Lundi 10 mars 2025, SANTÉ FUTURE reçoit Frédéric Bizard (économiste) , Baptiste Verneuil (Chargé de projet - Santé-Énergie-Climat, The Shift Project) , Hélène Bachelart (Docteur en pharmacie) , Alexis Normand (CEO et cofondateur, Greenly) et Hervé Bonnaud (Président, Nex&Com;)
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Santé future, votre rendez-vous dédié à l'innovation
00:22et à l'avenir de la santé. Chaque mois, pendant une heure, je vous invite à plonger au cœur des
00:27grands enjeux du secteur. Une heure pendant laquelle leaders experts de la santé partagent
00:32leurs perspectives sur les tendances, les innovations et les solutions émergentes. Et à mes côtés,
00:37comme toujours, Hervé Bonneau est présent, médecin de formation et président de Nexencom.
00:42Salut Hervé. Salut Alix. Au sommaire de cette édition, les enjeux écologiques s'intensifient
00:49et imposent une vraie accélération dans la réduction de l'empreinte environnementale et
00:54le secteur de la santé n'y échappe pas. Alors qu'en est-il de son impact ? Quelles initiatives
01:00sont déjà en place ? Quelles solutions concrètes peuvent être envisagées ? C'est le thème de ce
01:05quatrième épisode de Santé future et nous l'abordons en compagnie d'Hélène Bachelard,
01:09docteur en pharmacie, de Frédéric Bizarre, économiste spécialisé en santé qui vient de
01:15publier les itinérants de la santé aux éditions Michelon. Et puis également avec nous Baptiste
01:21Verneuil, chargé de projet santé énergie climat chez The Shift Project. Bonjour à tous les trois
01:28et merci d'être avec nous. Dans son édito, Hervé dénonce certaines aberrations écologiques et dans
01:35la pépite santé, j'ai le plaisir de recevoir Alexis Norman, CEO et cofondateur de Greenly,
01:41une start-up française qui veut démocratiser le bilan carbone. Santé future, c'est parti.
01:51Et on commence cette émission avec l'édito d'Hervé Bonneau. Quelles sont ces aberrations
01:56écologiques dont tu veux nous parler Hervé ? Bonjour, et bien effectivement on parle de la
02:03santé, de l'écologie, on pourrait parler de l'impact des canicules, de la famine, de l'accès
02:08à l'eau, etc. Et tout est vrai. Et j'ai repéré quelques éléments qui ont un rapport avec la
02:16santé et que je trouve assez choquant. C'est un peu pour lancer l'émission. Première idée pour
02:21vous faire réagir, on dit que le sport c'est bon pour la santé. Ça l'est incontestablement. C'est
02:26bon pour la santé physique et mentale et c'est exemplaire le sport. On a envie de ressembler à
02:30ce qui se passe. Mais est-ce qu'on peut reparler deux secondes de la Coupe du monde de foot au
02:34Qatar ? C'était quand même étonnant de voir ces stades à ciel ouvert, entièrement climatisé,
02:40avec un aéroport qui a été énormément agrandi, avec des complexes hôteliers qui sont devenus
02:45inutiles depuis, qui ont été construits. C'est étonnant, avec 260 vols par jour pour amener
02:52les spectateurs à regarder une Coupe du monde dans des stades climatisés à ciel ouvert. Alors on s'est
02:56dit plus jamais ça, c'est pas possible. Est-ce que vous vous souvenez des Jeux asiatiques d'hiver
03:02qui vont se passer en 2029 ? Ça va se passer où ? En Arabie Saoudite. Donc le sport s'exemplait,
03:06on nous montre le chemin. Donc on construit une mégapole de la taille de la Belgique qui s'appelle
03:11Neom, en plein milieu d'un désert où la neige ne tient pas. Et donc les Jeux d'Asie d'hiver
03:16auront lieu sur de la neige artificielle, avec des patinoires en glace artificielle. C'est très
03:22exemplaire, c'est hyper choquant d'un point de vue écologique. Mais bon, on a des champions du
03:27monde, visiblement. Autre idée, il faut limiter les voyages aériens. Je suis tout à fait d'accord,
03:32effectivement. Et d'ailleurs, à titre individuel, on essaye tous de faire attention. J'observe que
03:38certains laboratoires pharmaceutiques font la promotion de biosimilaires fabriqués par Samsung
03:44en Corée du Sud, vendus en France. C'est un peu étonnant. Je ne vois pas bien pourquoi ça serait
03:49un facteur de choix pour un médecin hospitalier de se dire que telle molécule est mieux fabriquée
03:53en Corée qu'à Clermont-Ferrand. Mais bon, j'ai lu un rapport sur le scandale de l'empreinte carbone
04:01des rapatriements sanitaires par Europe Assistance. Scandale, c'est vrai que ça coûte d'envoyer un
04:06avion pour récupérer une personne. Et je conçois qu'effectivement, il y a un coût carbone à
04:12considérer. Mais je me rappelle de deux trucs qui ont un rapport avec la pandémie. C'est-à-dire que
04:18c'était hier, on a quand même fait voler pendant la pandémie des avions sans destination. Je ne sais
04:23pas si vous vous souvenez de ça. Les avions décollaient, faisaient le tour de la ville et se
04:26reposaient avec des gens à bord, mais avec des règles de distanciation. Et pourquoi ils faisaient
04:30ça ? Pour ne pas perdre leur créneau de décollage et d'atterrissage. C'est quand même d'une absurdité
04:35totale. Et on a fait après, encore mieux, toujours pendant la pandémie, des avions vides. Toujours la
04:41même idée, il fallait qu'ils décollent, qu'ils tournent pour ne pas perdre leur truc. Donc on a
04:45eu des vols pour nulle part et des vols à vide. C'est quand même étonnant. Et après, on dit,
04:49ah, il faut éviter de prendre l'avion et il ne faut pas que les médecins aillent au congrès en avion.
04:53Certes. Et puis, j'ai un troisième thème que j'aime bien. Moi, c'est la lutte contre le tabagisme.
04:58Alors évidemment, l'écologie, le tabac, on voit bien. Je veux juste faire un petit point sur les
05:03mégots, parce que les mégots, c'est l'OMS qui le dit. On en a quand même 4,5 milliards par an de
05:10mégots qui se retrouvent en grande partie dans la mer. Ce n'est pas terrible. Mais alors, il y a
05:14mieux qui arrive. Ce sont les mégots des cigarettes électroniques jetables qui viennent d'apparaître.
05:19Cigarettes électroniques au goût enfant pour qu'ils commencent tôt à apprécier les vapeurs au goût
05:26coca, fruits et menthe. C'est formidable. Et moi, ce qui m'intéresse là-dedans, mais c'est un vrai
05:32sujet, c'est que le nouveau président de Philippe Maurice déclare dans son compte Linkedin qu'après
05:37ses études de médecine à Toulouse, il a travaillé pendant 28 ans dans l'industrie pharmaceutique.
05:42Je trouve que j'espère qu'il était en charge des médicaments anticancéreux. Ça serait une
05:47forme de logique dans son parcours. Mais voilà, je trouve qu'il y a des sujets comme ça un peu
05:52étonnants. Et puis, le dernier point, pareil, pour polémiquer un peu, c'est je suis d'accord sur le
05:59fait que la canicule, c'est pas bon pour les sujets âgés et qu'il faudrait peut être climatiser les
06:04EHPAD. Là aussi, il y aurait une empreinte carbone, je l'entends. Et on pourrait dire oui, mais c'est
06:08la survie des personnes très âgées. Donc, je ne sais pas quelle est la réponse. Et là aussi,
06:15quand on se dit ça, on se dit tiens, c'est quand même bizarre. Au Qatar, les rues sont climatisées.
06:21Au Qatar, les rues sont climatisées. C'est l'ouvert. Il fait 52. C'est formidable. Le Qatar, c'est loin.
