:08dans la prison irakienne
12:09d'Abou Ghraib
12:10scandalisent
12:11la planète
12:12toute entière.
12:13dans le monde musulman,
12:25la haine
12:26contre les États-Unis
12:27grandit.
12:29La politique
12:30antiterroriste
12:31américaine
12:31est dans l'impasse.
12:33à son arrivée
12:41à la Maison-Blanche,
12:43Barack Obama
12:43change de stratégie.
12:46John Bellinger
12:46était l'un des conseillers
12:48de l'administration Bush
12:49sur la question
12:50des drones.
12:51Il a été témoin
12:52de cette évolution.
12:54L'administration Bush
12:57n'a pas beaucoup
12:58utilisé les drones.
12:58L'administration Obama
13:01a vu ce qui est arrivé
13:03à Bush
13:03avec la détention.
13:05Et il a été décidé
13:07que plutôt que de détenir
13:09les membres d'Al-Qaïda
13:10et les talibans,
13:12on allait utiliser
13:13les drones
13:13pour les tuer.
13:18Plus besoin
13:19de se rendre
13:20sur le terrain
13:21et risquer des vies
13:22pour éliminer
13:23les ennemis
13:24de l'Amérique.
13:28Les drones
13:30révolutionnent
13:32la guerre
13:32contre le terrorisme.
13:35La CIA
13:35établit alors
13:37une liste
13:38des personnes
13:38à abattre
13:39avec les avions
13:40sans pilote.
13:41C'est la kill list.
13:43Tenue secrète,
13:45elle contient
13:45les noms
13:46de membres
13:46influents d'Al-Qaïda
13:48et de leurs alliés talibans.
13:49L'idée était
13:53que l'on pouvait
13:54lancer des frappes
13:54très précises
13:55sur des individus
13:56mais aussi
13:58atteindre des zones
13:59où les troupes américaines
14:01ne peuvent pas se rendre
14:02et en plus
14:03limiter les victimes
14:04civiles.
14:08Le président démocrate
14:10est convaincu
14:11d'avoir trouvé
14:11l'arme parfaite.
14:14Chirurgicale,
14:15elle cible
14:15les ennemis
14:16sans tuer de civils
14:17et évite
14:18la perte
14:19de soldats américains.
14:22La Maison-Blanche
14:23fait des drones
14:24sa pièce
14:25maîtresse
14:25dans la lutte
14:26contre le terrorisme.
14:29Nous effectuons
14:30ces frappes
14:30car elles sont nécessaires
14:31pour réduire
14:32les menaces,
14:33stopper des complots,
14:34prévenir des attaques
14:35et sauver
14:36des vies américaines.
14:37Ces frappes
14:37sont légales,
14:38éthiques
14:38et judicieuses.
14:42Avec Barack Obama,
14:44le nombre
14:44de frappes
14:45de drones
14:45explose.
14:47L'ONG
14:48New America
14:48Foundation
14:49en compte 49
14:51sous l'administration
14:52Bush
14:52contre 395
14:55sous Barack Obama.
14:58Début 2012,
14:59le président
15:00en personne
15:01vante le programme
15:02lors d'un échange
15:03avec ses concitoyens
15:04via Internet.
15:05« Les drones
15:07n'ont pas
15:08causé
15:08un grand nombre
15:09de casualties civiliens.
15:11Pour la plupart,
15:12ils ont été
15:12très précises
15:13des strikes
15:15contre l'Al-Qaïda
15:16et leurs affiliés. »
15:19Ce jour-là,
15:20Barack Obama
15:21dit-il la vérité
15:22au peuple américain.
15:27Le drone,
15:29cette arme parfaite,
15:31épargne-t-elle
15:31vraiment les civils ?
15:33Nous décidons
15:36d'aller voir
15:36de l'autre côté
15:38de l'écran,
15:40sur le terrain,
15:41là où les frappes
15:42s'abattent.
15:47À 11 000 km
15:48des États-Unis,
15:50le Yémen
15:50est l'un des premiers
15:51pays où les avions
15:52sans pilote opèrent.
15:53Il y a quelques années
16:08encore,
16:09les touristes
16:10venaient à Sanaa,
16:11la capitale,
16:13pour la beauté
16:13de ces ruelles ancestrales.
16:17Aujourd'hui,
16:18les étrangers
16:19ont disparu.
16:21Le pays est devenu
16:22l'un des plus dangereux
16:22au monde.
16:27Les militaires
16:28quadrillent la ville.
16:30La capitale
16:30vit sous la menace
16:31quotidienne
16:31d'attaques terroristes.
16:35Le pays est dirigé
16:36par un allié
16:36des États-Unis,
16:38le président Hadi.
16:42Mais ces dernières années,
16:44des islamistes
16:45ont pris le contrôle
16:46de plusieurs parties
16:47du Yémen,
16:48notamment au nord
16:49et au sud.
