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Raphaël Glucksmann, député européen Place publique, était l'invité de BFMTV ce 9 mars dans "C'est pas tous les jours dimanche".

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00:00Bonsoir Raphaël Glucksmann, bonsoir Benjamin Duhamel, merci d'être avec nous ce soir dans c'est pas tous les jours dimanche, député européen
00:05place publique alors que l'Europe cherche encore la façon de ne pas sortir de l'histoire dans ce
00:10nouvel ordre mondial, comment aider l'Ukraine alors que les Etats-Unis se désengagent, avec quel argent alors que les finances publiques sont
00:16exsangues, on parlera aussi de l'inquiétude des français
00:18alors que vous alertez régulièrement et depuis longtemps sur la menace directe que représente la Russie, mais pour commencer Raphaël Glucksmann
00:26un mot sur la semaine qui s'ouvre et qui va être décisive alors que la Russie continue de pilonner l'Ukraine
00:33l'Ukraine n'a plus accès aux renseignements américains
00:35l'aide militaire américaine a été suspendue, est-ce qu'il n'est pas trop tard pour l'Ukraine ?
00:39non il n'est pas trop tard pour l'Ukraine
00:41l'Europe peut agir, l'Europe peut remplacer les Etats-Unis d'Amérique dans le soutien militaire et financier à l'Ukraine, à court terme, mais pour ça il
00:48faut prendre rapidement les bonnes décisions, il faut augmenter
00:51drastiquement nos livraisons d'armes à l'Ukraine et pallier à ce que font les Américains, c'est à dire qu'en fait les Américains c'est pas simplement qu'ils
00:57ne donnent pas de nouveaux paquets d'armes, c'est qu'ils bloquent ceux qui étaient déjà à destination du front, à la frontière polonaise
01:04et il faut aider financièrement l'Ukraine pour qu'elle puisse faire face à tous ces périls
01:11alors que les Etats-Unis ont bloqué mais net l'aide financière à l'Ukraine, le plus grand problème qu'on a aujourd'hui c'est de remplacer les Etats-Unis en
01:18matière de renseignements
01:19puisque les renseignements américains permettaient aux Ukrainiens d'anticiper les frappes russes, aujourd'hui les Ukrainiens combattent dans le noir et
01:27cela a un impact immédiat sur le front et sur le bombardement des villes
01:31ukrainiennes. Mais juste Raphaël Glusman, vous dites qu'il faut se substituer à l'aide américaine qui n'existe plus,
01:36tous les spécialistes qui se sont exprimés depuis cette annonce expliquent qu'à court terme, c'est à dire en quelques semaines, en quelques mois, il est
01:43impossible de se substituer à l'aide américaine
01:45même si l'Europe décidait
01:47de décisions
01:49massives, cela prendrait énormément de temps. D'où cette question, est-ce que vraiment
01:53la donne peut changer dans les jours, dans les semaines qui viennent ? On a du mal à voir comment
01:57l'Ukraine ne pourrait pas se voir imposer une paix
02:01bâclée, une paix sur son dos par Vladimir Poutine et Donald Trump. Écoutez, nous on fait face à notre destin, c'est pas simplement aider l'Ukraine,
02:07c'est sauver l'Europe ce qui est en jeu en ce moment.
02:10Et donc nous devons faire tout ce que nous pouvons faire, nous ne le faisons pas aujourd'hui encore, donc nous devons simplement
02:17faire ce qui est dans notre pouvoir. On ne pourra pas remplacer les Américains, vous avez raison, du jour au lendemain.
02:21Par contre, ce qu'on peut faire, on doit le faire. On doit augmenter nos livraisons,
02:26augmenter nos investissements dans les productions ukrainiennes qui sont très efficaces, je les ai vues sur place. On doit aussi
02:31saisir les avoirs publics russes qui sont actuellement gelés en Europe, 209 milliards, et les affecter à l'aide à l'Ukraine.
