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Partie d’une vidéo parodique publiée il y a 3 ans sur TikTok, l’affaire s’est transformée en gigantesque bad buzz pour l’enseigne de beauté. Jusqu’à menacer le commerce de ses franchisées. Enquête.

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Transcription
00:00Le scandale est parti d'une vidéo TikTok publiée il y a trois ans.
00:03Bienvenue chez Body Minute, que puis-je faire pour vous ?
00:05Puis tout s'est accéléré à cause d'une autre vidéo il y a trois mois.
00:08Mais qui c'est TikTokose fait-elle rire ?
00:11Depuis, c'est la descente aux enfers
00:13pour l'une des plus grosses enseignes de beauté en France.
00:15Vous êtes toute une entreprise à harceler une gamine.
00:19Vous voyez de qui on parle ?
00:21On a eu pour consigne de demander à nos salariés,
00:24et nous-mêmes bien sûr, d'aller signaler la vidéo de Lorraine.
00:28Aujourd'hui, on va vous raconter comment l'enseigne de beauté Body Minute
00:31a fait tout ce qu'il ne fallait pas faire.
00:35Mais avant de vous parler de la vidéo qui embarrasse Body Minute,
00:38il faut comprendre comment s'est bâti cet empire.
00:40Body Minute, c'est une enseigne qui a révolutionné un marché.
00:43Celui des instituts de beauté.
00:45Et ça, c'est grâce à lui.
00:47Comme ça, il ne vous dit peut-être rien,
00:49mais son nom est célèbre.
00:50Jean-Christophe, c'est le fils de Jean-Louis.
00:52David.
00:53Oui, le même Jean-Louis qui a créé ça.
00:56Bref, dans la famille, on aime bien rendre les gens beaux
01:00et monter des empires commerciaux.
01:01Au début des années 90,
01:03Jean-Christophe s'intéresse aux cheveux et au business de son père.
01:06Mais un jour, il se dit qu'il y a de la place pour lancer autre chose.
01:09Et il crée en 1996 son propre réseau d'instituts de beauté.
01:13Son objectif ?
01:14Rendre accessible au plus grand nombre de femmes les soins esthétiques.
01:17Et aller vite pour faire des consultations à la minute et sans rendez-vous.
01:21La première boutique ouvre dans le sous-sol d'un des instituts de coiffure de Jean-Christophe.
01:25On est en 1997, dans le 16e arrondissement de Paris.
01:28Très vite, la formule fonctionne.
01:30Des Bodyminutes ouvrent dans toute la France
01:32et la franchise devient leader des soins esthétiques sur le territoire.
01:36Aujourd'hui, Bodyminutes revendique officiellement 480 instituts.
01:40Et parmi eux, il y aurait 280 franchisés.
01:43En 2019, Bodyminutes revendiquait 150 millions d'euros de chiffre d'affaires
01:47et visait les 300 millions d'ici 5 ans.
01:50Mais alors, pourquoi on vous en parle aujourd'hui ?
01:53À cause de cette vidéo.
01:54Passée au début inaperçue, mais qui est en train d'amocher la réputation de l'entreprise.
01:59En octobre 2022, Lorraine Lévy, qui travaille dans la pub
02:02mais qui est aussi créatrice de contenu, publie une vidéo sur son compte TikTok.
02:06Sur un ton parodique, elle y raconte une de ses dernières expériences chez Bodyminutes.
02:10Dis donc, vous n'êtes pas très sportive, il n'y a pas trop de souplesse, là ?
02:14Ouais.
02:16Ah, vous n'avez pas de compagnon, d'accord.
02:18Je comprends mieux, ouais.
02:19L'histoire aurait pu s'arrêter là.
02:21Mais l'enseigne décide de répondre et de partir en guerre.
02:24La marque demande à ses esthéticiennes de signaler le contenu de Lorraine Lévy sur TikTok.
02:28Le tout est écrit noir sur blanc dans un mail interne
02:30que la créatrice de contenu a révélé dans une vidéo.
02:33C'est écrit « Défendons-nous, demandez à vos filles d'envoyer des postes
02:36pour contredire ces fausses accusations et pour la faire radier de TikTok. »
02:38Une histoire confirmée par une franchisée qui a préféré témoigner anonymement.