16:52Ces hommes
16:53sont rassemblés
16:54sous la bannière
16:55d'Akpa,
16:56Al-Qaïda
16:56dans la péninsule
16:57arabique,
16:58la branche yéménite
16:59du groupe terroriste.
17:02Dans cette vidéo
17:02de propagande,
17:04leurs chefs menacent
17:04directement les États-Unis
17:06et leurs alliés.
17:06« J'appelle
17:09aux soulèvements,
17:11j'appelle
17:11aux attentats
17:12et si ça ne suffit pas,
17:15j'appelle
17:15à la marche armée
17:16pour aller combattre
17:18les Juifs
17:18et les croisés
17:19américains. »
17:22Ce sont
17:22ces combattants
17:23et leurs troupes
17:24qui sont visées
17:25par les drones
17:26américains.
17:28Stationnés
17:29dans les pays voisins,
17:30l'Arabie saoudite
17:31et Djibouti,
17:32les avions
17:32sans pilote
17:33pénètrent
17:34dans le ciel yéménite
17:35pour lancer
17:35leurs frappes.
17:39Depuis le début
17:40du programme,
17:42il y en a eu
17:42plus de 80.
17:49Nous sommes au Yémen
17:51pour vérifier
17:52si comme le prétendent
17:53les États-Unis,
17:54seuls les membres
17:55d'Al-Qaïda
17:55sont tués
17:56dans ces attaques.
17:58La dernière frappe
17:59avant notre arrivée
18:00a eu lieu
18:01à une trentaine
18:02de kilomètres
18:02de Sanaa.
18:04C'était le 23 janvier
18:052013,
18:06près d'un petit village
18:07nommé Kaouel.
18:12C'est cette attaque,
18:14dans une zone rurale,
18:15qui a visé
18:15Rabi Laïb,
18:16l'homme suspecté
18:17par les Américains
18:18d'être lié
18:19à Al-Qaïda.
18:21Ce jour-là,
18:23un drone
18:23le filme
18:24montant
18:25à l'arrière
18:25d'un véhicule.
18:28Il est accompagné
18:29de ses hommes de main.
18:30à plusieurs milliers
18:33de mètres
18:34au-dessus du sol,
18:35invisible,
18:36le drone
18:37suit la voiture.
18:41Peu après 20 heures,
18:43l'appareil reçoit
18:44des États-Unis
18:45l'ordre de tirer.
18:47Plusieurs missiles
18:48sont lancés.
18:51Le lendemain,
18:53la presse internationale
18:54comme Fox News
18:55ou CNN
18:55annonce que
18:56toutes les victimes
18:57de l'attaque
18:57sont des membres
18:58d'Al-Qaïda.
19:00Si l'on en croit
19:01ces informations,
19:02il s'agit encore
19:03d'une frappe parfaite
19:04réalisée par les drones
19:05américains.
19:10Mais aucun journaliste
19:11occidental
19:12ne s'est rendu sur place
19:13pour vérifier,
19:14car la zone
19:15est très dangereuse
19:16pour les étrangers.
19:19Nous tentons
19:20de nous y rendre.
19:23Le drone a frappé
19:25à une demi-heure
19:26de Sanaa,
19:27de l'autre côté
19:28de ces montagnes.
19:32Les risques d'enlèvement
19:33sont très importants
19:34sur cette route.
19:36Nous sommes donc
19:37escortés
19:37de quatre hommes armés
19:39dans ce véhicule
19:40derrière nous.
19:43À la sortie de la ville,
19:46un premier barrage militaire.
19:52Puis,
19:53nous arrivons
19:54à un second
19:55plus important.
19:57Nous ne sommes plus
19:58qu'à cinq kilomètres
19:59du lieu de la frappe,
20:01mais les militaires
20:01nous demandent
20:02de nous arrêter.
20:04Mettez-vous sur le côté.
20:07L'armée refuse
20:08de nous laisser passer.
20:10Officiellement,
20:10car la zone
20:11est trop dangereuse
20:11pour les occidentaux.
20:14Selon notre guide,
20:15il est impossible
20:16de négocier.
20:18Nous devons faire demi-tour.
20:19ils nous ont dit
20:26c'est trop risqué.
20:28Ils nous ont fait
20:29attendre 20 minutes
20:30et ils nous ont dit
20:31vous ne devez pas y aller.
20:33Les Français
20:33ne doivent pas y aller,
20:35quelle qu'en soit la raison.
20:35pour toute la raison,
20:37pour toute la minute.
20:44Pour contourner
20:45cette interdiction
20:45de l'armée,
20:47nous décidons
20:48de confier notre caméra
20:49à un journaliste indépendant,
20:51un homme
20:52en qui nous avons confiance.
20:54En tant que yéménite,
20:56il va pouvoir
20:56franchir le barrage.
20:57Les images
21:03qu'ils rapportent
21:03sont rares.
21:05Très peu de caméras
21:06ont filmé
21:06les lieux
21:07d'une frappe de drone.