02:37Vous avez vu Raphaël Glucksmann sur ce point-là, le ministre de la Défense Sébastien Lecornu, lui, annonce un nouveau paquet d'aides
02:44qui permet de mobiliser les intérêts de ces avoirs en France, c'est près de 200 millions d'euros.
02:50Il dit cela, mais il continue de dire, et c'est la ligne du gouvernement, saisir les avoirs, c'est pas possible,
02:55c'est pas conforme aux droits internationaux. Visiblement sur ce point-là, ils ne vous écoutent pas.
03:00Nous, nous avons consulté les plus grands juristes internationaux et tous nous disent la même chose, c'est conforme aux droits internationaux.
03:07Pour une raison simple, c'est un peu technique, mais je vous prie de m'écouter, c'est que le crime d'agression
03:13commis par la Russie, qui est le pire crime en droit international, entraîne des contre-mesures légitimes, à condition qu'elles soient
03:20proportionnelles. Or, la Russie a commis des dévastations bien plus grandes que les 200 milliards et qu'elles soient réversibles.
03:26Or, en l'occurrence, selon le droit international, la Russie devra payer des réparations et donc on peut considérer que c'est un accompte.
03:32Mais est-ce qu'au moins vous considérez que vous considérez que ça va dans le bon sens, ces 195 millions d'euros qui sont utilisés ?
03:37Ça va totalement dans le bon sens, comme vont dans le bon sens les déclarations des dirigeants français, du président de la République ou des
03:43différents dirigeants européens. On assiste aujourd'hui à une sorte de prise de conscience. Enfin, moi, j'ai
03:49crié dans le désert pendant 20 ans sur les menaces qui allaient peser sur notre sécurité.
03:54Enfin, on semble prendre conscience partout en Europe que ce qui est en jeu, ce n'est pas simplement l'Ukraine.
03:58Ce n'est pas la solidarité vis-à-vis d'un peuple héroïque qui résiste à une invasion, mais c'est notre propre sécurité.
04:05Et j'aimerais qu'on comprenne ça. Vous savez, quand vous avez le chef des services secrets allemands qui va devant le Bundestag,
04:12le Parlement allemand et qui dit on va avoir la guerre, une guerre russe contre un pays de l'Union européenne et de l'OTAN avant 2029.
04:22Quand les Danois, le gouvernement français dit ne pas disposer de ce type d'informations, quand les services danois disent
04:28exactement la même chose, quand les Baltes creusent des tranchées sur leurs terres, que les Finlandais font la même chose, que les Polonais
04:36investissent plus de 2 milliards d'euros pour juste sécuriser la frontière qui les sépare de Kaliningrad, l'enclave russe.
04:44Cela veut dire que l'Europe toute entière fait face à une menace immédiate sur sa propre sécurité.
04:49Mais attendez, menace immédiate sur sa propre sécurité, c'est-à-dire, là encore, je pense à ceux qui nous regardent, les Français qui d'ailleurs
04:55sont majoritaires, à vouloir qu'il y ait davantage d'efforts pour se réarmer, qui sont favorables à un soutien à l'Ukraine, mais qui ne se disent pas
05:02pour autant que la Russie est sur le point d'attaquer directement, frontalement la France. C'est ce que vous dites pour autant ce soir ?
05:09Ce que je dis, c'est que la Russie est une menace directe sur les intérêts stratégiques de la France parce qu'elle est une menace sur les pays
05:17membres de l'OTAN et de l'Union européenne à sa frontière. Et que donc, nous avons une situation comme nous n'en avons jamais connue depuis 1945
05:27pour les pays d'Europe occidentale. Parce que cette menace arrive à un moment où nous ne pouvons plus compter sur les États-Unis d'Amérique.
