Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • 02/04/2025
Pour la première étape du Climat Libé Tour à Paris, Paul Watson, fondateur de Sea Shepherd, défenseur des baleines était l’invité exceptionnel de Libération ce 28 mars 3 mois après sa détention au Groenland.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Paul Watson, vous avez consacré votre vie à un combat, la lutte contre la chasse à la banane,
00:06pour le mener pour vous, pas de manifestation, pas de communiqué de presse, non.
00:09Pour vous, ce qui importe, c'est ce que vous appelez l'action agressive non violente.
00:14Pour vous faire comprendre ce qu'est ce mode d'action,
00:16je voudrais vous parler de quelque chose qui s'est passé il y a 15 ans,
00:19on va faire un petit bond dans le passé.
00:21Il y a 15 ans, vous partez au large de l'Antarctique pour votre série Whale Wars,
00:26vous et votre équipage trouvez des balénies japonais,
00:29et vous commencez votre opération.
00:31Diffusion de musique classique à plein régime,
00:33jets de peinture rouge et de boules puantes d'acide butyrique,
00:36lancées de cordage sous les hélices des bateaux,
00:39voilà l'expression concrète de votre mode d'action.
00:43Malheureusement, cette affaire et ce mode d'action vous mèneront 14 ans plus tard
00:47dans une prison au Groenland, après l'émission d'un mandat d'arrêt international par le Japon.
00:53Vous y êtes détenu pendant 149 jours,
00:55149 jours où vous redoutez d'être extradé vers une prison japonaise.
01:00Heureusement, vous vous êtes libéré le 17 décembre 2024.
01:03Ça signifie que vous avez pu passer vos fêtes de fin d'année en famille.
01:07Paul Watson, vous êtes libre depuis un peu plus de trois mois.
01:10Comment allez-vous ?
01:12Je vais très bien, merci.
01:16Le temps que j'ai passé en prison au Groenland, pour moi, c'était l'occasion
01:22de continuer à me concentrer sur la chasse illégale à la baleine au Japon,
01:27et en plus en m'intéressant à ce qu'il se passe dans les îles faroées
01:33où on tue également les baleines et les dauphins.
01:35Paul Watson, en 149 jours de détention au Groenland,
01:39sans voir votre famille, sans savoir si vous pourriez sortir,
01:44est-ce que cette détention, elle vous avait réfléchi sur votre mode d'action
01:48en tant que militant écologiste ?
01:51Ah, ce n'était pas la première fois que je me suis arrêté.
01:53J'ai eu l'occasion d'y réfléchir. J'ai passé du temps en prison, déjà.
01:57Mais on ne m'a jamais condamné pour un crime,
02:02je n'ai jamais blessé qui que ce soit dans toute ma carrière.
02:05Je n'ai jamais eu de condamnation pour violences, c'est ça, l'agression non-violente.
02:11C'est-à-dire qu'on ne cause pas de blessures et on reste dans le cadre de la loi.
02:15À 74 ans, est-ce que vous diriez que ça a fait vaciller votre détermination ?
02:20Vous allez raccrocher ou vous allez continuer votre combat ?
02:26Non, ce n'est pas la récession qui va changer quoi que ce soit.
02:30La notice rouge, qui est le mandat d'arrêt international,
02:34est renouvelée par le Japon avec l'accord d'Interpol,
02:37l'organisation internationale de police criminelle.
02:41Il se trouve que le siège d'Interpol est en France, est à Lyon.
02:45Vous nous aviez dit à Libération que vous alliez y aller pour discuter avec Interpol.
02:48Vous l'avez fait ?
02:49Oui, je me suis rendu à Lyon, il y a un mois exactement,
02:53et Interpol a appelé la police à Lyon pour savoir ce que je faisais là-bas,
02:59pour savoir si j'allais organiser une manif ou quelque chose comme ça.
03:03Et j'aurais dit non, non, je n'ai pas l'intention d'organiser quoi que ce soit
03:06parce qu'on est en train d'exercer une pression juridique et politique sur Interpol.
03:12Interpol, comme vous le savez peut-être,
03:16est utilisé et instrumentalisé par bien des pays à des fins politiques
03:20pour embêter les lanceurs d'alerte, les militants.
