L’Europe prévoit de réduire de 10 à 15 % les emballages plastiques d’ici à 2040.
Alors comment l’industrie s’adapte-t-elle à ce nouveau cadre ? Quel est son niveau d’innovation concernant le recyclage ? Réponses avec Gaël Bouquet, délégué général d’Elipso.
Alors comment l’industrie s’adapte-t-elle à ce nouveau cadre ? Quel est son niveau d’innovation concernant le recyclage ? Réponses avec Gaël Bouquet, délégué général d’Elipso.
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00:00L'invité de ce Smart Impact, c'est Gaël Bouquet. Bonjour, bienvenue.
00:10Bonjour.
00:11Vous êtes le délégué général d'Ellipso, le syndicat professionnel des fabricants et recycleurs d'emballages plastiques.
00:16Vous représentez combien d'entreprises ? Quelles sont vos missions ?
00:20Merci déjà de me recevoir. On représente 125 industriels, fabricants transformateurs d'emballages plastiques
00:28qui adressent les marchés de l'agroalimentaire principalement, de la cosmétique, de l'hygiène et la détergence.
00:35Et puis une catégorie un peu transversale qu'on appelle les emballages B2B, des gros emballages de 200 à 1300 litres.
00:43C'est à peu près tout ce que je peux vous dire. On présente 75% du marché.
00:48Et on va parler d'innovation, on va parler de prise de conscience, évidemment, de tous ces enjeux environnementaux.
00:53Mais est-ce que vous, depuis plusieurs années, il y a vraiment un focus sur le plastique, la réduction des plastiques, etc.
01:01Est-ce que ce n'est pas de temps en temps difficile à vivre quand on est une entreprise qui, finalement, produit des emballages plastiques ?
01:08Alors c'est difficile à vivre, non. Je pense que c'est quand on est bousculé aussi qu'on se transforme.
01:14Donc c'est une opportunité. En tout cas, nous, c'est comme ça qu'on le voit. On accompagne la transformation.
01:18Et d'ailleurs, mon équipe est une équipe d'écologistes. Ce n'est pas une équipe totalement enferrée dans l'industrie pour renverser la table.
01:28Non, on est là pour transformer et d'accompagner cette transition.
01:32Et puis voilà. Donc oui, c'est sûr. Comme disait Sénèque, le soldat sur sa lance s'endort. Nous, on ne se repose pas au quotidien, c'est sûr.
01:43Avec un cadre réglementaire, on va parler de réglementation, un cadre réglementaire européen sur les emballages,
01:49qui donne comme ambition une réduction des emballages plastiques de 5% d'ici 2030, 10% en 2035, 15% d'ici 2040.
01:57Bon, c'est progressif. Est-ce que c'est réaliste, déjà, par rapport à ce qui existe aujourd'hui ?
02:01Alors ce sont des objectifs. Ce ne sont pas des obligations fermes pour les industriels. C'est aux États membres d'en prendre toute la mesure.
02:08Vous savez qu'on a un taux de recyclage en France qui n'est pas très bon par rapport à nos homologues européens.
02:13Ceci est dû aussi au fait qu'on a un système de tri en France qui n'est pas forcément performant par rapport à d'autres pays.
02:21Donc oui, c'est possible de réduire et nos adhérents réduisent tous les jours.
02:28On a la moitié des emballages plastiques qui ont été réduits de 17% depuis 2018. La moitié de 17%.
02:37Et depuis 2022, on a un allègement en tonnage de 7%.
02:43Quand vous dites, pour bien comprendre, la moitié de nos emballages réduits de 17%, c'est-à-dire on fait quoi ?
02:48On prend un emballage qui rentre dans cette catégorie, à l'unité, qu'est-ce qui devient ?
02:52En fait, ce qui se passe, c'est que les industriels ont travaillé sur le design pour réduire au maximum,
02:58mais en conservant bien sûr des questions de sécurité sanitaire et de contact.
03:03Surtout si on parle d'agroalimentaire comme objectif.
03:06Mais aussi la cosmétique, les hygiènes et la détergence ont un contact sensible et donc ça faut en tenir compte.
03:11Il faut en tenir compte aussi dans l'allègement comme dans le basculement d'une matière à une autre.