05:37Et pendant 50 ans, 60 ans, 80 ans même, en Europe occidentale, nous avons compté sur cette garantie de sécurité américaine, sur le fait que nous avions
05:49délégué nos fonctions de sécurité et de souveraineté à une capitale étrangère qui s'appelle Washington. Et que du coup, nous pouvions vivre notre vie sans nous poser
05:56les questions de guerre et de paix, de vie et de mort. Tout cela a pris fin ces jours-ci. Et c'est pour ça qu'il faut qu'on arrive à saisir la magnitude du
06:06tremblement de terre que ça représente.
06:07Vous dites précisément que ça fait plusieurs années que vous prêchez dites-vous dans le désert. Mais est-ce que pour autant là, il n'y a pas une forme d'exagération
06:14de votre part ? Certains disent aussi de la part du Président de la République. Je vais vous lire par exemple ce que dit chez nos confrères d'Europe 1, l'ancien ministre de la Défense
06:21Hervé Morin. Emmanuel Macron inquiète excessivement les Français. Est-ce qu'on n'en fait pas trop quand on explique quasiment que les troupes russes, que l'armée russe
06:32pourraient cibler directement la France ? Est-ce qu'il n'y a pas de l'excès dans ce péril que vous dénoncez ?
06:38Moi, j'ai présidé la commission spéciale du Parlement européen sur les ingérences étrangères dans nos pays, dans nos démocraties. Et on a étudié la stratégie dite de la guerre
06:48hybride des Russes contre nos nations. Quand ils attaquent l'hôpital de Corbeil-Esson, pas loin d'ici, et qu'ils empêchent les médecins français d'avoir accès aux dossiers
06:58médicaux des patients français, ça ne se passe pas en Ukraine ou en Géorgie, ça se passe en France. Quand ils financent et soutiennent à la fois les indépendantistes
07:05catalans et les nationalistes les plus virulents en Espagne pour créer un chaos dans la démocratie espagnole, ça ne se passe pas en Géorgie ou en Ukraine, ça se passe en Espagne.
07:14Quand ils assassinent des opposants sur notre territoire, par exemple en Angleterre, ça ne se passe pas en Géorgie ou en Ukraine, ça se passe en Angleterre.
07:22Et donc il y a aujourd'hui une puissance à nos portes qui décide de semer le chaos dans nos propres pays. Ne pas se défendre, ne pas dire cela.
07:31Et constater effectivement ce qu'est cette guerre hybride. Par exemple, à votre place ce matin, l'ancien président du Conseil européen Charles Michel dit sur l'antenne de BFM TV
07:39« la troisième guerre mondiale est possible ». Et pour l'éviter, il faut faire preuve d'une fermeté absolue.
07:51Vous savez, j'entends tous les discours pseudo-pacifistes qui nous expliquent que ceux qui sont pour défendre nos nations sont en réalité des vattes en guerre.
07:58Le seul vatte en guerre dans cette question, c'est Vladimir Poutine. Et la seule manière de faire en sorte qu'on n'ait jamais une guerre qui nous oppose frontalement à la Russie,
08:10c'est précisément d'être ferme maintenant, de soutenir l'Ukraine maintenant, de prendre les mesures pour réarmer l'Europe maintenant afin de le dissuader.
08:17Parce que si nous ne le faisons pas, si nous continuons la faiblesse, si nous continuons à faire ce que nous avons fait après l'invasion de la Géorgie, c'est-à-dire rien,
08:24eh bien nous l'invitons à l'agression. Comme en 2014, rien. Et ensuite l'agression continue. Donc maintenant, il est temps de faire preuve de fermeté précisément pour éviter la guerre.
08:34Et moi, si j'essaye d'alerter, c'est le but.
08:38Vous êtes d'accord avec Charles Michel quand il dit « la troisième guerre mondiale est possible ». Là encore, ce sont des phrases qui frappent ceux qui nous regardent,
08:43ceux qui sont inquiets, peut-être notamment dans la jeune génération qui se demande si eux-mêmes sont susceptibles d'être mobilisés dans les années à venir.
08:50Est-ce que la troisième guerre mondiale est possible ?
