Depuis début mars, des affrontements entre fidèles du président déchu Bachar al-Assad et forces de sécurité embrasent la Syrie. Les violences se concentrent sur le littoral syrien, bastion de la minorité alaouite, une branche de l'islam chiite, dont est issu l'ex-président. Depuis jeudi 6 mars, plus de 1.300 personnes sont mortes tandis que la communauté internationale appelle à cesser les combats.
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00:00Bonjour Benjamin Blanchard, merci d'être avec nous. Vous êtes le directeur général de SOS Chrétien d'Orient.
00:07Nous sommes également avec Pierre-Alexandre Guillermet. Vous êtes chef de mission adjoint en Syrie de SOS Chrétien d'Orient.
00:12Vous êtes actuellement à Damas et vous rentrez tout juste de Homs. Merci donc d'être en direct avec nous ce matin.
00:18Et puis Patrick Sauss, le chef du service international de BFM, nous accompagne.
00:22La Syrie vient de vivre des jours sanglants, sans doute les plus sanglants depuis la chute du régime de Bachar al-Assad
00:28avec près d'un millier de civils tués dans l'ouest du pays, dans la région de l'Attakié.
00:33Parmi eux, des femmes, des enfants. L'observatoire syrien des droits de l'homme parle de meurtre et d'exécution sommaire.
00:39Patrick Sauss, d'abord, que sait-on ce matin de ces massacres ?
00:43Écoutez, la situation est extrêmement confuse. Pourquoi ? Parce que ça a commencé en milieu de semaine dernière, disons jeudi.
00:50Il y a eu une attaque qui semble-t-il paraissait planifiée, organisée, réfléchie par un certain nombre de partisans de l'ancien régime de Bachar al-Assad
01:00qui sont lancés vraiment à l'assaut des nouvelles forces de sécurité qui sont en train de se créer en ce moment.
01:06Il y a les uniformes, il y a des semblants de commandements, mais c'est encore assez désorganisé du côté du nouveau pouvoir.
01:13Et donc, au milieu de ces affrontements entre les anciens de Bachar et les nouveaux policiers, les nouvelles forces de l'ordre et forces de sécurité de l'intérieur,
01:22il y a des milices qui étaient jusque-là affiliées à ce fameux groupe HTC qui a pris le pouvoir,
01:28qui sont sorties du contrôle du nouveau pouvoir et qui ont commencé tout simplement à se venger.
01:33Alors, c'est difficile de totalement caricaturer parce qu'il y a une notion de vengeance, il y a une notion confessionnelle aussi,
01:39parce que certains groupes sont totalement djihadistes, il faut le dire.
01:42Et il y a eu des vengeances contre des populations halawites, notamment, parce qu'elles étaient soit de gré, soit surtout de force,
01:50considérées comme proches de Bachar al-Assad et du clan al-Assad.
01:54Et certains groupes ont également profité, on va en parler évidemment, pour s'attaquer aux minorités chrétiennes, notamment à l'ouest du pays.
02:01Absolument. Au départ, qu'est-ce qui justifie cette attaque de ces groupes ?
02:07Vous parlez des groupes djihadistes. Il y a une insécurité qui est totalement folle dans bonne partie du pays.
02:15Plus, on l'a déjà vu, sans le côté confessionnel, moi je l'ai vécu notamment en Libye, une part de vengeance absolument phénoménale.
02:24Dans des pays où vous avez connu la dictature, où vous avez connu l'injustice, il y a certains groupes qui ont confondu totalement leur confession,
02:32mais aussi l'esprit de vengeance. Il y a une ville qui s'appelle Banias qui a été l'objet d'un immense massacre en 2013 par le régime de Bachar al-Assad.
02:39Et c'est justement là qu'ont eu lieu des massacres. Le problème, c'est que lorsque vous êtes dans la vengeance plus le côté confessionnel,
02:45le simple fait d'être d'une confession fait de vous un ancien cadre de Bachar al-Assad sur lequel il faut se venger.
02:52Pierre-Alexandre Guillermet, faut-il comprendre que les chrétiens d'Orient se sont trouvés au milieu de ces opérations militaires ?
03:05Oui, tout à fait. D'ailleurs, ce n'est pas une nouveauté, c'est assez fréquent que dans la région, les chrétiens soient la cible des attaques de part et d'autre
03:14dès qu'il y a un mouvement social ou alors une crise sécuritaire comme aujourd'hui.
03:21Je dirais qu'ils ont été ciblés en même temps que leurs voisins à la huit et leur tort était de vivre dans une région à majorité à la huit,
03:29que ce soit à Banias, Tartus, Jablé ou la Taquienne.
03:34Est-ce qu'on a une évaluation du nombre de chrétiens touchés et peut-être tués ?
03:41Pour l'instant, les chiffres ne sont pas clairs. Il est difficile de faire le tri dans les images, les informations que l'on reçoit.
03:46Ce qui est sûr, c'est qu'on peut les compter par dizaines et on attendra des rapports de terrain pour avoir des chiffres plus précis.
03:53En fait, le problème pour l'instant, c'est la capacité d'accès à la région qui n'est pas garantie pour des raisons évidentes de sécurité.
04:00Quand vous dites des dizaines, c'est des dizaines de morts ?
