• avant-hier
Et si… par une pratique de plus en plus répandue, des journalistes étaient contraints au silence ?

Dans ce documentaire réalisé et produit par le Studio RSF, vous découvrirez une réalité alarmante : comment certains médias poussent les journalistes qui souhaitent partir, suite au rachat par un nouvel actionnaire, à se taire.

En France, les grands médias sont aujourd’hui détenus par quelques groupes industriels et financiers dont les activités dépassent largement le secteur de l’information. Grèves, management mais aussi intérêts industriels... Comment, aujourd’hui en France, le droit des entreprises de protéger leur image prime sur sur un principe fondamental : le droit à l’information.

L’extension du groupe Bolloré et le départ massif de journalistes de médias d’information a mis au jour une pratique : en quittant leur média, plus de 500 journalistes ont dû signer des clauses de « confidentialité », de « loyauté » ou encore de « non-dénigrement » non délimitée dans le temps, c’est à dire à vie.

Alors comment fonctionnent ces clauses de silence ?
En quoi menacent-elles le droit de tout un chacun à être informé ?

Lire l'enquête : https://rsf.org/fr/l-achat-du-silence-enqu%C3%AAte-rsf-sur-les-clauses-de-confidentialit%C3%A9-qui-font-taire-les-journalistes

*ERRATUM : 04:25 - Jean-Baptiste Rivoire : Fondateur de « Off Investigation », ancien rédacteur-en-chef de « Spécial Investigation »*

--
Crédits
Enquête : Haïfa Mzalouat
Réalisation : Robin Grassi
Images : Noémie Bonnafous
Montage : Noémie Bonnafous
Étalonnage : Zafiro Ortega
Voix-off : Laure Chauvel
Teaser : Anna Colpaert
Archives : AFP - Arrêt sur Image - Libération
Musique : A Global Crisis - Astro Audio Crime Scene

Catégorie

😹
Amusant
Transcription
00:00Vincent Bolloré, il est procédurier.
00:02C'est sa façon de faire taire les gens,
00:03et les journalistes en particulier.
00:05Les citoyens devraient pouvoir avoir accès à ces enquêtes
00:07et de fait, aujourd'hui, ils en sont privés.
00:09Contre la liberté de la presse, spécifiquement.
00:11C'est des témoins privilégiés de ces méthodes.
00:14Je ne pouvais pas accepter de me taire, en fait.
00:18Résultat, je suis une des seules à pouvoir témoigner librement.
00:21Le problème, c'est qu'en achetant le silence des journalistes,
00:23il empêche la population d'être informée de ce qui se passe.
00:25Donc il prend en otage la démocratie.
00:28Ça ne va pas être seulement le JDD,
00:29ça ne va pas être seulement Canal+,
00:30ça va être toutes les sociétés qui appartiennent au groupe Vivendi,
00:33plus toutes celles qui appartiennent au groupe Lingardère.
00:35On ne peut pas transiger, on ne peut pas négocier sur tout.
00:37Et notamment, on ne peut pas négocier sur la liberté d'expression.
00:39On pourrait dire qu'en fait, c'est complètement bullshit,
00:41c'est quelqu'un qui faut protéger les journalistes.
00:44De toute façon, si tu signes pas,
00:45je te harcèle, je te vire sur une faute imaginaire,
00:47tu sors sans rien, t'auras peut-être même pas le chômage,
00:49et va au prud'homme, au revoir, à dans trois ans.
00:51Je suis capable de m'asseoir sur toutes les lois
00:54qui protègent les salariés et qui protègent les journalistes.
00:57Donc, ayez peur et taisez-vous.
01:06Ce sont ces méthodes, intimider, sidérer l'ennemi qu'on a en face
01:13pour mieux l'impressionner et, à vrai dire, pour nous faire taire.
01:16Il va se retrouver avec des gens qui, soit sont d'accord,
01:20soit n'osent pas parler, mais qui, en tout cas, sont mis au pas.
01:24Ce qu'il veut, c'est des bons petits soldats,
01:26des gens qui ont le doigt sur la couture du pantalon
01:28et qui ne feront pas d'histoire et qui exécuteront ces armes, tout simplement.
01:33Et si, demain, ces témoignages venaient à disparaître ?
01:37Et si les journalistes étaient contraints au silence ?