08:53Si nous laissons libre cours à l'agressivité de Vladimir Poutine, une guerre, oui, frontale, est possible. Et pour l'éviter, il faut empêcher qu'il gagne en Ukraine
09:04et il faut surtout projeter une image de force. Face à un tyran qui veut la guerre, c'est la faiblesse qui est une invitation à la guerre, ce n'est pas la force.
09:13Et donc réarmer nos défenses, faire en sorte que l'Europe puisse assumer elle-même sa sécurité, qu'elle soit capable de dissuader justement les régimes comme ceux de Vladimir Poutine
09:25qui voudraient nous faire la guerre, c'est un acte de paix. Mais simplement, la paix aujourd'hui, elle suppose des efforts massifs. Et si nous ne les faisons pas, par contre,
09:34alors nous risquons d'avoir la guerre. Et justement, tous les efforts que nous faisons maintenant, ça a comme but d'empêcher que des jeunes Français aillent crever sur le front.
09:43Parce que c'est ça l'objectif, c'est d'empêcher qu'il y ait une confrontation militaire directe.
09:46Raphaël Glusman, vous parlez des efforts précisément pour montrer une force des démocraties occidentales face à Vladimir Poutine sur la question du réarmement des pays européens.
09:57Il y a quelque chose de singulier qui s'est passé la semaine dernière, au moment même où à Bruxelles, un peu partout en Europe, on se réunissait pour savoir comment les pays allaient être capables d'augmenter leur budget militaire.
10:08En France, il est question de passer de 2% à 3, 3,5% de ce que l'on produit chaque année. Au même moment, vous aviez des partenaires sociaux qui, en France, se réunissaient autour de ce qu'on appelle un conclave,
10:19avec une majorité d'entre eux qui souhaitent revenir sur la réforme des retraites, qui a mis l'âge légal à 64 ans, une réforme des retraites qui fait des économies.
10:28Est-ce qu'on peut tenir le discours que vous tenez, un discours d'alerte, de fermeté, de mobilisation générale, et en même temps se dire qu'on va aller détricoter une réforme qui génère des économies ?
10:36Est-ce que ces deux éléments-là sont compatibles ?
10:38Vous pouvez prendre le problème de manière complètement opposée. Vous pourriez aussi dire, j'entends le discours du MEDEF, mais vous pourriez aussi dire que dans toute situation similaire à travers l'histoire,
10:54les démocraties occidentales, quand elles ont fait face à une guerre, à une situation de conflit, à une nécessité de réarmement, elles ont fait jouer la solidarité nationale
11:03et elles ont fait en sorte que les plus hauts patrimoines contribuent de manière significative à l'effort de réarmement et de solidarité.
11:09On peut le prendre par d'autres biais, mais moi ce que je veux dire, c'est qu'à l'échelle européenne, maintenant, ce qu'on doit faire, c'est ce qu'on a fait face à la pandémie,
11:17c'est-à-dire un grand emprunt collectif européen de 500 milliards.
11:21C'est-à-dire seulement de l'argent européen, Raphaël ?
11:23C'est ce qu'on est en train de discuter à l'échelle européenne. Ça doit être principalement de l'argent européen. Et je vais vous expliquer pourquoi.
11:29Pas simplement pour faire faire des économies aux Français, mais aussi parce qu'il est nécessaire que le réarmement de l'Europe se fasse de manière coordonnée.
11:35Parce que si chaque État investit dans sa propre défense de manière séparée, on aura 27 armées qui coûteront toutes très cher, mais qui ne produiront pas d'efficacité pour la défense du continent européen.
11:48Donc ce qu'il faut, c'est que ce soit coordonné. On a fait face à la pandémie quelque chose d'inédit.
11:52On a été capable de centraliser les commandes de vaccins. C'est ce qui nous a permis d'avoir des vaccins.
11:57Or, il faut qu'on fasse la même chose pour la guerre en Europe. C'est sur la table au Parlement européen, au Conseil européen.