21:09Elles révèlent
21:10une réalité
21:10très différente
21:12de celle annoncée
21:12dans la presse.
21:14Les missiles
21:15se sont abattus
21:15sur une petite route
21:16de campagne.
21:18Il y a encore
21:18les traces
21:19de l'incendie
21:19de la voiture
21:20et les impacts
21:22au sol.
21:24Un habitant
21:25du secteur
21:25a tout vu.
21:27Le sang
21:32coulait de partout.
21:34Il y avait
21:34un cadavre
21:35sans jambes
21:36ni tête.
21:37Impossible
21:37à identifier.
21:43Puis,
21:44les gens
21:45du village voisin
21:46sont arrivés.
21:47Ils ont reconnu
21:48la voiture
21:48et ils se sont
21:50mis à hurler.
21:53Voici la scène
21:54découverte
21:55par les villageois.
21:56Ils prennent
21:57ces photos
21:58deux heures
21:58après la frappe.
22:00La carcasse
22:01du véhicule
22:01fume encore.
22:05Parmi les corps
22:05déchiquetés,
22:06il y a Rabilaï
22:07Blumvisé
22:08et ses hommes
22:09de main.
22:10Mais les villageois
22:12découvrent aussi
22:13les cadavres
22:13de deux autres
22:14personnes
22:15qu'ils connaissaient
22:16bien.
22:20La carcasse
22:21du véhicule
22:21est aujourd'hui
22:22entreposée
22:23dans le village voisin
22:24Kawel.
22:27Les habitants
22:28la gardent
22:28comme une pièce
22:29à conviction.
22:32En fait,
22:33la voiture
22:34appartenait
22:34à un homme
22:35du village.
22:37Salim Hussein
22:37al-Kawali,
22:39un jeune chauffeur
22:39de taxi
22:40de 26 ans.
22:42C'est l'un
22:42des deux cadavres
22:43que les villageois
22:44ont reconnu.
22:47Un homme
22:47se tient à l'écart.
22:49C'est Hussein,
22:50le père de Salim.
22:51Est-ce que votre fils
22:55faisait partie
22:56d'Al-Qaïda ?
22:58Mais non,
22:59c'est faux.
23:00C'était juste
23:01un étudiant.
23:03Un étudiant
23:04qui gagnait sa vie
23:05en transportant
23:05des gens
23:05en voiture.
23:08Alors,
23:09comment expliquez-vous
23:09qu'il était
23:10avec des hommes
23:10d'Al-Qaïda ?
23:11Il n'a rien à voir
23:12avec ça.
23:13Il gagnait sa vie
23:14en faisant le taxi
23:15avec la voiture.
23:16Il nous apportait
23:16de quoi vivre.
23:18Voilà tout.
23:21Comme les bombardements
23:22traditionnels,
23:24les frappes de drones
23:25n'épargnent pas
23:26les civils.
23:27Elles suscitent
23:27la haine des Américains
23:29parmi la population
23:30et créent une envie
23:31de revanche
23:32chez les proches
23:32des victimes.
23:34Le jeune chauffeur
23:35de taxi vivait ici
23:36dans la maison familiale
23:37avec son père,
23:38ses frères et sœurs,
23:39sa grand-mère
23:40et sa mère.
23:45Salim,
23:46c'était notre pilier
23:47dans la vie.
23:48C'était notre soutien,
23:50c'était mon aîné.
23:52Et voilà,
23:53ils l'ont tué.
23:57Que voulez-vous
23:57qu'on fasse ?
23:58On avait Salim
23:58et maintenant,
24:00c'est comme si
24:00on nous avait coupé
24:01nos mains
24:01et nos pieds.
24:05Que Dieu le venge.
24:09On veut la justice,
24:10on veut qu'ils soient tués
24:11comme ils ont tué
24:12mon fils.
24:14Je pourrais les mordre
24:15de rage.
24:15Ils ont tué mon fils.
24:26Mais pourquoi
24:27ils ont fait ça ?
24:30Dans la voiture
24:33prise pour cible,
24:35il y avait un autre
24:36habitant du village.
24:38Ali Saleh,
24:39un professeur
24:40de 31 ans.
24:42C'est le deuxième cadavre
24:43reconnu par les villageois.
24:44Voici son frère.
24:51Il tient à montrer
24:52l'école
24:52où le professeur
24:53enseignait,
24:54juste à côté
24:55dans le village.
24:58Au mur,
25:00il y a le tableau
25:01de présence
25:01des enseignants.
25:03Le professeur
25:04était encore en classe
25:05quelques heures
25:05avant sa mort.
25:10Mon frère Ali
25:11est innocent.
25:13Regardez,
25:13il était là
25:14le 23 janvier,
25:16il était là
25:16toute l'année.
25:21Il ne manquait pas
25:22un seul jour.
25:23Il était même là
25:24le jour de sa mort,
25:25avant le bombardement.