02:42Alors, à l'époque où l'histoire de Lorraine avait éclaté, l'histoire de TikTok,
02:47on a eu pour consigne de faire des comptes TikTok au nom de nos instituts,
02:52de demander à nos salariés et nous-mêmes, bien sûr, d'aller signaler la vidéo de Lorraine.
02:57Selon Lorraine, Body Minute pousse l'intimidation
02:59jusqu'à envoyer des huissiers de justice sur son lieu de travail.
03:03Pour fouiller les ordinateurs, les drives et les mails afin de chercher des preuves
03:06qui démontreraient que c'est mon employeur qui m'a demandé
03:09de dénigrer Body Minute sur mes réseaux sociaux pour le compte d'un concurrent.
03:13Évidemment, aucune preuve n'est trouvée.
03:15Fin 2024, Body Minute décide de célébrer le réveillon à sa manière.
03:19Le 31 décembre, la marque assigne Lorraine Lévy en justice.
03:23Et Body Minute fait cette annonce sur un terrain dont elle ne maîtrise aucun code, TikTok.
03:27« Mais qui c'est TikTok qui se fait pas le rire ?
03:30Qui prétend faire des preuves parodiques alors qu'elle se moque
03:33et critique tout le monde héchemment sans aucune bienveillance ?
03:36Chez Body Minute, on sait s'amuser mais on préfère l'humour
03:38quand il est constructif et respectueux de nos équipes et de nos clientes. »
03:42Plus de 5,4 millions de vues à ce jour
03:45et des centaines de commentaires supprimés qui se retournaient contre Body Minute.
03:49On ne pardonne pas à Body Minute d'avoir surnommé Lorraine, Lorraine La Haine.
03:53« Vous êtes toute une entreprise à harceler une gamine.
03:57Vous avez branché votre cerveau cette nuit ? Je suis pas sûre. »
04:01« À quel moment une enseigne d'épilation petit budget,
04:04donc qui s'adresse aux jeunes, peut montrer avec aussi peu de honte
04:09qu'elle ne comprend pas cette génération ? »
04:10Body Minute cherchait à faire taire Lorraine, il s'est passé tout le contraire.
04:14Des milliers de personnes la soutiennent.
04:16Dans le jargon de la com', on appelle ça l'effet Streisand.
04:19Et Body Minute vient de remporter la palme d'or.
04:22« Là où il y a 20, 30, 40, 50 ans, c'était encore complètement possible
04:25d'étouffer des affaires.
04:26Aujourd'hui, c'est impossible puisque les réseaux font que
04:30la parole est donnée à tout le monde.
04:32Ce que ça fait, c'est que ça met une espèce de rapport de force
04:35très horizontalisé entre les marques et leurs audiences.
04:38Ce que ça implique, c'est qu'on ne peut plus contrôler ce qu'on dit de soi.
04:43En revanche, on peut contrôler la manière dont on réagit. »
04:45Body Minute s'enlise et va s'enfoncer encore un peu plus avec cette réaction.
04:49« Tout, je dis bien tout, ce que vous allez entendre ou lire
04:52dans le bad buzz de Body Minute sur TikTok,
04:54de la bouche des petites tiktokeuses en malle de followers,
04:57est faux, inventé ou exagéré. »
04:59Le backlash aurait pu s'arrêter là.
05:01Mais mi-février, un étrange compte TikTok fait son apparition.
05:05Cruella, reine de TikTok.
05:07Et dessus, qu'est-ce qu'on retrouve ?
05:08Une présentation de profils similaires mot pour mot à celui de Lauren Levy
05:12et des vidéos reprises ensuite par le compte officiel de Body Minute.
05:15« Regardez bien cette vidéo jusqu'au bout.
05:18C'est sûrement ça qui s'est passé avec Lauren La Haine chez Body Minute. »
05:22Aujourd'hui, le compte affiche plus de 210 000 abonnés
05:24avec seulement 5 vidéos postées.
05:26Et Jean-Christophe David dans tout ça ?
05:28Bah, il ne nie pas en être à l'origine.
05:31Après cette énième polémique,
05:32l'enseignant envoie un mail à ses salariés que nous avons pu consulter.
05:36Il est demandé aux esthéticiennes de ne pas commenter l'affaire en cours
05:39et de rester neutre.
05:40On leur demande même d'éviter de mentionner le nom de la marque
05:43quand elle publie des offres d'emploi.
05:45Tout ça pour préserver l'image globale de l'enseigne.
05:48Mais l'engrenage infernal est déjà lancé
05:50et visiblement, rien ne peut l'arrêter.