06:26Puis, on a déjà parlé pour le foot. En France, vous savez que les supermarchés, il y a des
06:31supermarchés qui ont des rayons frais sans porte pour climatiser l'ensemble du magasin. C'est quand
06:37même bien absurde aussi ça. Donc, effectivement, ça climatise le supermarché, mais pas à moindre
06:42coût. Donc, tout ça pour vous dire que ces quelques aberrations et il y en a quelques autres, prouvent
06:47que l'écologie n'est pas encore tout à fait en bonne santé. Merci Hervé. Hervé vient d'évoquer
06:53plusieurs aberrations écologiques. Selon vous, quelles sont les principales erreurs dans la
06:59gestion des ressources et des pratiques écologiques au sein du secteur de la santé ? Alors, je trouve
07:05l'édito d'Hervé Bonneau très intéressant parce qu'il illustre bien un des axes de la gestion de
07:13cette transition écologique, de la lutte contre les émissions de CO2 liées à la santé, c'est-à-dire
07:17tout l'axe que j'appellerai conjonctural de la vie courante dans la santé. Il y a 2 millions de
07:21personnes qui travaillent dans la santé, il y a 68 millions de Français qui sont concernés par la
07:25consommation de santé. Donc, les comportements individuels et toutes les aberrations qui vont
07:29avec, sont parties prenantes de cette lutte et qui ne dénoncent pas véritablement dans la politique
07:36de santé. Quelle part est-ce qu'elle a dans ce qu'on met dans l'émission des CO2 dans la santé ?
07:44Ça serait intéressant de le voir. Je vous prends un exemple qui n'a rien à voir, mais qui illustre
07:47ça, qui sont sur les arrêts de travail, les indemnités journalières. On sait qu'il y a un tiers
07:52lié à des facteurs conjoncturels, d'abus, de mauvaises prescriptions, etc. Et puis deux tiers
07:59liés à des facteurs structurels, de vieillissement de la population, de montée en puissance des ALD,
08:04etc. Donc ça, ça illustre parfaitement et c'est important qu'il faut le prendre. En revanche,
08:10il y a ces deux tiers dont je parle de facteurs structurels qu'il faut considérer, dont les
08:15études montrent qu'on est à peu près à une cinquantaine de millions d'équivalents de CO2 de
08:20gaz et que 50% viendraient de la production et de la distribution de produits de santé, médicaments
08:26ou dispositifs médicaux, et une partie substantielle du transport utilisé dans la chose. Et pour
08:33conclure sur cette introduction, moi ce qui m'importe, c'est comment est-ce qu'on fait le
08:39shift du modèle ancien, en cours encore, ultraconsommateur de produits et services de
08:46santé qui ne se préoccupe pas du maintien en bonne santé mais qui est centré sur le curatif et
08:50plutôt l'hospitalier, c'est-à-dire le plus émetteur ou le plus grave à la fois pour le risque et pour
08:57l'émission. Où est-ce qu'on fait le shift vers un modèle de santé globale et de santé publique ?
09:01Donc quoi qu'il arrive, et c'est la bonne nouvelle, c'est que pour gérer toutes les transitions,
09:07je rappelle qu'il y en a trois plus une avec la transition écologique, la transition démographique,
09:10la transition épidémiologique et la transition technologique, il faut faire le shift vers un
09:14nouveau modèle de santé globale, c'est-à-dire vers plus de sobriété en matière de consommation
09:20énergétique du système de santé. Hélène Baptiste, une petite réaction avant de passer au débat ?
09:24Oui effectivement, on a parlé de beaucoup d'aberrations qui existent, il y en a aussi dans le
09:28système de santé, et ça Hélène vous pourrez en parler mieux que moi, mais il y a une surprescription
09:33d'un certain nombre de médicaments, par exemple les inhibiteurs de pompe à protons, c'est assez
09:37documenté, ou les psychotropes pour les personnes âgées, on sait qu'il y a des aberrations, et après il y a
09:42aussi d'autres aberrations qui ne sont pas du système de santé, pour lesquelles des fois on ne peut pas
09:45faire grand-chose. Après je tiens à rappeler que c'est pas une excuse pour ne pas agir, parce que
09:51chaque dixième de degré qu'on va réussir à obtenir peut compter dans un arrangement climatique qui a
09:55des effets exponentiels. Oui tout à fait, en tout cas ce que tu as abordé Hervé, c'était
10:02vraiment l'incohérence qu'il peut y avoir, et cette incohérence elle va être prise aussi par un bon
10:08nombre de personnes qui vont dire pourquoi moi je vais agir à mon niveau, sur ma santé personnelle,
10:14alors même que justement il va se passer d'autres choses des fois à l'autre bout de la planète.
10:18Et puis moi ce que je vois aussi c'est qu'il y a une histoire de temps qui passe qui n'est pas le
10:24même. Quand on va parler d'environnement, et vous avez parlé de prévention, on est sur des temps qui
10:30sont très longs. Quand les personnes sont malades, justement un stade plutôt curatif, ce qu'elles
10:35vont vouloir c'est une action rapide, et déjà on va pas parler du tout du même sujet. Donc s'investir
10:40sur un temps qui est long pour avoir des résultats qui va concerner certainement les générations
10:43futures, n'est pas du tout du coup pris par les mêmes enjeux pour la personne, même au niveau de
10:50ses peurs, sur ce qu'elle va devoir mettre en place rapidement pour se soigner quand elle est
10:54déjà malade. Et ça c'est ce qui fait que c'est toute la complexité du sujet, c'est agir sur le
10:59long terme tout en préservant en fait l'angoisse que la personne pourrait avoir quand elle a vraiment
11:03un examen à faire de manière assez immédiate. Ou là pour le coup lui dire attends ça va être pas
11:09forcément écologique d'aller très loin pour voir un médecin, tu pourrais attendre deux trois jours
11:13de plus pour aller à côté de chez toi, quand la personne n'est pas bien on va la pousser dans ses
11:17retranchements, être vraiment un peu en mode survie. Et là la partie environnementale, écologique,
11:22empreinte carbone va être très très compliquée à aborder. D'où le fait que pour moi la prévention,
11:27l'éducation, la formation en amont va être vraiment peut-être le plus gros des leviers.
11:31Et être patient, malheureusement être très patient pour voir les résultats.
11:36Mais le dernier point, il est fondamental, c'est ce qu'on appelle la tragédie des horizons en
11:42économie, c'est-à-dire qu'il faut changer le point de mire du court vers le long terme. Sinon vous
11:46pouvez pas vous lancer dans le moindre projet qui permet à la fois de restructurer le système,
11:51parce que je rappelle qu'il y a le débat c'est est-ce que le conjoncturel, l'action sur le
11:54conjoncturel suffit ? Comme le ministre, notre ministre de la transition écologique l'a cru au
11:59début de son mandat en 2022, il a dit je vais faire de l'écologie du quotidien. Et c'est un
12:03débat. Avant qu'ils s'aperçoivent que non si on voulait faire la transition écologique, il faut
12:09changer les modes de production, les modes de consommation. Donc il faut faire du structurel.
12:13En santé c'est pareil. Et juste un point, c'est pas que la prévention c'est un changement de
12:16paradigme en matière de gestion de stratégie de risque. Il faut agir le plus tôt possible avant
12:21et pas attendre que le risque soit exprimé. C'est vrai pour tous les risques sociaux.
12:25On passe au débat.
12:31Et on entre dans le vif du sujet. Quel est l'impact du secteur de la santé ? Comment
12:36pouvons-nous réduire sa part ? Et puis soyons optimistes. Quelles initiatives ont déjà été
12:42mises en œuvre et montrent des résultats concrets ? C'est parti pour 30 minutes de discussion.
12:48Baptiste, j'aimerais commencer avec vous pour bien comprendre quelles sont les principales
12:52sources d'émissions de CO2 dans le secteur de la santé. Alors le secteur de la santé,
12:57c'est 50 millions de tonnes de CO2 qui sont émises chaque année. Alors un million de tonnes de CO2,
13:02ça ne vous dit pas forcément grand chose. Mais 50 millions de tonnes de CO2, c'est à peu près 8%
13:06des émissions françaises. C'est à peu près deux fois l'impact de la filière du textile en France,
13:11y compris le textile qui est importé. C'est à peu près deux fois l'impact de la filière du
13:14ciment béton en France, qui est elle-même extrêmement émettrice. Donc c'est assez très
13:19significatif, on ne peut pas passer à côté. Après, si on regarde plus en détail ces émissions-là,
13:23il y a à peu près la moitié qui viennent des médicaments, des dispositifs médicaux. On
13:27pourrait en parler plus en détail si vous voulez. Il y a aussi une grosse part qui est liée au
13:30transport. Par exemple, si on parle juste du transport des personnes qui se rendent dans les
13:33pharmacies pour aller chercher leurs médicaments, c'est à peu près 4 milliards de kilomètres
13:37parcourus par an, donc 100 000 fois le tour de la Terre accumulé. Il y a beaucoup d'alimentations
13:41qui sont servies dans les différents établissements. Il y a deux milliards de repas
13:44à vie chaque année. Et enfin, il y a beaucoup de surfaces. Par exemple, si on met à plat toutes
13:48les surfaces des hôpitaux en France, c'est 45 millions de mètres carrés. C'est à peu près
13:51autant que la ville de Lyon. Donc ces surfaces-là, il faut les construire, il faut les chauffer.
