• hier
Sonia Mabrouk reçoit Philippe de Villiers pour évoquer son parcours hors du commun dans #DestinDException

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00:00Bonsoir à tous et bienvenue à vous pour ce premier numéro de Destin d'Exception.
00:00:05Je suis vraiment ravie de vous retrouver pour cette émission qui va vous raconter
00:00:10les destins hors normes de personnalités originales, singulières et inspirantes.
00:00:16Destin d'Exception va présenter les lieux emblématiques
00:00:19qui ont marqué la vie des invités de ces personnalités
00:00:22et qui ont aussi façonné l'histoire de France.
00:00:25Alors ce soir, notre premier invité,
00:00:27il a d'abord marqué les esprits avec un livre au succès retentissant,
00:00:32Mémorécide, publié chez Fayard.
00:00:34Il est auteur, conteur, homme politique, entrepreneur et créateur avec le puits du fou.
00:00:40L'invité de Destin d'Exception est un hussard blanc qui pourfend,
00:00:44vous le savez, le politiquement correct.
00:00:46C'est un mousquetaire qui est armé d'un panache, un panache bien français.
00:00:50C'est aussi un combattant facétieux dont la vie, le destin,
00:00:54vous allez le voir tout au long de cette émission,
00:00:56s'apparente à une forme de cavalcade, à la fois de l'âme et de l'esprit.
00:01:00Philippe Devilliers, bonsoir.
00:01:02Bonsoir, Sonia.
00:01:03Bienvenue à vous.
00:01:04Bienvenue.
00:01:05Je suis ravie de vous recevoir.
00:01:07Je suis très heureux et très ému parce que c'est moi qui essuie les plâtres.
00:01:12Ne le voyez pas ainsi, au contraire.
00:01:14Moi, je le vois comme un honneur de vous recevoir pour cette première.
00:01:18C'est un jeune public, je voudrais en parler, qui nous entoure, cher Philippe,
00:01:22qui est en grande partie venu de l'Institut de formation politique.
00:01:25Ce sont des jeunes qui sont engagés dans la vie de la cité, pour la société.
00:01:30Et je remercie le cofondateur de l'Institut de formation politique, Alexandre Peset.
00:01:35Voilà, ça fait du bien.
00:01:36La jeunesse nous entoure.
00:01:38Et venu écouter aussi, Philippe Devilliers, un novateur qui pense toujours à demain,
00:01:42sans forcément se départir de sa nostalgie féconde.
00:01:45Votre vie, votre parcours représentent une histoire digne d'un roman
00:01:50que l'on va feuilleter ce soir.
00:01:52Et si vous le voulez bien, on va la raconter, cette vie, en déclinant d'abord,
00:01:57ça me paraît normal, pour commencer, vos attachements personnels,
00:02:00pour comprendre votre trajectoire en démarrant, c'est le plus logique,
00:02:05par la terre, le pays de votre enfance, par le petit gars, Philippe Devilliers,
00:02:10que vous étiez, en Vendée, évidemment, cette terre,
00:02:13ce lieu si emblématique, si important.
00:02:15Quels étaient vos premiers éblouissements, enfant ?
00:02:19– Je vais vous répondre, Sonia, mais je voudrais saluer les élèves
00:02:24de l'Institut de formation politique qui sont là,
00:02:27et le directeur fondateur, qui était un ami, pour lequel j'ai une grande estime,
00:02:32qui fait un travail absolument remarquable,
00:02:34c'est la relève de l'élite française, Alexandre Peset.
00:02:38Merci d'être là avec Kate, et j'essaierai de vous engager,
00:02:44les uns et les autres, par mes paroles,
00:02:47pour que vous puissiez contribuer à sauver la France, les uns et les autres.
00:02:51Alors maintenant, je réponds à votre question, Sonia,
00:02:55les premiers éblouissements.
00:02:58Alors, je suis né dans le bas bocage de la Vendée,
00:03:04au bord d'une petite rivière qui s'appelait la Boulagne.
00:03:08J'étais un petit gars qui courait la campagne,
00:03:11et qui cueillait, sans le savoir, des fleurs de civilisation.
00:03:16Chaque matin, il montait à mes persiennes,
00:03:21les trois bruits qui réveillent le village et les fermes alentours.
00:03:26Il y avait l'appel du coq, l'appel du jour,
00:03:30il y avait l'appel de l'enclume du forgeron, Eugène Grelier.
00:03:36On était tout près du bourg, on entendait l'enclume.
00:03:39L'appel au travail.
00:03:42Et puis le troisième bruit, la troisième mélodie,
00:03:46c'était la cloche de l'Angélus, l'appel à la prière, dans le Sillon.
00:03:51C'était une symphonie,
00:03:56et qui a changé le cours de ma vie dès l'âge de 5 ans, sans le savoir.
00:04:02Mes héros d'enfance n'étaient pas des sujets littéraires.
00:04:08C'étaient des personnages de fermes
00:04:12qui m'ont tout appris, à commencer par la langue.
00:04:15Ma première langue.
00:04:17On n'est pas le français, c'est le patois vendéen.
00:04:20Ma première langue, c'est le patois vendéen,
00:04:23c'est-à-dire une langue, une gouaille, une verve,
00:04:28des intonations, des onomatopées.
00:04:34Derrière cette langue, il y avait un art de dire,
00:04:41un art de rire, un art de pleurer,
00:04:46et même une manière discrète d'apprivoiser l'intime et l'ultime.
00:04:53Avec des gens simples, rudes,
00:04:55qui mettaient de la poésie dans chaque pas,
00:04:59et dans chaque interjection,
00:05:02et jusque dans les silences.
00:05:05En fait, la vie, ma vie d'enfance,
00:05:10était un jaillissement de formes inouïes
00:05:19qui déposaient en nous des enchantements
00:05:24qu'à l'époque, on ne voyait pas.
00:05:26Nous étions heureux, la vie était en société.
00:05:30La vie était une liturgie.
00:05:33Et quand j'ai eu 18 ans, je me suis dit,
00:05:37en fait, il faut que je paye ma dette
00:05:41pour cette enfance heureuse, trop heureuse.
00:05:44Il faut que je paye ma dette à mon papa, à ma maman,
00:05:47à mes voisins, à mon panthéon de personnages
00:05:50dont je viens de vous parler,
00:05:52et que je pourrai longtemps vous décrire.
00:05:55Et comment payer ma dette ?
00:05:59Alors j'ai mis du temps à comprendre
00:06:01comment j'allais la payer, et un jour,
00:06:03j'ai dit à mon père et à ma mère,
00:06:05voilà, je vais faire un hymne.
00:06:07Un hymne à mon enfance, un hymne à la Vendée
00:06:11et à la France, pour vous dire merci.
00:06:14J'ai cherché un lieu, je cherchais en fait une ruine.
00:06:18Je cherchais une ruine piteuse pour en faire
00:06:20une ruine glorieuse,
00:06:22qui soit au diapason de ce que j'avais vécu.
00:06:25Et sur une petite colline de bois mort,
00:06:30d'amnésie et de ruine, j'ai déposé mon hymne.
00:06:35C'est-à-dire que j'ai payé ma dette en nature
00:06:39et en lumière.
00:06:41– La nature justement, Philippe Devilliers.
00:06:44Vous avez vécu entre les haies bocagières
00:06:46et les chirons de granit.
00:06:48Nous sommes tous marqués par les paysages,
00:06:50les senteurs, les lumières, les sons de l'enfance.
00:06:53Vous vous tendiez l'oreille, je crois,
00:06:55à la douce mélancolie du chardonnerie,
00:06:57que l'on appelait le Mozart des cimes,
00:06:59c'est ce qu'on m'a raconté.
00:07:01Est-ce que ce rapport avec la nature,
00:07:03il était vraiment constitutif de votre,
00:07:05et il reste constitutif de votre parcours ?
00:07:07– Ah oui, tout à fait.
00:07:11– Je ne suis pas trompé sur le chardonnerie ?
00:07:13– Non, pas du tout.
00:07:14– Eh bien le Mozart des cimes.
00:07:15– Mais je peux vous parler du chardonnerie.
00:07:17Méfiez-vous Sonia, parce que…
00:07:19– Restons sur la nature.
00:07:21Le chardonnerie, il a un répertoire éblouissant.
00:07:25Il a ce qu'on appelle des rafalements harmonieux.
00:07:29On l'appelle l'oiseau des noces.
00:07:33Et en fait, moi j'ai vécu du pacte nuptial
00:07:39de l'homme et de la terre.
00:07:41C'est-à-dire qu'on nous apprenait,
00:07:43on était comme les plantes,
00:07:45on vivait, on respirait entre l'humus et la lumière.
00:07:48Et je descendais au bord de la rivière
00:07:51pour écouter pendant des heures
00:07:53la musique argentée des peupliers de tremble,
00:07:56très caractéristique, et je fabriquais,
00:07:59je reviens au chardonnerie,
00:08:01des flûtes de Javel
00:08:03pour donner la réplique au chardonnerie.
00:08:08Et j'avais le sentiment, j'avais la certitude,
00:08:11qui faisait rire mes copains,
00:08:14que je lui donnais la réplique
00:08:16et qu'à la fin, c'était lui qui cherchait à me répondre.
00:08:20Et donc en fait, l'histoire du chardonnerie
00:08:24a été dans ma vie un moment déterminant
00:08:28pour des raisons que je suis prêt à vous expliquer,
00:08:31puisqu'à un moment donné, le chardonnerie a disparu.
00:08:35Et donc ma vie a changé.
00:08:37– Vous allez nous dire ce soir, nous expliquer,
00:08:40Philippe Devilliers, parce que je vous préviens,
00:08:42cette émission, c'est aussi une confession.
00:08:44Vous nous parlez des bonheurs de l'enfance,
00:08:46heureuse, très heureuse, vous l'avez dit,
00:08:48mais il y a quand même une prise de conscience majeure,
00:08:50à l'âge de 10-11 ans, vous découvrez l'autre Vendée.
00:08:53C'est important d'en parler, cette autre Vendée,
00:08:55celle qui pleure, celle qui a souffert.
00:08:58Quelle est-elle ?
00:09:00– Un jour, à 11-12 ans,
00:09:05mon voisin qui était paysan, Samuel Gilbert,
00:09:09je passais mes journées avec lui.
00:09:11Il m'emmenait faire la fraissure,
00:09:14il m'emmenait aux moissons, il m'emmenait dans le sillon.
00:09:17Je suivais la charrue.
00:09:19Et un jour, il m'a dit, viens là, mon petit gars.
00:09:23Tu vois, ce champ, il a un nom spécial.
00:09:28Je dis, quel nom ?
00:09:30Il s'appelle le champ de la Braille.
00:09:33Je dis, c'est quoi, la Braille ?
00:09:35Il dit Brailler, le verbe Brailler.
00:09:38C'est un enfant qui hurle.
00:09:40Je dis, alors ?
00:09:42Les enfants, ils ont hurlé, ils sont morts.
00:09:45Ils n'ont pas été en sépulture.
00:09:48C'était les enfants de Boulogne.
00:09:50Les colonnes infernales sont passées avec le général Thurot.
00:09:55Et donc, le champ de la Braille, pour nous,
00:09:58c'est quelque chose, mon petit gars,
00:10:00les petits bonheurs, ça passe.
00:10:04Mais ça, ça reste.
00:10:06Et à partir de cet instant,
00:10:10je portais en moi deux Vendées.
00:10:15La Vendée festive,
00:10:18la Vendée qui rit,
00:10:21la Vendée processionnelle, la Vendée exubérante,
00:10:24la Vendée triomphale.
00:10:27Et puis l'autre Vendée, la Vendée qui pleure.
00:10:31La Vendée interdite de récits officiels,
00:10:37marquée par un mystère de souffrance indécible.
00:10:40La Vendée douloureuse, silencieuse,
00:10:43la Vendée aux lèvres closes,
00:10:46scellée d'un signe de croix.
00:10:50On va quitter la Vendée, mais on va y revenir,
00:10:52on revient toujours à la Vendée.
00:10:54On va poursuivre notre cheminement, Philippe de Villiers,
00:10:56sur le tracé de votre vie avec l'arrivée à Paris.
00:10:59Sciences Po, la rue Saint-Guillaume,
00:11:01proche, très proche des lieux de pouvoir,
00:11:03des ministères, des assemblées,
00:11:05Paris, la capitale, tout son décorum.
00:11:08Qu'a représenté pour vous cette arrivée dans la capitale
00:11:10en quittant justement cette terre à la fois des bonheurs
00:11:14et des souffrances, la Vendée ?
00:11:16Il faut savoir d'abord que pour un Vendéen,
00:11:18Paris, c'est quand même la ville qui nous a envoyé
00:11:22les colonnes infernales.