05:52Un mouvement de boycott se structure en ligne, notamment sur TikTok.
05:55« Moi, pour rien au monde, je bosserai chez vous.
05:57Pourtant, j'ai deux diplômes en esthétique.
06:00Jamais de la vie, je viens bosser chez vous. »
06:01« Franchement, je comprends pas comment ils arrivent encore
06:04à avoir des clients aujourd'hui
06:06et ils sont clairement en train de se boycotter tout seuls.
06:08Donc pour moi, vos 10 minutes, c'est quand même. »
06:10Alors maintenant, il y a peut-être une question que vous vous posez.
06:13Est-ce que ce drame à TikTok a eu des conséquences économiques concrètes
06:16sur les enseignes ?
06:17« Là, actuellement, oui, j'ai une baisse de chiffre d'affaires
06:19d'environ 60 à 70 %.
06:21Aujourd'hui, j'ai eu à peine cinq clientes dans mon institut,
06:25alors qu'en temps normal, j'en ai une petite dizaine.
06:28Les quelques clientes que nous avons gardées
06:30vont être des clientes qui sont d'un certain âge,
06:32donc qui ne sont pas au courant de la polémique. »
06:36Un boycott d'une partie de la clientèle
06:38qui a eu des conséquences économiques graves.
06:40« Aujourd'hui, mon loyer, je ne peux plus l'assumer.
06:42J'ai des retards de loyer aujourd'hui qui s'élèvent,
06:4527 000 euros de retard.
06:47Le peu de franchisés que j'ai contactés au nord, à l'est, à l'ouest et dans le sud,
06:53c'est pareil partout.
06:54Je suis dans une franchise qui ne me rapporte pas d'argent
06:57et qui m'apporte beaucoup de stress.
06:59Ah ben c'est simple, là, je suis sous anxiolytique
07:02parce que je n'arrive plus à dormir la nuit. »
07:03Nous avons appelé d'autres franchisés
07:05et elles racontent des situations similaires depuis l'affaire Lorraine Lévy.
07:08Baisse de leur chiffre d'affaires,
07:10baisse de la fréquentation de leurs instituts,
07:12difficulté à payer leur loyer,
07:14voire même, pour certaines, liquidation de leur commerce.
07:17Surtout que depuis le Covid,
07:18c'est pas vraiment la fête pour les instituts de beauté.
07:20« En fait, Body Minute, le concept était très très bien à l'époque,
07:24quand on avait du flux.
07:25Quand on a du flux chez Body Minute, ça marche.
07:27Après Covid, on a perdu du monde
07:29et on a un franchiseur qui ne veut pas se moderniser.
07:32Quand on lui suggère de mettre des plateformes de rendez-vous,
07:36de revoir sa copie,
07:38c'est du sans rendez-vous, du sans rendez-vous,
07:40sauf que les habitudes ont changé. »
07:43Une association de défense des droits des franchisés vient d'être montée.
07:46Ses membres n'excluent pas, à terme,
07:48d'entamer une procédure judiciaire contre leur franchiseur.
07:51Au regard de la loi,
07:52les franchisés payent un franchiseur pour trois services.
07:55Une marque, un savoir-faire et une assistance en cas de besoin.
07:58Et c'est là que ça coince.
08:00Car l'image de la marque a été esquintée par la polémique.
08:03Et certaines franchisées déplorent un manque d'accompagnement.
08:06« On se retrouve, je dirais, nous-mêmes,
08:07quand on appelle le siège pour avoir une réponse.
08:11C'est la croix et la bannière. »
08:13Face à cette situation,
08:14de nombreuses franchisées souhaitent quitter le réseau Body Minute.
08:17Mais ça ne se fait pas comme ça,
08:18même en pleine tempête.
08:20Le franchiseur et le franchisé sont liés par un contrat.
08:23Et aucune des deux parties ne peut le rompre,
08:25sous peine de grosses pénalités.
08:27Nous avons pu consulter des contrats Body Minute.
08:29Il y a un engagement réciproque de 7 ans.
08:32Et en cas de départ anticipé,
08:33il faut verser de grosses indemnités.
08:35C'est cher payé pour un drama TikTok.
08:41Si vous avez apprécié notre vidéo,
08:42n'hésitez pas à liker et à nous le dire en commentaire.
08:45Et si vous êtes fan des business dramas,
08:47abonnez-vous entre deux gommages.

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