03:26Actuellement, d'ailleurs, nous interpellons Interpol,
03:30ce n'est pas que pour moi, mais pour d'autres personnes qui ont été visées,
03:34pour arrêter de faire d'Interpol une arme aux mains des pays
03:39qui veulent s'en servir à des fins politiques.
03:41Alors, cette histoire de notices rouges,
03:44en fait normalement ça existe pour des crimes très très graves,
03:48et je suis la seule personne dans toute l'histoire d'Interpol,
03:51en tout cas pour les notices rouges,
03:54pour avoir reçu une notice pour avoir voulu empêcher des activités.
03:58Je voudrais revenir à Paul Watson sur un petit peu l'origine de votre combat.
04:02Pourquoi est-ce que vous avez fondé Sea Shepherd ?
04:04Vous pensiez que les autres associations étaient trop molles ?
04:08J'ai co-fondé Greenpeace en 1972,
04:12et après quelques années, j'ai estimé que je ne voulais plus prendre des photos,
04:17je voulais être présent sur le terrain.
04:20Donc, d'où l'idée est venue de cette violence non agressive.
04:25Alors, il y a eu des heurts avec Greenpeace, c'est vrai,
04:30parce que je menais une campagne pour protéger les baleines au large des Terres Neuves,
04:38et il y avait donc un baleinier qui s'apprêtait à tuer un bébé baleine,
04:43et j'ai attrapé le harpon, je l'ai balancé dans l'océan,
04:48et j'ai pu mettre le bébé baleine en sécurité.
04:53Or, Greenpeace m'a accusé de voler le bien de ce baleinier, donc le harpon,
05:00et de l'avoir détruit.
05:04Alors, c'était en fait une arme destinée à tuer les bébés baleines.
05:09J'étais là pour sauver des vies,
05:12et je n'allais pas laisser cette pauvre baleine succomber aux coups du baleinier.
05:19Et c'est ça qui m'a amené à créer Sea Shepherd, et cette histoire de violence non agressive.
05:24Vous avez donc mentionné votre mode d'action, la violence non agressive.
05:30À quel moment est-ce que vous vous êtes dit que c'était le meilleur mode d'action
05:35face aux attaques faites contre les baleines, et pourquoi ce mode plutôt qu'un autre ?
05:41Écoutez, parce que très vite je me suis rendu compte que ce mode d'action était très efficace.
05:48On a réussi à arrêter des opérations de chasse à la baleine à travers le monde,
05:54grâce à ce mode d'action, et des opérations de pêcherie illégales dans le monde entier aussi.
05:59En 1986, par exemple, on a coulé la moitié des baleiniers de l'Islande,
06:06toute la flotte de baleiniers, ce qui a obligé à arrêter ces activités pendant sept ans.
06:11Alors...
06:20Ça peut vous paraître illégal,
06:24mais je me suis rendu à Reykjavik, en Islande, pour exiger de me faire arrêter, figurez-vous.
06:31Et à l'aéroport, la police m'a donc accueilli là-bas,
06:36et ils m'ont demandé combien de temps je pouvais rester en Islande.
06:40J'ai dit, je ne sais pas, cinq minutes, cinq jours, cinq ans, je ne sais pas.
06:44Et puis, il a fallu subir un interrogatoire.
06:49Il m'a dit, est-ce que vous reconnaissez avoir coulé ces bateaux de pêche, de chasse ?
06:57Et je dis, oui, et je vais couler les deux autres qui restent à la première occasion.
07:02Sur ce, on m'a embarqué à l'aéroport, et on m'a dit, rentrez chez vous.
07:08Et ce jour-là, le ministre de la Justice a dit devant le Parlement,
07:16mais il se rend pour qui, celui-là ?
07:20Il vient dans notre pays, exige de se faire arrêter, virez-le.
07:27Parce qu'il savait que si on me faisait un procès en Islande,
07:33c'était toute l'Islande qui serait en procès devant le monde entier.
07:39Donc il n'y avait pas de crime, en tout cas.
07:42— Est-ce que vous pensez que ce mode d'action que vous défendez est le seul valable ?
07:47Vous l'avez dit, c'est pour vous le plus efficace. Mais est-ce que c'est le seul valable ?
07:51Par exemple, si on prend l'affaire il y a 15 ans,
07:54est-ce que vous avez déjà tenté d'aller discuter avec des autorités japonaises
07:57avant de prendre vos caméras et mener cette action spectaculaire ?