00:11:25Et celui qui a été le chef des colonnes infernales,
00:11:27il a son nom sur l'acte de triomphe, il s'appelle Thurot.
00:11:30Donc si vous voulez aller à Paris, c'est pas évident.
00:11:33On dit d'ailleurs monter à Paris.
00:11:37Et en plus, j'avais l'impression de vivre la virée de Galerne.
00:11:40La virée de Galerne, c'est quand les Vendéens
00:11:42ont franchi la Loire.
00:11:46Ils ont quitté leur champ, leurs chemins creux.
00:11:49Ils ne bataillaient plus à domicile.
00:11:52Ils étaient chez les autres.
00:11:54Et Charrette leur a dit, il ne faut jamais quitter
00:11:57ces marais, ces chemins creux.
00:12:00Un footballeur dirait, il faut toujours jouer à domicile.
00:12:04Donc moi, je ne jouais plus à domicile.
00:12:07Et quand je suis arrivé à Paris, je vais vous dire,
00:12:09c'est un peu choqué, mais ça ne fait rien.
00:12:11Je me souviens de ma première impression,
00:12:13on était trois copains de l'Ouest.
00:12:15Et alors, on nous regardait comme des hurons
00:12:18au palais royal, donc des spécimens.
00:12:22Et on voyait, vous savez, des jeunes gens
00:12:26qui avaient le teint sireux,
00:12:29qui avaient été un peu gominés à la James Dean,
00:12:34qui avaient tous un manteau de l'Oden passé,
00:12:40des mocassins brillants, de couleur vive,
00:12:46avec des clochettes.
00:12:49Et puis, ils avaient tous un parapluie
00:12:51pour ne pas crotter leurs choses.
00:12:53C'était les gens de la ville.
00:12:55Et ils fumaient des Paul Moll,
00:12:58ces cigarettes du plan Marshall,
00:13:00les cigarettes américaines,
00:13:02et ils avaient tous sous le bras
00:13:04le défi américain de Servan-Schreiber,
00:13:06parce qu'il fallait tous qu'on soit des petits Américains.
00:13:08Et je me souviens, mon premier souvenir,
00:13:10c'est Max Gallo, le grand Max Gallo,
00:13:13qui est devenu un ami, qui était un homme extraordinaire,
00:13:16et qui nous dit,
00:13:18vous allez travailler sous le logotype de Machiavel.
00:13:22Et le logotype de Machiavel,
00:13:24c'était un renard et un lion.
00:13:27Et alors, il nous disait,
00:13:29le renard, c'est le conseiller,
00:13:31vous serez peut-être des conseillers.
00:13:34Et le lion, c'est la figure du prince,
00:13:36de l'homme d'État.
00:13:38Vous serez peut-être un homme ou une femme d'État.
00:13:41Et qu'est-ce que ça voulait dire ?
00:13:43Ça voulait dire qu'en fait,
00:13:45le renard était capable de faire face aux filets,
00:13:48sans se prendre dans les filets.
00:13:50Et c'était précieux pour le lion,
00:13:52parce que le lion, lui, avait peur des filets.
00:13:55Le lion n'avait pas peur des loups,
00:13:57le renard avait peur des loups.
00:13:59Et donc, il y avait l'idée du conseiller et du prince
00:14:02à vous de choisir.
00:14:04Alors, qu'est-ce qu'on apprend à Sciences Po ?
00:14:06Être renard ou lion ?
00:14:08En tous les cas, à l'époque, à Sciences Po,
00:14:10quand même, vos professeurs sont,
00:14:12est-ce que j'oserais dire, des grands lions,
00:14:14en tous les cas, des grands noms,
00:14:16Max Gallo, Jacques Delarozière, Raymond Barr.
00:14:18Est-ce qu'il y avait déjà, Philippe de Villiers,
00:14:20une idéologie, sans doute pas la même qu'aujourd'hui ?
00:14:22Ce que vous venez de dire me fait penser à quelque chose,
00:14:24c'est qu'un jour, Max Gallo nous a dit,
00:14:26l'homme d'Etat est comme le lion,
00:14:28je crois qu'il s'y terriche,
00:14:30l'homme d'Etat est comme le lion,
00:14:32il dort les yeux ouverts.
00:14:36Et ça, c'est quelque chose que j'ai appris.
00:14:38C'est important en politique.
00:14:39Très important.
00:14:40L'orientation à Sciences Po, est-ce qu'il y avait une idéologie ?
00:14:42Pour guetter la trahison.
00:14:44Mettre des yeux dans le dos, parfois.
00:14:46Oui, voilà.
00:14:48Et donc, alors,
00:14:50en fait, à Sciences Po,
00:14:52à l'époque,
00:14:54avec le recul,
00:14:56il y avait deux mythes.
00:15:00Le premier mythe, c'était le mythe
00:15:02Saint-Simonien.
00:15:04C'est en fait, on nous préparait à l'état profond.
00:15:06C'est-à-dire,
00:15:08Saint-Simon,
00:15:10il faut
00:15:12préférer
00:15:14au gouvernement des hommes, l'administration des choses,
00:15:16pour qu'un jour, les choses
00:15:18commandent aux hommes.
00:15:20C'était ça, Saint-Simon.
00:15:22C'était l'idée de la cité sans frontières.
00:15:24Et le deuxième mythe,
00:15:26c'était,
00:15:28en gros, le premier mythe,
00:15:30c'est en fait, le fonctionnaire qui commande.
00:15:32Le politique n'existe pas.
00:15:34On lui donne
00:15:36des éléments de langage.
00:15:38Et le deuxième mythe, c'était le mythe
00:15:40de la social-démocratie, parce qu'on nous
00:15:42expliquait, donc c'était
00:15:44en 1973-75,
00:15:46qu'on allait vers
00:15:48la convergence
00:15:50de l'Est et de l'Ouest.
00:15:52L'Ouest plutôt libéral,
00:15:54l'Est communiste.
00:15:56Et qu'on allait
00:15:58vers la fusion des deux.
00:16:00La droite pour produire, la gauche pour distribuer.
00:16:02Et donc,
00:16:04en fait, c'était l'idée
00:16:06que le bien-être cosmique,
00:16:08je me souviens de cette phrase,
00:16:10un jour mettrait fin
00:16:12aux
00:16:16forces nationales mortifères.
00:16:20C'était l'idée
00:16:22qu'il fallait faire un procès
00:16:24à l'idée de nation.
00:16:26On était dans cette idée-là.
00:16:28– Déjà. – Préjuscardienne.
00:16:30Voilà.
00:16:32Donc j'ai vécu dans cette ambiance.
00:16:34Mais on était loin
00:16:36de ce qu'on a connu
00:16:38à partir de 2001.
00:16:40C'est-à-dire un gars qui est arrivé
00:16:42et qui…
00:16:44Richard Descoin.
00:16:46Et qui supprime l'épreuve de culture générale.
00:16:50Parce qu'elle est trop sélective.
00:16:52Et qui ensuite supprime le concours.
00:16:54Donc à partir de Richard Descoin,
00:16:56un petit vendéen a moins de chance
00:16:58qu'un gars de la Seine-Saint-Denis.
00:17:00Parce qu'on est recruté à ce moment-là
00:17:02non plus à partir du principe
00:17:04de la méritocratie républicaine,
00:17:06mais en fonction du reflet
00:17:08de la société à venir.
00:17:10Quand on pense que
00:17:12Sciences Po a été fondée par
00:17:14Renan-François Guizot,
00:17:16qui voulait une nouvelle élite politique nationale,
00:17:20on voit qu'on est descendu
00:17:22très bas
00:17:24jusqu'au 7 octobre.
00:17:26Puisque maintenant, Sciences Po,
00:17:28c'est le keffier.
00:17:30C'est devenu
00:17:32un happening
00:17:34du multiculturalisme universel.
00:17:36Sciences Po
00:17:38et l'ambiance de l'époque
00:17:40vous mènent à l'ENA.
00:17:42Avec l'ENA, Philippe de Villiers,
00:17:44c'est la grande porte d'accès
00:17:46aux lieux de pouvoir.
00:17:48En France, ce sont les ministères,
00:17:50les deux assemblées, nos parlements.
00:17:52Ce sont aussi les préfectures
00:17:54des communes françaises.
00:17:56C'est justement l'époque où vous découvrez
00:17:58la ville de Tulle. Elle est célèbre.
00:18:00Lors de votre stage à l'ENA.
00:18:02C'est quand même une chance incroyable.
00:18:04Vous faites votre stage au moment
00:18:06où Jacques Chirac est président
00:18:08du conseil général de la Corrèze.
00:18:10Ça ne s'est pas donné à tout le monde.
00:18:12J'ai eu beaucoup de chance dans ma vie.
00:18:14Mais comme disait Napoléon,
00:18:16j'aime les généraux qui ont de la chance.
00:18:18Incroyable.
00:18:20Je suis stagiaire de l'ENA
00:18:22en Corrèze.
00:18:24Et le président
00:18:26du conseil général de la Corrèze,
00:18:28c'est en même temps le Premier ministre
00:18:30en 1976, Jacques Chirac.
00:18:32Et ensuite, quand je deviendrai sous-préfet,
00:18:34je serai sous-préfet
00:18:36du président de la République,
00:18:38Valéry Giscard d'Estaing,
00:18:40qui a sa propriété à Auton.
00:18:42Et moi, je suis sous-préfet de Vendôme.
00:18:44Donc j'ai eu maille à partir
00:18:46très vite, très tôt.
00:18:48J'ai été formateur.
00:18:50Donc j'ai bien connu Chirac.
00:18:52Mais très bien.
00:18:54De près.
00:18:56J'ai assisté à la rédaction
00:18:58de l'Appel de Cochin
00:19:00de François-François Garraud et Pierre Juillet.
00:19:02Le parti de l'étranger,
00:19:04avec sa voix paisible et rassurante.
00:19:06Et puis...
00:19:08Chirac,
00:19:10souvent, s'emportait avec moi,
00:19:12en disant, merde, avec l'histoire,
00:19:14toujours l'histoire, etc.
00:19:16Je peux vous raconter une anecdote ?
00:19:18– On est là pour ça, allez-y, on vous écoute.
00:19:20– Je n'ose pas, parce qu'elle est...
00:19:22– Osez, osez !
00:19:24– Elle est gratinée.
00:19:26Je raconte ça affectueusement,
00:19:28parce que j'aimais beaucoup l'homme, Chirac.
00:19:30– Vos précautions commencent à m'inquiéter.
00:19:32Allez-y.
00:19:34– Un jour, on était à l'Élysée,
00:19:36je remplaçais François Léotard.
00:19:38Je le suppléais.
00:19:42Et il y avait autour de la table,
00:19:44c'était impressionnant,
00:19:46François Mitterrand, Helmut Kohl,
00:19:48Marguerite Thatcher et Jacques Chirac.
00:19:50Et à un moment donné, il y a un trou dans la conversation
00:19:52que Mitterrand tente de combler,
00:19:54en disant, tiens,
00:19:56puisqu'on parle de l'année de la culture européenne,
00:19:58on était dans l'histoire,
00:20:00et il dit, puisqu'on est dans l'histoire,
00:20:02tiens, mais quelle est la date pour vous
00:20:04la plus importante pour votre pays
00:20:06et aussi pour l'Europe ?
00:20:08Alors, vous, Marguerite,
00:20:10et du tac au tac,
00:20:12elle répond, 1215, la grande charte.
00:20:14– Très anglais.
00:20:16– Mitterrand, dans sa barbe, dit,
00:20:18évidemment, c'est une date anglaise,
00:20:20on ne peut pas demander à un Anglais de faire de l'Europe.
00:20:22Et ensuite, et vous, Helmut ?
00:20:24– Helmut Kohl réfléchit un instant,
00:20:26il dit, ah, une date,
00:20:28bah oui, européenne,
00:20:30oui,
00:20:321648,
00:20:34le traité de Westphalie.
00:20:38Un petit temps d'arrêt,
00:20:40et à ce moment-là, je vois que Chirac se prépare,
00:20:42parce que ça va tomber sur lui,
00:20:44et moi, je me prépare aussi, d'ailleurs.
00:20:46Et à ce moment-là,
00:20:48il y a Marguerite Thatcher qui dit,
00:20:50et vous, Jacques ?
00:20:52– Il prend son verre,
00:20:54il avait son verre et sa bière,
00:20:56alors non, Mitterrand d'abord,
00:20:58Mitterrand dit, 1661,
00:21:00la prise de pouvoir
00:21:02de Louis XIV.
00:21:04Et Chirac, proximité des dates,
00:21:06fonce dans l'amus,
00:21:08et il prend son verre,
00:21:10et il dit, 1664,
00:21:12Cronenbourg.