01:42Chez Reporters sans frontières,
01:44nous avons enquêté sur un phénomène discret,
01:46mais aux conséquences majeures, les clauses de silence.
01:50Derrière ces termes, une réalité alarmante.
01:54Aujourd'hui, en France, le droit des entreprises de protéger leur image
01:58prime sur un principe pourtant fondamental,
02:01celui du droit à l'information.
02:08Benoît Hué, avocat spécialisé en droit de la presse
02:11et expert juridique auprès de Reporters sans frontières,
02:14tire la sonnette d'alarme.
02:16Depuis quelques années, les professionnels des médias
02:19et les praticiens du droit, comme moi, qui travaille avec des médias,
02:22se sont rendus compte que, dans le cadre des prises de contrôle
02:26de certains médias, qui engendraient généralement des départs,
02:29les employeurs faisaient signer massivement aux journalistes
02:32des clauses de confidentialité extrêmement larges,
02:35qui les obligent de manière illimitée dans le temps
02:37à ne pas parler de leur ancien employeur.
02:41En France, les journalistes sont en train de faire
02:44En France, les grands médias sont aujourd'hui détenus
02:47par quelques groupes industriels et financiers,
02:50dont les activités dépassent largement le secteur de l'information.
02:58L'extension du groupe Bolloré et le départ massif de journalistes
03:01de médias d'information a mis au jour une pratique.
03:05En quittant leurs médias, des centaines de journalistes
03:08ont dû signer des clauses de confidentialité, de loyauté
03:11ou encore de non-dénigrement.
03:15Des mots anodins en apparence, mais qui, dans les faits,
03:18peuvent musoler celles et ceux qui ont pour mission d'informer.
03:23Vous n'avez pas le droit de parler, de porter atteinte
03:26à l'image, à la réputation de la société, de ces sociétés-filles,
03:29de ces sociétés-sœurs, de ces sociétés-mères, etc.,
03:32de manière très large, de telle sorte que le journaliste
03:35va avoir l'impression qu'il ne peut plus dire quoi que ce soit
03:38sur cette société sans prendre un risque juridique.
03:40Ça a notamment été révélé par une enquête du média Arrêt sur image,
03:43qui a expliqué comment ces clauses dites de silence
03:46avaient notamment affecté les médias rachetés par le groupe Bolloré,
03:49c'est-à-dire Europe 1, Paris Match, Prisma, Le JDD,
03:53Canal+, ITL, etc.
03:58Jean-Baptiste Rivoire, ancien rédacteur en chef adjoint
04:01de spéciales investigations sur Canal+,
04:03est l'un des premiers condamnés en vertu de ces clauses.
04:06Son tort ? Avoir dénoncé les pressions éditoriales
04:09au sein du groupe de Vincent Bolloré,
04:11notamment dans le documentaire RSF Le Système B,
04:14l'information selon Vincent Bolloré.
04:20Elles existent dans plein d'entreprises, ce n'est pas lié à Bolloré,
04:23mais les clauses classiques admissibles, c'est
04:25« tu ne dois pas lécher le concurrent pendant six mois »,
04:27« tu ne dois pas trop raconter ce que tu as vu de l'entreprise
04:29pendant un an, pendant deux ans »,
04:30ça c'est classique, c'est admis par la jurisprudence en France.
04:32Dans les clauses que fait signer Bolloré,
04:34moi en tout cas j'ai été confronté à des clauses du genre
04:36« je ne dois rien dire qui puisse porter atteinte à l'honneur
04:38ni de lui, ni de ses entreprises, ni de ses cadres »,
04:41et sans limite de date.
04:43Ça veut dire que tu as 50 ans, tu es journaliste,
04:45mais en fait tu n'as plus le droit du tout de dire le moindre truc
04:47sur aucun réseau social qui pourrait porter atteinte
04:49à l'honneur de Vincent Bolloré ou de ses entreprises,
04:51jusqu'à ta mort.
04:55Certains journalistes n'ont pas accepté de signer ces clauses.
04:57Après 20 ans à Paris Match,
04:59Caroline Fontaine, élue de la Société des journalistes,
05:02a contesté son licenciement au prud'homme,
05:04sans envisager de négociations préalables,
05:07car un accord aurait impliqué ces clauses.