03:16Et ça, c'est très important. Le bilan de la DGCRF en 2022 a démontré que le switch matière n'était pas forcément du point de vue sanitaire très pertinent de temps en temps.
03:28D'où l'importance, sans opposer les matériaux.
03:31On n'est pas là pour faire une guerre des matériaux, mais de bien étudier en amont,
03:36de faire une étude d'impact sur les enjeux sanitaires et sur les enjeux environnementaux.
03:41Est-ce qu'il y a un risque de surtransposition ?
03:45Puisqu'on parle de normes européennes, si on les compare aux règles françaises,
03:49est-ce qu'on est mieux 10 ans ? Est-ce qu'il y a un risque d'empilement des normes ?
03:53Alors surtransposition ne veut pas dire forcément mieux 10 ans.
03:56Ça peut vouloir dire moins 10 ans.
03:58Là, on est en face d'une réglementation européenne qui est un règlement.
04:02Un règlement, c'est l'application directe.
04:04Donc il n'y a pas de transposition de l'administration.
04:08L'administration française doit adapter ses normes aux principes européens.
04:13Nous, on s'en félicite de ce règlement européen pour trois raisons.
04:17C'est notre cahier des charges.
04:19Les principales obligations s'appliquent qu'au plastique.
04:22Ça veut dire que notre matériau est circulaire.
04:27Ça laisse le temps aux industriels de s'organiser.
04:29Et puis, les règles vont être uniformisées.
04:32Il va y avoir un cadre lisible.
04:33L'idée, c'est quoi ? C'est de mettre de plus en plus de matière recyclée dans les emballages plastiques, notamment ?
04:38L'idée, c'est de favoriser ce qu'on appelle la recyclabilité.
04:42La faculté pour un produit à être introduit dans une filière de recyclage.
04:47Et derrière, évidemment, d'incorporer de plus en plus de matière recyclée dans les produits d'emballage.
04:53Mais comme dans d'autres produits aussi, d'ailleurs.
04:55Mais là, ce règlement vise les emballages en particulier.
04:58Vous disiez en France que notre système de tri est moins performant.
05:02Pourquoi ?
05:03Je vous prends l'exemple de l'Allemagne.
05:06Ils ont 40 centres de tri spécialisés plastiques.
05:09En France, on a fait le choix d'avoir des centres de tri multimatériaux.
05:13Ce qui fait que dans votre poubelle, vous mélangez tout et n'importe quoi.
05:19Et derrière, il y a une nécessité de retrier.
05:22Une collecte séparée des déchets d'emballage favorise le recyclage énormément.
05:28Mais ça, on le fait. On a la poubelle jaune et on met le plastique dans la poubelle jaune.
05:32Pas tant que ça.
05:33Alors, vous verrez sur les zones denses, notamment à Paris, à Lyon, à Marseille.
05:39Les emballages, ce qu'on appelle le tri à la source, sont très très mal triés.
05:44Et on y retrouve beaucoup de choses.
05:47Et donc, c'est ce qui fait qu'aujourd'hui, on a du mauvais tri.
05:53Et ça part à l'enfouissement à 29%.
05:57Alors que nos homologues européens sont autour de 2, voire 0%.
06:01Et ça, c'est un vrai problème.
06:02Parce que plus il y a d'enfouissement et moins il y a de recyclage.
06:06Évidemment. Qu'est-ce que vous attendez, les pouvoirs publics en la matière ?
06:09Déjà, on attend...
06:10La sensibilisation des campagnes d'information ?
06:13On attend, d'une part, qu'il y ait une réelle lisibilité réglementaire.
06:19Plus c'est simple, mieux c'est applicable.
06:22Moins il y a d'effets de bord et les industriels s'y retrouvent.
06:25Le temps industriel, ça prend du temps.
06:27Pour commander une machine, il faut 24 mois.
06:30Pour changer une ligne industrielle, ça prend du temps.
06:33Donc, il faut ménager ce temps et donner de la clarté, de la lisibilité au cadre
06:38qui, aujourd'hui, est un peu en disjonction en France par rapport à ce qu'on voit ailleurs,
06:44par rapport à ce qu'on voit au niveau européen, notamment.
06:47Alors, il y a évidemment aussi les réponses de l'industrie.
06:50Vous avez mené, l'an dernier, une étude basée sur les chiffres de l'année 2023.