25:30En fait,
25:31dans cette attaque,
25:32le drone a tiré
25:33sur un taxi collectif
25:34où se trouvaient
25:35les deux villageois
25:36et dans lequel
25:37les suspects
25:38ont pris place.
25:38les personnes
25:44qui enquêtent
25:44sur cette frappe
25:45sont rares.
25:46À Sanaa,
25:47nous avons rendez-vous
25:48avec l'une d'entre elles.
25:50Mohamed Al-Amadi
25:51travaille pour une ONG
25:53de défense
25:53des droits de l'homme,
25:54la Fondation Al-Karama.
25:57Il possède
25:57un document
25:58qui confirme
25:59que les deux villageois
26:00ne faisaient pas partie
26:01des suspects visés.
26:02C'est un rapport
26:03du ministère
26:04de l'Intérieur yéménite.
26:06Que dit ce document ?
26:08Il est écrit
26:11« Après enquête,
26:12nous certifions
26:13que Salim Hussein,
26:16ici c'est lui là,
26:18et Ali Saleh,
26:19c'est le deuxième,
26:22n'avaient aucun lien
26:23avec les personnes recherchées.
26:27Pourtant,
26:27ils ont été tués
26:28avec eux
26:29dans le véhicule.
26:32Cette attaque de drone
26:34qui a fait
26:35deux victimes civiles
26:37est-elle légale
26:37comme l'affirment
26:38les Américains ? »
26:41Dans son article 51,
26:43la charte de l'ONU
26:44reconnaît à un État
26:46le droit d'utiliser
26:47sa force armée
26:48hors de ses frontières
26:49uniquement en cas
26:51de légitime défense
26:52face à une agression armée.
26:55Pour le droit international,
26:57cela impose
26:58que la capture
26:58des suspects
26:59soit impossible.
27:00Or,
27:02lorsque le drone
27:03repère Rabi Laïb,
27:04la cible de cette attaque,
27:06le véhicule
27:07est tout près
27:08de Sanaa,
27:08la capitale du pays,
27:10juste à côté
27:11des barrages militaires
27:12que nous avons croisés.
27:14Pourtant,
27:15à aucun moment,
27:16les Américains
27:16ne demandent
27:17à leurs alliés
27:18yéménites
27:18de l'arrêter.
27:20Mais ce n'est pas tout.
27:22Rabi Laïb
27:23n'était pas
27:24un homme caché,
27:25mais un personnage public,
27:27un ancien parlementaire.
27:28le voici par exemple
27:31sur le plateau
27:32d'une télévision yéménite.
27:36Que sait-on
27:37sur cet homme ?
27:38Il a participé
27:41aux manifestations
27:42pendant la dernière révolution
27:44au Yémen.
27:46Il était très actif.
27:50Il militait
27:51contre l'ex-gouvernement.
27:55On dit aussi
27:56qu'il a participé
27:57à une attaque
27:58contre un convoi
27:59transportant des armes.
28:00mais quoi qu'il en soit,
28:06on aurait pu l'arrêter
28:07et le juger
28:08parce qu'il vivait
28:10proche de Sanaa,
28:13dans une région
28:14où il y a des policiers
28:15et des militaires.
28:17Sur cette frappe
28:18comme sur les autres,
28:20la Maison Blanche
28:20et la CIA
28:21ne donnent
28:21aucune explication.
28:23Ces attaques
28:24sont classées
28:24secret défense.
28:27Les drones
28:27ne font pas que
28:28des victimes collatérales.
28:29plus graves encore.
28:32Parfois,
28:33ils commettent
28:33des bavures.
28:41Ces images
28:42sont exclusives.
28:45Elles sont filmées
28:46par la fondation Alkarama.
28:49Onze corps
28:50alignés
28:51dans la chambre froide
28:52d'un hôpital.
28:55Tous
28:55sont des civils
28:57tués dans une attaque
28:58américaine.
28:59Elle a eu lieu
29:03le 2 septembre 2012.
29:06Ce jour-là,
29:07des tirs
29:08venus du ciel
29:09frappent une camionnette
29:10près de Radha
29:11à 150 kilomètres
29:13au sud
29:13de la capitale.
29:15Ces images
29:16amateurs
29:17sont filmées
29:17juste après l'attaque.
29:22Ici,
29:23les corps
29:24des civils
29:25entassés
29:25à l'arrière
29:26d'une voiture.
29:26les missiles
29:28visés
29:29des combattants
29:29islamistes
29:30présumés,
29:31ils n'ont pas
29:32touché la bonne cible.
29:34Trois mois plus tard,
29:35le Washington Post
29:37titre
29:37quand les drones
29:38américains
29:39tuent des civils.
29:41Le prestigieux journal
29:42révèle que ses sources
29:44dans l'administration
29:44américaine
29:45reconnaissent
29:46anonymement
29:47qu'il s'agit bien
29:48d'une frappe
29:49des États-Unis.
29:49C'est Mohamed Al-Amadi,
29:55l'enquêteur
29:55de l'ONG
29:56qui a filmé
29:57les corps.
