L'invité de Nicolas Crozel - ici Loire Océan
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00:007h46, votre invité Nicolas Creuzel, c'est donc le nouveau procureur de Nantes, Antoine Leroy.
00:05Je vous salue à nouveau et je vous remercie d'être en direct dans le studio à l'occasion de cette journée spéciale
00:09consacrée donc au trafic de drogue dans les villes mais aussi dans les zones rurales désormais.
00:14Il n'y a pas longtemps que vous avez pris vos fonctions à Nantes, Antoine Leroy, la situation nantaise,
00:21elle est connue évidemment, c'est votre priorité numéro 1, la lutte contre les trafics de drogue ?
00:26Je crois qu'aujourd'hui tous les procureurs de France sont confrontés à cette difficulté
00:30et pour tous les procureurs de France, à Nantes comme ailleurs, c'est une priorité.
00:35Effectivement, on parle beaucoup en ce moment du narcotrafic mais il n'y a pas que le narcotrafic en tant que tel.
00:42Je réponds à vos questions mais je crois qu'il faut rappeler que d'abord c'est un problème de santé publique.
00:47Si la drogue, quelle qu'elle soit, n'était pas dangereuse pour la santé publique,
00:51on pourrait la consommer comme on peut consommer du pain, du vin chez soi et du fromage.
00:56À l'origine, effectivement, il faut le rappeler, la drogue c'est nuisible pour la santé, c'est un problème de santé publique.
01:03Vous avez cité ce mot narcotrafic, je me permets de rebondir dessus, ça fait un peu la Colombie.
01:09Est-ce que vous avez l'impression que c'est un vocabulaire adapté ou est-ce qu'on est en train aussi de vouloir jouer peut-être sur les peurs ?
01:15C'est un vocabulaire adapté pour le haut du spectre. Mais il y a le bas du spectre et le milieu du spectre.
01:22Le bas du spectre, c'est tous ceux qui vont acheter des produits stupéfiants.
01:25Et on est un pays qui est comme ça, la plupart de ceux qui trouvent qu'il y a trop de drogue sont des gens qui, de temps en temps, fument un petit joint.
01:32S'il n'y avait pas d'usagers, il n'y aurait pas de trafic de stupe.
01:36Deuxièmement, l'usage est interdit, c'est un nom d'emprisonnement encouru, donc l'usage est interdit.
01:41Ça c'est le bas du spectre, pas d'usagers, pas de trafic de drogue.
01:44Il y a le milieu du spectre, c'est le point de deal qu'on connaît dans toutes les villes de France de la taille de Nantes,
01:50y compris dans des villes plus petites, vous l'avez dit à juste titre tout à l'heure, et évidemment dans les très grandes villes.
01:54Ça c'est le milieu du spectre, il faut démanteler les points de deal, c'est compliqué, on y arrive quand même, il faut faire des opérations ponctuelles et des opérations...
02:01On va revenir en détails sur tout ça.
02:03Et il y a le haut du spectre qui est le narcotrafic, c'est-à-dire des personnes que personne ne connaît,
02:08qui sont au sommet de la pyramide et qui commanditent toutes les actions liées aux produits stupéfiants.
02:13Et qui le font parfois depuis leurs cellules de prison d'ailleurs.
02:15Et qui le font malheureusement parfois depuis leurs cellules de prison.
02:17Alors je reviens à cette problématique que vous citiez, que je trouve très intéressante, celle du consommateur.
02:22Vous appelez-vous à la responsabilité, je vais peut-être caricaturer un peu,
02:26mais des petits bourgeois bobos qui vont se chercher de quoi se faire le petit pétard du samedi soir,
02:32et qui ont oublié que finalement ils alimentent une chaîne d'autodestruction quelque part.
02:37Il n'y a que qu'ils alimentent le trafic de produits stupéfiants.
02:39S'il n'y avait pas d'usagers du tout, il n'y aurait aucun trafic.
02:41Donc il faut cibler les consommateurs.
02:43Il faut cibler les consommateurs, il faut faire une action en faveur de la santé publique,
02:49leur expliquer qu'à chaque fois qu'on fume un petit joint, c'est des neurones qui vont dans le cerveau être détruits.
02:56Et puis il faut aussi responsabiliser les gens, parce qu'effectivement les gens pensent que c'est tout à fait anodin.
03:02La France est le troisième pays d'Europe le plus consommateur de produits stupéfiants.
03:08Et il n'y a pas de petites et de drogues douces et de drogues dures.
03:12Vous ne faites pas de distinction, parce que des fois on entend que si on légalisait le cannabis, peut-être qu'on réglerait le problème.
03:17Oui, les pays qui ont légalisé le cannabis ne sont pas plus sortis des trafics de stup et de toutes les infractions qui sont connexes.
