Abandonné par son père à l'âge de 12 ans, tabassé et laissé pour mort à 21 ans... Il est pourtant devenu un chef cuisinier triplement étoilé. Voici l'histoire et le beau message d'espoir d'Olivier Roellinger.
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Style de vieTranscription
00:00Cinq jeunes garçons me tabassent.
00:02Je vais me retrouver totalement massacré.
00:05Et là, on m'a très vite fait comprendre
00:07que je n'étais pas certain de remarcher un jour.
00:09Bon ben salut Brut, je suis ravi.
00:11Bon ben, on est venu me voir.
00:12Il va falloir que je raconte un peu mon histoire.
00:14Alors, il m'est arrivé plein de pets dans la vie.
00:17J'ai réussi, j'ai eu la chance de pouvoir les surmonter.
00:20La vie goûtait là, à pleines dents.
00:23Et prenez là, dans les bras.
00:27Là, c'est la maison du voyageur.
00:28C'est la maison dans laquelle je suis né.
00:31Dans cette maison d'enfance,
00:34il y a des beaux souvenirs et puis il y en a des plus douloureux.
00:37Dans l'aile de la maison se trouvait le cabinet médical de mon père.
00:40Puis, à l'âge de 12 ans et demi,
00:42il a voulu vivre une autre vie.
00:45Et puis, moi, j'ai refusé de rencontrer
00:48celle qui avait pris la place de ma mère.
00:50Si bien qu'on ne s'est plus parlé à ce moment-là.
00:53Donc, il traversait évidemment ce jardin de devant.
00:56Il pouvait me croiser.
00:57J'avais 12 ans et demi, on ne se disait plus bonjour.
00:59Il n'y avait plus d'anniversaire, il n'y avait plus de Noël, il n'y avait plus rien.
01:02Et ça a duré plus de 35 ans.
01:04Donc, effectivement, c'était très lourd
01:07et je suis resté seul avec ma mère dans cette maison.
01:13Maintenant, en 21 ans.
01:14En 21 ans, là, c'est un autre gros bobo qui arrive
01:18puisque je suis victime d'une tentative d'homicide.
01:21Cinq jeunes garçons me tabassent un peu à la range mécanique,
01:26acte de violence gratuit.
01:27Je me retrouvais totalement massacré.
01:29Triple fracture de la jambe gauche, double fracture de la jambe droite,
01:32bassin fracturé, fracture du crâne, poignet enfoncé.
01:36Donc, c'était un coup de baramine.
01:37Je me suis réveillé après quelques jours de coma
01:41dans l'hôpital de Saint-Malo.
01:44Et là, on m'a très vite fait comprendre
01:46que je n'étais pas certain de remarcher un jour.
01:48Là, c'était le salon de la maison.
01:49Alors, il y a eu une espèce de révolution à ce moment-là
01:52lorsque je suis arrivé avec mon fauteuil roulant
01:54parce que je ne pouvais plus aller à l'étage dans ma chambre.
01:56Mes copains de la petite enfance,
01:58qui sont devenus ostréiculteurs, qui sont devenus agriculteurs,
02:04maraîchers, cultivateurs, pêcheurs,
02:08eh bien, vont m'amener des choses à partir du soir.
02:14Pour me remonter le moral.
02:16Et la vie va redémarrer dans cette maison.
02:19Ma mère va retrouver le sourire, elle va cuisiner à nouveau.
02:22C'est cette table-là, donc c'est ce qu'on appelle la salle à manger.
02:25On la mettait à une rallonge comme ça
02:27et on était plus d'une dizaine, une douzaine tous les soirs.
02:30Et puis, la vie s'est réveillée d'une certaine manière,
02:33à la fois pour ma mère, pour moi.
02:35Et vous allez sûrement me poser la question,
02:37mais pourquoi à un moment donné, toi, tu veux devenir cuisinier ?
02:42Eh bien, justement, par rapport à...