29:58Parmi les victimes,
30:00il y a deux enfants.
30:04Regardez,
30:06ce petit corps là,
30:07sur le sol,
30:08c'est une petite fille.
30:11Et là,
30:12juste à côté,
30:13c'est un petit garçon
30:14de 8 ans.
30:14Vous aviez déjà vu
30:23quelque chose
30:23comme ça avant ?
30:25Des bombardements
30:26comme ceux-là ?
30:28Non, jamais.
30:31C'était terrifiant
30:31et très dur.
30:35Quand nous étions
30:36à l'hôpital,
30:37à côté
30:37de la chambre froide,
30:40il y avait encore
30:41l'odeur des bombes.
30:44Au total,
30:4713 civils
30:48sont morts
30:48dans cette bavure.
30:51Pour ces yéménites
30:52désormais,
30:53la guerre propre
30:54d'Obama
30:54contre le terrorisme
30:56ressemble à ça.
31:00C'est un message
31:01que j'envoie au nord,
31:03au sud,
31:03à l'ouest
31:04et à l'est.
31:05À tous les hommes
31:06libres du Yémen,
31:07nous allons nous venger.
31:09Nous sommes prêts
31:10pour la guerre.
31:11Nous sommes prêts
31:11à mourir.
31:13On ne peut pas
31:13nous traiter
31:14comme ça.
31:15On n'est pas
31:16des terroristes.
31:17On n'est pas
31:17avec Al-Qaïda.
31:18On est juste
31:19des agriculteurs.
31:20On n'est pas
31:21des hommes dangereux.
31:23On était juste
31:23sur la route
31:24pour aller travailler.
31:31Pour beaucoup
31:32dans le pays,
31:33les drones
31:34sont devenus
31:34le symbole
31:35de l'ingérence américaine.
31:36à Sanaa,
31:43nous rencontrons
31:44un journaliste
31:45yéménite.
31:47Faria Al-Muslimi
31:49est un spécialiste
31:50reconnu
31:50de la question
31:51des drones.
31:53Il a récemment
31:54été entendu
31:55sur le sujet
31:55par le Congrès américain.
31:58Pour lui,
31:59les États-Unis
32:00ne disent pas
32:00la vérité
32:01sur le programme
32:02de drones.
32:02Le président Obama
32:06affirme
32:07que les Américains
32:08ciblent uniquement
32:09des terroristes
32:10et cela seulement
32:11lorsqu'ils n'ont
32:11pas d'autre choix.
32:12Je peux vous dire
32:16avec certitude
32:17que c'est un mensonge
32:18total.
32:22Je peux affirmer
32:23que moins de 10%
32:24des personnes
32:24visées dans ces frappes
32:25ne pouvaient être
32:26capturées
32:27et présentaient
32:27une réelle menace.
32:31Pour Faria Al-Muslimi,
32:34les attaques
32:34comme celles
32:34de Radha
32:35renforcent
32:36le sentiment
32:36anti-américain.
32:39Avant,
32:39à Radha,
32:40les mères disaient
32:40aux enfants
32:41« Va te coucher
32:42ou j'appelle ton père ».
32:43Maintenant,
32:44elles disent
32:44« Va te coucher
32:45ou j'appelle
32:45les drones ».
32:47Ils ont changé
32:51nos références
32:51en matière de peur.
32:53C'est incroyable.
33:05Aux États-Unis,
33:07ces protestations
33:08venues des pays
33:08où les drones opèrent
33:09sont désormais
33:11soutenus
33:11par des militants
33:12pacifistes.
33:14Arrêtez
33:15les criminels
33:15de guerre.
33:16Arrêtez
33:17les criminels
33:17de guerre.
33:20Régulièrement,
33:21ils manifestent
33:22devant les bases
33:22de drones américaines
33:24comme ici
33:25près de New York.
33:27Vous arrêtez
33:29la mauvaise personne.
33:30Les meurtriers
33:30sont à l'intérieur.
33:33Pour les manifestants,
33:34les États-Unis
33:35sont allés
33:35trop loin
33:36au nom de la lutte
33:37contre le terrorisme
33:38jusqu'à bafouer
33:39leurs propres principes.
33:43Si quelqu'un
33:45viole la loi,
33:46il doit être conduit
33:47devant la justice.
33:48Il ne peut pas
33:49être tué comme ça
33:50sur des allégations.
33:54Et pourtant,
33:55c'est ce que font
33:55les Américains.
33:57On tue les gens
33:58parce qu'on pense
33:59qu'ils violent la loi
33:59ou qu'on pense
34:00qu'ils ont tué
34:01un soldat américain
34:02par exemple.
34:03Mais on n'a
34:04aucune preuve de ça.
34:05dans la cible
34:10des opposants,
34:11il y a
34:12John Brennan.
34:13Ancien conseiller
34:14d'Obama,
34:16il a convaincu
34:16le président
34:17de multiplier
34:18les frappes de drones.