12:03Les Allemands, qui étaient très opposés, semblent aujourd'hui prêts à rallier cette hypothèse.
12:09Ça permettra aussi de faire cet effort sans faire peser ces efforts sur les populations européennes.
12:16Oui, mais Raphaël Gustave, je reste quand même sur ce paradoxe parce que depuis quelques jours, on entend toute une série de lignes rouges.
12:22Emmanuel Macron qui dit qu'il ne faut pas de hausse d'impôt. François Hollande qui dit qu'il ne faut pas toucher au modèle social.
12:27Est-ce qu'à un moment donné, quand on tient le discours qui est le vôtre, qui est un discours de gravité, il ne faut pas aussi expliquer aux Français qu'il y aura des sacrifices à faire ?
12:34Mais il y aura des efforts à faire. Après, il faut qu'ils soient justement répartis, équitablement répartis.
12:38Mais écoutez-moi, tant que nous n'avons pas saisi les 209 milliards d'avoir public russe qui sont actuellement en Europe et qui sont gelés,
12:46tant qu'on n'aura pas fait cette empreinte de 500 milliards, c'est extrêmement compliqué de poser sur la table des débats sur les efforts que devront faire les uns et les autres,
12:52alors même que nous avons la capacité de lever des fonds en ce moment de manière rapide et qui permettront au réarmement de nos sociétés de ne pas coûter aux contribuables européens
13:04les sommes qu'ils pourraient coûter si nous ne faisons pas ces actions. Donc moi, ce que je propose, c'est que d'abord on fasse ça.
13:08C'est raisonnable de revenir sur une réforme qui génère des économies comme la réforme des retraites au moment où on est susceptible d'avoir besoin de plus d'argent pour investir dans l'armée.
13:14Est-ce que c'est raisonnable ?
13:15Mais écoutez, là, il y a une discussion entre partenaires sociaux. Je vois bien que certains veulent profiter de l'opportunité pour essayer de casser cette discussion.
13:23La vérité, c'est que moi, de l'argent, je vous dis qu'il y en a ailleurs aussi. Si vous voulez discuter de où on trouve de l'argent, il y a des plus hauts patrimoines qui échappent à l'imposition aujourd'hui.
13:34Faire un impôt européen sur les plus hauts patrimoines pour financer l'effort de solidarité et financer l'effort de réarmement, c'est parfaitement légitime.
13:41Et cela, comme par hasard, ce n'est pas proposé par le MEDEF.
13:44Donc moi, je veux bien que chacun saisisse cette opportunité pour imposer son propre agenda.
13:49Mais ce que je vous dis d'abord, c'est qu'il faut faire à l'échelle européenne des actions qui nous permettront justement de soulager le poids qui va peser sur chaque État membre.
14:01En fait, cet emprunt de 500 milliards à l'échelle européenne, on le fait. On l'a fait contre un virus.
14:07On peut le faire pour réarmer nos sociétés.
14:09Juste avant de parler des réactions politiques, vous parliez tout à l'heure de ceux qui vous accusent d'être des vatanguers.
14:15Parfois, il y en a peut-être aussi à gauche. Un mot sur l'enjeu de la dissuasion nucléaire.
14:18Il faut être très précis sur ce sujet parce qu'on entend parfois un peu tout et n'importe quoi, notamment sur l'utilisation du mot partage.
14:24Un exemple très précis. Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, sur la question d'un éventuel parapluie nucléaire français, dit, je cite,
14:30« Si l'on devait s'y résoudre, cela vaudrait la peine d'avoir la certitude que c'est entre nos mains et que c'est nous qui décidons. »
14:36Est-ce que dans la réflexion sur ce que sont les intérêts vitaux français, par exemple, une attaque sur le sol de la Pologne fait partie des intérêts vitaux français ?
14:44C'est ce que demande au fond le Premier ministre polonais.
