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00:00Ici Gare Le Zer, prendre l'avance en recevant ce soir Cécile Jean-Sacq, procureure de la République de Nîmes.
00:05Bonsoir, le Gare fait souvent la une pour ses affaires de narcotrafic qui gangrènent de nombreux quartiers,
00:11à Nîmes, Alès, Bagnole-sur-Seize, mais qui n'épargne pas non plus les petites communes.
00:16C'est un constat que vous partagez ?
00:18Tout à fait.
00:20Il y a une évidence, c'est qu'à force de traquer le trafic dans certains lieux plus emblématiques,
00:27notamment aux alentours de la ville de Nîmes, dans les quartiers alentours,
00:31le trafic va avoir tendance à s'exporter vers des régions plus calmes,
00:36qui vont alors relever du ressort de la gendarmerie,
00:39à supposer que certains trafics n'existaient pas déjà dans ces lieux-là.
00:43On pense par exemple à Saint-Gilles, Vauvert ?
00:46Deux exemples parmi d'autres.
00:48Je crois que la ramification touche à peu près toutes les zones, à des intensités plus ou moins importantes.
00:54Quelles actions sont menées concrètement au quotidien dans le département ?
00:59De nombreuses actions.
01:00Il y a les actions de fond, il y a les actions à court terme,
01:02il y a les actions visibles, il y a les actions invisibles.
01:04Le tout évidemment en lien avec les forces de l'ordre,
01:07que ce soit la police en zone police ou les gendarmes dans leurs ressorts.
01:10Il y a des actions qui consistent à restructurer les unités d'enquête
01:15pour mettre plus de moyens spécifiquement sur les procédures de lutte
01:20contre le trafic de stupéfiants,
01:22et toutes les incidents qui vont avec,
01:24parce que derrière le trafic de stupéfiants, c'est parfois de la séquestration,
01:27ce sont des violences, ce sont des tentatives ou des homicides réussis.
01:31Donc des restructurations pour déployer des moyens plus ciblés.
01:35De nombreuses enquêtes qui sont diligentées,
01:38qui donnent lieu à peu près une fois par semaine à des interpellations de masse.
01:42Je ne parle pas des interpellations quotidiennes
01:44qui ciblent une ou deux personnes prises sur le bif de vendre ou de guetter.
01:49Et puis évidemment la mise en place de procédures de fond au sein du tribunal,
01:54en lien avec les juges d'instruction, les juges des libertés, de la détention,
01:57pour là attaquer la partie la plus invisible mais la plus intéressante du trafic.
02:03On a l'impression quand même que c'est un tonneau des Danaïdes.
02:07On interpelle, on arrête, on mène des procédures
02:11pour au final que ça continue quand même.
02:14Alors oui, mais pas que.
02:15Cette impression de tonneau des Danaïdes,
02:18oui, si on veut penser qu'on aurait un jour imaginé qu'en en interpellant un, ça s'arrêterait.
02:24Je crois qu'il faut quand même être lucide et être très humble.
02:27Mais pas que, parce qu'en réalité on s'aperçoit qu'il y a quand même un sursaut national.
02:31Que d'abord il y a un certain nombre de moyens qui sont en train d'être octroyés,
02:35des restructurations nationales aussi, on est au cœur d'une actualité législative.
02:39Et puis surtout, ça se passe pas uniquement à Nîmes.
02:44Alors ça s'est jamais passé uniquement à Nîmes.
02:46Mais aujourd'hui, quelques grandes villes vers lesquelles vous vous tournez,
02:49vous avez ce phénomène.
02:50Et du coup, les moyens se déploient partout.
02:53Ce qui veut dire qu'il y a quand même une espèce de prise en sandwich
02:56qui rassure, qui motive en tout cas, pour continuer et pour ne rien lâcher.
03:00Ça c'est nouveau ?
03:02C'est nouveau dans sa partie visible,
03:05dans sa partie exprimée à l'attention de l'ensemble du public, des citoyens.
03:10Et il me semble quand même que
03:14d'un côté, la préoccupation de tous ces citoyens qui sont dans l'insécurité
03:19apparaît comme quelque chose de plus important qu'avant, la parole se libère.
03:24D'un autre côté, les moyens mis en face montent avec la même intensité.
03:30C'est nouveau peut-être en ce que tout le monde se retrouve pour partager une cause commune.
03:34Alors vous venez de l'évoquer, Cécile Jean-Sacq, depuis hier,
03:36les députés examinent un texte voté début février à l'unanimité par les sénateurs.
03:41C'est un texte qui vise à renforcer l'arsenal répressif contre ces narcotrafiquants.
03:46Il prévoit notamment la création d'un parquet national spécialisé contre l'anticriminalité organisée
03:52et le placement des narcotrafiquants les plus dangereux dans des prisons très sécurisées.
03:56C'est ce qu'a annoncé notamment le garde des Sceaux.