05:12Ce sont des clauses de confidentialité qui sont courantes.
05:15C'est-à-dire en entreprise, on signe,
05:17même quand on commence à travailler,
05:19on signe une clause de confidentialité.
05:21Elle est importante parce qu'elle est là pour protéger l'entreprise,
05:23qu'on ne divulgue rien qui puisse porter atteinte
05:25à ses intérêts financiers, commerciaux,
05:27qu'on ne divulgue pas ses secrets de fabrication, etc.
05:30Donc elle est légitime.
05:32Sauf que dans le cas de la presse,
05:34en fait elle a été dévoyée.
05:37Ce qui se passe dans les entreprises du groupe Vivendi,
05:40ce n'est pas des secrets de fabrication.
05:42Je ne dévoile pas comment Paris Match a réussi
05:45à négocier et avoir tel scoop.
05:48Ça, c'est des secrets de fabrication.
05:50Mais nous, on n'est pas du tout sur ce terrain-là.
05:52Nous, on est sur le terrain de la démocratie
05:54et de la protection de l'indépendance des journaux
05:56et de leur déontologie.
05:58Et donc là, la liberté d'expression,
06:01le devoir de témoigner,
06:03doit primer sur ces clauses qui sont faites
06:05justement pour qu'on ne sache pas
06:07ce qui se passe à l'intérieur de ces rédactions.
06:11Donc ça, c'est absolument pas possible
06:13de faire signer ça à un journaliste.
06:15Et pourtant, il impose ce type de clauses
06:17à des centaines et des centaines de gens.
06:19Et c'est d'autant plus inquiétant
06:21qu'on est quand même une profession un peu différente.
06:23Dans le sens que vraiment, nous, notre profession,
06:25elle a pour but de révéler les choses.
06:27Et là, on demande aux journalistes
06:30de se taire, de ne pas révéler
06:32ce qu'ils connaissent eux-mêmes.
06:34Parce qu'évidemment, si on raconte,
06:36on porte atteinte à notre entreprise.
06:38On nuit à sa réputation.
06:40Et ça, ça me paraît complètement dément.
06:42Notre enquête estime que quelques 500 journalistes
06:44sont concernés.
06:46Un chiffre probablement sous-estimé.
06:48Large, floue et sans limite de temps,
06:50ces clauses les font taire.
06:54Je ne devrais jamais pas vous dire
06:56que j'ai signé un accord.
06:58Et puis par ailleurs, il faut que mon ancien employeur
07:00ou mon ancien dirigeant...
07:02On ne peut rien dire.
07:04On est complètement muséli.
07:06Je regarde ce que les autres disent,
07:08mais je ne peux pas mettre mon grain de sel
07:10sur les sujets que je suis
07:12ou que je vois traités d'une façon
07:14qui ne me convient pas.
07:16Je ne peux pas m'exprimer.
07:18Ça suscite de la crasse.
07:20Je pense que c'est l'objectif de Vincent Bolloré.
07:22C'est réussi.
07:24Ça touche ma vie de citoyenne.
07:26En tant que citoyenne, je ne m'exprime pas.
07:28En tant que journaliste,
07:30on est parti du jour au lendemain.
07:32Ce n'était pas quelque chose qu'on a déterminé.
07:34On n'a pas tellement eu le choix.
07:36Dans des cas comme Europe 1
07:38et le JDD, on a pu estimer qu'il y avait
07:40plus de 200 personnes qui étaient concernées.
07:42C'est-à-dire que c'est l'essentiel des effectifs
07:44d'un média qui va être concerné par cette clause.
07:46C'est notre douzième jour
07:48et qu'on a revoté la grève ce matin.
07:50Est-ce que ça doit donner le droit
07:52à un seul homme de prendre le contrôle
07:54sur toute une radio
07:56garantie d'indépendance éditoriale ?
07:59Rachat anticipé,
08:01grève, départ massif,
08:03changement radical de la ligne éditoriale,
08:05agenda politique.
08:07Les pratiques du groupe de Vincent Bolloré
08:09illustrent à elles seules
08:11les dérives possibles d'une telle clause.
08:15Comment informer quand on est tenu
08:17de se taire sur son ancien employeur
08:19voire sur un groupe tout entier ?
08:22Des voix s'élèvent.