14:47La première chose, c'est que je vous félicite parce que depuis une semaine, on entend le mot partage.
14:52Oui, alors qu'il n'est pas utilisé par ceux qui en parlent.
14:54Mais non, parce que ça ne peut pas être sur la table.
14:56D'où ma question très précise.
14:57On ne va pas partager à 27 la décision d'appuyer ou non sur le bouton.
15:02Ça, ça restera la souveraineté du président de la France.
15:05Donc, ce dont on parle, c'est d'une extension du parapluie nucléaire français ou franco-britannique au reste des pays de l'Union européenne.
15:13Et ce que cela veut dire, c'est qu'en fait, il y a une nouvelle définition ou plutôt la continuité de l'évolution de la définition des intérêts vitaux de la France.
15:19Vous voyez bien très concrètement, Raphaël Glucksmann, est-ce qu'une attaque sur la Pologne fait partie des intérêts vitaux français ?
15:24Et bien, c'est exactement ce dont on parle.
15:26Ça veut dire que s'il y a une extension du parapluie nucléaire français, une attaque sur la Pologne fera partie des intérêts vitaux de la France.
15:32Donc pourrait justifier l'utilisation de l'arme nucléaire.
15:37Et c'est ce qui permettra une nouvelle étape de la construction européenne, l'émergence d'une puissance et surtout pour la France, pour la France.
15:44Et ça, il faut saluer l'héritage dont on bénéficie.
15:47Ce n'est pas vous, ce n'est pas moi qui ont fait ça.
15:49C'est quand même grâce au général de Gaulle.
15:52La doctrine du général de Gaulle, ce n'était pas il se passe quelque chose en Pologne, ça justifie d'utiliser l'arme nucléaire.
15:57Ce n'était pas la ligne de l'Odevoche, oui, mais la Pologne, à l'époque, faisait partie du pacte de Varsovie, je vous rappelle.
16:01Mais au moment de la crise de Berlin, il a eu une doctrine très claire, le général de Gaulle, sur la solidarité de la France à l'également de la République fédérale allemande.
16:08Mais ce que je veux dire, c'est qu'en construisant une dissuasion réellement autonome, c'est-à-dire beaucoup plus autonome que ne l'est, par exemple, la dissuasion britannique.
16:16Il nous a légué quelque chose d'extraordinaire.
16:19La France est le seul pays réellement souverain de l'Union européenne, puisque sa sécurité ne dépend que de lui-même.
16:25Et ça nous permettra, si on a cette discussion, de redevenir leader de la construction européenne, de redevenir la locomotive de la construction européenne.
16:35La France peut retrouver son rang et son rôle dans le monde en ce moment.
16:41Donc ce qu'il faut qu'on fasse là, c'est qu'on montre à nos amis européens que nous sommes, nous, crédibles pour édifier cette sécurité européenne.
16:50Et nous avons les cartes en main, parce que nous avons aussi une industrie de défense qui est puissante.
16:54Et je pense que la France va redevenir une grande puissance au moment où on se parle.
17:00On a tout pour réussir, simplement il va falloir qu'on construise avec nos alliés.
17:06C'est très important ce que vous nous dites ce soir, Raphaël Guzman, puisque vous considérez effectivement, quant à la demande du Premier ministre polonais,
17:10qu'une attaque sur la Pologne ferait partie des intérêts vitaux français.
17:15Un mot sur, je le disais, les réactions de la classe politique à ces bouleversements du monde, et notamment à gauche.
17:22Moi j'ai été frappé par ce qu'a dit l'orateur insoumis au Parlement cette semaine, sur le fait d'augmenter les budgets militaires.
17:27C'était Aurélien Saint-Aul, député insoumis. Il disait la chose suivante, ouvrez les guillemets,
17:30à quoi bon tout cet argent ? Jean-Luc Mélenchon, ouvrez les guillemets, à 7h la guerre est perdue pour les Européens.
17:36Est-ce que là, sur ce sujet, il s'agit de gauche irréconciliable ?