13:55Donc c'est beaucoup d'activités qui émettent beaucoup de CO2.
13:59Hélène, on a une idée du côté des pharmacies, de ce que ça représente,
14:04qu'il y a sur le terrain.
14:05Eh bien, pas du tout. Justement, c'est extrêmement compliqué. Il y a quelques pharmacies qui ont fait
14:09des bilans carbone, mais qui vont se baser essentiellement sur leur propre consommation
14:14énergétique du bâtiment. Encore que souvent, les pharmaciens ne sont pas propriétaires des murs.
14:20Donc c'est déjà complexe à mettre des choses en place, ou en tout cas, les actions seront assez
14:24minimes. Notre gros sujet en pharmacie est vraiment, on va dire, l'empreinte due par les
14:31médicaments qu'on délivre, quand en tout cas on en a, puisque le reste est assez limité.
14:36On va être sur le tri des déchets, la collecte, les médicaments non utilisés.
14:41Mais ça, c'est relativement bien déployé. On est sur des résultats qui sont assez importants
14:46au niveau du cyclamède. On a quand même une grosse majorité des Français qui vont régulièrement
14:52en pharmacie faire le tri et d'ailleurs faire un tri qui est de mieux en mieux fait.
14:57Mais là, tout à l'heure, quand on parlait des médicaments et leur production, en tout cas,
15:03d'empreintes carbone, c'est aussi rassurant pour un pays qui, justement, soigne ses habitants.
15:09On pourrait aussi ne pas avoir d'empreinte parce qu'on ne fait rien du tout. Donc c'est ça qui n'est
15:15pas forcément aussi évident à évaluer. C'est de se dire, ok, l'empreinte est importante,
15:19mais est-ce qu'elle est importante et elle est bien utilisée ? Et dans ce cas-là, c'est assez
15:23logique d'avoir une proportion qui n'est pas anodine. Ou est-ce que l'empreinte est là,
15:28mais elle n'est pas du tout délivrée au bon endroit ? En tout cas, mise sur la bonne personne
15:34ou le bon patient au bon moment avec le bon médicament. Donc pour moi, au niveau de la
15:38pharmacie, on est loin du compte. L'envie est là. C'est extrêmement compliqué parce que c'est un
15:43travail qui va être extrêmement collaboratif puisque les médicaments, nous les délivrons,
15:47mais nous ne les fabriquons pas. Et tant qu'on n'a pas justement ce regard sur cet écoscore qui va
15:54certainement sortir et qui est en cours de travail, on va avoir du mal à vraiment fixer un
15:59cap et avoir une politique d'achat qui va être plus responsable. Et Frédéric, quels sont les
16:04principaux freins à la mise en œuvre de stratégies de réduction des émissions ? Il y a des freins qui
16:09sont propres aux freins qu'on rencontre dans toutes les mesures prises sur la vie courante
16:14pour changer le comportement des gens. Et ce qui est intéressant dans les données de Chiffre
16:19Project, c'est que vous avez vraiment deux composantes à différencier. C'est encore une
16:23fois une composante qui est propre au système de santé, liée à la production et à la distribution
16:27des produits de santé. Il y en a plein d'autres liées au service, parce que je rappelle qu'il y a
16:31à peu près peut-être, je ne sais pas, un million de personnes qui vont dans les pharmacies tous les
16:35jours. Il y en a 500 000 qui vont dans les laboratoires de biologie médicaux. Il y en a
16:38deux millions par jour qui vont dans les cabinets médicaux. Donc on peut transposer ce calcul des
16:44transports qui sont des millions de kilomètres par jour à l'ensemble de l'activité de santé. Mais ça,
16:51c'est extérieur au système de santé. C'est-à-dire que si les gens y vont avec des véhicules électriques,
16:54c'est pas la même chose. Tout dépend de comment est-ce qu'on produit l'électricité. Mais c'est
16:59pas la même chose que si les gens y vont avec des véhicules qui ne sont pas électriques. Donc ça,
17:02c'est un point. Mais encore une fois, on voit bien qu'il y a des actions de court terme, des actions
17:07sur la vie courante à mener en permanence, à la fois dans les changements de comportement, dans
17:11les changements de type de transport. Mais encore une fois, tant qu'on ne sera pas convaincu
17:16qu'il y a un changement structurel au cœur du système de santé pour essayer de minimiser ses
17:22consommations, parce que je rappelle qu'en économie de la santé, c'est comme pour l'électricité.
17:27En fait, la meilleure économie, c'est en économisant les soins dont on n'a pas besoin parce qu'on
17:32reste en bonne santé, comme pour l'électricité où la meilleure économie, c'est en réduisant sa
17:36consommation. Il y a une marge de progression importante. Puisque le médicament ou le produit
17:41de santé est au cœur de la production de CO2, regardons comment est-ce qu'on peut réduire
17:47cette consommation par une meilleure santé. Parce que je rappelle qu'aujourd'hui, on est sur des
17:52rythmes de 7 à 8% de hausse de volume de la consommation de médicaments. Et ce n'est pas
17:57de l'agapgie ou de l'abus. Il y en a toujours, de tout temps, il y a eu de l'agapgie et de l'abus.
18:01C'est parce qu'on est une explosion des pathologies chroniques. Et quand vous regardez... Et parce
18:05qu'il y a un vieillissement historique de la population. Je rappelle que les plus de 75 ans
18:10vont passer de 6 millions en 2020 à 12 millions, j'arrondis au million près, vous m'en excuserez,
18:16en 2050. On n'a jamais vu ça. C'est un doublement. Donc, si on ne fait rien ou si on fait trop peu sur
18:23le changement de la stratégie de santé, on va vers une forte hausse de l'émission de consommation de
18:31CO2. De l'émission, pardon, d'émission de CO2. Toute chose étant égale par ailleurs. C'est
18:36mécanique. Mathis, vous pouvez réagir ? Effectivement, en fait, nous, on a aussi calculé, en plus de
18:42l'empreinte carbone, une évolution potentielle de ces émissions-là. Et ce dont on s'est aperçus, c'est
18:47qu'on n'arrivait pas à atteindre l'objectif des accords de Paris de moins 80% des émissions. Et
18:51donc, on n'est pas si loin que ça, mais on n'y arrive pas. Et donc, ce qu'il faut, c'est un
18:55changement structurel avec une demande de soins qui diminue et passer d'un système de soins qui
19:00est curatif à un système de soins préventif. Et donc là, ça demande effectivement un changement
19:04de mentalité. On l'a vu avec un changement de perception aussi du système de santé par les
19:09personnes prises en charge. Des formations qui sont différentes pour les professionnels. Et
19:13effectivement, un changement d'organisation. Est-ce que le secteur de la santé est en retard
19:17sur les questions environnementales ? Oui et non. En fait, il commence à prendre conscience de son
19:24impact. Il est en retard sur quelques secteurs, par exemple celui de la mobilité. Il est en retard
19:29par rapport à d'autres pays du monde. Il n'est pas si en retard que ça. On est un peu en retard par
19:34rapport au Royaume-Uni qui a mis en place beaucoup d'actions. Mais on a ses précurseurs par rapport
19:39à d'autres pays dans le monde. On peut quand même s'inspirer d'autres actions qui ont... D'autres
19:44pays, par exemple le Canada, qui ont mis en place beaucoup d'actions de promotion de la santé au
19:48cœur de leur système de santé. On peut s'inspirer des pays nordiques, par exemple, qui prescrivent
19:53beaucoup moins certains médicaments. Par exemple, les benzodiazepines qui ont mis en place plusieurs
19:57actions. Voilà, on peut s'inspirer de beaucoup d'actions. On n'est pas si en retard que ça. Mais
20:02voilà, comme tous les secteurs, pour l'instant, on n'y arrive pas. Et pour rentrer encore plus dans
20:07le concret, quels sont les champs d'action des établissements de santé pour diminuer leur
20:13impact ? Quelles sont les priorités ? D'abord, si je peux reprendre un point, on est très en retard
20:19sur le shift stratégique, sur le changement de modèle de santé. Moi, j'ai créé l'Institut
20:26Santé en 2018 pour ça, parce qu'il faut un travail d'intelligence collective. C'est compliqué. Il
20:31faut faire du transpartisan parce qu'il faut arriver à trouver un compromis, un point d'équilibre
20:35entre les points de vue et les sensibilités entre les secteurs publics, les secteurs privés, etc.