08:02— Alors il se trouve que... En parlant à l'équipe de Baleinier,
08:09ils ont pu arrêter une opération de chasse aux dauphins dans une île du Japon,
08:14parce que je leur ai dit que s'ils continuaient, j'allais couler leur bateau.
08:20Ils ont décidé qu'ils ne voulaient pas que je coule leur bateau. Donc ils ont arrêté.
08:26Cela dit, ce n'est pas la seule façon d'agir.
08:32La force d'un écosystème réside dans sa diversité.
08:37Et la force d'un mouvement réside également dans sa diversité.
08:41Et donc il y a des tas d'approches possibles.
08:44L'éducation, bien sûr, la législation, les actions en justice ou le militantisme.
08:51Et c'est ensemble que ça fait un écosystème qui peut agir.
08:55— Vous pensez que vos actions avec Sea Shepherd ont eu des conséquences concrètes
09:00sur la protection des cétacés et sur leur survie.
09:03Est-ce que les cétacés vont mieux depuis que vous agissez ?
09:08— On a sauvé 6 500 baleines dans les océans des mers du Sud.
09:15On a fermé toute la pêcherie à la baleine illicite au Canada.
09:22Évidemment, ça a mis fin à la carrière de tous les baleiniers pirates des océans.
09:29Et on a fermé les opérations de chasse à la baleine en Australie, au Chili, au Pérou,
09:36dans d'autres pays encore, et même en Union soviétique.
09:41— Est-ce que vous pensez que les menaces contre les cétacés ont évolué ?
09:47Est-ce que c'est toujours la chasse à la baleine qui est le principal problème pour la vie marine ?
09:53— Ah non, les baleines sont menacées bien sûr par la chasse,
09:57mais également le fait de se retrouver accrochées au filet de pêche.
10:03Elles peuvent être également heurtées par des navires.
10:06Et il y a également les nuisances sonores qui peuvent leur nuire.
10:11Il y a les essais sismiques qui sont réalisés quelquefois,
10:15et les actions navales, donc il y a des tas de choses.
10:19— Et puis évidemment, il y a moins de nourriture disponible pour les baleines dans les océans.
10:26— Aujourd'hui, j'ai le sentiment qu'avec le changement climatique,
10:29les menaces sur les écosystèmes sont parfois beaucoup plus diffuses.
10:33Par exemple, vous l'avez dit, le changement climatique modifie l'accès à la nourriture disponible pour les baleines.
10:38Il modifie la concentration de polluants aussi dans les océans.
10:41Tout ça a des impacts sur la biodiversité marine.
10:44Bref, les jeunes militants écolo, j'ai l'impression qu'ils font face à ce type d'enjeux beaucoup moins palpables.
10:50Quels conseils pourriez-vous leur donner pour agir aussi concrètement
10:54que vous, vous avez pu le faire avec les baleiniers japonais ?
11:00— Chacun doit trouver ce qu'il est capable de faire au mieux.
11:05Il faut se servir de ses talents, de ses capacités, et essayer de faire une différence.
11:12La seule chose qui ait pu réussir dans ce genre d'affaires, c'est d'avoir la passion, le courage, l'imagination.
11:19Et c'est la passion des individus qui fait une différence.
11:23Moi, je vois de plus en plus de militantisme aujourd'hui qu'il y a 20 ou 30 ans.
11:28— Je voudrais parler un petit peu de votre rapport à la France.
11:32Après votre détention, vous avez notamment partagé l'envie de devenir citoyen français.
11:38Par ailleurs, la France a beaucoup aidé dans les négociations qui ont mené à votre libération.
11:43De votre point de vue, que pensez-vous de l'action de la France, du gouvernement français,
11:48sur la santé des océans et sur la biodiversité marine ?
11:52— Le gouvernement français s'en sort peut-être mieux que la plupart des autres.
11:57En tout cas, beaucoup mieux que le gouvernement américain, qui va exactement dans l'autre sens.
12:04Mais bon, c'est le pays de Jules Verne, de Jacques Cousteau, de Jacques Ferrand.
12:10Donc, il y a tout un héritage de militantisme et de protection des océans.
12:16Et je suis très fier d'être associé à tout cela.
12:20Maintenant, je ne peux pas retourner aux États-Unis, je ne peux pas retourner au Canada non plus.
12:27Je suis citoyen de ces deux pays, mais je ne peux pas m'y rendre,
12:31parce que le Japon a toujours cette notice rouge d'interpol.
