"Je suis la preuve qu’on peut s’en sortir, mais pour ça, il faut parler."
Jusqu’à ses 16 ans, Sébastien Boueilh a été violé par le mari de sa cousine. Aujourd’hui avec son association, il intervient auprès de jeunes pour libérer la parole. Dans le livre "Le colosse aux pieds d’argile", il raconte son histoire.
Jusqu’à ses 16 ans, Sébastien Boueilh a été violé par le mari de sa cousine. Aujourd’hui avec son association, il intervient auprès de jeunes pour libérer la parole. Dans le livre "Le colosse aux pieds d’argile", il raconte son histoire.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Après le premier acte subi, je suis rentré chez moi et j'ai pleuré pour la dernière fois face au miroir.
00:06J'avais 11 ans et demi, donc c'est là où je suis mort émotionnellement.
00:22Comme toute victime, j'étais dans un sentiment de honte, de culpabilité.
00:26Je n'ai pas parlé la première fois, après j'étais piégé en fait.
00:29J'étais pris dans l'engrenage et il a su en profiter.
00:32Il avait vraiment la meilleure mise sur moi puisque le jour où j'ai fait ma première avec une fille,
00:38c'est la première personne à qui je suis allé le dire.
00:41Et pensant qu'il allait me laisser tranquille, au contraire, ça a eu un effet aggravant
00:47puisqu'il a multiplié ses actes et qu'il devenait de plus en plus violent sur moi.
00:51J'étais sa chose, j'étais son...
00:54J'ai appris même pendant le procès qu'il était amoureux de moi.
00:56Pourquoi je n'ai pas parlé avant ? Tout simplement parce que peur de ne pas être cru
00:58puisqu'il était tellement apprécié de tout le monde, de tout le village, de toute la famille
01:02et que j'avais peur qu'on me dise « ce n'est pas possible que ce type-là te fasse ça, tu dois inventer ».
01:07J'avais mis en place un mécanisme d'autodestruction qui était en premier la violence
01:13où j'étais devenu très violent sur le terrain et après en dehors, il y avait l'alcool.
01:19Quand on sortait, on était sans limites.
01:22Quand on est victime, on n'est pas borderline, on est jusqu'au boutiste.
01:25Donc on buvait jusqu'à ce qu'on tombe par terre quasiment.
01:29Le sexe, on multipliait les conquêtes.
01:31L'argent, j'ai dû me faire interdire de casino parce que là aussi, je n'avais pas de limites.
01:36Donc j'ai été... Je claquais tout l'argent que j'avais, même celui que je n'avais pas.
01:40J'étais conscient de tout ce que je faisais, vraiment de tout.
01:44Quand je trompais mes compagnes, quand je me battais et tout,
01:47je savais d'où venait le mal, d'où venaient ces envies de faire n'importe quoi.
01:52Parce qu'on nous vole notre personnalité et après ces actes,
01:55on a envie de se la réapproprier et d'exister.
01:58Donc se mettre en avant, il y en a qui vont être introvertis.
02:01Moi, j'étais au contraire, il fallait que j'existe aux yeux des autres.
02:04La première personne à qui j'en ai parlé, c'est mon ex-femme, Corinne,
02:08qui justement avait voulu inviter Mathieu, la première victime,
02:12à mon anniversaire pour faire la surprise et d'inviter Mathieu.
02:15Ça faisait 10 ans que je ne l'avais pas vu.
02:17Et il avait dit « Ok, je vais venir au anniversaire de Sébastien,
02:20je vais faire la surprise et d'inviter Mathieu,
02:22je vais faire la surprise et d'inviter Mathieu. »
02:24Et je me suis dit « Ok, je vais faire ça ».
02:26Et j'ai compris que c'était un bon moment,
02:28je suis allé voir la victime et je me suis dit « Ok, je vais faire ça. »
02:31Il avait dit « Ok, je vais venir à l'anniversaire de Sébastien,
02:33une condition, c'est que Criquette ne soit pas là. »
02:37Elle était étonnée puisque, bien sûr, il était très apprécié.