06:56On va beaucoup parler, notamment, d'innovation dans ces 3-4 minutes qui nous restent.
07:00Quelle est la leçon principale de cette étude ?
07:02La leçon principale de cette étude, c'est, d'une part, que les investissements des industriels
07:06sont orientés vers l'économie circulaire, vers l'allègement, vers la recyclabilité, vers l'incorporation.
07:13Il y a à peu près 17% du... 17 à 20% de l'investissement qui est dédié à cela.
07:19Et donc ça, c'est une première chose.
07:21La deuxième chose, c'est qu'on s'aperçoit qu'ils changent de matière, ou qu'ils réduisent le nombre de résine.
07:29C'est-à-dire qu'ils vont sur ce qu'on appelle des monomatériaux pour que ça soit mieux recyclé derrière.
07:35Donc ça, c'est vraiment un enseignement.
07:37Et on s'aperçoit aussi, déclare-t-il, que 40% des industriels constatent qu'il y a,
07:46après avoir opté pour le papier carton, par exemple, un retour au plastique.
07:50Et pourquoi ? Pour des raisons, premièrement, sanitaires, le contact sensible.
07:55C'est un matériau qui est soumis à deux règlements européens sur ce qu'on appelle la matière vierge,
08:01comme sur la matière recyclée, qui sont extrêmement contraignants.
08:04Ce qui fait que, finalement, et ça, les autres matériaux n'ont pas l'équivalent.
08:08Donc sécurité sanitaire, praticité et prix, bien sûr, parce que le plastique est léger et à un prix beaucoup plus abordable.
08:16Donc il y a une soutenabilité environnementale, une soutenabilité sanitaire et une soutenabilité économique
08:21qui font de ce matériau, évidemment, un matériau incontournable.
08:24Est-ce qu'il y a encore énormément de nos emballages plastiques qui viennent de loin, de très loin, de Chine ou d'ailleurs ?
08:30Oui. La Chine est le premier exportateur d'emballages plastiques.
08:36C'est un problème aussi en matière d'importation de matières recyclées, car aujourd'hui, il n'y a pas de traçabilité.
08:42C'est-à-dire qu'on ne peut pas faire la distinction entre une matière vierge et une matière recyclée provenant de Chine.
08:49Ce qui fait que nous sommes en train de mener une action filière sur ce terrain-là,
08:54parce qu'il n'y a pas de raison d'importer, d'ailleurs, de la matière recyclée,
08:58alors que notre industrie de recyclage peut y pourvoir, en France et en Europe.
09:02Il faut régionaliser le recyclage. C'est ce qu'on appelle le principe de proximité en matière environnementale.
09:07Ça n'a pas de sens parce qu'il y a le coût environnemental du transport.
09:12Vous évoquiez la simplification, les résines, etc.
09:15Est-ce qu'il n'y a pas une part de responsabilité des industriels dans la complexité du tri ?
09:20Parce que parfois, il y a plusieurs matières en une dans un produit.
09:23Il y a des complexités sur certaines catégories d'emballages,
09:27comme l'emballage cosmétique qui intègre de la métallisation, qui ont des couleurs, etc.
09:33On travaille là-dessus. On a fait un guide sur la recyclabilité,
09:37en lien avec les grandes marques de la cosmétique, que je ne citerai pas,
09:41et qui fait des arbitrages très concrets pour réduire,
09:45pour faire en sorte de réduire non seulement le nombre de résines,
09:49mais aussi les colorations et un certain nombre d'autres choses.
09:52Sur les bouchons, on a une action visant à essayer de standardiser le bouchon
09:57pour qu'il soit le moins coloré possible ou qu'il soit transparent.
10:01Parce qu'un bouchon transparent, c'est un bouchon recyclable.
10:04Dès que vous mettez de la coloration, dès que vous mettez de la métallisation,
10:07tout devient plus compliqué.
10:09C'est des processus lents, c'est ce que vous disiez.
10:11C'est des processus qui prennent un peu de temps, c'est vrai,
10:14mais on va dans le bon sens.
10:16On est en marche vers cette visée, évidemment,
10:20puisque c'est ce qui va nous sauver, tout simplement.
10:23Merci beaucoup Gaël Bouquet.
10:25À bientôt sur Be Smart For Change.
10:27C'est l'heure de notre débat, on parle du printemps de l'économie tout de suite.