12:35Donc la France m'a donné donc un sanctuaire pour échapper à ça.
12:41— Vous le savez peut-être, en France, beaucoup de personnes critiquent la politique d'Emmanuel Macron,
12:45sa politique environnementale. On dit qu'il fait beaucoup de promesses.
12:49Il a organisé la conférence One Nation Summit à Brest. Il porte aussi le sommet SOS Océans dimanche et lundi.
12:56Pourtant, en France, comme on l'a vu tout à l'heure avec Frédéric Le Manac,
12:5930 % des aires maritimes protégées, dans ces 30 % des aires maritimes protégées,
13:05des pêcheurs ont le droit de racler le fond des océans avec des chalutiers
13:09et donc de détruire la biodiversité marine.
13:12Paul Watson, ma question, elle est peut-être un peu choque,
13:14mais est-ce que vous pensez que Macron, c'est un hypocrite ?
13:17— Je crois que tout le monde... Chaque personne sur la planète, à sa façon, est hypocrite.
13:22On est dans l'hypocrisie. Enfin, tout le système est fondé sur l'hypocrisie.
13:29Les hommes politiques... Bon, la politique a été décrite comme étant l'art du possible,
13:35mais il y a une limite à ce que les hommes politiques sont capables de faire.
13:41Lorsqu'ils devaient vraiment prendre des mesures, ce serait un suicide politique.
13:46Donc, qu'est-ce qu'ils font ? La pression doit venir du public,
13:50et c'est ce qui amène les hommes politiques à vraiment prendre des mesures.
13:54Alors, si le public veut que les actions se passent, les hommes politiques le feront.
14:00Sorti de là, ma relation entre Sea Shepherd et le gouvernement français,
14:08cette relation est bonne parce qu'il n'y a pas de compromis à faire avec l'État, avec le gouvernement.
14:13On peut travailler avec eux, et en même temps, on peut les critiquer,
14:18mais en même temps, on peut même les poursuivre en justice,
14:22ce qu'on fait en ce moment, d'ailleurs, justement, pour cette histoire de sanctuaire pour les baleines,
14:28pour reconstituer ce sanctuaire et pour pouvoir retourner les baleines à l'océan.
14:35Et c'est une façon saine de travailler avec le gouvernement,
14:39c'est-à-dire qu'on collabore, mais on critique également, et si nécessaire, on va devant les tribunaux.
14:45Dans le rapport à la politique, est-ce que vous avez des exemples
14:50où l'action politique a pu porter des bienfaits pour la biodiversité, pour l'environnement,
14:56ou est-ce que, pour vous, c'est un mode d'action qui n'existe pas et qui n'a pas d'intérêt ?
15:02Non, la politique n'est pas la solution.
15:08Tous les changements se font grâce aux pressions sociales.
15:14La passion, le courage, l'imagination des individus, c'est cela qui fait changer les choses.
15:23Et c'est cela qui a mis fin à l'esclavage, par exemple.
15:26C'est ça qui a donné aux femmes le droit de vote.
15:30Les actions de personnes individuelles, à travers l'histoire, c'est toujours ça,
15:37c'est eux qui ont fait pression sur les politiques.
15:40Politiquement, c'est la seule chose qui n'a jamais fonctionné.
15:51Je le disais tout à l'heure, en juin 2025, va se dérouler à Nice l'UNOC.
15:56C'est comme une COP des océans, organisée par les Nations Unies.
16:00Déjà, ma première question, c'est, est-ce que Sea Shepherd sera présent ?
16:04Oui, oui, nous serons présents.
16:07Et moi-même, j'interviendrai en tant qu'orateur.
16:10Le gouvernement japonais a dit qu'il ne participerait pas à cet événement.
16:16Mais les organisateurs ont dit, dans ce cas-là, le Japon ne sera pas là.
16:22Il faut se rappeler qu'en 2015, je suis intervenu devant les Nations Unies à New York.
16:29Et à l'issue de cette intervention sur les océans,
16:33le Japon a dit aux Nations Unies
16:36que je ne devrais plus jamais avoir le droit de m'exprimer devant les Nations Unies.
16:40Et effectivement, ça fait dix ans qu'on ne m'a pas autorisé à parler là-bas.
16:44Mais les choses changent, puisque...