02:41Donc, il m'a dit « Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il t'a fait ? »
02:43Et bien, il m'a violé.
02:44Et dans le soir, quand je suis rentré du boulot,
02:46elle m'a dit « Assieds-toi parce que j'ai quelque chose d'important à te dire. »
02:49On venait de se marier et je lui ai dit « Tu ne veux pas divorcer quand même déjà ? »
02:52Toujours avec un peu de connerie dans l'air.
02:55Et en fait, elle m'a dit « Non, c'est beaucoup plus grave,
02:58je voulais te faire la surprise d'inviter Mathieu à ton anniversaire.
03:01Il vient avec une condition, que Criquette ne soit pas là. »
03:04Et là, j'étais étonné, je lui ai dit « Attends, ça fait 10 ans que je ne l'ai pas vue.
03:07Il met ces conditions en plus pour venir à mon anniversaire.
03:09En fait, il est chié. »
03:11Et elle m'a dit « Non, mais en fait, il a violé. »
03:14Et là, elle a vu que j'étais sans réaction.
03:17Sur le coup, je n'ai rien dit, mais j'ai les épaules qui sont tombées,
03:21je me suis liquifié dans le canapé et je me suis dit
03:25« Je vais quand même pouvoir parler, je ne suis pas seul. »
03:27En fait, au départ, quand j'ai parlé, je n'étais pas dans l'objectif
03:30de porter plainte immédiatement.
03:33Après mon anniversaire, j'ai souhaité que ce samedi soir,
03:36je fasse te mettre en temps avec ma famille.
03:39Et le lendemain, par contre, je les avais convoqués
03:41pour leur expliquer ce qui m'était arrivé.
03:43Je leur explique ce que j'ai subi.
03:45Et là, j'ai commencé à entendre des réflexions comme
03:47« Tu ne vas quand même pas porter plainte pour le nom de la famille.
03:50Tu as attendu 20 ans pour parler, qu'est-ce que tu parles maintenant ? »
03:58Ce qui est arrivé le 29 mai 2013 avec cette incarceration pour 10 ans,
04:03cette sentence qui est tombée a été révélatrice, a été libératrice.
04:28J'interviens beaucoup dans le milieu sportif,
04:30mais de plus en plus dans l'éducatif, dans les écoles primaires,
04:33à partir de CM1, CM2, dans les collèges et les lycées,
04:36dans les CREPS aussi.
04:39Le constat est accablant.
04:42L'année dernière, avec la Sourd, on a fait 300 interventions,
04:45et on a fait un certain nombre d'interventions.
04:48On a fait un certain nombre d'interventions,
04:50on a fait un certain nombre d'interventions,
04:52et on a fait un certain nombre d'interventions.
04:54L'année dernière, avec la Sourd, on a fait 300 interventions.
04:58C'est minimum deux victimes d'agressions sexuelles
05:01qui ont été révélées suite à ces interventions.
05:04Donc ça représente minimum 600 personnes.
05:06Je suis la preuve qu'on peut s'en sortir,
05:08mais pour ça, il faut parler.
05:10La honte doit changer de camp. On n'est pas coupable, on est victime.
05:13Donc il faut parler à un professionnel, il faut parler à un colosse,
05:16il faut parler à un psychologue, il faut parler à sa personne de confiance.
05:19Si on ne peut pas parler, il faut écrire.
05:21Ce qui est écrit n'est plus dans l'esprit.
05:23Si vous avez un copain ou une copine qui se scarifie, par exemple,
05:26ou qui vous laisse ce secret qui la rend malheureuse ou malheureux,
05:29il ne faut pas avoir peur de le partager.
05:31Il y a des secrets qui doivent être partagés,
05:33comme les professionnels doivent le faire.
05:35Il faut partager des secrets pour éviter justement
05:38que ces personnes aillent beaucoup plus loin dans la destruction
05:43et peut-être fatale malheureusement pour elles.