00:21:14– C'est véridique ?
00:21:16– Absolument véridique.
00:21:18Et après, je vais le voir,
00:21:20et il dit, on s'en fout.
00:21:22Bon, c'était Chirac.
00:21:24– Mais attendez, on va poursuivre l'anecdote.
00:21:26Et vous, qu'auriez-vous répondu, alors ?
00:21:28– Je n'ai pas eu la question.
00:21:30– Je vous la pose ce soir.
00:21:32Vous avez eu le temps de vous préparer pour la réponse.
00:21:34– Moi, j'aurais dit,
00:21:36en regardant Marguerite Thatcher,
00:21:38l'anglaise,
00:21:428 mai 1429,
00:21:44la prise d'Orléans
00:21:46par Jeanne d'Arc.
00:21:48– Ça aurait mis une sacrée ambiance au dîner.
00:21:50– Voilà.
00:21:52Et ensuite, j'aurais dit,
00:21:54la langue française,
00:21:58mars 1539,
00:22:02l'ordonnance de Villers-Cotterêts.
00:22:04Puisque la France,
00:22:06c'est d'abord une langue.
00:22:08C'est une romance
00:22:10qui embrase
00:22:12le roman de nos vies.
00:22:14On est les seuls à avoir une langue
00:22:16qui soit aussi
00:22:18un vecteur de la poésie.
00:22:20– Ça, vous allez nous en parler.
00:22:22Peut-être que vous en avez parlé,
00:22:24et peut-être que vous avez aussi été choisi pour cela
00:22:26au ministère de la Culture.
00:22:28Philippe de Villiers, on va arriver maintenant au ministère.
00:22:30Vous avez été secrétaire d'État auprès du ministre de la Culture,
00:22:32sous Jacques Chirac.
00:22:34Le ministre, c'était François Léotard.
00:22:36À l'éducation, c'était René Monnory.
00:22:38Alors, puisqu'on est dans la partie des anecdotes,
00:22:40est-ce que vous avez une anecdote
00:22:42à nous raconter ?
00:22:44Vous avez une personnalité forte,
00:22:46parfois aussi truculente.
00:22:48Est-ce que vous avez un souvenir qui vous vient à l'esprit ?
00:22:50– Oui, parce que
00:22:52j'ai vu Jacques Chirac
00:22:54et je lui ai dit, voilà, j'ai une idée.
00:22:56Ce serait un grand projet
00:22:58d'éducation artistique pour les jeunes Français.
00:23:00Parce que...
00:23:02Pour faire un peuple amateur d'art.
00:23:04Faire du peuple français
00:23:06un peuple amateur d'art.
00:23:08Et il me dit, c'est quoi ton truc ?
00:23:10Je dis, il faudrait
00:23:12faire pour les disciplines
00:23:14de la sensibilité ce que
00:23:16Jules Ferry a fait pour les disciplines de la connaissance.
00:23:20Et donc,
00:23:22la fréquentation des chefs-d'œuvre,
00:23:26l'apprentissage d'une discipline,
00:23:28l'histoire de l'art.
00:23:30Il me dit, c'est excellent ça.
00:23:32Va voir Monnory,
00:23:34ministre de l'Éducation nationale,
00:23:36et puis on verra bien ses réactions.
00:23:38Et après, on lance. C'est une très bonne idée.
00:23:40Je vais voir Monnory,
00:23:42que je connaissais bien, c'était mon voisin,
00:23:44président du conseil général
00:23:46du département voisin.
00:23:48Et René Monnory,
00:23:50qui m'aimait bien,
00:23:52il m'accueille,
00:23:54il me dit, qu'est-ce que c'est ton truc ?
00:23:56Je dis, l'éducation artistique,
00:23:58c'est pas des artistes qu'il nous faut, c'est des garagistes.
00:24:00Parce qu'il était garagiste, lui.
00:24:02Il a été garagiste à Loudun.
00:24:04Et donc, c'était son fait de gloire.
00:24:06Ce que je ne conteste pas,
00:24:08c'est qu'il préférait les bolides aux profs.
00:24:10Il était ministre des profs.
00:24:12Et il me dit,
00:24:14ton truc de l'éducation artistique,
00:24:16on s'en fout un peu.
00:24:18Moi, je suis illettré.
00:24:20Et puis, t'as vu où je suis arrivé.
00:24:22Et Madame dit,
00:24:24je suis le premier ministre de l'Éducation nationale
00:24:26qui soit illettré.
00:24:28Il y en aura d'autres.
00:24:30Et à ce moment-là,
00:24:32je lui dis,
00:24:34mais comment t'as fait ?
00:24:36Je fais une incise, comment t'as fait pour arriver là ?
00:24:38Puisque t'es illettré.
00:24:40Et il me regarde,
00:24:42il dit, la devise de garagiste,
00:24:44les cieux justifient les moyeux.
00:24:48– Mais c'est émouvant. – Oui.
00:24:50– D'arriver là, à cette place de la République,
00:24:52avec un tel parcours.
00:24:54Autre lieu de pouvoir par essence,
00:24:56Philippe de Villiers, évidemment,
00:24:58l'Assemblée nationale, le Parlement.
00:25:00Et lorsque vous passiez dans les allées de l'hémicycle,
00:25:02je voudrais que nos jeunes amis ici présents
00:25:04se rendent compte, pour rejoindre les bancs du gouvernement,
00:25:06quand même, vous serriez la main,
00:25:08à l'époque, d'Alain Perfitte,
00:25:10de Jean-François Degnaud, de Louis Mermaz,
00:25:12de Pierre Mazeau.
00:25:14Je ne voudrais pas faire des comparaisons
00:25:16avec certaines personnalités aujourd'hui qui sont dans l'hémicycle,
00:25:18mais quand même, l'Assemblée,
00:25:20ressemblée à l'époque à l'annexe
00:25:22de l'Académie française.
00:25:24Et aujourd'hui, à quoi elle pourrait ressembler,
00:25:26l'Assemblée telle qu'elle est ?
00:25:28– À l'annexe
00:25:30de la fabrique du crétin numérique.
00:25:32– Oh !
00:25:34– Depuis qu'il n'y a plus le cumul des mandats,
00:25:36avant, il y avait les députés-maires,
00:25:38donc les gens étaient hantés
00:25:40sur le réel,
00:25:42enracinés, ancrés.
00:25:44Là, aujourd'hui, c'est du hors-sol complet,
00:25:46Mathilde Panot,
00:25:48la bataille des punaises de Lille.
00:25:52De Gaulle disait
00:25:54sous toutes les victoires d'Alexandre,
00:25:58il y avait Aristote.
00:26:00Aujourd'hui, sous toutes les victoires de Mélenchon,
00:26:02il y a Mathilde Panot.
00:26:04En fait,
00:26:06on a une Assemblée
00:26:08où il y a beaucoup de psidacidés,
00:26:10dont l'appareil fondateur
00:26:12débite
00:26:14les éléments de langage
00:26:16de la technocratie de marché.
00:26:18Ils ne savent plus ce qu'ils disent.
00:26:20Et en fait, c'est normal.
00:26:22– Pourquoi ?
00:26:24– L'Assemblée ressemble à la société.
00:26:26– Oh !
00:26:28Vous ne pouvez pas avoir
00:26:30une Assemblée qui ne soit pas violente
00:26:32dans une société qui est violente.
00:26:34Vous ne pouvez pas avoir
00:26:36une Assemblée qui ne soit pas déculturée
00:26:38dans une société qui est déculturée.
00:26:40Vous ne pouvez pas avoir
00:26:42une Assemblée qui redonne des repères
00:26:44dans une société qui n'en a plus.
00:26:46Vous ne pouvez pas avoir une Assemblée
00:26:48qui recivilise dans une société qui est décivilisée.
00:26:50Et donc, en fait,
00:26:52hélas, l'Assemblée
00:26:54est le kaléidoscope de la société française.
00:26:56Une société de la peur
00:26:58et de la honte
00:27:00produit une Assemblée
00:27:02de la peur et de la honte.
00:27:04– On va parler
00:27:06d'une autre Assemblée, d'un autre hémicycle
00:27:08et je crois que vos mots seront aussi durs
00:27:10si ce n'est peut-être plus durs
00:27:12puisqu'on va aller, Philippe Devilliers,
00:27:14au Parlement européen.
00:27:16Vous avez fréquenté évidemment cet hémicycle,
00:27:18vous avez été eurodéputé.
00:27:20Alors vous, dans une telle enceinte,
00:27:22moi, ça me fait penser à une image,
00:27:24c'est le renard, le lion,
00:27:26tout le monde en même temps.
00:27:28Qu'est-ce que vous avez vraiment appris
00:27:30ou compris pendant toutes ces années
00:27:32dans cet hémicycle au Parlement européen ?
00:27:34– Jimmy Goldsmith, qui était mon ami,
00:27:36disait, quand on arrivait à Bruxelles,
00:27:38rien que l'architecture,
00:27:40c'est le fruit
00:27:42des noces monstrueuses
00:27:44de Staline et Kafka.
00:27:46Et,
00:27:48je vais vous dire,
00:27:50ce que j'ai appris,
00:27:52c'est que cette Europe,
00:27:54en fait, c'est un être des abysses,
00:27:56ce qu'elle craint,
00:27:58c'est la lumière.
00:28:00Pourquoi je dis ça ?
00:28:02Parce qu'il y a une chose
00:28:04que les Français ne savent pas,
00:28:06que les députés européens n'aiment pas trop
00:28:08exposer sur la place publique.
00:28:10C'est le système européen,
00:28:12c'est-à-dire que jusque dans votre bureau,
00:28:14du matin au soir, on frappe à la porte,
00:28:16c'est des lobbyistes qui viennent vous voir.
00:28:18C'est un système de corruption légale.
00:28:20– Corruption légale, ça se passe ainsi.
00:28:22– Oui, c'est-à-dire qu'en fait,
00:28:24on est toujours à la limite, c'est-à-dire qu'en fait,
00:28:26vous avez quelqu'un qui vient vous voir
00:28:28pour la dimension des roues,
00:28:30des tondeuses à gazon,
00:28:32parce qu'il travaille dans telle entreprise, etc.
00:28:34Moi, à l'époque,
00:28:36il y avait 50 000 lobbyistes,
00:28:38maintenant il y en a 70 000,
00:28:40et ils arrivent jusqu'à l'hémicycle.
00:28:42Et donc,
00:28:44ils frappent à la porte.
00:28:46Et un jour, il y a un lobbyiste
00:28:48qui a laissé tomber son cahier.
00:28:50J'ai ramassé le cahier et j'ai vu.
00:28:52Alors, il y avait trois catégories
00:28:54de députés
00:28:56dans le cahier, avec trois couleurs.
00:28:58Il y avait la couleur jaune,
00:29:00la couleur marron et la couleur rouge.
00:29:02Alors, la couleur jaune,
00:29:04c'était corruptible.
00:29:06C'était quand même…
00:29:08– Il y avait du rond.
00:29:10– Oui, oui.
00:29:12Ensuite, il y avait la couleur marron,
00:29:14pour être honnête, pas trop,
00:29:16il y en avait quand même quelques-uns.
00:29:18Ça, c'était les corrompus,
00:29:20où on rentrait s'en frapper,
00:29:22et puis les rouges, c'était,
00:29:24non, il ne faut pas y aller.
00:29:26Et moi, j'ai mis un panneau sur mon bureau
00:29:28que je mettais
00:29:30à chaque fois que j'arrivais
00:29:32à Bruxelles ou à Strasbourg,
00:29:34interdit aux chiens et aux lobbyistes.
00:29:36Et en fait,
00:29:38quand je dis que j'ai connu de près
00:29:40le Parlement européen,
00:29:42j'ai connu de près l'Europe,
00:29:44l'Union européenne.
00:29:46Et ce que je vais vous dire maintenant
00:29:48n'est pas encore reconnu,
00:29:50mais le sera dans quelques années.
00:29:52Retenez bien ce que je vais vous dire.
00:29:54En fait, cette Europe,
00:29:56elle est morte. Pourquoi ?
00:29:58Parce que
00:30:00l'Europe que j'ai vue
00:30:02et l'Europe qui se traîne aujourd'hui,
00:30:04c'est une Europe sans corps,
00:30:06sans tête
00:30:08et sans âme.
00:30:10Une Europe sans corps,
00:30:12c'est inouï dans l'histoire du monde.
00:30:14Pas de frontières.
00:30:16Au Conseil de l'Equine, en 2001,
00:30:18on a dit que la seule frontière de l'Europe,
00:30:20c'est les droits de l'homme et la démocratie.
00:30:22Ça nous en remet loin.
00:30:24C'est inouï. Pas de frontières.