16:47Et évidemment, les Japonais ne sont pas très contents.
16:50Pourquoi ça a changé selon vous ?
16:52Je n'ai pas la moindre idée.
16:54Je suis allé à l'UNESCO il y a deux semaines.
16:58Je suis intervenu là-bas, et j'aurais dit que...
17:01Bon, ça fait dix ans que la Nippon Foundation
17:06finance le jour des océans de l'UNESCO, la journée des océans.
17:11Donc, ceux-là même qui détruisent l'océan
17:15donnent de l'argent à l'organisation qui est censée protéger l'océan.
17:20Et ensuite, c'est à eux de dire qui a le droit de parler et qui n'a pas le droit de parler.
17:24Mais il y a une sensibilisation du public
17:29qui a fait qu'il est de plus en plus difficile pour les Japonais de faire ça.
17:33Sur ce genre de grandes conférences,
17:35l'une des questions que je me pose repose sur leur efficacité.
17:40Il y en a eu des COP, mais je n'ai pas vu beaucoup d'effets concrets
17:43sur le climat, sur la biodiversité.
17:46Est-ce que vous pensez que les grandes conférences comme l'UNOC,
17:49c'est là que se joue la protection de l'environnement ?
17:52Et si elle ne se joue pas là, elle se joue où ?
17:55Écoutez, c'est quand même l'occasion de faire du réseautage
17:59entre les personnes du monde entier qui peuvent se rencontrer et se parler.
18:04Moi-même, je vais parler devant le chef traditionnel indien de la forêt amazonienne
18:12pour parler justement du poumon de la terre qui est la forêt amazonienne,
18:17l'océan qui est également le poumon bleu, la forêt étant le poumon vert.
18:22Vous qui traversez le monde, est-ce qu'il y a des zones géographiques
18:27où vous avez vu plus d'engagement citoyen autour du climat ?
18:31À quoi ça ressemble ? Est-ce qu'il y a des manières d'agir que nous,
18:34on n'a pas en Europe ?
18:36Pas vraiment.
18:42Le problème, c'est la vision qu'on a du monde.
18:46Par nature, on est complètement déconnecté de la planète.
18:53On accorde plus de valeur aux objets créés par l'homme,
18:57comme Notre-Dame de Paris.
19:04Par exemple, si vous vous rendiez à la Mecque,
19:06et vous crachiez sur la pierre noire là-bas,
19:10vous ne quitteriez pas les lieux vivants.
19:15Ou bien, si vous vous rendiez à Jérusalem, devant le mur des Lamentations,
19:18et vous attaquiez cela avec un pic à glace,
19:20on vous tirerait dessus.
19:24Parce que là, ce sont des objets précieux, sacrés.
19:31Mais tous les jours, on se rend dans les cathédrales les plus sacrées du monde,
19:36à savoir la forêt tropicale d'Amazonie,
19:40la grande barrière de corail en Australie,
19:44et on les détruit en toute impunité.
19:47Et alors, qu'est-ce qu'on fait par rapport à ça ?
19:51On envoie des lettres au gouvernement, on lance des manifs.
19:58Si la forêt amazonienne, si les baleines, si la barrière de corail
20:12étaient aussi précieux pour nous qu'un rocher noir à la Mecque,
20:16ou un mur à Jérusalem, ou encore une statue à Rome,
20:20alors on se lèverait comme un seul homme, et on les défendrait agressivement.
20:27Donc, il faut revenir en contact avec le monde naturel.
20:42On a perdu le contact il y a des milliers d'années,
20:44et on a changé tout notre point de vue philosophique sur la vie.
20:51C'est ce qu'on appelle l'anthropocentrisme,
20:57l'idée que l'Homme est plus important que tout,
21:02que tout le reste, que l'Homme a été créé,
21:04que l'univers a été créé que pour l'Homme,
21:08et que rien d'autre ne compte.
21:11Et c'est cela qui nous mène à la destruction.
21:13On n'est pas dans un monde privé de vers, d'abeilles, de microbes.
21:25Parce que toute cette flore et cette faune peuvent se passer de nous,
21:29mais nous, inversement, nous ne pouvons pas l'oublier.
21:34C'est ce qu'on appelle l'anthropocentrisme.
21:37Parce que toute cette flore et cette faune peuvent se passer de nous,
21:41mais nous, inversement, nous ne pouvons pas nous passer d'eux.