34:20Début 2013,
34:22Barack Obama
34:22choisit d'en faire
34:23le patron
34:24de la CIA.
34:26Alors,
34:27le jour de son audition
34:28devant le Congrès,
34:29les opposants
34:30décident de se faire
34:31entendre.
34:31Je suis honnête
34:33d'apparer
34:33devant vous aujourd'hui
34:34aujourd'hui
34:34comme le président
34:36le nominé
34:37pour...
34:38...
34:39...
34:39...
34:41...
34:41...
34:42...
34:43...
34:45...
34:47...
34:48...
34:50...
34:52À Washington aussi, la polémique enfle.
35:16Au Congrès, certains élus réclament plus de transparence sur les opérations.
35:20Selon les chiffres sur lesquels s'accordent les ONG qui enquêtent sur le sujet, plus de 3000 personnes sont mortes dans les frappes de drones.
35:31Parmi elles, combien sont des civils ?
35:36Loin de Washington, dans un pays où les drones d'Obama frappent à grande échelle, certains sont persuadés que les États-Unis commettent un crime de guerre, et ils sont bien décidés à le prouver.
35:50Au Pakistan, depuis 2004, il y a eu plus de 350 attaques de drones.
35:59Le pays est le principal front de la guerre contre le terrorisme.
36:09Depuis l'arrivée des forces occidentales en Afghanistan, les troupes d'Al-Qaïda et les dirigeants talibans se sont réfugiés dans le nord-ouest du Pakistan.
36:22Dans cette région, les zones tribales. Ces montagnes sont devenues leurs sanctuaires. Au milieu de la population, ils s'y regroupent, s'y entraînent et recrutent de nouveaux combattants.
36:39La zone est inaccessible pour les occidentaux. L'armée pakistanaise elle-même ne contrôle pas l'ensemble du territoire.
36:48Les drones américains, stationnés dans l'Afghanistan voisin, opèrent dans cette région un programme d'assassinat. C'est ici qu'ils ont fait le plus de victimes.
37:02A Islamabad, la capitale, nous retrouvons Noor Berham. Ce journaliste, originaire des zones tribales, est l'un des seuls à pouvoir se rendre sur les lieux des attaques.
37:15Depuis des années, il enquête sur la mort des femmes et des enfants dans les frappes américaines.
37:22Il accumule les preuves, comme ces images filmées en territoire taliban. Elles sont extrêmement rares. Elles ont été réalisées juste après une frappe en février 2011.
37:39La poussière soulevée par l'explosion est encore dans les airs.
37:44Je partais pour une interview et tout d'un coup, il y a eu cette attaque et j'ai filmé. Ce sont des images exclusives.
37:57On voit le nuage après le tir de drone. Lorsque je suis arrivé sur place, voilà la scène que j'ai découverte.
38:07Les villageois, en train de se secourir, les blessés étaient déjà partis pour l'hôpital. Il restait juste le corps de cet homme.
38:22Comme souvent, le drone a frappé au milieu d'un village. On distingue ici le trou de l'impact du missile.
38:33Nour Béram s'est rendu sur des dizaines de frappes comme celle-ci.
38:37Les photos et les vidéos qu'il rapporte sont difficilement soutenables.
38:42Ce sont des enfants blessés ou tués par les missiles.
38:49Vous avez vu beaucoup d'enfants blessés ou tués dans les attaques de drones ?
38:54J'ai vu au moins une centaine d'enfants touchés par une attaque de drone. Beaucoup sont morts. Les autres étaient blessés.
39:09Parmi eux, il y a Fatima Rahn. Nour Béram a pris la photo de cette petite fille de 8 ans, quelques minutes avant sa mort.
39:22Elle a eu lieu le 21 mai 2010.
39:24Depuis quelques jours, un drone américain surveille une maison dans les zones tribales près de l'Afghanistan.
39:32A l'intérieur se trouve Mustafa Abu Yazid, le grand argentier d'Al Qaïda dans la région.
39:38Dans une maison voisine, Fatima Rahn dort.
39:42A deux heures du matin, l'avion sans pilote, télécommandé depuis les Etats-Unis, ouvre le feu.
40:04Abu Yazid est tué, mais des éclats de missiles traversent les murs et touchent la petite fille.
40:12Fatima a reçu un éclat de missile dans le ventre et deux éclats dans les jambes.
40:19Elle était à moitié évanouie. Elle nous regardait, mais elle ne parlait pas.
40:26Elle est décédée très rapidement, car le missile a provoqué une hémorragie interne dans son estomac.
40:35Dans cette frappe, deux autres enfants sont morts, le frère et le cousin de la petite fille.
40:45Nour Behram confie ses documents à un avocat pakistanais.
40:55Shahzad Akbar a décidé de défendre les civils victimes de frappes de drones, comme Fatima.
41:01Il veut faire condamner les Etats-Unis pour violation du droit international.
41:08Alors lui aussi accumule les pièces à conviction, comme ces morceaux de missiles tombés sur le sol pakistanais.