20:39Donc, il faut essayer d'aligner un peu les intérêts aussi des acteurs si on veut arriver à faire ce
20:45changement, qui comprend un changement de la gouvernance. Si on veut faire de la santé publique,
20:48on ne fait pas de santé publique en France. On ne fait que du soin individuel. On s'occupe des
20:51individus quand ils sont malades et puis on les soigne à un moment dans les hôpitaux, à un moment
20:55en ville, à un moment à domicile, à un moment dans les EHPAD. Mais il n'y a aucune continuité,
20:59aucune logique globale, il n'y a aucun objectif de santé publique en France. Bien savoir. On pilote
21:04330 milliards de dépenses par an sans aucun plan stratégique. Donc, on est très en retard de ce
21:11point de vue-là. Le contenu du dernier livre de l'Institut Santé explique tout ce qu'il faut
21:19faire. Donc, on est un peu... parce qu'encore une fois, quand on dit qu'il y a besoin de réformes,
21:23il faut essayer de proposer des solutions. Est-ce que les établissements de santé sont en
21:27retard ? Sur le plan technique, je laisserai Chiffrejet qui dit qu'on est en retard, mais
21:32que comme pour les autres secteurs, il y a des pays avant-gardistes. Mais en fait, tous les pays
21:38sont plutôt en retard. Pourquoi ? Parce que les établissements, ils ont été poncés il y a 50 ans,
21:43il y a 30 ans. Ce qui pourrait être un marqueur intéressant, c'est de voir si les hôpitaux en
21:51construction, l'hôpital Nord Paris à Nantes, nouveau CHU, sont performants en matière de
21:58gestion des émissions du CO2. Personnellement, je n'en sais rien, je n'ai pas la compétence pour le
22:03juger. En revanche, là où on est en retard, c'est sur la modernisation de nos lieux de soins. Quand
22:09vous regardez le retard dans la digitalisation, malgré les moyens qui sont mis, mais ce n'est pas
22:15parce qu'on manque de ressources, c'est qu'on manque d'une prise de conscience que c'est
22:21prioritaire, si vous voulez. Le retard dans l'usage de l'intelligence artificielle qui permet de faire
22:26des économies un peu dans les ressources de l'utilisation du DG, de mieux utiliser les
22:30ressources. Bon, alors ça, c'est la mauvaise nouvelle. Je pense que la bonne nouvelle, c'est
22:35que si on arrive à faire cette évolution stratégique du système de santé, comme souvent la France part
22:42un peu avec du retard, mais on a des ressources formidables sur le plan humain, technologique et
22:47financier pour rattraper notre retard une fois qu'on en a fait. Donc je crois qu'on est un peu
22:52dans le dur, mais je suis assez optimiste sur le moyen-long terme. Sur le court terme, on est
22:56un peu dans le dur. Vous êtes d'accord avec ça, Baptiste ? Mise à part quelques réserves sur l'intelligence artificielle,
23:02effectivement, en fait, on est en retard. Globalement, tous les pays sont en retard, tous les secteurs le
23:07sont. Après, là où on a bien réussi beaucoup d'avancées, c'est dans la prise de conscience. Ça, pour le
23:12coup, tous les acteurs sont conscients qu'il y a des impacts qui sont très significatifs. Après, on
23:18n'observe pas encore de changements qui sont systématiques. Pour l'instant, on n'observe pas ça.
23:22Et Hélène, du côté des fermes, oui ? Et juste vos réserves sur l'intelligence artificielle, vous pouvez les préciser ?
23:26Alors, ça a souvent tendance à créer des nouveaux besoins plutôt que répondre aux besoins actuels.
23:33En tout cas, ça dépend. Donc on émet des réserves parce qu'il faut réfléchir à l'usage que ça peut
23:37avoir avant de chercher, de faire des choses avec l'intelligence artificielle pour faire des choses
23:42avec l'IA. Et puis, il y a aussi un impact environnemental de l'IA elle-même qui utilise des serveurs qui
23:48consomment beaucoup d'énergie sur tout un tas d'infrastructures. Alors effectivement, des fois,
23:53ça permet d'optimiser des chaînes logistiques. Ça, j'en doute pas que ça a des impacts qui peuvent être forts, mais ça a aussi un impact.
24:02Il faut réfléchir sur l'usage qu'on veut en avoir. Et du côté des pharmacies, Hélène ?
24:06Alors, il y en a pas mal en cours, évidemment. Après, pour aussi revenir pourquoi éventuellement il y a un retard plus ou moins important
24:15suivant la perception, c'est que la santé est quand même très différente des autres sujets. La santé, ça nous touche vraiment dans notre corps.
24:22Personnellement, pas du tout de la même manière que le transport, qu'on a pu en parler. Et souvent, quand d'ailleurs on célèbre la fin de l'année,
24:29on va dire pour l'année prochaine, surtout la santé. Donc évidemment, on ne peut pas le traiter de la même manière.
24:35Il est beaucoup plus complexe. Il va faire appel à énormément de craintes et de peurs quand, justement, nous, on est touché par la maladie
24:42ou par nos proches. C'est ce qui fait qu'on ne va pas, peut-être, pouvoir traiter ce sujet de la même manière qu'en effet, un bâtiment où on va poser
24:51des actions assez concrètes et factuelles. Là, on va être dans l'émotion. Comment on fait, justement, pour accompagner un patient au niveau
24:57de la pharmacie ? Justement, peut-être réduire sa consommation de médicaments quand, face à cela, on est en pénurie. On est les premiers, des fois,
25:06à dire « gardez de l'avance parce que peut-être que le mois prochain, ce médicament ne l'a pas pour vous ». Donc c'est toujours, en fait, on est tiraillé,
25:15on va dire, des deux côtés, de se dire « en même temps, on va essayer de raisonner la consommation ». Mais en même temps, on a aussi des craintes
25:22que la personne manque par la suite. Et ça, c'est quelque chose qu'on n'avait pas auparavant. Et au niveau des pharmacies, clairement, même s'il y en a qui ont envie
25:30de mettre des actions en place, on se retrouve confronté, comme dans d'autres secteurs d'activité, à une pénurie de personnel, à aussi parfois des compétences
25:38qui ne sont pas forcément là pour tous et qu'il va falloir continuer à faire du développement, en tout cas de formation continue sur des anciens sujets,
25:48mais aussi sur des nouveaux. Tout ça, ça demande du temps, ça demande de l'engagement. On a aussi des équipes qui sont épuisées par rapport au Covid,
25:54qui nous l'avaguent, qui arrivent aussi bien plus tard, au niveau des pharmaciens qui ont fait un burn-out un peu en décalé par rapport aux équipes qui sont plutôt salariées.
26:03Et ça, c'est quelque chose qui va te demander, en tout cas aux officinaux, en tout cas, c'est le domaine que je connais le mieux, un effort supplémentaire à faire,
26:13alors même que des efforts, ils en ont fait ailleurs. Donc, c'est extrêmement compliqué de continuer à offrir du service supplémentaire, à être là pour les patients,
26:22tout en sachant qu'en plus, maintenant, il va falloir penser en mode un peu plus global, c'est-à-dire à l'environnement, à la planète.
26:28Et ça, ce n'est pas du tout les mêmes façons d'appréhender le sujet. Donc, rien que pour ça, je pense qu'il faut aussi un accompagnement des personnes sur ce dire
26:36qu'est-ce que la personne, elle, est prête à faire à son niveau. Ça peut être juste sélectionner, en tout cas, des producteurs, des fournisseurs avec une politique d'achat plus raisonnée.
