• il y a 10 heures
Les Etats-Unis ont donc levé "immédiatement" la suspension de l'aide à Kiev, qui soutient la proposition américaine d'un cessez-le-feu de 30 jours. Regardez l'analyse du général Vincent Desportes, ancien directeur de l'École de guerre et professeur de stratégie à Sciences Po Paris.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 12 mars 2025.

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Transcription
00:00RTL Matin, Thomas Soto et Amandine Bégaud.
00:05Il est 8h16, l'interview d'Amandine Bégaud au coeur de l'actualité qui nous ramène une nouvelle fois en Ukraine.
00:10L'Ukraine qui a donc entre ouvert la porte à un cessez-le-feu, mais comme une info chasse l'autre à la vitesse de la lumière en ce moment,
00:15on a besoin de se poser quelques minutes pour comprendre ce qui se passe vraiment depuis quelques heures.
00:21Raison pour laquelle vous avez invité ce matin le général Vincent Desportes. Bonjour et bienvenue à vous.
00:25Bonjour et merci d'être là ce matin. On est habitués général au soubresaut des uns et des autres ces dernières semaines.
00:30C'est un peu les montagnes russes. On a tous encore en tête ce clash entre Donald Trump et le président Zelensky dans le bureau Oval.
00:37C'était il y a dix jours. Dix jours plus tard, on nous annonce cet accord de cessez-le-feu de 30 jours.
00:42Est-ce que, d'après vous, cette fois c'est la bonne ?
00:45Je n'en sais rien. Le monde va extrêmement vite. Trump peut défaire un jour ce qu'il a fait la veille. On n'en sait rien.
00:50Ce qui est sûr, c'est que c'est mieux que si ça n'avait pas existé.
00:54Maintenant, je reprendrai volontiers la citation de Churchill. Après, elle amène une victoire importante.
00:59Il dit que ce n'est pas la fin. Ce n'est même pas le début de la fin. C'est peut-être la fin du début.
01:04J'écoutais hier Peskov, le porte-parole du Kremlin, qui disait hier soir qu'il n'est pas encore le moment de mettre des lunettes roses.
01:13Donc c'est bien, mais évidemment c'est insuffisant et on est encore loin du résultat qu'on peut tous espérer.
01:20Ce n'est pas forcément le début de la paix. Donald Trump dit que ce n'est peut-être qu'une question de jours.
01:24Il dit qu'un cessez-le-feu complet pourrait être entré en vigueur ces prochains jours.
01:27Il reste quand même à convaincre la Russie et c'est pas rien.
01:31Il y a deux choses. D'abord, j'ai l'impression que Trump a oublié que pour danser le tango, dans son cas, il faut être trois.
01:36Et là, ils ne sont que deux. Pour l'instant, Poutine est en train de dire « attention, on va voir, c'est bien, on verra ».
01:43Et donc, ça c'est une chose. Et d'autre part, moi je pense que Poutine va accepter assez rapidement le cessez-feu.
01:49Pourquoi ? Parce qu'il a intérêt à l'accepter. Il a la balle en main, c'est ce qu'on a dit, je crois, hier.
01:55Je vais vous dire comment il va la jouer. Moi, je vais vous dire le match qui va se passer aujourd'hui.
02:00Trump va accepter. Pourquoi ? Poutine.
02:05Parce que, d'abord, notons quand même que Zelensky n'a rien cédé, que c'est lui qui a gagné et que ce n'est pas Trump.
02:10Même si l'histoire est racontée différemment, lui n'a rien cédé. Il dit qu'il veut négocier depuis extrêmement longtemps.
02:17Et là, finalement, il n'a rien cédé.
02:20Sauf qu'on sait très peu de choses sur cet accord. On ne sait pas sur quelle position.
02:24Apparemment, il n'a rien cédé. Il n'est pas du tout allé vers Poutine. Et lui n'a pas dit qu'il acceptait un certain nombre de choses.
02:31Donc, moi je pense que c'est lui qui a profondément gagné. Et il a profondément gagné parce que Trump sent bien qu'il y a quelque chose qui se passe.