04:03Des dizaines de morts, oui.
04:05Hommes, femmes, enfants ?
04:08Oui, alors autant, on l'a constaté surtout chez les Alaouites, pour l'instant, qui représentent la majorité des victimes,
04:14mais les massacres ont semblé, à la fin, cibler indistinctement des hommes et des femmes, des enfants, des bébés ou des personnes âgées.
04:20Mais que racontent les chrétiens que vous avez pu joindre sur la façon dont se sont déroulées ces attaques ?
04:28Pour l'instant, les retours qu'on a sont des scènes de razia dans des villages, des villages qui sont plus ou moins abandonnés ou isolés,
04:37par des groupes composés à la fois de miliciens locaux, locaux au sens syrien, mais qui ne viennent pas forcément de la région,
04:45ils peuvent venir de Deir ez-Zor, d'Idle-Lib, de Alep ou de Homs,
04:48et également des miliciens étrangers, notamment d'Asie centrale ou de la région du Caucase.
04:54Ce sont des miliciens qui arrivent dans les villages ?
05:00Ce sont des miliciens qui arrivent ?
05:17Benjamin Blanchard, il y a évidemment une grosse inquiétude pour les chrétiens d'Orient.
05:21Est-ce que vous avez d'autres informations en provenance de la région ?
05:25C'est à peu près tout ce qu'ont dit les précédents intervenants.
05:28Mais oui, l'inquiétude, elle est présente depuis la révolution, donc depuis les 7-8 décembre.
05:35Elle était couplée avec un certain espoir que les choses s'améliorent avec le nouveau régime, avec la fin de l'ancien régime.
05:43Mais il y avait toujours une sorte de crainte, parce qu'avec le pédigré des nouveaux maîtres de Damas,
05:48le problème c'est qu'on a l'impression que d'une part les nouveaux dirigeants ont un peu joué aux pompiers pyromanes,
05:54parce que quand il y a eu cette insurrection, pour la mater, ils ont dû faire appel à une sorte de mobilisation générale vendredi dernier dans les mosquées,
06:02parce que visiblement ils n'avaient pas assez de troupes sous la main.
06:05Et en fait ça a un peu libéré toutes les passions et maintenant on voit qu'ils n'arrivent plus ou ils ont du mal à reprendre le contrôle.
06:11Et en fait ce qui provoque le plus d'inquiétude c'est de se dire qu'ils n'ont pas le contrôle d'une bonne partie du territoire.
06:18Et donc la situation est extrêmement instable.
06:20Et en particulier Patrick sur cette côte syrienne qui est l'ancien bastion de Bachar Al-Assad.
06:25Oui et qui est considérée comme telle par justement tous ceux qui veulent absolument se venger.
06:30Et le vrai problème effectivement pour le nouveau pouvoir c'est d'essayer de contenir, ça commence par le pouvoir de police quasiment,
06:38la sécurité dans un pays lorsque vous sortez d'un chaos.
06:42Il y a la volonté d'une justice transitionnelle, je cherche et merci beaucoup le mot, c'est-à-dire qu'on ne cherche pas à se venger.
06:53Le fait est que s'il n'y a pas de juge, s'il n'y a pas de policier, ça devient extrêmement compliqué.
06:57Je suis tout de même assez marqué par les réactions politiques, notamment venues des Etats-Unis.
07:02Marco Rubio, le secrétaire d'Etat qui a réagi la nuit dernière, c'est la première fois en fait que les Etats-Unis reconnaissent quasiment le nouveau pouvoir.
07:09Et ces réactions politiques et diplomatiques font la différence entre le pouvoir qui est en place depuis quelques mois et ces djihadistes.
07:18Mais c'est beaucoup plus compliqué que ça parce que vous avez parmi ces chefs djihadistes qui sont en train de mener des radias.
07:24Il n'y a pas d'autre mot quand ils arrivent dans les villages.
07:26Lorsque vous voyez, on voit le son des témoignages, j'étais marqué là aussi par un reportage spécial du Figaro, des portes qui sont marquées d'une croix en noir.
07:34Donc c'est vraiment cibler certaines personnes plus que d'autres.
07:37Benjamin, ils sont nombreux les chrétiens d'Orient dans cette zone ?
07:40Oui, ils sont assez nombreux.
07:42Vous savez les évaluer ?
07:43Non, c'est compliqué parce qu'il y a eu beaucoup de déplacements de population pendant la guerre.
07:47Mais c'est sûr que comme c'était une zone la plus sûre du pays, avec Damas, beaucoup de gens sont venus se réfugier ici et notamment des chrétiens.
07:55Oui, il y a pas mal de monde sur la côte ouest.
07:58Mais c'est vrai que quand on voit tout ce qui se passe, ces milices, ces groupes qui mènent des radias, comme vous disiez, on n'est hélas pas tellement surpris.
08:07Parce que ça fait quand même des années qu'on alerte sur la composition d'une partie de la rébellion syrienne qui a une connotation islamiste très radicale.
08:16Et donc maintenant on en voit le résultat.
08:18Et encore une fois, je ne mets pas toute la rébellion et tout le nouveau régime dans le même paquet.
08:22Merci en tout cas d'avoir été avec nous ce matin.