03:24Donc oui, c'est un problème de santé publique, mais il faut que tout le monde en ait conscience.
03:27Alors vous, votre mission principale, une fois que les trafics sont démantelés, c'est de juger les personnes, enfin la justice, parce que vous représentez la justice.
03:34On voit bien quand même cette lutte sans merci menée depuis des mois, police-justice, dans les points de deal connus dans les grandes villes.
03:41Je pense aux 38 ruvateaux à Nantes, il y a évidemment tous les grands quartiers, il y a aussi, c'est pas votre ressort, mais Saint-Nazaire, La Bouletterie, etc.
03:49Vous avez les moyens, vous, la justice, à Nantes, de mener votre action, conjointement avec les forces de police et de gendarmerie, la CRS 82, ces descentes, c'est harceler les dealers.
04:02Vous en avez les moyens ?
04:04Il y a plusieurs façons de procéder au démantèlement des trafics, c'est harceler effectivement les dealers, c'est de descendre sur les points de deal.
04:11Donc ça, il faut des policiers, on en manque, on n'en a jamais assez, de même que des magistrats, des greffiers, etc.
04:15Mais on y arrive, depuis 2000 ans, les auteurs d'infractions s'adaptent à la situation, et c'est la justice et la police ou la gendarmerie qui, un peu après, mais quand même, s'adaptent aux situations.
04:27On est parvenu, je crois, en France, très bien à s'adapter à la situation, je ne dis pas qu'on y arrive à chaque fois, mais la police et la gendarmerie.
04:35Mais là, trouvez-vous qu'il y a du mieux, par exemple, sur la situation nantaise, ces dernières semaines, ces derniers mois ?
04:40Sur ces derniers mois, on s'aperçoit que, alors, après, ça évolue de jour en jour.
04:45La semaine dernière, on a eu des événements, voilà, connexes au trafic de stups, avec des guerres de territoire, mais depuis 3 ou 4 mois, c'était moins le cas.
04:54On a des structures dédiées, au tribunal, notamment avec les forces de police, on se réunit très régulièrement pour faire le point avec toutes les personnes concernées,
05:04police nationale, police municipale, gendarmerie, travailleurs sociaux du secteur.
05:09Ça fonctionne très bien, on sait où les faits se commettent, on connaît les délinquants.
05:15Après, la justice pénale, ce n'est pas de dire, vous, vous êtes délinquant, vous allez être jugé et être condamné.
05:19Il faut, quand même, aussi faire une enquête de fond et prouver, en tout cas, c'est le travail du parquet, de prouver devant les juges.
05:26Dans des délais raisonnables, arriver à programmer les procès, en fonction du manque de moyens aussi de la justice.
05:31Dans des délais raisonnables, avec des modalités de jugement plus ou moins rapides, la comparution immédiate.
05:36Quelqu'un qui a été vu sur un point de deal peut passer en comparution immédiate et ressortir avec un an d'emprisonnement et l'incarcération à l'audience.
05:42Et puis, il y a un travail de fond qui peut être confié aux juges d'instruction, où là, c'est plusieurs mois de longues enquêtes, mais ça permet de taper dans le haut du spectre.
05:49Et quand on voit des réseaux démantelés dans des communes de 7 000, 8 000, 9 000 habitants, là, vous vous dites qu'on est en train d'avoir un nouveau défi à mener dans la lutte contre les trafics qui va jusque dans ces milieux-là ?
06:10C'est un constat qu'on fait depuis une dizaine d'années, chaque année davantage.
06:14Toute la France et toutes les communes de France peuvent être concernées.
06:18Donc, il faut qu'il y ait une responsabilisation, une prise de conscience nationale.
06:22Je crois que tout ce dont on parle du narcotrafic fait prendre conscience aux gens que c'est quelque chose qui n'est plus possible.
06:27Et bien, ça exige une mobilisation, notamment des gendarmes, par exemple, dans les zones rurales, avec, quelquefois, pas un point de deal, mais un endroit où tout le monde sait qu'on peut aller s'approvisionner.
06:36Comme l'a dit l'un de vos auditeurs tout à l'heure, ce qui n'est juste pas acceptable.
06:41La drogue vient à vous, c'est un petit peu plus embêtant pour parfois ne pas céder à la tentation, ce qu'il ne faut évidemment pas faire.
06:47Merci d'être venu nous éclairer ce matin, Antoine Leroy, nouveau procureur de la République à Nantes.
06:52Vous avez pris vos fonctions il y a quelques semaines.
06:53On aura évidemment l'occasion de vous réinviter régulièrement pour faire le point sur ce dossier et sur d'autres.
06:57Merci beaucoup. Bonne journée à vous.