08:24Mais ceux qui osent briser
08:26la loi du silence
08:28en paient le prix fort.
08:32En 2021,
08:34RSF a sorti le documentaire
08:36« Le système B. L'information selon Vincent Bolloré »,
08:38dans lequel l'ancien rédacteur en chef
08:40adjoint du programme spécial
08:42investigations sur Canal+,
08:44dénonce les pressions sur le journalisme d'enquête.
08:48Pour ses propos,
08:50Jean-Baptiste Rivoire a été condamné
08:52« Oui, c'est quelqu'un qui gère par la terreur.
08:54C'est-à-dire qu'il n'est pas question
08:56que qui que ce soit résiste
08:58aux oucas de l'actionnaire,
09:00surtout pas en matière d'information,
09:02parce que l'information est stratégique pour lui
09:04et il veut en faire exactement ce qu'il veut.
09:06Et donc, les journalistes sont des petits soldats. »
09:08« Moi, quand j'arrive enfin à sortir de Canal fin 2021
09:10au prix de la signature de ces clauses de silence,
09:12RSF me sollicite pour parler dans le documentaire
09:14« Le système B. »
09:16Je vais dire des choses assez banales,
09:18que Bolloré règne par la terreur,
09:20je ne vais pas révéler le secret de l'entreprise,
09:22mais lui considère que c'est suffisant
09:24pour faire un procès.
09:26Et donc, l'assignation devant la justice,
09:28c'est « Vous avez dit dans le film
09:30de Reporters sans frontières
09:32qu'il était méchant, qu'il régnait par la terreur,
09:34c'est pas admissible, paf, terminé. »
09:36Et donc, voilà, c'est pour ça
09:38que je suis poursuivi devant les tribunaux
09:40et qu'ils me demandent de rembourser 150 millions.
09:42C'est dément, je n'ai jamais imaginé
09:44que ça puisse être le cas,
09:46que quelqu'un puisse être condamné
09:48pour avoir fait son métier de journaliste, au fond.
09:50Et ça, c'est ça qui s'est passé,
09:52et ça, c'est très inquiétant.
09:54Comment ça se fait que cet imbruti, on lui a fait signer une clause de silence,
09:56et il parle ? C'est pas grave, il n'a qu'à ne pas parler des médias.
09:58C'est un sujet qui n'est pas majeur, il n'a qu'à ne pas en parler.
10:00Bon, alors, ça veut dire qu'en fait, en tant que journaliste,
10:02aujourd'hui, je devrais faire mon boulot
10:04en oubliant complètement de porter un regard critique
10:06sur le fonctionnement du système médiatique français.
10:08Ben non, en fait, c'est au cœur de la démocratie.
10:10Donc, c'est pas possible.
10:12Là, il y a des nouveaux actionnaires
10:14dans la presse, qui n'étaient pas
10:16des professionnels de la presse,
10:18et qui, eux, ont décidé d'acheter ces journaux,
10:20non pas pour gagner de l'argent,
10:22puisque désormais, les journaux perdent de l'argent,
10:24mais pour les utiliser à des fins personnelles,
10:26soit pour défendre leurs intérêts financiers,
10:28soit pour défendre une idéologie.
10:30Et ça, c'est assez récent.
10:32C'est ce qu'on a appelé l'arrivée des actionnaires prédateurs.
10:34La clause ne va pas seulement porter sur l'employeur en tant que tel,
10:36mais sur toutes les sociétés du groupe
10:38qui appartient à l'employeur. Par exemple, ça ne va pas être seulement
10:40Europe 1, ça ne va pas être seulement le JDD,
10:42ça ne va pas être seulement Canal+,
10:44mais ça va être toutes les sociétés qui appartiennent au groupe Vivendi,
10:46plus toutes celles qui appartiennent au groupe Lingardère,
10:48puisque ces sociétés ont désormais
10:50le même actionnaire.
10:52Aujourd'hui, en France,
10:54les journalistes pourraient être empêchés
10:56de s'exprimer ou de faire des révélations
10:58sur les activités tentaculaires
11:00de ces grands groupes.
11:02Pour Vincent Brenghart,
11:04l'avocat de Jean-Baptiste Rivoire,
11:06il s'agit d'une grave atteinte à la liberté d'expression.