26:47Ça peut être collaborer avec, on va dire, avec les CPTS, tous les acteurs qui sont sur le territoire.
26:54Ça peut être avec, on va dire, une qualité qui va être un peu plus poussée avec les normes ISO pour aller un petit peu plus loin et être plus juste, en tout cas, dans la délivrance et dans l'accompagnement.
27:06Mais on ne pourra pas demander tout à tout le monde. Donc, c'est pour moi aussi une stratégie qui va passer par le choix de ce qu'on peut faire, ce qu'on est capable de faire
27:14et sans porter aussi un jugement sur les personnes qui ne seront pas capables d'aller jusqu'au bout.
27:19Oui, dans cette réflexion sur le choix, on va juste revenir sur l'intelligence artificielle parce que c'est quand même un sujet important,
27:25parce qu'à force d'avoir dit qu'il fallait, et pourtant, on est dans un environnement ici où ce sont les nouvelles technologies qui sont portées haute.
27:32Mais juste faire attention, moi, je suis le premier à dire que la télémédecine n'a pas à remplacer, à être mise là où il n'y a pas de médecins, n'a pas à remplacer les médecins,
27:39mais à armer, à augmenter la capacité des professionnels de santé pour pouvoir soigner.
27:44Si déjà, il faut être sur la bonne ligne.
27:47J'ai bien conscience des limites de l'intelligence artificielle. Il faut les connaître.
27:50En revanche, je pense qu'il y a une réflexion par rapport à la transition écologique sur le coût bénéfice.
27:56C'est-à-dire que oui, il y a un coût supplémentaire probablement à l'usage de l'intelligence artificielle.
28:00Mais si les bénéfices sont beaucoup plus importants dans l'économie de soins, par exemple, dans les dépistages, par exemple, dans la consommation de médicaments,
28:08où vous avez des milliards de données à gérer, que l'intelligence artificielle, avec un algorithme performant, peut vous aider à gérer et donc à optimiser les consommations
28:18à la fois de médicaments, à la fois de tests de dépistage.
28:21Et donc, à partir de là, je pense, sans être un expert d'intelligence artificielle, donc j'y mets toutes les réserves techniques,
28:28qu'il y a probablement une phase d'investissement dans l'intelligence artificielle qui peut être un peu coûteuse en émissions de CO2,
28:34mais qui, demain, peut nous rapporter énormément d'économies en matière de santé et probablement en matière d'émissions de CO2.
28:42Donc voilà, il faut faire de la pédagogie et pas... Parce qu'il y a des craintes naturelles chez les citoyens, qu'ils soient soignants ou soignés,
28:50à un moment donné qu'il ne faut pas trop entretenir en matière de développement des nouvelles technologies.
28:54La France a un retard qui me paraît injustifiable en matière de digitalisation et d'utilisation des nouvelles technologies.
29:02Et chez Folex, ce sont des choses que vous anticipez, l'éventuel impact d'une digitalisation ?
29:08Alors, effectivement, ça va dépendre des usages.
29:13On sait qu'une téléconsultation va émettre moins qu'une consultation en présentiel chez un médecin parce que ça va diminuer l'impact des transports.
29:22Donc, effectivement, il faut faire systématiser l'étude de la comparaison du coût et du bénéfice.
29:28Effectivement, si on sait qu'il va y avoir un gros bénéfice, dans ces cas-là, go, on peut y aller.
29:32Après, effectivement, cette réflexion-là, on peut l'avoir sur tous les sujets.
29:36C'est aussi le cas sur les politiques de prévention.
29:39Les politiques de prévention ont un coût sur l'environnement.
29:41Par exemple, un vaccin, une campagne de vaccination, ça a un impact, il faut fabriquer le vaccin.
29:45Mais ça va avoir des bénéfices parce que les personnes vont moins tomber malades.
29:49C'est quelque chose qu'il faut systématiser.
29:50On sait le faire, les calculs coût-bénéfice, c'est quelque chose qu'on sait faire en santé.
29:54Et donc, effectivement, il faut avoir une réflexion là-dessus.
29:57Mais d'où l'intérêt d'intégrer ce qu'a fait le Chief Project, qui a fait intéressant,
30:03d'intégrer le... parce qu'il faut se mettre un point de mire de moyen-long terme pour avoir un raisonnement comme ça.
30:09Et donc, il faut intégrer sur le moyen-long terme l'empreinte carbone.
30:12Donc, je pense que cette empreinte carbone ne doit pas être intégrée à court terme en disant
30:15l'intelligence artificielle va nous faire augmenter, c'est sûr.
30:18Mais cette réflexion coût-bénéfice sur le long terme, intégrant l'empreinte carbone,
30:23me paraît faisable et intéressante.
30:25Et plus globalement, on parle de l'intelligence artificielle,
30:27mais quel rôle jouent les technologies dans la réduction des émissions de carbone au sein de la santé ?
30:33Moi, je pense que c'est par l'innovation technologique qu'on trouvera la solution.
30:37Mais dans l'innovation technologique, je mets des matières premières qui soient moins polluantes.
30:44Donc ça, je pense qu'il n'y a aucun doute.
30:46Mais parce qu'on n'arrêtera pas de produire, on n'arrêtera pas de consommer.
30:51En revanche, il y a l'innovation technologique, mais il y a aussi les changements de comportement.
30:55On parlait dans le brillant édito de notre éditorialiste des aberrations en matière de consommateurs.
31:03Il est évident que si les 8 milliards ou les quelques milliards qui sont responsables le plus de cette consommation
31:10ont demain un comportement qui est beaucoup plus rationnel et qui intègre cette empreinte carbone,
31:17ça, c'est une deuxième composante qui est indispensable.
31:21Donc moi, je crois que ce soit en économie ou dans la gestion de la transition écologique.
31:26Seul ce qu'on appelle le policy mix n'importe.
31:28Il ne faut pas croire qu'il y a simplement un levier qu'il faut activer sur lequel il faut être ultra performant.
31:34Il n'y en a pas 36, mais il y a en général 4 ou 5 leviers
31:39qu'il faut activer en même temps et sur lesquels il faut être le plus en plus performant.
31:43Donc, je pense que c'est le cas.
31:44Donc, il y a les innovations technologiques.
31:47C'est par là qu'on arrivera sous réserve qu'elles soient disponibles aussi pour les pays à revenus faibles et moyens.
31:53C'est un autre enjeu.
31:53Vous parlez des vaccins tout à l'heure.
31:55Si les vaccins étaient autant disponibles dans les pays pauvres que dans les pays riches,
32:00on aurait moins de problèmes de santé publique et donc probablement aussi un impact sur l'empreinte carbone.
32:05Donc, évidemment, ça, c'est un enjeu.
32:06S'il y a une consommation qui est imprimée dans l'esprit d'une majorité des gens vers une consommation responsable sur le plan CO2, etc.
32:14et changement des modes de production.
32:17Et votre avis sur les nouvelles technologies plus globalement ?
32:19Alors, en fait, quand on parle de décarbonation, il y a deux types de leviers.
32:23Soit on baisse l'intensité carbone d'une activité, donc à quel point l'activité va mettre du CO2.
32:29Et c'est là qu'on va intervenir les innovations technologiques parce que dans certains cas,
32:31elles peuvent permettre que la production mette moins de CO2 ou que le transport mette moins de CO2.
32:37La seconde manière, c'est de baisser le volume de l'activité.
32:40Et là, il faut jouer sur la sobriété, jouer sur ce qu'on appelle le juste soin dans la santé pour être plus pertinent dans les perspectives, etc.
32:48Ce qu'on a montré, c'est qu'en fait, on ne peut pas arriver avec uniquement une baisse de l'intensité carbone,
32:54au moins 40% de CO2 de l'accord de Paris d'ici 2050.
32:57Donc, il faut jouer sur les deux types de leviers, à la fois jouer sur l'intensité carbone et donc sur les technologies,
33:03et à la fois jouer sur l'usage du système de santé et jouer sur une plus grande sobriété des soins.
33:10Ça ne veut pas dire diminuer la qualité du système de santé.
33:13Ça veut dire avoir un système de santé qui est plus pertinent, qui va répondre de manière plus pertinente aux demandes des personnes prises en charge.