02:38Il y a l'OTAN qui se réunit sans les Américains. Quand même, ça ne plaît pas beaucoup.
02:42Les gens se réveillent. Ils sentent que sa posture n'est pas bonne.
02:45Je reviens à mon match qui va se jouer. Ce cessez-le-feu est dans l'intérêt de Poutine.
02:50Pourquoi ? Les deux armées sont fatiguées. Les deux armées ont besoin de s'arrêter.
02:54Mais le flux rentrant des troupes et des armes est beaucoup plus important du côté russe que du côté ukrainien.
03:00Donc, plus le temps passe, au fond, plus le différentiel entre les puissances russes et la puissance ukrainienne est à l'avantage.
03:08Qu'est-ce qu'il va faire ? C'est comme ça qu'il va jouer.
03:10Il va attendre. Il va faire traîner les négociations pour faire traîner le cessez-le-feu.
03:16Parce que plus le cessez-le-feu dure, et lui, plus il sera dans une meilleure situation pour reprendre les combats.
03:22Alors, qu'est-ce qu'il va se passer après ? Il va faire comme il a fait depuis 2014 dans le Donbass.
03:27Il va faire des incidents.
03:29En fait, c'est une pause stratégique, le temps de reconstituer ses stocks et ses forces.
03:33Il va la faire durer. Et quand il estimera qu'il peut relancer, alors il relancera la guerre.
03:38Ne nous trompons pas. Cette affaire-là, elle joue pour Poutine actuellement.
03:42Et c'est, pour l'instant, aussi une victoire de Zelensky.
03:45Parce que lui-même a intérêt à s'arrêter un moment, mais il ne faut pas que ça dure trop longtemps.
03:48Sinon, cette fois-ci, les troupes ukrainiennes seront enfoncées la prochaine fois.
03:51Mais ce que vous nous dites ce matin, Général Deporte, c'est que Vladimir Poutine ne renoncera pas.
03:56Enfin, à long terme, à moyen terme.
03:59Sauf si, je ne sais pas comment il peut le faire, Trump arrive à trouver quelque chose de très fort qui puisse le pousser.
04:06Non. Si vous voulez, Tolstoy, qu'on connaît, il s'est encore exprimé hier, le fiotre,
04:11dit que la guerre fait partie de l'ADN de la Russie.
04:16C'est lui qui le dit. Son père, on le connaît. Son oncle, on le connaît, c'est Guérépé.
04:21Voilà, il dit ça. Et aujourd'hui, il faut bien comprendre que la Russie n'a pas intérêt et qu'elle serait dans de grandes difficultés.
04:27Elle est vraiment en économie de guerre. Pour l'instant, les choses vont relativement bien.
04:31Les gens sont un peu mieux payés. Ça ne peut pas durer très longtemps.
04:33Mais repasser à un état de paix serait compliqué pour Poutine lui-même et probablement le mettrait en danger.
04:41Donc, à court terme, la Russie n'a pas intérêt. Elle a d'autant moins intérêt que, pour l'instant,
04:46elle avance et elle sent bien qu'elle a une supériorité technique, tactique et militaire face à l'Ukraine.
04:52Effectivement, on est arrivé à un moment où on a l'impression que l'armée russe regagnait du terrain.
04:57C'est clair, elle en regagne.
04:59C'est quand même compliqué de voir quel serait vraiment l'intérêt de Poutine, si ce n'est justement le temps de reconstituer ses stocks, comme vous nous dites.
05:05L'intérêt est clair.
05:07Il ne faut pas être dupe, en fait.
05:09Ne soyons pas dupe. C'est pour ça que la réunion hier des chefs d'état-major de l'OTAN,
05:14mais dans l'OTAN, vous avez vu qu'il n'y a plus les Etats-Unis, était extrêmement...
05:17Celle qui a eu lieu à l'Elysée.
05:18Qu'est-ce qui risque de se passer ?
05:20Il y a toute une partie de la presse qui va dire, vous voyez, vous êtes trompé.
05:23Le président Macron en a rajouté. Il est gentil, monsieur Poutine.