02:46Vous savez, lorsqu'on est ado, lorsqu'on est jeune,
02:50à un moment donné, on veut exprimer, on veut s'exprimer.
02:54Mais quand on sait que vous vous rendez compte
02:57que vous avez failli perdre cette vie,
02:59qui est quand même un cadeau extraordinaire,
03:01la vie est un cadeau, parfois elle est cruelle, elle est difficile,
03:05mais c'est quand même un cadeau, donc il faut la prendre à bras-le-corps.
03:09Vous vous en rendez plus particulièrement compte
03:11lorsque vous avez 21 ans, vous vous dites, ça a failli s'arrêter.
03:14Ce bonheur qu'on avait à table avec ses copains, ses copines,
03:19ses sourires, ses parfums, ses partages.
03:22On dit le bonheur, c'est sur la table, en fait.
03:23C'est sur la table et dans cette maison.
03:25Et je me suis décidé d'aller passer un CAP de cuisine.
03:27Donc, j'ai passé un CAP de cuisine en accéléré
03:29pour formation professionnelle pour adultes.
03:31La cuisine, on va l'ouvrir pour en faire un restaurant
03:34et ensuite, on va aménager le rangerie
03:36où on va effectivement faire l'autre salle de restaurant.
03:39Mais tout ça, c'était 40 couverts, maximum.
03:43Et lorsque l'on a dit qu'on allait ouvrir,
03:45certains professionnels qui ne voulaient même pas nous rencontrer,
03:48et puis, lorsqu'on a rencontré certains, ils nous disaient,
03:50là, il n'y a pas de vue de mer, il n'y a pas de parking,
03:52c'est dans le haut de Cancale,
03:54pour faire rentrer des gens dans cette petite cour,
03:56dans ce jardin de devant,
03:57mais vous n'y arriverez jamais, personne n'aurait mis...
04:01Et c'est la raison pour laquelle aujourd'hui,
04:03lorsqu'un jeune vient me voir et a une idée,
04:07et que manifestement, sur le papier, cette idée, elle n'est pas bonne.
04:12Eh bien, je prends beaucoup de recul et je me dis,
04:15bon, je vais te dire ce que tu veux faire.
04:17A mon avis, tu vas avoir beaucoup de difficultés
04:19pour telle et telle et telle raison.
04:21Mais, moi, j'avais plein de...
04:25Tout le monde me disait que ça n'allait jamais marcher.
04:27Et pourtant, les gens sont venus,
04:29parce qu'il me semble que dans la cuisine que nous faisions,
04:32les gens se sont retrouvés.
04:37Vous avez encore mal, là, à votre jambe ?
04:40Oui, j'ai mal, j'ai tout le temps mal.
04:42Cette table d'hôtes s'ouvre, très vite,
04:45le Goémio de Toch, révélation de l'année,
04:48première étoile en 84, après avoir ouvert en 82.
04:53Et puis ensuite, la deuxième étoile en 88.
04:56Et puis ensuite, il va falloir attendre 18 ans
04:59pour avoir la troisième étoile.
05:00Pratiquement un mois après avoir appris
05:03que nous obtenons la troisième étoile en 2006,
05:06j'apprends aussi que j'ai des analyses qui ne sont pas très bonnes
05:09et qu'il va falloir que je passe par rapport à un traitement assez lourd.
05:12Et c'est là où je prends la décision.
05:14Je promets à ma mère que je ne continuerai pas plus de trois ans.
05:16Parce que, vous voyez, c'est quand même la troisième vie.
05:18Pourquoi pas une quatrième un jour ?
05:20Avec la beauté, la générosité de la vie,
05:25avec tous ces gros emmerdes, en fait.
05:28Ces gros emmerdes, il faut rebondir dessus pour s'apercevoir
05:31que tout mérite d'être vécu.
05:35Tout mérite d'être vécu.
05:37Et les choses les plus douloureuses permettent ensuite
05:39d'apprécier encore un peu plus la vie.
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