17:40Nous sommes en confrontation absolue sur cette question.
17:44C'est un discours défaitiste, c'est un discours qui méprise ce moment extraordinairement important
17:52où on doit construire une défense autonome européenne.
17:57Si on rate ce moment-là, si on cède à cette tentation municoise, à cette tentation défaitiste, à cette tentation de la capitulation,
18:07eh bien on aura tout raté.
18:09Et donc moi j'assumerai toutes les contradictions, toutes les oppositions.
18:15Est-ce que ce sont des positions irréconciliables ?
18:18Totalement irréconciliables. Je ne peux pas être plus clair.
18:21C'est totalement irréconciliable.
18:23Le point de vue sur l'Ukraine, l'aide qu'on doit lui apporter, la construction de la défense européenne,
18:29tout cela est irréconciliable.
18:30Et on vit un moment tellement important que toutes les alliances stratégiques, politiques,
18:36doivent être passées au crible de ce moment-ci.
18:39Est-ce que vous considérez qu'il y a sinon des convergences, du moins des similitudes
18:45entre les positions de la France insoumise et les positions du Rassemblement national et de Marine Le Pen
18:49quant à ce qui se passe en Ukraine ?
18:51Et les positions aussi d'Hervé Morin et les positions des différents médias de M. Bolloré.
18:57Il y a une convergence entre tous les gens qui refusent la résistance des démocraties européennes.
19:02Aujourd'hui, on est face à un moment vital, existentiel.
19:07Je veux dire, ce n'est pas de la petite polémique, ce n'est pas des petites oppositions.
19:12C'est quelque chose de fondamental.
19:14On est en train de jouer maintenant l'avenir des enfants et des petits-enfants qu'on va avoir, qu'on a.
19:21Je ne sais pas comment le dire.
19:26Je crois qu'on n'a jamais été face à quelque chose d'aussi important dans nos vies, depuis qu'on est nés.
19:32Il n'y a jamais eu de moment comme ça en Europe.
19:34Et donc, les positions des uns et des autres détermineront leur place dans l'histoire.
19:39Et moi, ce que je veux, c'est utiliser tout le petit pouvoir que j'ai
19:44pour qu'on puisse, en Europe, construire une puissance autonome,
19:49capable de se défendre, capable d'être libre,
19:52capable de ne plus dépendre des désidératas d'un homme élu par des électrices et des électeurs en Floride et dans le Wisconsin,
19:58avec lesquels nous n'avons finalement que très peu de choses en commun.
20:01Donc voilà, moi, ce que je veux, c'est qu'on construise cette Europe-là.
20:04Et c'est ça la vocation de la France.
20:06C'est ça être fidèle à l'héritage gaulliste.
20:07C'est ça être fidèle à la tradition française.
20:09C'est ça renouer avec ce pacte 20 fois séculaire dont parlait le général de Gaulle,
20:13entre la grandeur de la France et la liberté du monde.
20:15On est face à un moment comme ça qui est décisif, qui va déterminer notre avenir, en fait, à toutes.
20:20Deux questions précises pour terminer.
20:22La première, est-ce qu'il faut une union sacrée des politiques derrière le gouvernement ?
20:27Ce midi, dans BFM politique, Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, disait
20:31que si, à un moment donné, les conclusions du conclave sont écartées au nom de la situation internationale,
20:36il faudra envisager la possibilité de déposer une motion de censure.
20:39Est-ce que, dans le moment, vous dites qu'il faut arrêter avec ces menaces de renverser le gouvernement ?
20:44Est-ce qu'il faut soutenir le gouvernement tant que la crise n'est pas derrière nous ?
20:48Écoutez, moi, je ne vais pas faire de la politique politicienne pour un sou.
20:52Ce que je vais vous dire, c'est très simple.