05:27Mais non, il n'est pas gentil.
05:29Et donc, il faut ne pas perdre cette affaire.
05:32Il y a un élan qui est très important pour l'Europe en particulier.
05:35Il faut absolument profiter de ce moment pour se renforcer immédiatement.
05:41Parce que ces affaires, que je citais Charline tout à l'heure,
05:44ces affaires sont extrêmement loin d'être terminées.
05:46Il ne faut pas se dire, ok, il y a ce cessez-le-feu, ça nous laisse le temps de voir.
05:49Surtout pas.
05:50Et on aura cette tentation, parce qu'on est comme ça.
05:52On voudrait tellement revenir dans le temps d'avant, qui était tellement sympathique.
05:55Mais ce temps-là est terminé.
05:57Il faut en avoir conscience et se préparer au pire pour qu'il n'arrive pas.
06:01Vous êtes aujourd'hui professeur de stratégie à Sciences Po.
06:04Je voulais revenir avec vous sur ce rapport de force permanent.
06:08C'est ça aujourd'hui la guerre au XXIe siècle ?
06:11Vous savez, la guerre est multiforme.
06:14Le problème de la guerre, c'est qu'elle s'empare de tous les espaces que l'homme a conquis.
06:17On a commencé sur terre, après sur mer, dans l'air, le cyber, etc.
06:21La guerre se répand dans tous les espaces.
06:24Elle est une opposition permanente.
06:27Elle va directement dans les espaces où elle peut être le plus efficace.
06:32C'est comme ça.
06:33C'est pour ça qu'il faut se préparer à tout.
06:37Enrico Letta disait dans Le Monde il y a deux ou trois jours,
06:40attention, la sécurité n'est pas que militaire, et on le sait bien.
06:43La sécurité, il faut qu'elle soit financière en termes d'appro,
06:46en termes de carburant, etc.
06:49Nous sommes menacés, et nous le savons.
06:52Poutine nous attaque par des menaces cyber tous les jours en France.
06:57Je crois qu'il faut être très prudent, ne pas relâcher, ne pas céder aux sirènes
07:01qui ne vont pas manquer de s'élever aujourd'hui, demain,
07:05pour dire, vous voyez, on est revenu, mais pas du tout, on n'y est pas.
07:08Il faut continuer à être ferme, et à apparaître d'y choisir.
07:13C'est ça qui est fondamentalement important pour nous.
07:15Et puis il faut défendre l'Ukraine, parce que l'Ukraine, qu'on le veuille ou pas,
07:19est la première ligne de défense de l'Europe et de notre civilisation aujourd'hui.
07:23Encore un mot général des portes, avec un peu de recul.
07:26Dix jours après, est-ce que vous pensez que le clash du bureau Oval a été calculé ?
07:30Alors là, j'en sais rien.
07:34Après, il ne faut pas réécrire l'histoire, vous savez.
07:36On réécrit l'histoire, c'est toujours comme ça.
07:38Ne jugeons pas le passé à l'aune du présent.
07:40Il s'est passé quelque chose qui relevait, je crois, du caractère très brutal,
07:45parfois ignoble, du président Trump.
07:47Et puis, il se trouve que ça a débouché sur quelque chose.
07:50Est-ce que c'était un scénario qui était monté du début à la fin ?
07:53Là, vous aurez deux écoles, ce sera difficile de trancher.
07:57Mais ce qu'on doit savoir, c'est que Trump bafoue un certain nombre de principes
08:00qui ont été les principes américains et les nôtres.
08:02Et il continuera à le faire.
08:04Le grand gagnant, vous le dites, c'est Zelensky, en tout cas pour l'instant.
08:07C'est Zelensky aujourd'hui, parce que ça va s'arrêter.
08:10Mais c'est Poutine, n'oublions pas que c'est Poutine,
08:12qui va se faire tirer les cheveux.
08:14Non, ce n'est pas bien, il va râler un tout petit peu.
08:17Et puis, il va accepter, il va se renforcer et il va y revenir.
08:20Merci beaucoup, Genève.

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