00:30:26En d'autres termes, l'Europe a été conçue
00:30:28comme un corpus
00:30:30juridique
00:30:32et non pas comme un corps politique.
00:30:34Inouï.
00:30:36Deuxièmement,
00:30:38c'est pas seulement une Europe sans corps,
00:30:40c'est une Europe sans tête.
00:30:42C'est-à-dire qu'on a des gens qui ne sont pas élus
00:30:44à la tête.
00:30:46La commissionnaire en chef,
00:30:48l'impératrice van der Leyen,
00:30:50là, qui vient de nous assigner
00:30:52à résidence sur la défense,
00:30:54en disant voilà comment on va faire pour la défense,
00:30:56alors que la défense n'est pas dans les traités
00:30:58européens.
00:31:00Une Europe sans tête,
00:31:02ils appellent ça un pouvoir acéphale
00:31:04et mobile.
00:31:06Un pouvoir acéphale et mobile.
00:31:08Ou encore
00:31:10un système de décision
00:31:12qui s'appelle la polyarchie délibérative,
00:31:14dans lequel il y a les lobbies.
00:31:16La polyarchie délibérative.
00:31:18En fait,
00:31:20c'est simple, la démocratie,
00:31:22comme l'avait dit
00:31:24Christophe Baudin
00:31:26dans une thèse remarquable et remarquée,
00:31:28la démocratie a été remplacée
00:31:30par la technocratie de marché.
00:31:32Et enfin, je dis une Europe sans âme.
00:31:34Donc,
00:31:36une Europe sans âme,
00:31:38jamais on ne fait allusion aux racines chrétiennes
00:31:40de l'Europe.
00:31:42Une Europe sans âme,
00:31:44c'est une Europe
00:31:48sans les États et avec un fédérateur extérieur.
00:31:50Le fédérateur extérieur,
00:31:52c'était l'Amérique.
00:31:54Pendant des années et des années.
00:31:56Et maintenant, le fédérateur extérieur, c'est l'Ukraine.
00:31:58C'est pour ça qu'ils veulent continuer la guerre en Ukraine.
00:32:00Sinon, il n'y a plus de fédérateur.
00:32:02Mais il n'y a pas de fédérateur interne.
00:32:04Il n'y a pas...
00:32:06Si vous voulez,
00:32:08je me souviens très bien, un jour, de Giscard,
00:32:10avec qui je parlais, avec qui j'ai débattu, d'ailleurs.
00:32:12Ça a été rude.
00:32:14Au moment de la Constitution européenne,
00:32:16on l'appelait le Jefferson de l'Auvergne.
00:32:18Et il m'a dit,
00:32:20c'est la première fois dans l'histoire du monde
00:32:22qu'il n'y a pas
00:32:24de ressort de puissance.
00:32:26J'ai dit, mais c'est une folie,
00:32:28monsieur le président.
00:32:30Parce que vous voulez faire un nouvel État unitaire,
00:32:32un nouvel État unitaire
00:32:34et sans ressort de puissance.
00:32:36Et quand on voit
00:32:38ce que je disais à l'époque,
00:32:40seul ou presque seul,
00:32:44désigné du doigt,
00:32:46traité comme un paria,
00:32:48et ce qu'on voit en ce moment,
00:32:50pas de ressort de puissance,
00:32:52on envoie le prix à payer,
00:32:54un fédérateur extérieur à l'Amérique,
00:32:56quand l'Amérique s'en va,
00:32:58vous avez vu ces petits garçons,
00:33:00qui sont plémobiles,
00:33:02comme ils faisaient avec McFly et Carlito,
00:33:04ils ne savent plus où ils sont.
00:33:06Parce que voilà, il n'y a plus rien.
00:33:08L'Europe sans tête,
00:33:10l'Europe sans racine
00:33:12et l'Europe sans corps.
00:33:14– Et sans âme.
00:33:16Alors on a besoin d'un supplément d'âme.
00:33:18Et c'est le moment, Philippe de Villiers,
00:33:20justement, de parler de ce supplément d'âme,
00:33:22de ce lieu central,
00:33:24évidemment, de votre vie, de votre destin,
00:33:26le puits du fou.
00:33:28Votre vie de créateur,
00:33:30que des millions de Français,
00:33:32beaucoup de ceux qui nous regardent ce soir connaissent
00:33:34et ont visité, probablement en famille,
00:33:36avec leurs enfants.
00:33:38Depuis toujours, je me suis demandé
00:33:40comment vous est venue l'idée de ce lieu,
00:33:42de cette terre ?
00:33:44Comment, à la fois, vous avez trouvé
00:33:46cet hymne à la France éternelle
00:33:48et ce requiem pour la Vendée blessée ?
00:33:50Comment ça vous est venu à l'esprit ?
00:33:52– Je vais vous dire quelque chose
00:33:54que je raconte dans mon livre
00:33:56pour la première fois.
00:34:02Voilà.
00:34:04J'avais 11-12 ans.
00:34:06Je vous ai parlé
00:34:08tout à l'heure du chardonnerie.
00:34:10Un matin,
00:34:12en partant à l'école,
00:34:14avec mon frère Bertrand,
00:34:16cartable sous le bras,
00:34:18il y a une brume d'apocalypse.
00:34:22Tous les chaînes
00:34:24sont allées envers.
00:34:26Souches en l'air.
00:34:28Il n'y a plus de haies.
00:34:30Il n'y a plus un bruit.
00:34:32Il n'y a plus d'oiseaux.
00:34:34Le chardonnerie n'est plus.
00:34:36Et on m'explique que c'est le progrès,
00:34:38c'est le remembrement.
00:34:40On a vu le plan
00:34:42Mansholt.
00:34:44Et là, je dis à mon frère,
00:34:46un jour, j'écrirai
00:34:48un opéra pour
00:34:50Mon chardonnerie perdue.
00:34:52Et je pleurais.
00:34:54Et je me disais,
00:34:56j'avais raison,
00:34:58c'est quoi le progrès, finalement ?
00:35:00Un suicide par jour
00:35:02chez les paysans.
00:35:04C'est quoi le progrès ?
00:35:06Le Mercosur ?
00:35:08C'est quoi le progrès ?
00:35:10On est en train de déléguer notre alimentation
00:35:12au monde entier.
00:35:14Et le deuxième
00:35:16moment douloureux
00:35:18et touchant
00:35:20que je n'ai jamais oublié,
00:35:22c'est quelques mois après,
00:35:24j'entre dans la chapelle
00:35:26des Lucs.
00:35:28La chapelle qui a été incendiée
00:35:30par les Bleus.
00:35:32560 morts.
00:35:34C'est le radour vendéen.
00:35:36Il y a les plaques de marbre
00:35:38avec les noms.
00:35:40Les enfants, les vieillards, les femmes.
00:35:42Et tout à coup,
00:35:44j'aperçois sur la dalle
00:35:46un coeur de pétales
00:35:48écarlates
00:35:50toutes fraîches.
00:35:52Je sors avec mon frère.
00:35:54On demande. Il y a quelqu'un qui jardine.
00:35:56On lui dit, c'est quoi ?
00:35:58Il dit, c'est une dame qui vient tous les matins
00:36:00vers 6h du matin.
00:36:02Puis elle s'en va. Elle a un châle.
00:36:04On ne la voit pas. On ne la connaît pas.
00:36:06Donc je reviens une fois, deux fois.
00:36:08Je cherche à savoir qui est cette dame.
00:36:10Et plus tard,
00:36:12je retrouve dans Verlaine
00:36:14la dame inconnue.
00:36:16C'est souvent ce rêve étrange,
00:36:18pénétrant d'une dame inconnue
00:36:20que j'aime et qui m'aime
00:36:22et qui n'est chaque fois ni tout à fait la même
00:36:24ni tout à fait une autre,
00:36:26et me comprend.
00:36:28Je me suis dit à mon frère,
00:36:30je ne vais pas faire simplement un hymne
00:36:32au Chardonnay. Je vais faire un requiem
00:36:34pour la dame qui rend hommage
00:36:36à ses ancêtres.
00:36:38Et là, j'ai compris ce qu'était
00:36:40le sens de l'hommage.
00:36:42Ça, c'est la Vendée.
00:36:44Mais après,
00:36:46quand j'étais secrétaire d'État,
00:36:48Chirac m'a donné
00:36:50à traiter le dossier
00:36:52d'Euro Disney, l'implantation d'Euro Disney
00:36:54dans la Marne-la-Vallée.
00:36:56Et un jour, en présence d'Édouard Balladur,
00:36:58qui d'ailleurs était d'accord avec moi,
00:37:00je lui ai dit à Chirac,
00:37:02mais pourquoi on ne fait pas des parcs à la française
00:37:04sur l'histoire de France ?
00:37:06Il dit, mais on n'a pas leur technologie.
00:37:08Et j'ai dit, mais monsieur le Premier ministre,
00:37:10vous vous rendez compte ?
00:37:12Eux, ils ont une petite souris,
00:37:14c'est tout. Et nous, on a Jeanne d'Arc.
00:37:16Bon, donc, il rit.
00:37:18Et là, je dis, bon,
00:37:20il me lance un défi. – Jeanne d'Arc, plutôt comiquée.
00:37:22– Et là, je me suis dit…
00:37:24J'ai pensé à Cohn-Bendit. – Tiens donc, pourquoi ?
00:37:26– En 1968. Oui, le graffiti
00:37:28qui était sur les murs de la Sorbonne.
00:37:30« Cour, camarade, le vieux monde est derrière toi. »
00:37:32Et j'ai dit, tu vas voir
00:37:34si le vieux monde est derrière toi.
00:37:36Je vais le refaire, le vieux monde.
00:37:38Et comme le roman national était mort en 1968,
00:37:40atteint par un cocktail Molotov,
00:37:42je me suis dit, il faut, en France,
00:37:44à un endroit, refaire le roman national.
00:37:46Et il ne faut plus passer
00:37:48par la porte de la puissance,
00:37:50de la performance, de la grandeur.
00:37:52Il faut passer par la porte de la fragilité
00:37:54et de la beauté.
00:37:56Regarde la France, non pas,
00:37:58regarde la France comme elle est puissante.
00:38:00Ça, c'est fini.
00:38:02Les enfants, aujourd'hui, sont des écorchévifs.
00:38:04Les jeunes, regarde la France
00:38:06comme elle est belle.
00:38:09– Alors, regardons comme le Puy est beau,
00:38:11grâce à vous,
00:38:13grâce aussi à ces bénévoles
00:38:15qui en ont fait un lieu exceptionnel et unique.
00:38:17Je voudrais qu'on regarde ensemble
00:38:19un extrait, Philippe Devilliers,
00:38:21de ce documentaire qui a été diffusé sur C8,
00:38:23consacré au Puy du Fou,
00:38:25et qui met vraiment à l'honneur
00:38:27le travail incroyable, l'investissement incroyable,
00:38:29personnel, dans leur vie
00:38:31de tous ces bénévoles.
00:38:33Regardons.
00:38:35– C'est extraordinaire
00:38:37parce que
00:38:39bientôt, ils y croient autant que moi.
00:38:41C'est ça qui est fabuleux.
00:38:45Et tout est travaillé,
00:38:47ouvragé par eux
00:38:49comme quelque chose
00:38:51de définitif, de durable et d'intemporel.
00:38:53Et en fait,
00:38:55on dirait qu'ils sentent, qu'ils pressentent
00:38:57qu'on va faire une œuvre qui va durer longtemps.
00:38:59Au bout d'un certain temps,
00:39:01je me souviens,
00:39:03il y a un mec qui vient me voir et qui me dit
00:39:05« Pourquoi je ne suis pas là, moi ? »
00:39:07Je dis « Mais pourquoi ? »
00:39:09« Mais moi, j'ai un tracteur. »
00:39:11« Mais pourquoi personne n'est venu me demander où ? »
00:39:13« Tu viens samedi. »
00:39:15« Ah, d'accord. »
00:39:17C'est-à-dire qu'en fait, il fallait y être.
00:39:21Ce n'est pas « on me remercie et moi »,
00:39:23ce n'est pas ça, c'est de dire
00:39:25comment on pourrait dire merci à nos ancêtres.
00:39:27Alors, Philippe nous dit,
00:39:29avec du son, avec de la lumière,
00:39:31c'est un poème allégorique.
00:39:33Nous, on ne sait pas ce que c'est qu'un poème allégorique.
00:39:35Mais on le croit.
00:39:39Après les agriculteurs,
00:39:41les premiers artisans arrivent.
00:39:43Le chantier avance.
00:39:45Tout le monde donne de son temps sans compter.
00:39:47Les gens ont confiance.
00:39:49Les gens me croient.