20:54Le gouvernement, s'il prend des mesures qui vont dans le sens de l'édification d'une défense européenne,
20:59s'il accroît l'aide à l'Ukraine, s'il fait face au péril principal de notre époque,
21:05nous serons là pour soutenir chacune des propositions qui vont dans le bon sens.
21:09On ne va pas, maintenant, cogiter pour essayer de faire tomber un gouvernement en pleine crise aussi grave.
21:15C'est très simple. Ça ne veut pas dire qu'on ne s'oppose pas aux mesures qu'on condamne.
21:20Ça veut dire qu'il y a des priorités à avoir ?
21:22Ça veut dire qu'aujourd'hui, il faut qu'on rétablisse une hiérarchie des priorités.
21:25La première priorité pour nous, c'est d'assurer la sécurité de la France et de l'Europe.
21:30C'est ça, c'est aussi simple que ça, c'est de construire cette défense.
21:33C'est de faire en sorte que dans deux ans ou dans trois ans, on ne regarde pas la Lettonie se faire envahir
21:38et on ne soit pas amené à se poser la question, mais quel type d'homme on envoie sur place ?
21:42Parce qu'en fait, ça se joue maintenant.
21:44Si on n'est pas à la hauteur maintenant, dans deux ou trois ans, on pourra se retourner et on dira,
21:49mais quelle catastrophe, mais quel fiasco, on avait d'autres priorités à l'époque, on n'avait pas compris.
21:53Moi, j'en ai marre des gens qui sont surpris à chaque fois qu'une catastrophe arrive alors qu'elle était parfaitement prévisible.
21:57Là, on sait que la catastrophe arrivera si on ne prend pas les bonnes décisions.
22:00Alors, prenons-les.
22:01Une dernière question, Raphaël Glucksmann.
22:03Sur vos ambitions, vous avez confié à nos confrères de Figaro.
22:05Je travaille à un projet pour la France.
22:07Et d'ailleurs, le Figaro a cité la réaction de Jean-Luc Mélenchon.
22:10Ouvrez les guillemets, qu'il soit candidat, ce monsieur est pour la guerre, qu'il aille le dire partout.
22:14Visiblement, il semble, je ne sais pas s'il vous incite ou s'il y a une forme d'ironie, à être candidat en 2027.
22:20Vous travaillez à un projet pour la France, ça veut dire que vous êtes candidat ?
22:23Non, ce que ça veut dire, c'est qu'on a construit un projet pour l'Europe.
22:27On a réussi une campagne européenne qui avait suscité une forme d'enthousiasme parmi les gens de gauche, démocrate et pro-européen.
22:33Eh bien, il faut faire la même chose pour la France.
22:36Il faut construire un projet novateur, ambitieux, de transformation sociale et écologique et démocratique pour notre pays.
22:43Mais, vous savez, quand il dit ça, Jean-Luc Mélenchon,
22:46moi, j'assume la confrontation devant le peuple français avec lui sur cette question-là.
22:50Quand il dit que je suis pour la guerre, alors que je suis pour justement éviter la guerre en étant ferme et résolu,
22:55eh bien, vous savez, plus de 60% des Français sont d'accord avec la ligne que je représente contre cette tentation de la capitulation.
23:01Et donc, vous y contribuerez avec Olivier Faure qui dit même possibilité d'une primaire qui puisse aller, par exemple, de François Ruffin à Raphaël Glucksmann.
23:07Écoutez, moi, je ne veux absolument pas rentrer dans ce type de débat sur des processus à un moment aussi grave de notre histoire.
23:12Mais par contre, ce que je veux, c'est que chacun aille devant les électrices et électeurs français avec un projet clair
23:18et qu'on assume nos divergences et qu'on laisse le choix aux électrices et aux électeurs.
23:22Parce qu'effectivement, entre Jean-Luc Mélenchon et moi, ce n'est absolument pas la même réponse à la principale crise de notre temps.
23:28Merci Raphaël Glucksmann d'avoir été l'invité de C'est pas tous les jours dimanche.

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