21:48Imaginez que cette planète soit un vaisseau spatial
21:53lancé dans ce voyage à travers la voie lactée.
22:00Chaque vaisseau spatial a un système de survie
22:03avec l'air qui nous permet de respirer,
22:09la nourriture, un système de climatisation.
22:14Et ce système de survie, donc, est géré par un équipage,
22:19un équipage d'ingénieurs.
22:23Ils font en sorte que le système tourne, ils en assurent l'entretien.
22:28Mais nous, les êtres humains, nous ne sommes pas cet équipage.
22:33On passe le plus clair de notre temps à nous divertir.
22:38Mais ce qu'on fait, c'est qu'on tue l'équipage.
22:41On assassine les ingénieurs.
22:47Au bout d'un moment, on aura tué suffisamment d'ingénieurs
22:49pour que toute la machine s'effondre.
22:53Et c'est exactement ce qui est en train de se passer maintenant.
22:59La plus grande menace qui pèse sur notre survie,
23:01on n'en parle pas du tout.
23:08Depuis 1950, il y a une diminution de 40% du phytoplankton dans la mer.
23:18Ce phytoplankton nous apporte 70% de l'oxygène que nous respirons.
23:25Et ce phytoplankton capture une énorme quantité de CO2.
23:32Il se trouve tout en bas de l'échelle de la chaîne alimentaire, au fond des anciens.
23:38Et comment ça se fait qu'il y ait une telle réduction ?
23:45Parce qu'on réduit la population des baleines, des oiseaux de mer, des tortues de mer.
23:55Mais ce sont eux qui produisent les nutriments qui permettent de féconder les phytoplankton.
24:01Chaque jour, une baleine bleue lâche 3 tonnes de fumier marin.
24:18Plein d'azote, de fer et de magnésium.
24:22Les baleines, ce sont les agriculteurs de l'océan.
24:32Et donc, si cet engrais naturel disparaît, c'est le phytoplankton qui disparaît.
24:42Mais si le phytoplankton disparaît, nous disparaissons à notre tour.
24:47Nous ne pourrons pas vivre sur cette planète si l'océan est mort.
24:52Et c'est ce que je répète depuis 50 ans, quand l'océan mourra, nous mourrons aussi.
25:07Ce qui veut dire que chacun d'entre nous a une obligation de faire tout ce qu'il peut pour s'assurer que l'océan ne meurt pas.
25:14Paul Watson, vous êtes né à Toronto, au Canada.
25:16Dites-nous votre perspective par rapport à la politique de Donald Trump.
25:20Je suis né dans le 51ème état des États-Unis.
25:27Mais c'est vrai que j'ai la double nationalité américaine et canadienne.
25:32Alors, qu'est-ce que je pense de Donald Trump ?
25:35C'est un imbécile.
25:37Un idiot absolu.
25:43Il va détruire l'environnement aux États-Unis.
25:47Il va détruire également la démocratie.
25:52Et probablement, il va causer des catastrophes à l'ensemble de l'humanité.
25:57Il va détruire l'économie.
26:01Il va détruire l'économie.
26:04Il va probablement causer beaucoup de guerres et de problèmes à travers le monde.
26:11Mais l'espoir persiste.
26:15Dans deux ans, il y aura les élections au Congrès américain.
26:23Et je pense que, d'ici là, il aura fait tellement de dégâts qu'on sera en mesure de le destituer.
26:34Je crois qu'il y a une limite à la stupidité que les États-Unis peuvent encaisser.
26:40Parce qu'il faut bien comprendre qu'il y a deux pays là-bas.
26:44Il y a les États-Unis.
26:50Californie, l'État de Washington, la Nouvelle-Angleterre, l'Illinois, Hawaï.
26:57Peut-être le Michigan.
26:58Peut-être le Michigan.
27:04Et le reste du pays.
27:08On l'appelle le Dumbfuckistan. Je ne vais peut-être pas traduire exactement.
27:13Comment ces gens peuvent-ils penser comme ça même ?
27:15L'autre jour, le secrétaire de la presse aux États-Unis avait été interrogé pour savoir ce qu'il pensait d'une déclaration faite par un parlementaire français au sujet de Trump.
27:37C'est une secrétaire de la presse qui a dit que les Français devraient être reconnaissants aux États-Unis qu'ils ne sont pas obligés de parler allemand.
