Adama Camara a fini en prison pour avoir voulu venger la mort de son frère. Aujourd’hui, il lutte contre les rixes de banlieues.
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00:00Les RICS, les embrouilles, ça mène à deux choses, voire trois.
00:02C'est-à-dire la mort, la prison, le handicap.
00:04Tant qu'il n'y a pas mort d'homme, on croit souvent que c'est un jeu
00:07où la Ligue des Champions, match allé, match retour.
00:09Mais quand il y a une personne qui reste au sol et qui ne se relève plus,
00:12là malheureusement, c'est toute une famille qui est détruite.
00:14La nuit qui a tout changé, c'est le jour où j'ai perdu mon frère.
00:18On a sonné chez moi à 2h du matin pour nous dire que Sada est mort.
00:23Et à ce moment-là, tout a basculé parce qu'au début, on n'y croit pas.
00:26On pense qu'on est dans un cauchemar.
00:29Et plus les heures avancent, plus les jours avancent et plus on se rend compte.
00:32Je me suis dit déjà, c'est injuste, il a à peine 18 ans,
00:35de partir comme ça pour rien.
00:37À l'époque, j'avais 23 ans quand ça s'est passé.
00:4023 ans, chauffeur livreur, je viens de m'installer avec une petite amie.
00:44Trois ans après, je me lève dans la nuit à 3h du matin,
00:48je donne le biberon à ma fille et je suis pris par plein de questions
00:52qui me reviennent à l'esprit.
00:53À partir de ce moment-là, les jours qui ont suivi, je me suis procuré une arme
00:57et je l'ai cherché jusqu'au jour où je suis tombé sur eux par hasard.
01:01Je n'ai pas hésité, je leur ai tiré dessus.
01:03Quand je suis arrivé en garde à vue, j'ai l'impression que quand je me suis posé,
01:08j'ai commencé à réfléchir, c'est à ce moment-là que je me suis dit
01:10« ouais, là, t'as fait n'importe quoi, t'as fait une grosse connerie ».
01:13Mais malheureusement, c'est trop tard et heureusement, je n'ai tué personne.
01:16Parce que dans tous les cas, je l'aurais regretté dès que j'aurais retrouvé mes esprits.
01:21Je suis placé pour mandat de dépôt criminel.
01:23Donc voilà, on arrive dans un monde carcéral qu'on ne connaît pas,
01:27qu'on ne connaît que de ce qu'on entend.
01:29J'ai pris huit ans.
01:30Je me rends compte que là, je vais vivre dans neuf mètres carrés.
01:34Quand je suis sorti au bout de quatre ans, j'ai fait cinq mois dehors.
01:37Et ensuite, je suis retourné sept mois en détention ferme.
01:41Après, j'ai fait huit mois de semi-liberté.
01:44J'étais sur les réseaux sociaux et je tombe sur une vidéo
01:46où on voit un jeune qui se cache en dessous d'une voiture.
01:49Des jeunes qui l'extraient, ils l'ont massacré au sol.
01:53Et moi, à ce moment-là, j'ai posté un message simple sur les réseaux sociaux.
01:56Je leur ai dit que je sais de quoi je parle.
01:57Moi, j'ai perdu mon frère.
01:58Je voulais me venger de mon frère en pensant que c'était la meilleure solution à faire,
02:01ou me sentir mieux alors que non.
02:03Après, de là, voilà, ça a été relayé par plusieurs personnes.
02:06Après, je me suis dit que c'est bien de parler,
02:08mais comment je peux faire pour agir aussi ?
02:10Donc de là, il nous est venu l'idée de faire un projet qui s'appelle Descente de mots,
02:14parce qu'on fait des descentes dans les quartiers pour se battre.
02:16Nous, on s'est dit Descente de mots, M-O-T-S, à l'écrit.
02:19T'as pas de vie à donner.
02:22Tu connais des infos à nous, t'as pas de vie à donner.
02:25Rendus les gens sur cette terre, nous, on continue.
02:28Moi, quand j'ai entendu le truc, j'ai dit...
02:31C'est bien aussi, s'il vous plaît.
02:33Mat', c'est Mat', tu mets les gens dans le groupe.
02:35Je leur pose des questions simples.
02:37Je leur dis, est-ce que vous avez un suivi psychologique ? Non.
02:40Est-ce qu'on vous l'a proposé ? Non.
02:42Au début, il y a du monde qui vient à la maison,
02:44parce que voilà, ça choque tout un quartier.
02:46Mais au bout d'un mois, cinq mois, tout le monde refait sa vie.
02:49Et on se retrouve seul, en fait, à la maison, avec des questions.
02:54On n'a pas les réponses, parce qu'on n'est pas préparé à perdre un proche.
02:56Même des mères, parce que j'ai des discours des fois de maman qui me disent,
02:59j'ai envie de tuer même la famille de la personne pour me sentir mieux.
03:03Et je leur dis, non, il faut en parler.
03:05Parler, parce qu'on n'a pas l'habitude aussi,
03:07c'est pas dans nos cultures, au quartier, de se dire,
03:10je vais aller voir un psy pour un peu souffler, dire ce que je pense.
03:13Donc, il y a des choses, on ne le dit pas à nos petits amis,
03:16on ne le dit pas à nos parents, ni à nos frères et sœurs,
03:18pour pas qu'on dise qu'on est faible.
03:20Donc, j'aurais dit à Adama même de prendre une feuille blanche et un stylo
03:24et de décharger toute la haine qu'il a en lui.