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00:00Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le docteur Maurice Berger.
00:03Bonjour Maurice Berger.
00:04Bonjour.
00:05Bienvenue sur Europe 1, pédopsychiatre, psychanalyste, spécialiste des enfants hyper violents.
00:09Votre dernier livre, Mineurs violents, états inconsistants pour une révolution pénale,
00:14c'est paru chez l'artilleur édition.
00:16Alors Europe 1 se penche aujourd'hui, et Maurice Berger,
00:18sur ce qui est en train de devenir une question d'ordre public majeur,
00:22la délinquance des mineurs à coups de poing, de pied, de couteau, de marteau,
00:26jusqu'au sang, parfois jusqu'à la mort.
00:28On pense à Elias, tué pour son téléphone fin janvier.
00:31Ça fait plus de 35 ans que vous travaillez auprès de Mineurs violents, Maurice Berger,
00:36et vous êtes aujourd'hui très pessimiste sur la situation.
00:40Eh bien, je pense qu'elle est réellement, actuellement, irrécupérable.
00:46Et je pèse mes mots.
00:47C'est-à-dire que face à la violence des mineurs qui augmente en quantité,
00:52en gravité, en abaissement de l'âge, sur tout le territoire,
00:57eh bien, face à cela, nous avons beaucoup trop de politiques,
01:02de juges, d'éducateurs, de médias aussi,
01:05qui refusent de regarder cette réalité, pour des raisons idéologiques.
01:10Donc, le résultat, c'est qu'on propose des petites mesures,
01:14et ce qui nous manque, c'est un véritable projet de société,
01:18dont l'axe serait, l'État doit protéger l'intégrité physique des citoyens,
01:24sanctuariser le corps, c'est-à-dire se centrer sur la victime.
01:28Je ne pense pas qu'on pourra progresser avec la composition actuelle de l'Assemblée Nationale.
01:34Donc, pour le moment, c'est irrécupérable.
01:37Vous dites, Maurice Berger, que la violence des jeunes, elle a changé de nature.
01:42Elle a changé de nature parce qu'elle est devenue extrême.
01:46C'est-à-dire qu'elle va jusqu'au bout.
01:48Le but, ce n'est pas de mettre quelqu'un avec qui on n'est pas d'accord,
01:53de le mettre au sol, c'est de l'éliminer.
01:56L'éliminer, donc on va frapper à la tête,
01:59on va donner des coups de couteau, éventuellement jusqu'à ce que mort s'en suive.
02:03Donc, il y a une sorte de barrière qui a sauté.
02:06Et puis, moi, ce qui me frappe, c'est que les mineurs actuels
02:11n'ont plus aucune loi dans la tête.
02:14C'est-à-dire que quand je parle avec eux,
02:16c'est au mieux la loi du plus fort, je dirais.
02:19Comme mineur, je ne peux pas être condamné ou je fais ce que je veux.
02:23Je fais ce que je veux, ça veut dire que le mot obtempérer ne signifie rien.
02:27On ne peut même pas parler de refus d'obtempérer
02:29puisque ces mineurs ne savent pas ce que c'est.
02:31Oui, alors si je vous suis bien, Maurice Berger,
02:33ces mineurs, ils ont intégré et finalement, il y a peu de chances qu'ils soient sanctionnés.
02:38Vous expliquez dans votre livre, d'ailleurs, que l'on échoue avec ces jeunes
02:41car on leur oppose une politique que vous qualifiez d'anti-pénale.
02:45Qu'est-ce que vous voulez dire par ce mot d'anti-pénale ?
02:47Ce qu'on traîne, c'est qu'on annone la primauté de l'éducatif sur le répressif.
02:54C'était valable en 1945 quand on a créé la loi sur la délinquance
02:58et on le répète de la même manière 70 ans plus tard.
03:02C'est-à-dire que nous avons une incapacité à penser que la sanction fait partie de l'éducation.
03:07Mais je vais même plus loin.
03:09Actuellement, avec les formes de délinquance auxquelles nous sommes confrontés,
03:13il faut la sanction d'abord pour que le travail éducatif avec ces mineurs puisse prendre sens.
03:22Donc c'est toute la question des courtes peines mises en place très rapidement
03:28et les études qu'on a montrent leur efficacité.
03:32Et puis un autre aspect de l'anti-pénale, c'est l'érosion de la peine.
03:39C'est-à-dire que pour aller vers une privation de liberté,
03:44il faut avoir fait un acte qui mérite plus d'un an de prison.
03:50Donc vous imaginez...
03:53Il faut déjà des actes extrêmement graves pour qu'on en arrive là.
03:56Est-ce qu'on a des exemples, Maurice Bergé ?
03:58Est-ce qu'il y a des pays qui puissent nous servir de modèle
04:01dans le traitement de la délinquance des mineurs violents ?
04:03Oui, alors il y a tout d'abord les Pays-Bas.
04:06Alors là, c'est spectaculaire.
04:08C'est-à-dire qu'il y a des peines très rapides et beaucoup moins longues qu'en France.
04:13Le résultat, c'est qu'ils ont vidé leur prison
04:16parce que les délinquants ont la certitude d'être incarcérés.
04:19La certitude d'être incarcérés rapidement, immédiatement.
04:23Et il y a quelques années, ils avaient vidé 8 prisons,
04:28maintenant je crois qu'ils en ont vidé 20 et ils louent leur place de prison.
04:31Et puis on a des études internationales qui montrent l'efficacité de ces courtes peines,
04:36dont je rappelle qu'elles étaient encore enseignées en 2002
04:40à l'École nationale de la magistrature et puis l'idéologie a détruit cela.
04:46Donc pas d'excuse automatique de minorité,
04:49la possibilité de courte peine rapide, des peines planchers prévisibles
04:54et moi j'ajouterais un abaissement de l'âge de la majorité pénale.
04:58Au Danemark, en Suède, c'est 15 ans la majorité pénale,
05:01c'est pas 18 ans dans ces pays démocratiques.
05:04Donc avec ces mesures, là, on a un socle pour que le travail éducatif
05:11puisse prendre sens dans la société.