11:08On a cette clause
11:10en disant interdiction de tenir
11:12des propos qui pourraient être éventuellement nuisibles à la situation
11:14financière, économique, commerciale
11:16ou administrative de la société,
11:18ainsi que de
11:20toutes les sociétés du groupe Canal+,
11:22Vivendi, et de leurs dirigeants
11:24et préposés.
11:26Donc Canal+, du groupe Avas, Prisma Média,
11:28Gameloft, Vivendi Village,
11:30Nouvelles Initiatives, Editis,
11:32et notamment Vivendi Village,
11:34ça concerne par exemple les salles de spectacle,
11:36ça concerne les billetteries,
11:38Nouvelles Initiatives, ça concerne par exemple Dailymotion,
11:40Editis, évidemment,
11:42le secteur des littératures, le secteur de l'éducation,
11:44le secteur de la distribution,
11:46c'est-à-dire qu'en fait le protocole
11:48qu'il a signé uniquement avec son employeur
11:50dans un cadre extrêmement précis
11:52l'empêcherait de révéler
11:54une information d'intérêt général.
11:56On ne peut pas transiger, on ne peut pas négocier sur tout,
11:58et notamment on ne peut pas négocier sur la liberté d'expression,
12:00on ne peut pas négocier sur la capacité aujourd'hui
12:02que tout journaliste doit pouvoir avoir,
12:04notamment de critiquer la concentration des médias.
12:06C'est une clause qui porte atteinte
12:08à la liberté d'expression
12:10des journalistes qui sont
12:12les chiens de garde de la démocratie
12:14et qui doit donc être protégée
12:16avec d'autant plus de force.
12:18Médias, culture,
12:20industrie, politique,
12:22les sujets pour lesquels des journalistes n'osent plus
12:24s'exprimer sur les réseaux sociaux,
12:26enquêter, publier, par peur d'être
12:28poursuivis ou de devoir rembourser
12:30les indemnités de leur rupture conventionnelle
12:32sont nombreux.
12:36Après avoir quitté Canal+,
12:38Jean-Baptiste Rivoire a fondé
12:40Off Investigation,
12:42un média indépendant qui couvre principalement
12:44le paysage politico-médiatique français.
12:50On a décidé d'aller dans les coulisses des médias
12:52et des propriétaires de presse et de leur influence.
12:54Là-dedans, il y a deux personnes
12:56qui sont liées à Bolloré. Comme Bolloré,
12:58c'est une espèce de tentacule,
13:00la barre sur la politique, sur les médias,
13:02on ne pourrait pas parler de Zemmour et du soutien du groupe
13:04Bolloré à Zemmour, parce que ça pourrait être considéré
13:06comme portant teinte à l'honneur de Bolloré.
13:08En fait, ce sont des clauses absolument
13:10étouffantes pour la liberté d'information.
13:12Évidemment.
13:18Caroline Fontaine, ancienne journaliste
13:20à Paris Match, n'a pas voulu se retrouver
13:22en situation de devoir signer ses clauses.
13:24Son licenciement, qu'elle conteste
13:26au prud'homme, illustre un dilemme.
13:28Même en voulant préserver leur liberté,
13:30les journalistes sont impactés.
13:32Ses anciens collègues, liés par
13:34ces clauses, ne peuvent pas témoigner
13:36en sa faveur.
13:40Donc moi, j'ai été licenciée avec une lettre
13:42de licenciement, avec des motifs
13:44qui étaient à mes yeux fallacieux.
13:46Sous le choc, on se dit, je vais aller négocier.
13:48Quand on arrive à un accord,
13:50on signe une clause de confidentialité.
13:52Donc moi, j'ai refusé cette négociation
13:54parce que je refusais de signer
13:56cette clause de confidentialité.
13:58Comme ce combat que j'ai porté pour l'indépendance
14:00de mon journal, que j'aimais énormément,
14:02je n'avais pas fait tout ça
14:04juste pour ensuite monter, signer un chèque
14:06et ne plus avoir le droit
14:08de témoigner. Je ne pouvais pas
14:10accepter de me taire.
14:12Résultat, je suis une des seules
14:14aujourd'hui, d'ailleurs c'est aussi pour ça
14:16que je suis là aujourd'hui, à pouvoir témoigner
14:18librement. En revanche,
14:20ce n'est pas
14:22un choix facile.