41:14Voici celui utilisé dans la frappe qui a tué Fatima Rahn, le 21 mai 2010.
41:24Nous l'avons fait identifier. Il s'agit bien d'un missile Hellfire, le modèle qui équipe les avions sans pilote américains.
41:32Shahzad Akbar a déjà recueilli 127 plaintes. Selon lui, 127 cas de civils pakistanais tués par les drones.
41:44Mais pour l'avocat, ce n'est qu'une toute petite partie des victimes civiles.
41:48Un récent jugement de la justice pakistanaise semble lui donner raison.
41:55Selon ce document, sur plus de 3000 personnes tuées par les drones, une sur deux n'est pas un combattant islamiste.
42:03Le jugement livre pour la première fois un nombre de civils tués.
42:08896 dans la zone tribale du nord oisiristan, 553 dans celle du sud oisiristan.
42:15Cela fait 1449 civils pakistanais tués, selon la justice pakistanaise.
42:22Elle conclut que ces attaques sont un crime de guerre.
42:25Pour Shahzad Akbar, ce n'est pas tout.
42:28D'après son enquête, parmi les combattants tués, 2% seulement seraient des hauts responsables d'Al Qaïda.
42:35C'est aujourd'hui un fait.
42:39Pas plus de 60 chefs importants d'Al Qaïda ont été éliminés par les drones au Pakistan.
42:46Et le nombre total de morts est de plus de 3000.
42:51Pour l'essentiel, les victimes sont des civils.
42:54Les enfants de 7, 8 ou 10 ans ne peuvent pas être des combattants.
43:03Parmi les victimes civiles, il y a la grand-mère de ces petites filles.
43:06Rafik Rehman, un instituteur, n'oubliera jamais le jour où un drone a frappé à côté de sa maison, au milieu de l'après-midi.
43:18Sa mère est morte dans la frappe et ses enfants ont été blessés.
43:23La famille vient des zones tribales pour rencontrer l'avocat.
43:27Elle a rassemblé toutes ses pièces à conviction.
43:30Les radios des blessures.
43:32Les radios des blessures.
43:35Et les certificats médicaux attestant qu'elles ont été causées par un missile.
43:40Des éléments très difficiles à obtenir dans les zones tribales.
43:44Les médecins ont retiré les projectiles du corps des enfants.
43:47La famille veut se battre et faire connaître son histoire au monde entier.
43:55Elle demande à l'avocat de la défendre en justice.
43:58Nous montrons au père, l'homme qui, à 12 000 kilomètres de là, dirige le programme de drones.
44:07Regardez, c'est lui qui vous a tiré dessus.
44:27Ils voient cette vidéo pour la première fois.
44:29Moi, j'invite Obama, le président des États-Unis, à venir voir notre maison.
44:40Qu'il regarde, qu'il fasse son enquête.
44:44S'il y a des talibans ou des membres d'Al Qaïda avec nous, qu'il brûle chaque membre de notre famille.
44:53Et s'il n'y en a pas, alors qu'il arrête ses persécutions.
44:56Parce que ce n'est pas une bonne chose de faire couler le sang des innocents, des enfants et des femmes.
45:03Non, ce n'est pas une bonne chose.
45:09Pourquoi les drones ont-ils fait autant de victimes civiles au Pakistan ?
45:14Pour Shahzad Akbar et les ONG qui enquêtent sur le sujet, la CIA a tout simplement la gâchette trop facile.
45:21Cela peut paraître incroyable, mais au fil des années, le service de renseignement s'est détaché de sa kill liste, sa liste des terroristes présumés, pour développer un nouveau type d'attaque par drone.
45:35Désormais, plus question de tirer uniquement sur les suspects recherchés.
45:39La CIA choisit ses cibles en se basant simplement sur des comportements vus du ciel en temps réel.
45:48Voici un exemple. Un drone chargé de surveiller un village surprend un 4x4 blanc.
45:54Il appartient à un groupe d'hommes armés. Sur les images, leur comportement est suspect.
45:58Pour les Américains, c'est la signature de terroriste.
46:03La CIA décide, en quelques minutes, d'ouvrir le feu.
46:07La presse américaine appelle ces attaques les frappes signatures.
46:13Le problème, c'est que dans les zones tribales, beaucoup d'hommes se déplacent en 4x4 et portent un fusil.
46:20Aux Etats-Unis, Mark Mazzetti du New York Times fait partie des journalistes américains qui ont révélé ce type de frappe.
46:34Il rencontre régulièrement des hauts responsables du programme.
46:39Les frappes signatures sont basées sur l'observation de comportement et non sur des renseignements solides sur le terrain.
46:46Plus vous utilisez cette méthode, plus vous avez de chances de faire des erreurs.
46:56Avec les frappes signatures, vous tuez sans savoir qui vous tuez.
47:01Il n'y a aucun doute que les frappes signatures ont conduit à tuer des civils,
47:09à tuer des personnes qui n'étaient pas des combattants.
