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00:00Ici, matin, 7h46, tout juste, votre invité ce matin, Maya Balduro-Fredon, c'est l'évêque de Nîmes.
00:10Bonjour Mgr Brouvé, alors hier, vous avez appelé 100 catéchumènes pendant la messe,
00:17c'est deux fois plus cette année que l'an passé dans le diocèse de Nîmes.
00:21Cette tendance, est-ce qu'elle est propre aux gares ou est-ce qu'on l'observe partout en France ?
00:26Non, on l'observe partout en France, les retours qui viennent des autres évêques sont les mêmes.
00:33Donc voilà, il y a une augmentation générale du nombre des catéchumènes en France.
00:37Comment est-ce qu'on l'explique ?
00:39Vous savez, il y a beaucoup d'explications, lorsque je lis les lettres de ces catéchumènes qui demandent le baptême,
00:46ils m'écrivent et puis alors ils expliquent les raisons, et du coup c'est à chaque fois des histoires individuelles,
00:52ce sont des parcours, ce sont assez peu souvent des conversions, si vous voulez, qui sont extrêmement rapides,
01:00instantanées, avec baptême dans la semaine qui suit, si je puis dire.
01:06C'est souvent des recherches intérieures qui aboutissent.
01:11Beaucoup disent, mais moi j'ai toujours pensé qu'il y avait quelqu'un au-dessus de moi, que j'étais créé, que j'étais aimé,
01:19alors j'ai pas eu les mots, j'étais pas devenu une famille croyante, j'ai pas été au catéchisme,
01:25et puis un jour j'ai trouvé quelqu'un, un jour j'étais disponible pour répondre oui.
01:29Et puis il y a tous ceux qui passent des épreuves aussi, et donc qui trouvent aussi,
01:36disons, à s'appuyer sur Dieu pendant leurs épreuves.
01:41Il y a un certain nombre de parcours, de parcours de vie.
01:46Il y a ça, mais on peut se demander aussi si le contexte national, international, très difficile en ce moment, peut peut-être aussi être une de ces explications ?
01:56Oui, alors ça n'apparaît jamais dans les lettres.
02:00La recherche de sens, oui.
02:02C'est-à-dire que trouver du sens à notre existence, trouver de la profondeur dans l'existence, trouver de l'intériorité,
02:09s'apercevoir que, par exemple, consommer ne peut pas combler une vie,
02:15oui, ça c'est sûr.
02:16Par contre, le contexte international, moi je n'en entends pas parler, alors peut-être qu'il est juste tapis derrière,
02:22et qu'il peut y avoir une forme d'angoisse.
02:25Mais ce n'est pas la peur, ça c'est très curieux, dans aucune lettre il y a des peurs qui sont exprimées.
02:30C'est quelque chose de très intime de ce que je comprends, de ce que vous expliquez.
02:33Oui, oui, c'est très...
02:35Vous savez, ce sont des lettres qui sont confidentielles, mais moi j'aimerais qu'elles soient lues par tout le monde,
02:39parce qu'à chaque fois, c'est une existence qui est traversée, disons, par la grâce, si je puis dire,
02:46par la rencontre de Jésus, de Jésus Sauveur, avec une joie, avec une paix, avec une sorte d'évidence.
02:53Et puis, de trouver une communauté aussi.
02:56La dimension communautaire, le baptême, ce n'est pas simplement un acte intime, personnel,
03:02c'est aussi l'entrée dans une communauté, une sorte de fraternité qu'on trouve là, à la paroisse.
03:08Alors justement, cette espèce de double, comment dire, de double caractéristique,
03:14à la fois très intime et à la fois sociale, communautaire, on la voit, nous on l'observe également sur les réseaux sociaux.
03:20Puisqu'il y a de plus en plus souvent, maintenant, de catholiques qui annoncent faire le carême, qui l'affichent,
03:25alors qu'avant, beaucoup moins.
03:27Qu'est-ce que vous en lisez, vous, de cette pratique ? Qu'est-ce que ça révèle ?
03:31Alors c'est intéressant ce que vous dites, parce qu'on a eu le mercredi décembre, la semaine dernière,
03:35et il y avait beaucoup de monde, j'ai célébré à l'église Saint-Paul à Nîmes,
03:39et il y avait beaucoup de jeunes, là, qu'on ne connaissait pas.
03:42Donc on se doute bien qu'ils arrivent en particulier par les réseaux sociaux.
03:46Donc il y a, disons, une attitude confessante, si je puis dire, sur les réseaux sociaux,
03:52où les gens se livrent, disent ce qu'ils font, disent leurs convictions.
03:57Vous voyez, les réseaux sociaux, c'est un lieu où on affirme ce qu'on est,
04:02d'autant plus que, vous voyez, on n'est pas face à face,
04:06donc on ne sera pas forcément contredit.
04:09Donc c'est un lieu où on peut affirmer ce qu'on pense,
04:12y compris lorsque ces jeunes viennent au cendres, mais qu'on ne les connaît pas dans nos paroisses.
04:19On ne sait pas toujours bien expliquer, vous voyez, ce phénomène.
04:22Il est 8h moins 10, ici matin, votre invité, Maya Balduro-Frodon, c'est l'évêque de Nîmes.
04:26Monseigneur Brouvé, je voudrais qu'on évoque un autre sujet plus délicat.