33:19Par rapport aux technologies, en effet, c'est un énorme sujet.
33:23Évidemment, on va gagner beaucoup de temps et pour moi, ça va être surtout sur les ressources humaines qu'il va falloir ensuite justement réengager ce temps gagné.
33:33Mais ce que moi, j'observe aussi, c'est qu'on a aussi énormément de limites par rapport au RGPD.
33:39On est sur des données de santé, des données sensibles qui sont quasiment impossibles à anonymiser, donc qui vont être pseudonymisées.
33:47On a un règlement qui est très bien fait, mais qui est contraignant et qui nous donne des limites.
33:55Il y aurait forcément énormément de data qui permettrait d'économiser des coûts et d'aller un peu plus loin justement dans cette réduction d'empreintes carbone,
34:06mais à tous les niveaux, que ce soit dans la production, dans l'acheminement, dans le transport.
34:10Mais très vite, on va aussi toucher à des systèmes qui peuvent contenir les données patients.
34:15Et en tout cas, en officine, ce qu'on voit, c'est qu'il y a des acteurs qui commencent à intervenir sur des sujets en disant
34:20« ben voilà, on va vous accompagner, vous allez gagner du temps, vous allez peut-être du coup pouvoir être plus proche en tout cas de vos patients
34:27pour faire tout ce travail-là de juste équilibre dans la prescription et la délivrance.
34:33Mais si c'est pour ensuite faire n'importe quoi et mettre en danger les données des patients et du coup, être non conforme, ça aussi soulève d'autres problématiques.
34:43Et ça, c'est toujours un travail qui est compliqué de juste équilibre.
34:46C'est à la fois gagner en performance, gagner en innovation, mais ne pas oublier qu'on est sur des données qui ne sont pas du tout les mêmes que d'autres sujets.
34:54On a quand même des pathologies où les personnes, des fois, ne veulent pas donner leur carte vitale déjà.
35:00Pourquoi ? Parce que quand elles ont une épilepsie, en tout cas, elles ne veulent pas que ce soit assu.
35:06Alors bon, forcément, ça peut s'avoir autrement, mais il y a des personnes qui ne souhaitent pas avoir de traces.
35:12Donc même dans ce cadre-là, c'est-à-dire qu'en dématérialisant la carte vitale ou d'autres éléments,
35:17on risque de faire un rejet de certains patients qui, par leur pathologie, vont avoir des problèmes par la suite d'emprunt bancaire, d'assurance, etc.
35:30Et ceux-là, on ne peut pas les oublier parce que leur santé est également importante.
35:35Donc en fait, à chaque fois, on va trouver des petits cas particuliers et c'est ce qui fait qu'il va falloir tous travailler ensemble
35:40parce que ces cas-là, si on n'est pas au quotidien des patients, on n'y pense pas parce qu'on ne l'a pas vécu.
35:46Mais il y en a énormément et la donnée patient en tant que pharmacien, on est responsable de traitement.
35:50Donc, on doit gagner, en effet, avec ces outils-là d'innovation et on en a plein.
35:54Et en effet, c'est génial, la téléexpertise, la téléconsultation.
35:59Mais attention dans quel cadre c'est fait et qu'est-ce qu'on respecte le patient, même ne serait-ce dans sa dignité de malade.
36:07Juste un petit mot, je rappelle que la technologie ne transforme pas les modèles à l'échelle systémique,
36:12que ce soit des modèles de protection sociale, des modèles de santé ou des modèles économiques sur le plan national.
36:18Ce qu'on appelle le paradoxe de Solow, c'est-à-dire que dans les années 80,
36:22on avait observé que l'informatisation des entreprises n'avait pas, dans un premier temps, apporté plus de gains de productivité
36:27parce qu'il fallait que les entreprises se transforment pour s'adapter au nouvel environnement.
36:32On voit bien que là, malgré la présence extraordinaire des technologies de l'information, notre système de santé périclite.
36:38Donc si c'était l'innovation technologique qui permettait un système de santé performant,
36:43on aurait un système de santé formidablement performant.
36:45Mais c'est parce que notre système de santé n'a pas été adapté à son environnement, cette triple transition,
36:51que notre système périclite, malgré la présence de technologies formidables.
36:55Et on doit être perplexe, étonné, j'imagine, quand on voit l'état d'un hôpital public aujourd'hui
37:01par rapport à il y a 20 ans, malgré la formidable ressource technologique.
37:06Donc, de toute façon, la technologie viendra en levier, optimiser notre système de santé quand on aura transformé notre système de santé.
37:13C'est pour ça qu'encore une fois, on peut être optimiste à moyen et long terme.
37:16Mais on peut faire un parallèle avec, par exemple, la production automobile.
37:20On voit bien, et là, c'est vraiment à l'échelle d'un écosystème global,
37:23le shift complet vers 100% de voitures électriques en 2035 a cassé une forme de modèle.
37:31Parce qu'on voit qu'il y a une hégémonie de cette production et de cette maîtrise de la matière première
37:37jusqu'à la distribution dans un pays en particulier ou dans un continent en particulier qui perturbe tout l'écosystème.
37:43Et on n'arrive pas à adapter l'écosystème à ça.
37:46Donc, il faut juste faire attention à l'organisation des écosystèmes ou des modèles en matière de santé
37:53pour s'assurer que les technologies viennent bien optimiser le modèle.
37:56On se rapproche de la fin du débat.
37:58J'aimerais, Baptiste, qu'on aille un tout petit peu plus loin et que vous nous expliquiez ce concept de juste soin rapidement.
38:04Alors, le juste soin, c'est le soin qui va essayer de répondre de manière pertinente
38:10aux besoins des personnes qui sont prises en charge par le système de santé et pas de manière inutile.
38:17Pour vous donner quelques exemples, dans l'imagerie, on peut privilégier l'échographie,
38:22le scanner ou un IRM.
38:24Et en fait, d'un point de vue émissions de CO2, un scanner, c'est six fois plus d'émissions qu'une échographie.
38:29Une IRM, 30 fois plus.
38:30Donc, dans certains cas, on peut substituer l'un par l'autre et envisager une radiographie qui va être plus pertinente.
38:39Pour vous donner un autre exemple, on peut des fois substituer l'utilisation de psychotropes par des thérapies non médicamenteuses.
38:45Ça, c'est tout à fait documenté dans le cas de la musicothérapie.
38:49Et ce juste soin, en fait, il va aussi avoir des impacts sur la santé qui peuvent être positifs.
38:54Par exemple, on parle de hyatrogénie médicamenteuse, qui sont les effets négatifs des médicaments.
39:00Pour les personnes âgées, on estime qu'il y a à peu près 20% des hospitalisations qui sont liées à des effets secondaires des médicaments.
39:06Donc, ça a également des effets sur l'environnement d'un côté et des effets positifs sur la santé.
39:11C'est déjà la fin de ce débat.
39:13On passe à la pépite santé.
39:20Et on termine cette émission avec la pépite santé.
39:23Alexis Normand nous a rejoint sur le plateau de Santé Futur.
39:26Bonjour.
39:27Bonjour.
39:27Vous êtes le CEO et cofondateur de Greenly, une start-up française lancée en 2019 qui entend démocratiser le bilan carbone.
39:36Greenly, c'était d'abord une application mobile aux particuliers pour leur permettre de calculer leur emprunt de carbone à partir de leurs relevés bancaires.
39:44Ça a bien évolué depuis.
39:46Quelles autres étapes ont été franchies ?
39:48Alors, ça fait maintenant cinq ans qu'on existe et on s'est aperçu assez rapidement que si on voulait avoir de l'impact,
39:55si on voulait aussi rencontrer un marché, il fallait apporter un service aux entreprises.
40:01Et quand on a démarré, le sujet du bilan GES, c'était essentiellement une question de grande organisation qui avait des budgets pour aller embaucher des consultants extrêmement compétents sur le sujet.
40:13Mais qu'il y avait un sujet coût qui empêchait des organisations de taille plus petite de commencer à formaliser une stratégie climat.
40:24Et on a anticipé le fait que tout le monde allait devoir calculer ses émissions et notamment parce que les grandes organisations, c'est le cas dans la santé.
40:34En fait, leurs émissions sont essentiellement celles de leurs fournisseurs.
40:38Et quand vos fournisseurs sont des grandes entreprises, ça va.