03:59Est-ce qu'une loi va permettre d'aller au-delà de ce qu'on fait aujourd'hui ?
04:05Est-ce que c'est ça la réponse appropriée pour lutter contre le narcotrafique ?
04:09C'est inévitablement l'une des réponses nécessaires.
04:13Cette loi, encore une fois, marque le fait que la collectivité se mobilise pour cette cause.
04:22La création d'un parquet national, à l'image de ce qui se fait dans le terrorisme,
04:26c'est quelque chose qui mérite d'être essayé.
04:29Ça ne sera pas suffisant parce qu'au quotidien, moi, le parquet national,
04:33je ne vais pas forcément en voir le bénéfice et pour autant ça va continuer sur le territoire.
04:38Mais c'est aussi descendant, c'est-à-dire que les besoins sont en train d'être identifiés
04:44et ça va inévitablement avoir tout de même des répercussions sur les capacités de traitement de la base,
04:50si tant est que j'en sois.
04:52On ne va pas préjuger du résultat du vote qui aura lieu le 25 mars.
04:58Ce ne sont pas plutôt des effectifs supplémentaires pour la justice ?
05:01On n'arrête pas de dire que la justice manque de moyens
05:04qui permettraient, à terme, de résoudre ce problème du narcotrafic,
05:08si tant est qu'on puisse un jour le résoudre.
05:10Alors, il y a plusieurs choses.
05:12Les effectifs, oui, mais commençons par les effectifs, police, gendarmerie.
05:17La justice aussi a besoin de pouvoir suivre le rythme,
05:20mais aujourd'hui, moi, je suis en grande difficulté.
05:22Je n'ai largement pas suffisamment d'enquêteurs dédiés au trafic de stupéfiants
05:26pour suivre autant de dossiers que je le souhaiterais en même temps.
05:29Ça, c'est vraiment très pragmatique.
05:32Après, des moyens supplémentaires justice, il faudrait que ça suive, évidemment.
05:38Il y a aussi tout l'arsenal des moyens juridiques.
05:42Il y a une réalité, c'est qu'il y a deux types de délinquances.
05:45Il y a une délinquance qui se prête aujourd'hui plus difficilement
05:49aux droits qui nous sont offerts en termes d'enquête.
05:52Tout ce qui nous permet de tracer, d'identifier, de croiser les informations pour identifier
05:59sont des outils qui sont indispensables.
06:01Pardon, c'est une course à l'échalote.
06:03Je veux dire, tant que le criminel courra plus vite que moi,
06:05j'y arriverai pas.
06:07Par exemple, des nouveaux outils technologiques, par exemple ?
06:09Par exemple.
06:11Vous savez que les procureurs ont des droits qui leur ont été retirés
06:13au titre de l'application du droit européen.
06:15Je n'ai pas le droit, dans n'importe quelle circonstance,
06:19de solliciter qu'on me produise ce qu'on appelle une fadette,
06:23c'est-à-dire les numéros de téléphone,
06:25mis en contact les uns avec les autres
06:27pour croiser une délinquance.
06:30Si je fasse maintenant systématiquement
06:32une requête transmise au juge des libertés,
06:34motivée, lequel va me renvoyer
06:36l'autorisation qui va me permettre
06:38de dire aux enquêteurs de faire.
06:40Là où avant, d'un claquement de doigts,
06:42on pouvait essayer d'aller plus vite.
06:44C'est un exemple.
06:46Alors, on est dans une société démocratique
06:48où il faut que les libertés soient respectées,
06:50mais aujourd'hui, je crois que ce genre de barrière
06:52ne nous permet pas de courir aussi vite que le criminel.
06:54Dernier mot, on parle de criminalité organisée
06:56qui aujourd'hui s'exporte au-delà de nos frontières
06:58parce qu'on sait que les gros bonnets,
07:00comme on les appelle, sont à l'extérieur.
07:02La coopération internationale aujourd'hui, elle en est où ?
07:04Elle monte en puissance.
07:06Il y a quelques semaines de cela,
07:08le ministre de la Justice était à Dubaï
07:10où nous avons enfin des magistrats liaison,
07:12des magistrats qui nous relaient des informations
07:14et qui relaient vers ces pays-là
07:16des besoins, des demandes de coopération.
07:18Elle monte très largement en puissance
07:20avec un objectif un seul,
07:22commencer par aller attaquer le patrimoine
07:24issu de cette criminalité
07:26pour ensuite s'attaquer aux propriétaires de ce patrimoine
07:28ou à toutes les personnes qui ont permis
07:30de blanchir cet argent.
07:32C'est par là qu'on gagnera la guerre.
07:34Cécile Jansac, merci beaucoup
07:36d'avoir été avec nous.
07:38Je rappelle donc demain, journée spéciale
07:40sur le narcotrafic. Je rappelle que vous êtes
07:42la procureure de la République de Nîmes.