00:39:51Je leur dis « On va faire le plus grand spectacle du monde,
00:39:53sur la plus grande scène du monde,
00:39:55avec le plus grand nombre d'acteurs du monde,
00:39:57avec la plus grande crise du monde. »
00:39:59Ils me croient.
00:40:01On vous croit.
00:40:03On vous croit aujourd'hui, sur pièce et sur place.
00:40:05Aujourd'hui, le Puy du Fou est immense.
00:40:07Philippe de Villiers, vous caracolez sur le toit du monde.
00:40:09Après, quand même,
00:40:11que ce lieu ait été une ruine.
00:40:13Le Puy, aujourd'hui, c'est un véritable état dans l'État.
00:40:15Oserais-je dire une principauté ?
00:40:17Est-ce que, dans cette principauté,
00:40:19vous avez un lieu en particulier qui vous tient à cœur ?
00:40:21D'abord, je voudrais dire que
00:40:23quand on crée une œuvre,
00:40:25la difficulté, c'est la transmission.
00:40:27Et on a réussi la transmission,
00:40:29puisque c'est Nicolas, mon fils,
00:40:31président du Puy du Fou,
00:40:33un président talentueux, charismatique.
00:40:35Et donc, en fait,
00:40:37le Puy du Fou, c'est une charge morale.
00:40:39C'est pas du tout ce que les gens croient.
00:40:41Ils croient que c'est du business, etc.
00:40:43Dans la presse, on lit
00:40:45« business Philippe de Villiers ».
00:40:47Et d'ailleurs,
00:40:49je vais répondre à votre question,
00:40:51le lieu le plus touchant,
00:40:53c'est un tout petit coin
00:40:55dans la cour du Puy du Fou,
00:40:57devant les ruines,
00:40:59où il y avait une barrique.
00:41:01Je suis monté sur la barrique,
00:41:03devant les 200 premiers volontaires,
00:41:05qui étaient plutôt des curieux
00:41:07que des volontaires.
00:41:09Et j'ai dit,
00:41:11voilà, je vois bien
00:41:13que vous êtes sceptiques.
00:41:15C'était le 11 mars 1978,
00:41:17je me souviens très bien.
00:41:19Je vois bien que vous êtes sceptiques.
00:41:21J'ai dit,
00:41:23je vais vous dire quelque chose.
00:41:25Je suis venu déposer dans cette ruine
00:41:27un acte d'amour,
00:41:29pas un acte de business.
00:41:31Et donc je prends,
00:41:33devant le notaire qui est ici,
00:41:35maître Gouraud,
00:41:37profitant de sa présence,
00:41:39noté maître,
00:41:41je prends quatre engagements.
00:41:43Je fais devant vous
00:41:45quatre serments.
00:41:47Le premier, il n'y aura jamais de droit d'auteur
00:41:49pour le créateur.
00:41:51Le deuxième serment,
00:41:53il n'y aura jamais de subvention
00:41:55pour ne pas dépendre des collectivités publiques.
00:41:57Troisième serment, il n'y aura jamais de dividende.
00:41:59Ce sera toujours la propriété
00:42:01d'un modèle associatif.
00:42:03Et quatrième serment, il n'y aura jamais de brevet extérieur.
00:42:05Cyrano, j'irai moins haut,
00:42:07peut-être, mais tout seul.
00:42:09Ces quatre serments, sans que je le sache à l'époque,
00:42:11ont fondé nos quatre indépendances.
00:42:13L'indépendance artistique,
00:42:15l'indépendance économique,
00:42:17l'indépendance technologique
00:42:19et l'indépendance pédagogique.
00:42:23– C'est précieux, l'indépendance, aujourd'hui.
00:42:27Plus je vous écoute…
00:42:29– D'ailleurs, je ne sais pas si ça sent,
00:42:31mais vous savez,
00:42:33je respire, je suis libre.
00:42:35– C'est ce que j'allais vous demander.
00:42:37Est-ce que vous respirez aussi bien
00:42:39quand vous êtes loin de ce lieu ?
00:42:41On a l'impression, alors ici,
00:42:43on est dans les studios, on est à Paris,
00:42:45que vous êtes une sorte d'exilé
00:42:47en tout cas ?
00:42:49– Je vais vous dire, jusqu'à ce soir,
00:42:51j'aurais répondu oui,
00:42:53mais j'ai entendu dire,
00:42:55sur CNews,
00:42:57chez Laurence Ferrari,
00:42:59et j'ai eu mon ami Elliot,
00:43:01de Val, au téléphone, qui est là, d'ailleurs.
00:43:03– Qu'on salue, oui.
00:43:05– Je le salue chaleureusement et affectueusement,
00:43:07parce que c'est grâce à lui qu'on fait…
00:43:09– Une émission exceptionnelle, parlons-en,
00:43:11tous les vendredis, à 19h.
00:43:13– J'ai vu que le président de la République
00:43:15avait l'intention de distribuer
00:43:17un kit de survie,
00:43:19pour pouvoir respirer à Paris,
00:43:21pour pouvoir boire de l'eau,
00:43:23etc.
00:43:25C'est très important.
00:43:27Décidément,
00:43:29papa Macron pense à nous.
00:43:31Voilà.
00:43:33Mais c'est vrai que,
00:43:35au bout de deux jours,
00:43:37à Paris,
00:43:39c'est un peu difficile
00:43:41pour l'accompagnard.
00:43:43– Ne m'emmenez pas trop sur l'actualité,
00:43:45vous savez que c'est un penchant pour les intervieweurs politiques,
00:43:47mais puisque vous parlez
00:43:49de ce kit de survie imaginé
00:43:51en temps de guerre,
00:43:53vous venez d'une famille, et là c'est sérieux,
00:43:55Philippe de Villiers, de soldats.
00:43:57Une famille hantée par l'idée
00:43:59qu'il faut sauver la France.
00:44:01C'est aussi là, à travers le Puy du Fou,
00:44:03votre dette à la France, vous en avez parlé tout à l'heure.
00:44:05Est-ce que c'est aussi une manière d'être redevable
00:44:07à notre pays ?
00:44:09– Je vais vous faire une confidence.
00:44:11J'appartiens à une famille
00:44:13pauvre et glorieuse.
00:44:15Ce n'est pas de la noblesse d'Europe,
00:44:17c'est la noblesse des paix.
00:44:19C'est une famille de soldats
00:44:21qui, depuis 1066,
00:44:23de génération en génération,
00:44:25de guerre en guerre, de marche frontière
00:44:27en marche frontière,
00:44:29a payé ce qu'on appelait
00:44:31l'impôt du sang.
00:44:33Ça veut dire que, sur l'arbre généalogique de la famille,
00:44:35il y a marqué,
00:44:37sous chaque nom,
00:44:39est entré au service
00:44:41en telle année.
00:44:43C'est beau, entrer au service.
00:44:45Et on sait ce que ça veut dire,
00:44:47entrer au service chez nous.
00:44:49Tomber au champ d'honneur en telle année.
00:44:51Moi, je me promène en France
00:44:53dans beaucoup de villages ou de villes
00:44:55et un souvenir familial
00:44:57d'une bataille
00:44:59où on a versé notre sang.
00:45:01Et en fait,
00:45:03quand j'étais petit, mon père
00:45:05nous rappelait
00:45:07la bataille des Thermopyles.
00:45:09Et il disait, pour un soldat,
00:45:11c'est important de connaître cette histoire,
00:45:13avec l'écrito épigraphique
00:45:17passant,
00:45:19va dire à Sparte que ses soldats sont morts ici
00:45:21pour obéir à ses lois.
00:45:23Alors, quand on est dans la vie civile
00:45:25et qu'on appartient à une famille
00:45:27qui paye l'impôt du sang,
00:45:29sa manière, à soi,
00:45:31de payer l'impôt du sang,
00:45:33c'est de tout donner
00:45:35le dernier souffle
00:45:37pour sauver le pays.
00:45:39Saluons au passage
00:45:41votre frère,
00:45:43Pierre de Villiers, ancien chef d'état-major
00:45:45des armées. En cette époque
00:45:47où on parle de réarmement et d'efforts de défense,
00:45:49il avait tiré la sonnette d'alarme.
00:45:51Et il a écrit un livre magnifique
00:45:53qui s'appelait Servir.
00:45:55Tout est dit. On va poursuivre ensemble,
00:45:57Philippe de Villiers, ce grand tour des lieux de votre vie.
00:45:59Alors, vous êtes un homme de la terre,
00:46:01on l'a compris, de la haute terre,
00:46:03des mers et même de la haute mer
00:46:05avec, évidemment, le Vendée Globe.
00:46:07Votre deuxième création,
00:46:09vous avez réalisé une sorte d'Everest des mers,
00:46:11une traversée du monde en solitaire
00:46:13et sans escale. Là encore,
00:46:15comment est venue cette idée ? Comment est née l'aventure ?
00:46:17Tout à fait par hasard.
00:46:21Le créateur de l'école m'appelle
00:46:23en disant, voilà, on sponsorise Philippe Janteau,
00:46:25un breton,
00:46:27qui est en train de courir le Bog Challenge,
00:46:29qui est en train de le gagner. On vous a choisi
00:46:31un film, on voudrait un film dans l'esprit du plus du fou,
00:46:33sur lui. Donc, je pars
00:46:35avec une équipe, avec mon ami Jean-Claude Gilbert,
00:46:39et on filme Janteau.
00:46:41Et là,
00:46:43on se lit d'amitié, et il me dit, sur un coin
00:46:45de table, juste à côté du criste
00:46:47de Corcovado,
00:46:49Copacabana,
00:46:51j'ai une idée, une course encore plus violente.
00:46:53Là,
00:46:55il y a des escales, il y a de l'assistance,
00:46:57une course sans escale, sans assistance.
00:46:59Et moi, je dis, t'sais, moi je suis un marin d'eau douce,
00:47:01donc tu peux me raconter ce que tu veux.
00:47:03Et le lendemain de mon
00:47:05élection à la tête du département,
00:47:07je l'appelle et je lui dis, alors, ta course ?
00:47:09Il me dit, bah ouais,
00:47:11mais j'ai pas les moyens. Je dis, ok, on y va.
00:47:13Et ça s'appelait le Vendée Globe Challenge.
00:47:15Et après, on a fait tomber Challenge,
00:47:17ça s'appelait le Vendée Globe.
00:47:19– Merci de parler de lui, parce qu'il est aussi à l'origine.
00:47:21– Oui, bien sûr.
00:47:23C'est l'idée de Philippe Janteau.
00:47:25Puisque lui était un marin,
00:47:27moi pas. Mais, en fait,
00:47:29moi, j'ai tout de suite compris ce qu'on pouvait faire.
00:47:31C'est-à-dire qu'il y avait les racines,
00:47:33il y avait l'encre de granit,
00:47:35et il manquait l'encre de miséricorde,
00:47:37comme on dit dans la haute mer.
00:47:39C'est-à-dire, en fait,
00:47:41l'idée, on était,
00:47:43nous, les Vendéens,
00:47:45on était traités
00:47:47de ruraux profonds,
00:47:49cutéreux, etc. Et je me suis dit,
00:47:51on va aller vers l'infini, faire le tour du monde,
00:47:53et je pensais à Gilbert, évidemment,
00:47:55le tour du monde en 80 jours,
00:47:59et surtout à Alain Collat,
00:48:01qui avait eu un mot magnifique,
00:48:03la mer,
00:48:05le plus grand stade du monde.
00:48:07Et c'est une histoire extraordinaire.
00:48:09Le premier départ, c'était
00:48:1126 novembre 1989.
00:48:13Je m'en souviens comme si c'était hier.
00:48:15– Je vous emmène à la mi-mars 90.
00:48:17On plante le décor ensemble,
00:48:19Philippe, dans la nuit sombre des Sables d'Olonne,
00:48:21depuis la côte,
00:48:23c'est immense,
00:48:25attend un héros. Au loin,
00:48:27les petites lumières des bateaux qui accompagnent
00:48:29l'arrivée d'écureuils d'Aquitaine
00:48:31permettent de distinguer les voiles.
00:48:33Mais le monocoque du héros titouan Lamazou
00:48:35est quasiment immobile,
00:48:37bloqué au mer par manque de vent.
00:48:39Alors, excusez mon inculture,
00:48:41puisque moi, c'est vraiment plus qu'un marin d'eau douce.
00:48:43Comment on dit quand il n'y a pas de vent ?
00:48:45– La pétole.
00:48:47– La pétole.
00:48:49– Ou alors le poteau noir, au large de l'Afrique.
00:48:51Et ce qu'on va voir dans cet extrait,
00:48:53c'est le journal de France 3
00:48:55qui raconte, et regardez aussi
00:48:57comment, à l'époque, même le journaliste
00:48:59raconte ce moment, regardez.