14:24La vérité, c'est que quand vous êtes journaliste dans un média
14:26dont Bolloré prend le contrôle très brutalement,
14:28vous avez un actionnaire qui est immensément riche
14:30qui peut vous coller des procédures.
14:32En fait, il y a une totale inégalité entre le salarié
14:34et l'actionnaire et donc Bolloré est
14:36totalement en position de force pour imposer des clauses de silence
14:38à tout un tas de gens. Ce qui, dans le
14:40journalisme, est quand même compliqué.
14:42Dans ma lettre de licenciement,
14:44il raconte des réunions où je me serais
14:46mal comportée de manière violente.
14:48Or, c'est tout l'inverse qui s'est passé. Il fallait
14:50que des gens présents à cette réunion
14:52puissent dire, car nous sommes
14:54témoins que Caroline Fontaine a été
14:56totalement prise à parti lors de cette réunion.
14:58J'ai beaucoup, beaucoup,
15:00beaucoup de difficultés à avoir des gens
15:02qui puissent témoigner
15:04parce que ceux qui sont partis et qui ont signé cette clause
15:06ont interdiction de le faire.
15:08Non seulement pendant qu'on se bat, on n'a pas
15:10le droit de parler. Quand on est parti
15:12et qu'on a signé cette clause, on n'a pas le droit de parler.
15:14Mais ceux qui refusent de signer cette
15:16clause et qui veulent le faire
15:18valoir en justice et permettre
15:20ainsi qu'on reconnaisse
15:22un licenciement pour des raisons politiques,
15:24eux, ils ne peuvent pas s'appuyer
15:26sur des témoignages de leurs camarades.
15:28Donc, en fait, tout le monde
15:30est réduit au silence.
15:32Et ça marche à 99%. La plupart des gens
15:34qui ont signé ces clauses respectent ces clauses en disant
15:36« Oui, mais je ne vais pas quand même rembourser 150 000 euros. »
15:38On est dans un achat
15:40massif du silence. En fait, on achète une omerta.
15:44Son but, c'est l'exemple.
15:46Moi, quand il me licencie, alors que je suis
15:48juste élue à la Société des journalistes,
15:50ce n'est pas moi qui licencie.
15:52C'est qu'il dit « Je suis capable
15:54de m'asseoir sur toutes les lois qui protègent les salariés
15:56et qui protègent les journalistes
15:58en licenciant Caroline Fontaine.
16:00Donc, ayez peur et taisez-vous. »
16:04L'impact de cette omerta va bien
16:06au-delà de la liberté éditoriale
16:08des journalistes.
16:10Devant les commissions parlementaires,
16:12des journalistes peinent à témoigner.
16:14Lors de son audition en 2022,
16:16l'ex-journaliste d'Europe 1
16:18Olivier Samin a évoqué
16:20sa crainte de prendre la parole
16:22en raison des engagements qu'il a dû signer.
16:26Mais je vous demande quand même
16:28d'avoir à l'esprit le fait que je suis sur
16:30un étroit chemin de crête délimité
16:32d'un côté par la nécessité
16:34pour moi de répondre
16:36à vos questions au nom du droit à l'information
16:38d'intérêt public et délimité
16:40de l'autre par cette clause de loyauté
16:42– c'est son nom – que j'ai dû signer
16:44quand j'ai quitté l'entreprise.
16:46Le sénateur David Assouline,
16:48rapporteur de cette commission,
16:50raconte dans une interview pour le site
16:52d'information Arrêt sur image en septembre
16:542023 que des journalistes
16:56l'ont contacté pour livrer leurs témoignages
16:58de manière anonyme, par crainte
17:00de représailles.
17:04Quand RSF publie le 11 juillet 2024
17:06une tribune dans Libération pour dénoncer
17:08la mutation de la radio Europe 1
17:10en une machine à fabriquer de l'opinion,
17:12parmi les 63 signataires,
17:1437 sont contraints à l'anonymat
17:16parce que baillonnés par une clause
17:18de non-dénigrement qu'Europe 1
17:20leur a fait signer lors des plans de départ
17:22décidés en 2021.
17:28Rachat de médias,
17:30instrumentalisation politique,
17:32censure, derrière ces clauses
17:34une menace insidieuse plane
17:36sur la liberté de la presse et le droit
17:38des citoyens à être informés.