40:40Mais même toutes ces grandes entreprises ont beaucoup de petits fournisseurs.
40:43Et eux ne faisaient rien. Et donc, si on veut réellement aller en profondeur, être précis sur l'empreinte carbone, il faut que tout le monde puisse le calculer précisément.
40:54Et on a donc construit une plateforme qui facilite la collecte et l'analyse des données.
41:03Travaille à rendre la précision finalement indolore pour ces organisations.
41:09Et alors, en cinq ans, maintenant, on a à peu près 2500 clients, à peu près 10-20% dans la santé, puisqu'on en parle, pour moitié en France, pour moitié à l'étranger, aux Etats-Unis, en Angleterre principalement.
41:22Et alors, comment ça marche exactement ? Comment est-ce que vous récoltez les données ? C'est un mélange entre technologie et humain.
41:28Alors, la comptabilité carbone, c'est un mapping et une méthodologie qui est standard.
41:33Là-dessus, on n'innove pas spécialement, mais pour chaque poste d'émission, vous avez une stratégie de simplification de la collecte des données.
41:43Donc, par exemple, quand il s'agit de votre électricité, vous pouvez, si vous avez beaucoup de bâtiments, vous connecter aux compteurs d'électricité qui mettent dans votre système d'information les kilowattheures.
41:55Ça peut être très fin. Ça peut être même à l'heure près. Donc ça, vous pouvez automatiser la collecte de données.
42:00Quand vous êtes sur des postes comme le Scope 1, les consommations d'essence, etc., vous pouvez aller récupérer cette information dans les ERP des entreprises, si vous ne le mettez pas à la main.
42:11Et quand vous êtes sur l'essentiel des postes d'émission du Scope 3, qui sont les achats de biens et services, on en parlait dans la santé, c'est les médicaments, les dispositifs médicaux,
42:23vous pouvez faire une première évaluation. C'est ce qu'a fait, je crois, le Chief Project monétaire en récupérant les dépenses. Mais si vous voulez être précis, il faut aller chercher les émissions, les postes physiques.
42:35Combien de dispositifs médicaux j'ai acheté ? Combien de médicaments j'ai acheté ? Et ça, en fait, vous pouvez avoir ces informations. Vous pouvez même automatiser la collecte de ces informations.
42:49Elles sont souvent détaillées dans les systèmes d'information des organisations. Et là, il y a un peu d'IA, c'est-à-dire qu'il faut aller lire des inventaires, parfois avec 200 000 lignes,
43:00et faire une mise en correspondance automatique, si c'est possible, avec validation par un humain, de tel dispositif médical, je l'ai identifié, je l'ai mis dans une base.
43:12Le fournisseur a publié une analyse de cycle de vie, donc a calculé l'empreinte carbone de ce produit. Nous, nos bases de données font le rapprochement. Et en fait, comme vous le faites sur des grands nombres de données, vous l'automatisez.
43:23Et après, vous générez un reporting.
43:26Et vous diriez que de plus en plus d'entreprises se préoccupent de leurs émissions. C'est ce que vous observez en 5 ans. Il y a un bond ?
43:33Alors, il y a un bond sous l'effet de plusieurs types de pressions. Bien sûr, il y a la pression réglementaire, donc sur la législation, sur le bilan GES, qui est boostée par la CSRD,
43:46qui est donc une réglementation européenne qui rentre véritablement en application l'année prochaine. C'est-à-dire que l'année prochaine, toutes les entreprises de plus de 500 salariés,
43:5540 millions de chiffres d'affaires ou 20 millions au bilan, vont devoir reporter tout un tas d'indicateurs ESG. Mais la partie quantifiée, c'est le bilan carbone.
44:06Donc c'est 60 000 entreprises qui sont maintenant obligées de le faire, alors qu'avant, c'était plutôt 10 000. Donc c'est majeur.
44:17Après, il y a un deuxième effet, c'est la pression des grandes entreprises. Donc si je suis, je dis n'importe quoi, Sanofi, un labo Pharma, l'APHP, et que je veux réduire mes émissions,
44:29en fait, à un moment donné, j'ai besoin de poser la question à mes fournisseurs. Et donc j'inclus dans mes appels d'offres une obligation pour mes fournisseurs d'une certaine taille
44:40de me reporter leurs émissions. Donc en gros, si vous reportez pas vos émissions d'un point de vue légal, vous avez une amende. Mais si vous perdez le contrat de l'APHP,
44:50c'est encore plus une contrainte pour l'entreprise. Et après, il y a la pression des investisseurs, surtout en Europe, assez peu aux États-Unis, où de plus en plus,
44:59vous avez des meilleures conditions de financement. Parfois, vous empruntez à un taux plus faible si vous êtes capable de fournir une trajectoire de décarbonation.
45:08Donc toutes ces pressions, bien sûr, celles des salariés, des clients, etc., contribuent à massifier, en fait, le suivi des émissions.
45:17Et vous travaillez avec beaucoup de petites et moyennes entreprises. Normalement, est-ce que vous êtes en mesure de vous adresser à des entreprises ou des établissements
45:25beaucoup plus importants ?
45:27Alors absolument. En fait, historiquement, on a commencé, on était une toute petite start-up. Donc on a commencé à travailler avec les entreprises les plus petites,
45:34celles qui voulaient bien nous donner notre chance. Et puis, en grandissant, on a sophistiqué notre outil. On est allé de plus en plus loin dans la précision.
45:44On s'est connecté à de plus en plus de systèmes d'information. Et puis surtout, maintenant, on a déjà délivré presque 2 000 rapports d'émissions carbone.
45:52Donc tous les problèmes que vous pouvez avoir dans ce sujet, on les a vus. Et donc on a traité ça de mieux en mieux dans notre système d'information.
46:00Donc on a une maturité et une capacité d'industrialiser qui est beaucoup plus forte et qui devient intéressante pour les grandes entreprises.
46:08En général, et les hôpitaux notamment, on travaille avec une dizaine d'hôpitaux, une dizaine de grands groupes pharma. Ce qui se passe, c'est qu'eux, ils savent assez bien faire ça en interne.
46:18Ils sont assez à l'aise avec le système de consulting. Mais ils ont une difficulté, c'est d'avoir des vraies données et pas des moyens industriels sur leurs fournisseurs.
46:28Et donc ils nous utilisent au niveau des achats pour projeter notre outil et mettre à disposition notre solution auprès de leurs fournisseurs pour qu'ils puissent, eux, calculer leurs émissions.
46:38Et du coup, si vous êtes un labo pharma et que vous voulez réduire vos émissions, en fait, vous devez choisir entre... Il faut que vous ayez une donnée assez fine pour pouvoir choisir entre 2 fournisseurs.
46:49Celui qui a une trajectoire de réduction, celui qui est déjà meilleur que l'autre. Et ça, si vous travaillez avec des moyens industriels ou des purs facteurs d'émissions monétaires,
47:01si vous basez que sur votre dépense, vous n'arrivez pas à le faire. Donc nous, on offre ce service de... On utilise, en fait... Enfin, disons, on est en partenariat avec les grandes entreprises
47:10pour récupérer une donnée plus précise auprès de leurs fournisseurs. Et ce qui est intéressant, quand vous êtes une plateforme, c'est qu'à chaque fois que vous obtenez cette info d'un fournisseur,
47:20ce fournisseur, il a rarement un seul client. Donc vous pouvez mutualiser cette information pour toutes les entreprises du secteur. C'est comme ça que vous construisez notamment une expertise dans la santé.
47:32Et une dernière question avant de passer aux réactions de nos invités. Une fois que vous aidez les entreprises à déterminer où elles polluent le plus, qu'est-ce qui se passe ?
47:40Alors évidemment, si on fait que le bilan et que c'est la photo et on s'arrête, ça n'a aucun intérêt. Le sujet, c'est de s'inscrire dans une trajectoire de réduction
47:52et de pouvoir le quantifier de façon suffisamment fine pour qu'on sache réellement quoi faire. Donc il y a des standards aussi là-dessus.
48:02L'ADEME a un standard de trajectoire de décarbonation. Le standard anglo-saxon, c'est SBTI. Donc vous êtes tenu de soumettre un plan de réduction quantifié.