00:49:03– Les voiles fasceillent,
00:49:05ils n'avancent pas, il n'y a pas de brise thermique,
00:49:07il est à quelques,
00:49:09oh, même pas, un mille peut-être,
00:49:11de la ligne d'arrivée.
00:49:13C'est très trompeur, bien sûr,
00:49:15avec ces images nocturnes, les petits faisceaux
00:49:17qui sont autour sont ceux des bateaux qui l'accompagnent.
00:49:19On l'attend d'une seconde à l'autre,
00:49:21peut-être va-t-il franchir la ligne, là, en direct ?
00:49:23Non, je ne le pense pas, je n'entends pas
00:49:25les klaxons, les sirènes
00:49:27qui doivent saluer cette victoire
00:49:29après 109 jours,
00:49:31seul, face à la mer,
00:49:33après 26 000 milles nautiques,
00:49:3550 000 kilomètres,
00:49:37un tour du monde complet,
00:49:39un record battu, celui de
00:49:41Kersauson, battu de 15 jours,
00:49:43et cela avec un monocoque, cette fois-ci.
00:49:45Bref, l'insoutenable suspense
00:49:47continue aussi au Sable d'Olonne.
00:49:49Et après le suspense,
00:49:51qu'est-ce qui s'est passé, Philippe ?
00:49:53J'étais sur un bateau
00:49:55avec Jacques Chaban-Delmas,
00:49:57un personnage immense
00:49:59que j'aimais beaucoup,
00:50:01qui m'aimait beaucoup,
00:50:03et on allait chercher Titouan Lamazou.
00:50:05Pourquoi Jacques Chaban-Delmas ?
00:50:07Parce que c'était l'Aquitaine,
00:50:09il était président de l'Aquitaine.
00:50:11Et on a attendu, attendu, attendu,
00:50:13et il me regarde, il me prend comme ça,
00:50:15puis il me dit, on emportera ce souvenir
00:50:17jusque dans nos tombes.
00:50:19Hélas, il est parti, mais je pense
00:50:21toujours à lui et à cette nuit-là.
00:50:23Et ce que je voudrais vous dire,
00:50:25c'est qu'en fait, ce que j'ai découvert,
00:50:27et ce que les Français découvrent,
00:50:29c'est pourquoi le Vendée Globe est aussi populaire,
00:50:31au fil des éditions,
00:50:33c'est qu'en fait,
00:50:35tous ces marins,
00:50:37qui sont des héros de la mer,
00:50:39ils nous apprennent deux choses
00:50:41qu'on a complètement perdues.
00:50:43La première chose qu'ils nous apprennent,
00:50:45c'est le goût du risque
00:50:47et le goût de la vie.
00:50:49Le risque de la vie,
00:50:51la vie du risque.
00:50:53C'est-à-dire, il y a autre chose
00:50:55au-dessus de la vie biologique.
00:50:57Il y a les enchantements de l'âme
00:50:59et les soleils levants.
00:51:03Un skipper du Vendée Globe,
00:51:05il risque sa vie
00:51:07et il met au-dessus de sa vie
00:51:09quelque chose qui est plus grand que sa vie
00:51:11et qui est le risque de la vie.
00:51:13C'est-à-dire le risque de la mer,
00:51:15le risque de la trombe,
00:51:17le risque des quarantièmes rugissants,
00:51:19des cinquantièmes hurlants,
00:51:21la vague scélérate que vous ne pouvez pas voir venir.
00:51:23Deuxièmement, ils nous apprennent
00:51:25le sens et le goût des voisinages.
00:51:27C'est une curiosité. Pourquoi ?
00:51:29Parce qu'en mer, tout est distance.
00:51:33Eh bien,
00:51:35quand il y a un marin en perdition,
00:51:37le lointain vient chercher le prochain.
00:51:39Et donc, ils pratiquent
00:51:41le aime ton voisin comme toi-même,
00:51:43alors que nous,
00:51:45nous sommes des voisins numériques,
00:51:47distanciés,
00:51:49ils ont perdu le sens du voisinage.
00:51:51C'est eux qui nous rappellent
00:51:53le sens du voisinage.
00:51:55Ce que vous dites m'inspire quelque chose.
00:51:57Avec le Puy-du-Fou, finalement,
00:51:59vous avez réalisé la demeurance
00:52:01et avec le Vendée Globe,
00:52:03vous avez réalisé l'appartence.
00:52:05C'est pas mal, quand même.
00:52:07Et le monde entier entend ainsi
00:52:09parler de la Vendée.
00:52:11Je voudrais parler à présent, Philippe Devilliers,
00:52:13d'un autre lieu.
00:52:15Et là, on passe à la fois des lieux de fête,
00:52:17Vendée Globe, c'était évidemment
00:52:19des grandes victoires, des grandes traversées,
00:52:21à des lieux aussi tragiques.
00:52:23Parce qu'il y a eu un massacre,
00:52:25l'un des massacres les plus effroyables
00:52:27de la Révolution française,
00:52:29le massacre des Lucs sur Boulogne,
00:52:31c'est la chapelle du petit Luc Solzhenitsyn
00:52:33est venue sur place.
00:52:35Il est devenu un ami personnel.
00:52:37On a envie de vous demander
00:52:39quelle leçon principale vous a-t-il transmise ?
00:52:41On a passé 4 jours ensemble,
00:52:43donc on s'est beaucoup parlé.
00:52:45C'était Niki Stastruges qui traduisait.
00:52:49Pour répondre à votre question,
00:52:51il m'a mis en garde
00:52:53sur ce qu'il appelait
00:52:55la temporalité
00:52:57close des idéologies.
00:53:01Et il répétait
00:53:03que le système s'autoraconte.
00:53:05Le système s'autoraconte.
00:53:07C'est tellement d'actualité.
00:53:09Ensuite, il m'a dit,
00:53:11vous savez, vous, l'Occident,
00:53:13vous allez vers
00:53:17l'état ultime
00:53:19d'épuisement spirituel.
00:53:21Le juridisme sans âme,
00:53:25l'humanisme rationaliste
00:53:27et l'abolition de la vie intérieure.
00:53:29Et enfin, il m'a dit
00:53:31une phrase que je répète souvent.
00:53:33Aujourd'hui, les dissidents
00:53:35sont à l'est,
00:53:37ils vont passer à l'ouest.
00:53:41On va regarder ensemble un extrait de la cérémonie
00:53:43d'inauguration du Mémorial des Lucs en Vendée.
00:53:45Évidemment, vous en souvenez très bien
00:53:47avec cette présence exceptionnelle.
00:53:49Alexandre Solzhenitsyn, accompagné de sa femme
00:53:51et qui a répondu, Philippe de Villiers,
00:53:53à votre invitation.
00:53:57La Révolution française s'est déroulée
00:53:59avec un slogan intrinsèquement
00:54:01contradictoire
00:54:03et irréalisable.
00:54:05Liberté, égalité,
00:54:07fraternité.
00:54:09Mais dans la vie sociale,
00:54:11liberté et égalité
00:54:13tentent à s'exclure mutuellement,
00:54:15sont antagoniques
00:54:17l'une de l'autre.
00:54:19Car la liberté détruit
00:54:21l'égalité sociale,
00:54:23c'est même là un des rôles de la liberté,
00:54:25tandis que l'égalité
00:54:27restreint la liberté
00:54:29car autrement,
00:54:31on ne saurait y atteindre.
00:54:35Que dire après ça ?
00:54:37La profondeur, la vision, l'intelligence.
00:54:39Peut-être après les lieux tragiques
00:54:41Philippe de Villiers est poignant,
00:54:43il y a aussi les lieux plus légers.
00:54:45C'est à nous faire du bien aussi dans cette émission
00:54:47où l'on mange bien.
00:54:49On peut vous trouver à l'heure du déjeuner ou du dîner,
00:54:51vous me suivez.
00:54:53On peut citer quand même
00:54:55ce soir que vous croisez pour la première fois
00:54:57Emmanuel Macron,
00:54:59alors ministre de l'économie de François Hollande.
00:55:01Comment vous est venue l'idée
00:55:03de l'inviter au Puy du Fou ?
00:55:05Il faut quand même y penser quand on le voit.
00:55:07Ça ne s'est pas passé comme ça.
00:55:09Il était en bas,
00:55:11sous l'escalier où il a sa table,
00:55:13avec Brigitte,
00:55:15et moi j'étais en haut.
00:55:17Chacun ses habitudes.
00:55:19Il n'y a pas d'allégorie là-dedans mais bon.
00:55:21Gérard,
00:55:23Serge, qui sont mes amis,
00:55:25viennent me voir en disant
00:55:27le ministre de l'économie
00:55:29sait que vous êtes là
00:55:31et souhaiterait que vous alliez le voir.
00:55:33C'était sympathique.
00:55:35Donc je descends
00:55:37et
00:55:39je m'assois à leur table,
00:55:41on parle,
00:55:43on fait connaissance.
00:55:45Il est donc ministre de l'économie.
00:55:47C'est chaleureux, c'est sympathique.
00:55:49Très chaleureux.
00:55:51Et elle est élégante
00:55:53et vraiment
00:55:57d'une grande courtoisie.
00:55:59Et en fait, lui il me dit,
00:56:01de toute façon je suis dans la transgression,
00:56:03je suis allé au...
00:56:05Lui il te met à Jeanne d'Arc,
00:56:07donc je veux venir au Puy du Fou,
00:56:09je veux venir absolument au Puy du Fou.
00:56:11– C'est lui ? – Oui, c'est lui.
00:56:13Et il est venu au Puy du Fou.
00:56:15Et quand il est venu au Puy du Fou,
00:56:17il a eu un mot d'ailleurs,
00:56:19je suis venu chercher ici
00:56:21l'écho profond
00:56:23de la France de l'intime.
00:56:25Mais lors de ce premier dîner,
00:56:27je me souviens qu'il me dit
00:56:29qu'est-ce qu'il faudrait faire
00:56:31pour que les Français reconnaissent
00:56:33le président de la République
00:56:35comme quelqu'un qui n'est pas forcément normal ?
00:56:37Comment vous voyez
00:56:39le rôle du président ?
00:56:41Et je lui réponds du tac au tac,
00:56:43le président sera reconnu
00:56:45non pas pour ce qu'il aura changé
00:56:47mais pour ce qu'il aura sauvé.
00:56:49Et moi, je vous fais une recommandation,
00:56:51c'est que des bavards,
00:56:53depuis des années,
00:56:55il faut être laconique,
00:56:57brevitas imperatoria,
00:56:59comme disaient les anciens,
00:57:01c'est-à-dire le mot rare,
00:57:03rester sur les cimes,
00:57:05s'entourer de mystères.
00:57:07Et à ce moment-là,
00:57:09Brigitte lui prend la manche
00:57:11et dit, tu vois, ça sera dur.
00:57:13Ça a été dur.
00:57:15Ça a été dur.
00:57:17Il ne vous a pas tellement écouté.
00:57:19On est parfois entendus mais pas toujours écoutés.
00:57:21Alors, lors de cette visite au Puy-du-Fou,
00:57:23il a fait une déclaration fracassante,
00:57:25tout le monde s'en souvient,
00:57:27ceux qui nous regardent, ceux qui sont avec nous ici
00:57:29dans ce studio, à la question
00:57:31pourquoi un ministre socialiste
00:57:33visite le Puy-du-Fou ?
00:57:35Écoutons sa réponse.
00:57:37L'honnêteté m'oblige à vous dire
00:57:39que je ne suis pas socialiste.
00:57:41Je suis au gouvernement,
00:57:43au gouvernement de gauche.
00:57:45J'ai moi-même pris des initiatives politiques
00:57:47qui ne vous ont pas échappé, nous en avons parlé tout à l'heure.
00:57:49Mais, je veux dire,
00:57:51quelle importance,
00:57:53quand vous êtes ministre, vous êtes ministre de la République
00:57:55et donc vous servez l'intérêt général.
00:57:57Ce sont deux belles formules.
00:57:59Servir d'abord
00:58:01et l'intérêt général ensuite
00:58:03qui est ce qui doit rassembler
00:58:05tous les dirigeants politiques et ce derrière quoi
00:58:07se retrouvent les Français.
00:58:09On a remarqué votre sourire.
00:58:11Comment je qualifierais
00:58:13votre sourire à côté ?
00:58:15Je vais vous l'expliquer.
00:58:17C'est qu'en fait, on l'a emmené voir l'anneau
00:58:19de Jeanne d'Arc.
00:58:21Comment a-t-il réagi ?
00:58:23Il était
00:58:25pétrifié.
00:58:27Il s'est retourné.
00:58:29Il m'a dit merci.
00:58:31Juste après, il a fait ses déclarations
00:58:33et j'ai dit à mon fils Nicolas,
00:58:35à l'oreille,
00:58:37c'est le premier miracle de l'anneau.