17:40Rachat de médias,
17:42instrumentalisation politique,
17:44censure, derrière ces clauses
17:46une menace insidieuse plane
17:48sur la liberté de la presse et le droit
17:50des citoyens à être informés.
18:10Rachat de médias,
18:12instrumentalisation politique,
18:14censure, derrière ces clauses
18:16une menace insidieuse plane
18:18sur la liberté de la presse et le droit
18:20des citoyens à être informés.
18:40Rachat de médias,
18:42instrumentalisation politique,
18:44censure, derrière ces clauses
18:46une menace insidieuse plane
18:48sur la liberté de la presse et le droit
18:50des citoyens à être informés.
19:10Rachat de médias,
19:12instrumentalisation politique,
19:14censure, derrière ces clauses
19:16une menace insidieuse plane
19:18sur la liberté de la presse et le droit
19:20des citoyens à être informés.
19:40Vous feriez quoi, vous,
19:42si vous étiez dirigés par la même clique
19:44depuis 50 ans ?
19:52Ça va indisposer le dictateur togolais
19:54qui va s'en ouvrir à Vincent Bolloré.
19:56Le sujet va disparaître des replays de Canal+.
19:58Et un mois plus tard, fin 2017,
20:00Bolloré va faire diffuser un publi-reportage
20:02sur les antennes de Canal clandestinement sans dire
20:04que c'est un publi-reportage à 7h du matin.
20:06Dans son engagement pour demain,
20:08le gouvernement de Togo peut aussi s'appuyer
20:10sur sa stabilité.
20:12Stabilité de l'économie mais aussi
20:14une stabilité politique qui sécurise
20:16tout le pays et encourage
20:18des investissements venus du monde entier.
20:20Aujourd'hui,
20:22on peut faire de la désinformation,
20:24raconter des choses qui sont fausses
20:26et personne ne peut dire que tout ça est faux.
20:28Les citoyens ont le droit d'avoir accès
20:30à des enquêtes sur
20:32tout sujet d'intérêt général.
20:34Le fonctionnement d'un média est clairement
20:36général et les citoyens devraient pouvoir
20:38avoir accès à ces enquêtes et de fait, aujourd'hui, ils en sont privés.
20:40En fait, ce n'est pas un problème de corporatisme
20:42de journaliste. C'est-à-dire que Bolloré impose
20:44des clauses de silence à des centaines de journalistes
20:46qui ont été obligés de quitter les médias qu'il a pris d'assaut.
20:48On pourrait se dire, tant pis, de toute façon,
20:50c'est le journaliste, on s'en fiche, etc.
20:52Le problème, c'est qu'en achetant le silence des journalistes,
20:54il empêche la population d'être informée de ce qui se passe.
20:56Donc, il prend en otage la démocratie.
20:58Nous, on ne se bat pas pour nous.
21:00C'est vraiment une bataille pour
21:02la liberté d'informer parce que
21:04si on n'est pas informé, comment on vote ?
21:06Comment même on consomme ?
21:08Le journalisme, il sert à ça.
21:10Il sert à ce qu'on puisse, en conscience,
21:12mettre un bulletin de vote ou pas,
21:14d'ailleurs, acheter telle chose
21:16ou pas, vivre comme ci ou comme ça.
21:18Ça permet de savoir ce qu'on fait.
21:20En fait, ça permet d'être libre dans ses choix.
21:22Le pouvoir politique ne semble pas
21:24avoir pris la mesure de la gravité de ce qui est en train
21:26de se passer. On est dans une dérive mortifère
21:28totalement hostile à l'information indépendante.
21:30Moi, je trouve
21:32ça extrêmement inquiétant.
21:34Et je trouve
21:36ça très inquiétant
21:38que les pouvoirs publics laissent faire,
21:40ne s'en saisissent pas. Je fais cet appel
21:42là à essayer que tous ceux
21:44qui aient signé cette clause essayent de se mettre ensemble
21:46pour faire une action collective
21:48pour qu'elle ne soit pas...
21:50pour pouvoir la dénoncer.
21:52Parce que c'est trop important. Il faut raconter.
21:54Il faut raconter ce qui se passe.
22:00Joueurs
22:30Merci d'avoir regardé cette vidéo !

Recommandations