48:13Vous dites voilà, donc si on prend le cas de la santé, vous avez l'APHP, par exemple, 60% de ses émissions, c'est les dispositifs médicaux et les médicaments.
48:24Donc pour eux, l'idée, c'est que pour tous ces postes, c'est qu'ils puissent non seulement établir une liste d'actions de réduction, mais qu'ils les quantifient et qu'ils les budgettent.
48:37Donc nous, vous découvrez que pour chaque secteur, en fait, il y a beaucoup de plans d'action qui sont génériques et vous pouvez assez facilement automatiser cette quantification.
48:47Ce qui est compliqué, c'est de la budgétiser. Parce qu'en fait, il y a des postes où c'est facile de réduire et de gagner de l'argent, l'électricité par exemple.
48:55Il y en a où ça coûte plus cher de réduire parce que vous devez remplacer. Donc bref, nous, on produit des plans de décarbonation.
49:05On le fait au format réglementaire attendu par nos clients, SBTI ou maintenant avec la CSRD, vous avez une obligation de soumettre un plan de transition et notamment de le budgétiser.
49:16Et donc notre outil génère ce type de rapport et après, à charge de nos clients, d'utiliser les fonctionnalités pour voir que ça avance ou pas.
49:24Et en général, ça avance. C'est-à-dire que nos clients en moyenne réduisent 5 à 10% par an.
49:33D'abord, bravo pour cette création d'entreprise qui, je crois, n'est plus une jeune entreprise.
49:38Parce que je crois vraiment que pour accompagner la décarbonation, il faut des entreprises comme les vôtres parce que vous avez toujours un effet au début.
49:45Vous agissez de façon un peu artisanale. Puis après, vous arrivez à industrialiser des solutions qui vous permettent en tant qu'entreprise de conseil de prospérer,
49:54mais surtout qui permettent d'accélérer la décarbonation. Donc je pense que c'est important.
49:58Moi, ce qui m'intéresse... J'ai une question plus qu'une observation à vous poser.
50:02On a pas mal dialogué sur les déterminants de cette décarbonation. Est-ce que c'était les nouvelles technologies, les réunions ?
50:08Il faut être le recul que vous avez. Si vous n'aviez peut-être pas à classer les déterminants, mais qu'est-ce que vous voyez toujours,
50:13quels que soient les secteurs ? Ou alors vous pouvez me dire que c'est spécifique au secteur. Mais je ne serais pas étonné qu'il y ait quand même quelques déterminants communs.
50:21Est-ce que c'est avant tout l'usage de nouvelles technologies ? Est-ce que c'est avant tout la restructuration en interne des ressources humaines ?
50:28Est-ce que c'est le changement des infrastructures ? Je ne sais pas.
50:33Qu'est-ce qui est le plus efficace auprès d'entreprise ? Alors ça dépend énormément des secteurs.
50:38Vous parliez tout à l'heure de l'intelligence artificielle. Ça, c'est un secteur qui est intéressant parce que la tech, en général, c'est les émissions du numérique.
50:48Donc les entreprises de tech, 50% de leurs émissions, c'est leur usage d'outils digitaux, c'est leur data center.
50:56Donc ça, pour le coup, on est sur un domaine où c'est assez facile, entre guillemets, de décarboner.
51:02Donc nous, ce qu'on fait, c'est qu'on prend les relevés de consommation des data centers, on transforme ça en kilowattheures,
51:07on rapproche le kilowattheure de là où il est consommé, et donc du mix énergétique.
51:13Quand vous avez cette modélisation fine, vous pouvez expliquer à une entreprise comment réduire sa consommation en allant vers la machine la plus efficace,
51:21et surtout, comment réduire l'empreinte carbone de son électricité, non pas en mettant ses données en Irlande, mais en France, par exemple.
51:29Donc c'est l'électrification et une électricité plus verte. Ça, ça marche très bien quand il y a de l'électricité.
51:38Donc les data centers, les machines industrielles, l'électricité tout court, je veux dire.
51:44Maintenant, quand c'est déjà électrifié, c'est facile, entre guillemets, il suffit d'aller vers une source d'énergie plus verte.
51:52Quand c'est sur du fuel, ça coûte très cher de passer d'une machine avec un combustible à une machine électrique.
52:01C'est le cas des véhicules électriques. Donc les flottes d'entreprises, c'est très clair comment décarboner ça, c'est juste qu'il faut attendre le renouvellement, c'est long, etc.
52:13J'ai pris l'exemple de la tech, j'ai pris l'exemple des transports, je pense que le gros sujet, en tout cas pour nous, chez Greenly, c'est l'industrie.
52:24Et l'industrie, en fait, c'est les achats de biens et services le plus compliqué, et donc c'est l'engagement des fournisseurs.
52:32Je prends un exemple d'un acteur industriel qui est un fournisseur dans l'automobile, qui fait les câblages de cuivre, qui est un de nos clients américains.
52:42Eux, grosso modo, 30% de leurs émissions, c'est le cuivre.
52:47Et donc, fondamentalement, il faut qu'ils trouvent le fournisseur de cuivre le moins carboné, donc celui qui utilise le moins d'énergie fossile dans la production de cuivre.
52:56Et donc, comment on fait ? On va interroger tous ces fournisseurs, on va faire une analyse de cycle de vie, donc quelle est la part de l'électricité, quelle est la part de l'extraction, etc.
53:07Et en fait, on trouve des différences de 1 à 5 sur l'intensité carbone de la tonne de cuivre.
53:13Et donc, ce qui est très efficace, c'est de faire ce switch, ce changement d'un fournisseur à l'autre.
53:21Mais évidemment, c'est limité par la disponibilité des ressources.
53:26Rien n'est simple, mais au moins, il faut savoir comment faire.
53:29Il nous reste 3 petites minutes si vous voulez réagir, Hélène et Baptiste.
53:33Non, je pense que c'est indispensable.
53:35Après, ce qui est encourageant, c'est comme vous l'avez dit, au bout d'un moment, vous mutualisez tellement d'informations, de fournisseurs, que ça va servir à un autre de vos clients.
53:44Et j'espère qu'au bout d'un moment, justement, on va passer le cap où l'ensemble des informations va être tellement riche qu'on va pouvoir vraiment prendre le temps d'aller plus loin dans ce que vous venez de décrire, par exemple.
53:55Donc, c'est encourageant, c'est enthousiasmant.
53:58On va dire, c'est bien de finir aussi sur notre positive.
54:01Et vous avez raison de souligner ça, parce qu'un des principaux facteurs limitants, c'est la disponibilité de l'information.
54:08C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il n'y a qu'à peu près 25% des émissions mondiales qui sont comptabilisées finement.
54:14Et donc, ça veut dire que quand vous voulez décarboner votre chaîne de valeur, en fait, vous n'avez pas d'info.
54:19Donc, une des actions, et notamment à la santé, c'est d'aller imposer aux fournisseurs de médicaments, aux fournisseurs de dispositifs médicaux, une analyse fine de l'impact carbone de ce qu'ils vous vendent.
54:32Et ça, l'État peut imposer ça dans ses procédures d'achat.
54:36Les hôpitaux peuvent le faire, les acteurs privés.
54:38Je crois que c'est d'ailleurs une des recommandations de votre rapport.
54:41Mathis, très rapidement, qu'est-ce que Grimi vous évoque ?
54:43Oui, parce que les actions que vous réalisez, j'ai l'impression que c'est une mise en œuvre assez opérationnelle.
54:46Les actions qu'on préconise, nous, au Chiffre Project, que ce soit impliquer les fournisseurs via, par exemple, les appels d'offres, que ce soit planifier sur le long terme, budgéter, mettre en œuvre des outils, mettre en place des outils pour faciliter.
55:00Donc, effectivement, ça va dans le bon sens.
55:02Donc, c'est effectivement encourageant.
55:04Merci beaucoup.
55:05Merci, Alexis Normand, CEO et cofondateur de Grimi.
55:09Merci à Hélène Bachelard, docteur en pharmacie.
55:12Merci, Frédéric Bizarre, économiste.
55:14Je rappelle que votre dernier ouvrage s'appelle Les itinérants de la santé et c'est aux éditions Michelon.
55:20Et merci également à Baptiste Verneuil, chargé de projet santé, énergie, climat chez The Chiffre Project.
55:26Rendez-vous le mois prochain pour un nouvel épisode.