00:58:39Et du coup,
00:58:41Nico me dit, il faut peut-être en faire un autre.
00:58:43Et je lui ai dit,
00:58:45vous pouvez leur dire aux caméras
00:58:47que vous n'êtes pas multiculturaliste,
00:58:49que vous n'êtes pas progressiste, que vous n'êtes pas mondialiste.
00:58:51Et là, il a dit non, c'est pas possible
00:58:53pour aujourd'hui. Et donc, j'ai vu que
00:58:55l'anneau de Jeanne d'Arc n'a fait qu'un seul miracle.
00:58:57C'est peut-être pour ça que vous êtes allé à l'Élysée ensuite
00:58:59parce qu'il y a eu un autre dîner
00:59:01pour le convaincre justement. En tous les cas,
00:59:03c'est le temps des désillusions
00:59:05par rapport à Emmanuel Macron.
00:59:07Après toutes ces rencontres, Philippe Devilliers,
00:59:09est-ce que vous pourriez nous dire, ce soir,
00:59:11est-ce que vous savez qui est le vrai Emmanuel Macron ?
00:59:13D'abord, je voudrais dire que
00:59:15il a, pour le plus du fou,
00:59:17une vraie fascination, une vraie amitié.
00:59:19À chaque fois qu'il rencontre Nicolas, il lui dit
00:59:21alors, le plus du fou, comment ça va, etc.
00:59:23Elle aussi, Brigitte.
00:59:25Il a une vraie fidélité pour le plus du fou.
00:59:27Parenthèse, il a contribué à son ouverture
00:59:29lors de la période de la Covid.
00:59:31Oui, contre son premier ministre
00:59:33de l'époque, Édouard Philippe.
00:59:35On l'a bien noté.
00:59:37Bien connu de nos services.
00:59:39N'est-ce pas ? Récemment interviewé.
00:59:41Et donc,
00:59:43en fait,
00:59:45je vais vous dire,
00:59:47c'est la création
00:59:49du cercle de la raison.
00:59:51Il est resté
00:59:53le Young Global Leader.
00:59:55Et il a trois parrains.
00:59:57Klaus Schwab,
00:59:59qui est le patron
01:00:01du Forum de Davos,
01:00:03qui a déposé
01:00:05dans ses synapses
01:00:07le creuset
01:00:09idéologique,
01:00:11plutôt le brouet
01:00:13idéologique du capitalisme
01:00:15global.
01:00:17Attali
01:00:19et
01:00:21Menck,
01:00:23qui l'ont détecté à la poêle
01:00:25à frire et
01:00:27qui l'ont initié
01:00:29au Happy Management
01:00:31et qui l'ont appris
01:00:33à communier sous les deux espèces
01:00:35du multiculturalisme
01:00:37et du progressisme.
01:00:39En fait,
01:00:41souvent, je me dis,
01:00:43quelle est sa France ?
01:00:47Et ma réponse est la suivante.
01:00:51Sa nation secrète
01:00:53est une
01:00:55patrie cosmique
01:00:57dont les voisins
01:00:59sont
01:01:01les Global Shepherds,
01:01:03les façonneurs
01:01:05mondiaux du capitalisme
01:01:07de surveillance.
01:01:09– Ces façonneurs,
01:01:11en tous les cas, on ne les a pas
01:01:13retrouvés et on ne les retrouve pas
01:01:15dans vos meetings. On ne les a pas retrouvés,
01:01:17évidemment, ils n'ont pas été conviés
01:01:19pour cause. Ces meetings,
01:01:21Philippe de Villiers, marquent aussi votre vie,
01:01:23votre parcours. Là, on parle du responsable
01:01:25politique, du temps où
01:01:27on guiait la foule et certains meetings,
01:01:29c'est ainsi dans la vie d'un responsable,
01:01:31sont plus importants que d'autres.
01:01:33Alors moi, j'ai pris, pour exemple, celui
01:01:35du Palais des Sports à la Porte de Versailles.
01:01:37On est en 2005, évidemment,
01:01:39juste après la victoire du non au référendum
01:01:41sur la Constitution européenne.
01:01:43Est-ce que vous vous souvenez de ce que vous aviez dit à l'époque ?
01:01:45Vous qui avez une mémoire
01:01:47impressionnante.
01:01:49– Je ne peux pas oublier parce que…
01:01:51Je ne peux pas oublier,
01:01:53vous allez le comprendre pourquoi,
01:01:55c'est l'actualité.
01:01:57J'avais dit trois choses, j'avais construit
01:01:59mon discours autour de trois
01:02:01éléments successifs
01:02:03de démonstration.
01:02:05Premièrement,
01:02:07ils veulent faire l'Europe
01:02:09sans les racines chrétiennes puisqu'ils
01:02:11avaient refusé de mettre les racines chrétiennes
01:02:13dans la Constitution. Et au même moment,
01:02:15ils voulaient faire rentrer
01:02:17la Turquie dans l'Union européenne
01:02:19qui avait été signataire,
01:02:21qui avait paraffé le traité
01:02:23de la Constitution européenne.
01:02:25Et je dis,
01:02:27ils refusent de faire
01:02:29l'Europe de l'Atlantique
01:02:31à l'Oural, celle de De Gaulle,
01:02:33et ils vont faire l'Europe de l'Atlantique
01:02:35à l'Aral avec la Turquie.
01:02:37Deuxième élément,
01:02:39l'article 1.6
01:02:41du traité,
01:02:43je m'en souviens comme si c'était hier,
01:02:45la supériorité du droit
01:02:47européen sur les droits nationaux.
01:02:49C'est tout le drame de nos ministres
01:02:51aujourd'hui, qui ne peuvent rien faire.
01:02:53Ils ont les mains liées,
01:02:55puisqu'ils ne commandent rien,
01:02:57puisque notre droit est un droit domestique.
01:02:59Et troisièmement...
01:03:01Troisièmement,
01:03:03oui,
01:03:05le plus important, en fait,
01:03:07c'est l'atlantisme.
01:03:09C'est le titre 5
01:03:11du traité consacré à la défense
01:03:13collective qui est remise
01:03:15entièrement dans les mains de l'OTAN.
01:03:17C'est ça, le traité
01:03:19de la Constitution européenne,
01:03:21qui sera repris par le traité de Lisbonne.
01:03:23Et on en paye le prix aujourd'hui,
01:03:25avec un parapluie américain qui se dérobe à nous.
01:03:27Je ne sais pas, Philippe Devilliers,
01:03:29si vous êtes entré en politique comme on entre en religion,
01:03:31mais je sais qu'il y a un lieu
01:03:33qui vous tient à cœur aussi,
01:03:35c'est l'église de Bouillon.
01:03:37Je voudrais en parler, parce que c'est l'église
01:03:39de votre enfance, on y revient.
01:03:41Il y a aussi la Sainte-Chapelle,
01:03:43sur l'île de la Cité, là où Saint-Louis
01:03:45a échangé sa couronne de puissance
01:03:47et sa couronne de souffrance.
01:03:49Pouvez-vous nous raconter ce lieu ?
01:03:55D'abord, l'église de Bouillon,
01:03:57c'est l'église de mon baptême,
01:03:59c'est l'église de mon enfance,
01:04:01les paysages intimes,
01:04:03les sonorités natales.
01:04:09J'ai vécu la grande bascule liturgique.
01:04:11Votre moment sacré ?
01:04:13En fait, moi, j'ai grandi
01:04:15avec la messe des anges,
01:04:17le crédeau grégorien, etc.
01:04:19Et puis, tout à coup, un matin,
01:04:21un dimanche matin, je vois le curé
01:04:23qui dit sa messe à l'envers,
01:04:25comme disait Claudel,
01:04:27l'hôtel qui est devenu
01:04:29une table à repasser,
01:04:31et il boit le vin
01:04:33dans un verre à moutarde.
01:04:35Et il est là, collégial,
01:04:37souriant, convaincu
01:04:39et il dit, je fais église.
01:04:41Voilà, tout un nouveau vocabulaire,
01:04:43l'adjornamento, ça, j'ai vécu ça.
01:04:45Et les socials sacristiques
01:04:47montent au lutrin pour célébrer
01:04:49les énergies nouvelles, etc.
01:04:51C'était avant l'église verte,
01:04:53mais on y était déjà.
01:04:55Et un jour, je suis allé voir le pape
01:04:57quand on a décidé de créer
01:04:59une école qui s'appelait l'ISESS,
01:05:01qui était un institut supérieur
01:05:03d'enseignement catholique.
01:05:05Donc, à l'époque, Ratzinger,
01:05:07c'était le pape.
01:05:09Et je lui ai dit tout ça,
01:05:11je lui ai dit, on ne peut plus,
01:05:13c'est la beauté qui sauve le monde,
01:05:15et Dostoïevski me dit,
01:05:17ne m'en parlez pas, etc.
01:05:19Et il m'a expliqué,
01:05:21si l'église ne retrouve pas
01:05:23une liturgie, les gens partiront.
01:05:25C'était un pape qui avait vu juste.
01:05:27Alors, vous me parlez de la Sainte-Chapelle.
01:05:29La Sainte-Chapelle, en fait,
01:05:31c'est le roi architecte, incroyable,
01:05:33un génie.
01:05:35Un architecte,
01:05:37voilà,
01:05:39vous allez faire une verrière
01:05:41d'apocalypse
01:05:43qui, par sa sveltesse,
01:05:47représentera la victoire
01:05:49de l'esprit sur le corps
01:05:51et du vide sur le plein.
01:05:53Jusqu'à présent,
01:05:55c'est la pierre qui tient la lumière.
01:05:59Je veux qu'ici,
01:06:01ce soit la lumière qui tienne la pierre.
01:06:03Allez visiter la Sainte-Chapelle,
01:06:05vous verrez, c'est ça
01:06:07qu'il a fait. J'ajoute
01:06:09qu'il y a un troisième lieu qui me touche,
01:06:11c'est
01:06:13l'abbaye de Foncombeau.
01:06:15Parce que je pense
01:06:17à Saint-Exupéry.
01:06:19Quand on
01:06:21écoute un chant villageois du 15e siècle,
01:06:23on mesure la pente descendue
01:06:25et il ajoute, faites pleuvoir
01:06:27sur le monde comme un chant grégorien.
01:06:29C'est un
01:06:31gémissement
01:06:33primordial
01:06:35et doux.
01:06:37Je pense que
01:06:39les monastères sont peut-être
01:06:41le dernier refuge français.
01:06:43Avec cette idée
01:06:45qui me fascine,
01:06:47les moines se sont éloignés du monde
01:06:49pour le sauver.
01:06:51C'est pour ça que je vous ai posé
01:06:53tout à l'heure la question sur l'exil.
01:06:55Exil intérieur
01:06:57aussi que vous vivez ?
01:06:59Alors,
01:07:01le pire exil,
01:07:03ce n'est pas d'être
01:07:05arraché à son pays.
01:07:07C'est d'y vivre
01:07:09et de n'y plus rien trouver
01:07:11de ce qu'on y a aimé.
01:07:19Moi, j'ai lutté contre cet exil-là.
01:07:21Comment ?
01:07:23En apprenant
01:07:25ce que mon père
01:07:27m'a enseigné,
01:07:29a enseigné à tous ses enfants,
01:07:31à être un conservateur.
01:07:33Qu'est-ce qu'un conservateur ?
01:07:35Un conservateur,
01:07:37me disait-il, c'est quelqu'un qui,
01:07:39lorsqu'il se lève le matin,
01:07:43se lève en imprécateur,
01:07:45il s'indigne.
01:07:47Parce que s'il ne s'indigne pas,
01:07:49c'est un ravi
01:07:51des santons de Provence, un béni-vous-oui.
01:07:53Il y a de quoi s'indigner.
01:07:55Lorsque je vous mets voler,
01:07:57je suis prêt à boire
01:07:59un bol de crapaud.
01:08:01Je vais m'indigner.
01:08:03La lucidité, c'est la blessure
01:08:05la plus proche du soleil, disait René Char.
01:08:07Donc il faut s'indigner.
01:08:09Imprécateur le matin, mais,
01:08:11disait-il, l'après-midi,
01:08:13sauveteur.
01:08:15On est le piolet à la main,
01:08:17on répare la falaise, on crée.
01:08:19Et en fait, j'en ai fait
01:08:21une devise à 18 ans,
01:08:23qui m'a guidé toute ma vie.
01:08:25Une société se sauve, non pas
01:08:27par des mises en garde, mais par des réalisations
01:08:29qu'on accroche à contre-pente.
01:08:31Donc le conservatisme
01:08:33n'est pas une nostalgie, n'est pas un projet du passé.
01:08:35C'est aussi un projet d'avenir.
01:08:37Nostalgie féconde.