47:13Jusqu'à présent, aucun responsable de l'administration Obama n'a reconnu officiellement les frappes signatures.
47:23Mais devant notre caméra, pour la première fois, un ancien directeur du renseignement américain va admettre indirectement leur existence.
47:32Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qu'est une frappe signature ?
47:39Vous ne voulez pas rentrer dans les détails ?
47:41Personne dans l'administration n'a jamais parlé publiquement des frappes signatures.
47:44Donc, en tant qu'ancien officiel, je ne peux pas le faire.
47:49Mais, laissez-moi vous donner un exemple.
47:52Un drone patrouille au-dessus du Pakistan.
47:55Et il filme trois pick-up blancs remplis d'hommes armés.
48:03Il quitte un village qui, selon nos renseignements, est une base pour les talibans.
48:09Eh bien, vous pouvez déduire, raisonnablement, que ce groupe d'hommes prend la direction de l'Afghanistan pour attaquer les Afghans ou les Américains.
48:23C'est un exemple d'attaque dans laquelle on n'a pas besoin de connaître le nom des personnes.
48:29Mais pour défendre nos soldats, on les tue.
48:35Donc, vous ne connaissez pas toujours le nom des personnes que vous visez ?
48:40Dans cet exemple-là, non.
48:43Au Pakistan, la bataille contre ces frappes commence pour Shahzad Akbar.
48:49Après des années d'enquête, il décide d'attaquer la CIA en justice pour crimes de guerre.
48:54Un avocat pakistanais, face au puissant service de renseignement américain, le combat risque d'être compliqué.
49:03Dans le pays, les agents de la CIA sont retranchés à Islamabad, la capitale.
49:09Ici, dans une enclave diplomatique.
49:14C'est un quartier fortifié, impénétrable sans autorisation et où il est normalement interdit de filmer.
49:24Voici l'un des bâtiments les plus protégés du pays, l'ambassade américaine.
49:30Elle est en pleine expansion.
49:35Vu du ciel, ça donne ça.
49:38Des dizaines d'hectares, des piscines, des terrains de sport,
49:44une ville dans la ville d'où la CIA opère en secret.
49:47Pour suivre en justice une agence d'espionnage, officiellement inexistante sur le territoire, c'est impossible.
49:56L'avocat choisit donc de porter plainte contre l'ancien chef du bureau de la CIA au Pakistan, Jonathan Banks.
50:03Son nom a été révélé par la presse.
50:05Le chef de la CIA est la clé de toute la procédure, car c'est le seul haut responsable physiquement présent au Pakistan que nous connaissons.
50:18C'est le lien, l'élément juridique qui peut permettre à la justice pakistanaise de poursuivre la CIA.
50:24Car le but ultime n'est pas de poursuivre le chef de la CIA, mais la CIA elle-même qui dirige les frappes de drones.
50:29L'avocat pakistanais veut faire condamner la CIA.
50:41Mais d'autres s'attaquent directement à Barack Obama.
50:48Ils sont aux Etats-Unis.
50:49À Washington, ACLU, une organisation de défense des libertés, vient de porter plainte contre le gouvernement.
51:01Selon elle, les frappes de drones sont contraires à la constitution américaine et au droit international.
51:07On peut considérer que c'est un crime de guerre, car selon le droit international, lorsque les Etats-Unis ou tout autre pays utilisent la force pour tuer,
51:20les dommages ne peuvent être supérieurs aux risques qu'ils sont censés éviter.
51:25Or, ce que l'on constate, c'est que certaines attaques font un nombre important de victimes civiles et que dans beaucoup d'attaques,
51:33les Etats-Unis n'ont pas la moindre idée de qui ils tuent.
51:37En voulant lutter contre le terrorisme et protéger les Américains, l'administration Obama semble avoir outrepassé ses droits.
51:55Sur la scène internationale, Bush est resté dans l'histoire comme le président de la torture.
52:08Quelle image laissera Barack Obama ?
52:12Celle du jeune chef d'Etat, porteur d'espoir, qui en octobre 2009 reçoit le prix Nobel de la paix et veut changer le visage de l'Amérique.
52:22Ou celle du commandant en chef qui, quatre ans plus tard, accusé par certains de crimes de guerre,
52:30finit par admettre la mort de civils dans les frappes de drones, mais assume.
52:36Ou celle du commandant en chef qui, quatre ans plus tard, accusé par certains de crimes de guerre,
52:45finit par admettre la mort de civils dans les frappes de drones, mais assume.
52:50De toute façon, c'est un vrai facteur que les guerres 18 ans ont resulté dans les casaux civils.
52:57Un risque qui existe dans tous les guerres.
53:02Et pour les familles de ces civiliens,
53:07aucun mot ou un constat de légal
53:09ne peut justifier leur loss.
53:11Pour moi et ceux dans ma chaine de commande,
53:15ces mortes vont nous hausser pendant que nous vivons.