04:31L'agression très violente, en début de semaine dernière, d'un adolescent de 13 ans à Nîmes,
04:36on en a parlé dans l'actualité, il a reçu quatre coups de couteau dans le dos.
04:40C'est un collégien de La Salle, qui est un établissement catholique privé.
04:43Est-ce que vous avez pu voir ce garçon, ou du moins avoir de ses nouvelles ?
04:47Est-ce que vous en savez quelque chose, aujourd'hui ?
04:49Oui, évidemment, j'ai téléphoné au directeur, M. Caussin,
04:53et puis à des parents, l'assistant en pastorale scolaire,
04:59donc pas à lui directement, parce qu'il était en soins intensifs, ni à sa famille.
05:04Voilà une histoire extrêmement triste,
05:07parce qu'en plus de la violence qui nous étonne et qui nous concerne,
05:11il y a sa banalisation dans des querelles d'ado.
05:15C'est ça qui nous interroge beaucoup,
05:18parce que La Salle, vous voyez, ce sont des familles qui sont encadrées.
05:21Ce ne sont pas des familles qui sont à la dérive, si je puis dire.
05:25C'est une école sécurisée, il y a des gardiens devant La Salle.
05:28Les règlements dans l'école sont observés, et des parents m'ont dit ça, c'est une école sérieuse.
05:33L'équipe éducative est très présente aussi.
05:37Mais...
05:39Il va mieux, a priori, quand même ?
05:41Oui, et puis sa vie n'est pas en danger,
05:44donc il va reprendre les cours d'ici quelques jours.
05:48Ce qui nous étonne, c'est que des peines de coeur, des relations amoureuses,
05:51se transforment en règlement de compte public.
05:54On prend les autres à témoin sur les réseaux,
05:57pour gérer sa frustration et sa colère.
06:00On communique cela sur les réseaux,
06:03comme si on n'arrivait pas à gérer autrement sa frustration.
06:09Justement, vous parlez de réseaux sociaux.
06:12On voit beaucoup en ce moment de témoignages de parents qui ont peur.
06:16Ils sont nombreux à dire que depuis cette agression,
06:19on amène notre enfant jusqu'à la porte de l'école.
06:22Il y a aussi des messages de vengeance de jeunes,
06:25qui disent qu'on va venger l'agresseur présumé,
06:28qui est mis en examen pour tentative d'assassinat, on le rappelle.
06:31Comment on fait, quand on est à votre place,
06:34pour essayer d'apaiser toute cette violence,
06:37toute cette peur qu'on ressent ?
06:40J'imagine que c'est difficile.
06:43Vous avez raison. Ce qui nous a étonnés aussi,
06:46c'est que la vengeance soit commanditée par SMS
06:49en ce qui concerne ce garçon.
06:52La jeune fille a demandé à un tiers de venir la venger
06:55dans le collège.
06:58On se rend compte que la moindre querelle amoureuse
07:01prend l'allure d'une série TV.
07:04Il y a une perte de contrôle du réel.
07:07Je pense que la question mérite d'être posée
07:10parce que c'est dans l'école, en général,
07:13qu'on apprend tout cela.
07:16Il y a une querelle, un moment où on se disait
07:19est-ce que l'école est un lieu d'éducation ou pas ?
07:22Les professeurs ne voulaient pas porter cette responsabilité de l'éducation.
07:25Je crois que l'école est éducatrice
07:28dans la mesure où elle humanise.
07:31Pourquoi est-ce qu'on demande, par exemple, à des jeunes de lire
07:34Le Rouge et le Noir, de lire Les Rougons Macards, de lire Les Misérables ?
07:37Ce n'est pas simplement pour augmenter le volume de leur culture.
07:40C'est pour qu'ils apprennent à mettre des mots sur leur peine intérieure.
07:43Pour qu'ils apprennent à mettre des mots sur leurs émotions, à les verbaliser.
07:46Mais vous, Mgr Brouvé, vous vous appelez au pardon ?
07:49Vous vous appelez à l'apaisement ?
07:52Qu'est-ce que vous pouvez faire dans votre situation vis-à-vis de tout cela ?
07:55Je pense que c'est à l'école
07:58de faire son travail
08:01mais c'est aussi à la société
08:04de réguler l'usage des réseaux sociaux.
08:07La question des réseaux, c'est que la violence
08:10elle vient pas seulement des élèves
08:13elle vient de tout le monde. Il n'y a qu'à voir les réactions simplement sur un produit
08:16qu'on achète. On voit les réactions
08:19les avis des clients, des consommateurs
08:22et souvent c'est plein de haine
08:25de vengeance. Les mots utilisés sont forts, sont durs
08:28et je crois que c'est une question
08:31qu'il faut qu'on se pose collectivement. L'école peut faire quelque chose.
08:34On peut toujours dire des mots, on peut toujours parler aux élèves
08:37mais je crois que plus profondément
08:40il y a une interrogation profonde sur ce que nous faisons des réseaux
08:43et sur la manière dont nous parlons les uns avec les autres
08:46la manière dont nous dialoguons aussi les uns avec les autres.
08:49Merci beaucoup Monseigneur Brouvé d'avoir été avec nous ce matin
08:52Évêque de Nîmes. On le rappelle l'interview qui sera à retrouver
08:55en replay sur votre application ici. Merci beaucoup.
08:58Merci à vous. Bonne journée.