27:46Son ignorance de l'histoire est époustouflante.
27:54C'est grâce à la France que les États-Unis existent.
28:01Le prêt que la France a accordé à la révolution et à la guerre d'indépendance américaine n'a jamais été remboursé.
28:09Les États-Unis doivent à la France des trillions de dollars en intérêts.
28:16Dans la dernière bataille de la révolution américaine, il n'y avait pas un seul soldat américain.
28:23Ce sont les Français qui ont réussi à vaincre la marine britannique,
28:30qui ont coupé les vivres au général Cornwallis.
28:35La victoire appartenait à l'armée de Lafayette.
28:41L'histoire des États-Unis est un gros mensonge.
28:46Mais ça va changer.
28:57C'est l'une des raisons pour lesquelles je ne peux pas retourner aux États-Unis.
29:02Paul Watson, je voulais vous poser une question sur votre rapport à la politique.
29:06Je vais citer un seul exemple qui représente un petit peu les questions que je me pose.
29:10Vous aviez quitté le Parti vert canadien, notamment en lui reprochant d'opter, je vous cite,
29:15pour des positions de gauche politiquement correctes, en contradiction avec des positions que vous jugiez écologiquement correctes.
29:21Je sais que cet exemple remonte. Mais est-ce qu'aujourd'hui, vous tiendriez encore ce genre de propos ?
29:27Je n'ai plus d'affiliation politique aujourd'hui.
29:30Je pense que tous les partis politiques avec lesquels j'ai été associé ont trahi l'environnement.
29:40Mais que l'on soit à gauche ou à droite de l'échiquier politique, on a toujours la responsabilité de protéger la planète.
29:51Parce que l'écologie vous touche, quelles que soient vos opinions politiques,
29:56parce que l'écologie vous touche, quelles que soient vos opinions politiques, quelles que soient vos croyances.
30:07Donc si un homme politique de droite, d'extrême droite même, faisait quelque chose de bon pour l'environnement, protégeait une espèce,
30:15ben ça c'est quelque chose que je respecte.
30:20Parce que l'action écologique doit être indépendante de tout biais politique.
30:26Paul Watson, j'ai une dernière question à vous poser. C'est probablement celle qui m'intéresse le plus.
30:32Je vais vous parler de moi personnellement. Le combat pour l'environnement me pose beaucoup de questions.
30:38Je vous arrête que je me sens démuni. J'ai l'impression que si je prends le vélo, si je trie mes déchets, ça ne va pas changer grand chose.
30:46Parce que les vrais responsables, c'est les Etats, les grandes entreprises, Total, Nestlé.
30:49Qu'est-ce que vous répondez aux gens qui, comme moi, se sentent démunis face au combat pour l'environnement ?
30:55Voilà, chacun fait ce qu'il peut.
30:59Et il ne faut pas se sentir découragé ou démuni, justement.
31:06L'enseignement le plus important que j'ai jamais appris, c'était en 1973.
31:14Je voulais être médecin même pour le mouvement des Indiens d'Amérique.
31:25Vous vous rappelez le siège de Wounded Knee ?
31:31On était cerné par 2 000 agents fédéraux qui nous tiraient dessus.
31:36Ils en ont tué 2, ils en ont blessé 46.
31:41J'ai rencontré Russell Meads, qui dirigeait le mouvement des Indiens d'Amérique.
31:45Je lui ai dit qu'on ne peut pas gagner ici, les chances sont contre nous, c'est inévitable.
31:48Alors pourquoi continuer à résister ?
31:56Et ce qu'il m'a dit, ça m'est resté toute ma vie.
32:00Il m'a dit qu'on ne s'intéresse pas aux probabilités de succès.
32:05On ne s'intéresse pas à la victoire ou à la perte.
32:10On est ici parce que c'est le bon endroit, le bon moment et la bonne chose à faire.
32:15Là où il faut être, quand il faut l'être, et nous faisons ce qu'il faut faire.
32:21Ne vous inquiétez pas de l'avenir.
32:25On n'a aucune maîtrise de l'avenir.
32:29Mais on a une maîtrise totale du présent.
32:34On se concentre sur le présent, on fait ce qu'on peut.
32:37Et c'est cela qui va déterminer l'avenir.
32:45Merci beaucoup Paul Watson pour cet entretien, c'était extrêmement intéressant.

Recommandations