01:08:39On revient à ce qu'on avait dit au début.
01:08:41On arrive presque à la fin
01:08:43de ce numéro de Destin d'Exception
01:08:45qui vous est consacré avec de nombreux jeunes qui nous entourent.
01:08:47Je vois leurs réactions depuis tout à l'heure
01:08:49et qui ont certainement
01:08:51visité peut-être le Puy-du-Fou
01:08:53ou certains de ces lieux que nous avons
01:08:55aigrénés ce soir.
01:08:57À travers eux, Philippe de Villiers,
01:08:59à travers ceux qui nous regardent, jeunes ou
01:09:01moins jeunes d'ailleurs,
01:09:03qu'est-ce que vous leur dites à tous ces Français,
01:09:05quelle que soit leur réagite,
01:09:07quelle image vous faites
01:09:09de la France ?
01:09:13Alors d'abord, moi je leur dis
01:09:15à tous ces jeunes qui sont ici,
01:09:17si vous êtes la relève,
01:09:19soyez là vraiment, c'est-à-dire
01:09:21revendiquez la France,
01:09:25exigez
01:09:27qu'on ne la défigure plus,
01:09:29qu'on ne la mutile plus,
01:09:33demandez qu'on vous la raconte
01:09:35et allez la chercher
01:09:37là où elle existe encore.
01:09:39En fait,
01:09:41je vais vous dire quelque chose.
01:09:43Je vais vous dire quelque chose
01:09:47qui est le fond de toute ma conviction
01:09:49depuis que je suis jeune
01:09:51et que j'ai appris à connaître
01:09:53l'histoire de la France.
01:09:55Dans l'histoire
01:09:57de France,
01:09:59il y a deux mots qui reviennent tout le temps.
01:10:01Le premier, c'est
01:10:03tout est perdu.
01:10:07Et à chaque moment, on croit que tout est perdu.
01:10:09Et ce mot
01:10:11est flanqué d'un autre mot
01:10:13qui vient le contredire.
01:10:15Tout est sauf.
01:10:17Tout est perdu,
01:10:19croit-on,
01:10:21et puis tout est sauf.
01:10:23Parce qu'il y a des gens qui se lèvent.
01:10:25Il y a une relève qui dit
01:10:27non, non, tout n'est pas perdu.
01:10:29À chaque fois que la France est au bord
01:10:31de l'abîme, elle s'est accrochée à deux moules
01:10:33qui n'ont pas vacillé le tronçon de l'épée
01:10:35et la pensée française.
01:10:39En fait,
01:10:41la France, c'est deux millénaires
01:10:45d'une sémantique
01:10:47de relèvement.
01:10:53Vous m'avez posé une question
01:10:55sur l'image que je me fais de la France.
01:10:57Moi, c'est une image poétique.
01:11:01Quand je vois
01:11:03les nombreux Français
01:11:05qui m'arrêtent dans la rue
01:11:07et qui me disent
01:11:09moi, je voudrais bien être Français,
01:11:11mais je ne sais pas ce que c'est.
01:11:13On me dit les droits de l'homme,
01:11:15on me dit les valeurs de la République,
01:11:17on me dit la laïcité,
01:11:19mais je ne sais pas ce que c'est dans la religion,
01:11:21la laïcité.
01:11:23Je dis, la France est belle.
01:11:25Il dit, ah bon ?
01:11:27Parce que quand on présente la France
01:11:29sous l'angle d'un code,
01:11:33on ne donne pas accès
01:11:35au système de notre pays,
01:11:37à son mystère, insondable.
01:11:39Et moi, en fait,
01:11:41à l'âge de 15 ans,
01:11:43je suis tombé sur une miniature
01:11:45du 15e siècle qui s'appelle
01:11:47le Jardin de Paradis.
01:11:49La France, le Jardin de Paradis.
01:11:51Et j'ai mis du temps, beaucoup de temps,
01:11:53à comprendre les allégories
01:11:55que je vous livre.
01:11:57Première allégorie,
01:11:59il y a un palais d'osiers armoriés
01:12:01tout autour.
01:12:03Qu'est-ce que ça veut dire ?
01:12:05Ça veut dire que la France, en fait,
01:12:07c'est le jardin des confins.
01:12:11C'est le jardin de la tempérance,
01:12:13le septième climat,
01:12:15mais attentif à ses confins,
01:12:17parce que jalousé.
01:12:19Pourquoi ? Parce que la France,
01:12:21ce n'est pas un acte de la nature,
01:12:23comme l'Angleterre,
01:12:25ou un acte du sang, comme la Germanie.
01:12:27La France, c'est un acte politique.
01:12:29En gros, il n'y a pas de frontières naturelles.
01:12:31Et si le pouvoir politique n'agit pas,
01:12:33la France disparaît.
01:12:35Première image.
01:12:37Deuxième image, au milieu,
01:12:39il y a la domina, la dame.
01:12:41La domina, c'est la maîtresse,
01:12:43celle qui commande.
01:12:45D'ailleurs, Michelet disait,
01:12:47la France est une femme.
01:12:49C'est un être moral doué de tendresse.
01:12:51La France, c'est une femme.
01:12:53La domina, en fait, c'est l'allégorie
01:12:55du pays inventeur de la courtoisie.
01:12:57La France est un acte politique.
01:12:59La France est un
01:13:01art de vivre.
01:13:03Et troisièmement,
01:13:05au pied de la dame,
01:13:07il y a un petit enfant qui joue du psaltéryon.
01:13:09Et en fait, j'ai mis du temps à comprendre
01:13:11que le psaltéryon, c'est le verbe.
01:13:13La France, c'est la langue.
01:13:15Et donc,
01:13:17la France est née
01:13:19d'un acte littéraire,
01:13:21d'une chanson de jazz. C'est inouï.
01:13:23C'est le seul pays au monde qui est né.
01:13:25Tu tourneras ma tête vers France la douce.
01:13:27France la douce,
01:13:29c'est l'acte fondateur
01:13:31du patriotisme français.
01:13:33Et puis, un peu plus loin,
01:13:35il y a un quatrième élément que j'ai découvert
01:13:37beaucoup plus tard. C'est l'arbre sec
01:13:39qui refleurit. Vous savez, c'est la
01:13:41tradition de l'arbre de Gécée.
01:13:43L'arbre sec qui refleurit.
01:13:45Qu'est-ce que ça veut dire ?
01:13:47C'est le peuple français, le peuple historique français.
01:13:49On croit qu'il meurt
01:13:51et il renaît.
01:13:53– On va conclure. Philippe de Villiers, ce sera ma dernière question
01:13:55parce que s'il est un livre
01:13:57qui vous représente,
01:13:59on a beaucoup lu vos ouvrages,
01:14:01c'est le dernier qui est un véritable succès,
01:14:03Mémoricide. Malgré tout
01:14:05ce que vous dites, vous avez écrit sur le
01:14:07Mémoricide. D'abord, pourquoi ce titre ?
01:14:09Et est-ce que finalement, on peut avoir
01:14:11une conclusion positive
01:14:13et pleine d'espoir avec un tel titre ?
01:14:15– Le Mémoricide
01:14:17est à la nation
01:14:19parce que le génocide est à un peuple.
01:14:21En fait, c'est
01:14:23la mémoire atrophiée,
01:14:25la mémoire pénitentielle.
01:14:27Mais
01:14:29je voudrais vous dire
01:14:31pourquoi
01:14:33en fait,
01:14:35si vous me permettez, pourquoi
01:14:37je suis là avec vous
01:14:39et pourquoi je suis avec
01:14:41Éliott et Geoffroy tous les vendredis.
01:14:43J'ai attendu
01:14:45ce moment pour vous en faire la confidence.
01:14:47Parce que
01:14:49d'abord, il y a quelqu'un qui est venu
01:14:51me chercher par la Manche,
01:14:53qui est un ami breton,
01:14:55un homme
01:14:57d'altitude et de l'armorique,
01:14:59un homme extraordinaire
01:15:01et que je salue chaleureusement
01:15:03qui s'appelle Vincent Bolloré.
01:15:05Et qui m'a dit, il faut que tu parles le français.
01:15:07J'ai dit, mais non, je suis un pariat, ils ne m'écouteront pas.
01:15:09Si, maintenant, ils t'écouteront.
01:15:11Maintenant, les gens ont compris
01:15:13beaucoup de choses. Vous voyez ?
01:15:15C'est un devancier, c'est un homme d'anticipation.
01:15:17Donc il m'a projeté,
01:15:19il m'a dit, lâche ta charrue,
01:15:21comme Saint-Sinatius.
01:15:23Et ce que je veux dire, c'est pourquoi
01:15:25je fais tout ça, pourquoi je dis tout ça.
01:15:27Parce que
01:15:29le pronostic vital de la France est engagé.
01:15:33Et pourquoi il est engagé ?
01:15:35Parce que
01:15:37le peuple français
01:15:39sous-traite la fabrication
01:15:41d'enfants aux populations
01:15:43immigrées.
01:15:45Ils ne trouvent plus la force
01:15:47de se reproduire,
01:15:49de reprogrammer la vie.
01:15:51La France,
01:15:53en fait, porte le deuil
01:15:55d'une grandeur défeinte.
01:15:57Elle a connu,
01:15:59dans sa longue histoire,
01:16:01bien des malheurs, elle s'est toujours relevée.
01:16:03Et pour la première fois,
01:16:05elle doit affronter la crainte de disparaître.
01:16:07Pourquoi ? Parce que
01:16:09la terre de France porte aujourd'hui
01:16:11deux peuples.
01:16:13Un peuple,
01:16:15de 29 jeunes,
01:16:17qui arrive avec ses fiertés, avec ses croyances,
01:16:19avec ses mœurs.
01:16:21Et un peuple agarre, exténué,
01:16:23qui a perdu la mémoire, qui a perdu la tête
01:16:25et même l'envie de continuer à vivre.
01:16:29Et donc nous sommes dans
01:16:31un face-à-face de deux civilisations
01:16:35qui ont chacune leur valeur,
01:16:37mais qui ne sont pas admissibles.
01:16:39La civilisation arabo-musulmane
01:16:41et la civilisation cristiano-occidentale.
01:16:45Ceux qui disent
01:16:47qu'on va réformer l'islam
01:16:49ou qu'on va, avec la laïcité,
01:16:51régler tous les problèmes...
01:16:53– Nous sommes d'accord sur ce point.
01:16:55– Ils se trompent.
01:16:57– Mais ils ne savent pas que Philippe de Villiers parle à tous
01:16:59et veut faire des Français de désir.
01:17:01– Comme on a eu déjà cette conversation,
01:17:03je me souviens,
01:17:05il m'avait dit,
01:17:07il faut passer par-dessus tout,
01:17:09s'adresser aux Français de désir,
01:17:11aux Français millénaires,
01:17:13de la même manière,
01:17:15en proposant l'amour de la France.
01:17:17Mais l'amour de la France,
01:17:19ça veut dire quoi ?
01:17:21Ça veut dire
01:17:23dire à tous les Français de désir,
01:17:25regardez-nous,
01:17:27on va vous donner envie
01:17:29de nous ressembler.
01:17:31Encore faut-il qu'on soit capables
01:17:33de donner envie de nous ressembler.
01:17:37De nous ressembler,
01:17:39non pas dans l'hédonisme et le nihilisme,
01:17:41mais dans l'exaltation commune
01:17:43du patrimoine vital.
01:17:45Une nation,
01:17:47souvent on m'avait entendu le dire,
01:17:49et je le répète,
01:17:51une nation c'est un lien amoureux.
01:17:53Il faut refaire un peuple amoureux.
01:17:55Moi, Sonia,
01:17:57très tôt,
01:17:59très jeune,
01:18:03je suis tombé amoureux de la France.
01:18:05Je m'enverrai dans ses bras.
01:18:07Le plus tard possible,
01:18:09on l'espère Philippe de Villiers.
01:18:11En tout cas, merci d'avoir ouvert votre cœur
01:18:13puisqu'on parle d'amour dans cette émission.
01:18:15Votre album photo également,
01:18:17de ne pas avoir essuyé les plâtres,
01:18:19je l'espère.
01:18:21Et c'était vraiment un plaisir
01:18:23de vous avoir ici même,
01:18:25tout comme ce jeune public
01:18:27de l'Institut de formation politique.
01:18:29Merci à vous qui nous avez regardé
01:18:31pour ce premier numéro
01:18:33de Destin d'Exception.
01:18:35Vous avez compris le principe
01:18:37pour ainsi feuilleter l'album photo
01:18:39de nos invités
01:18:41qui ont aussi quelque part façonné
01:18:43l'album photo de la France.
01:18:45Merci encore, très belle soirée,
01:18:47et à bientôt.

Recommandations