Cette semaine, Alexandre Delpérier reçoit la nageuse Ludivine Blanc. Issue d'une famille de nageurs, elle ne pouvait éviter l'inévitable ; mais elle a choisi une voie très spéciale : la nage en eau glacée. Et après seulement deux années de pratique, elle a déjà ramené sept titres de championne du monde. Dont quatre lors des derniers mondiaux en Italie, à Molveno.
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00:00...
00:17-"Parce qu'il y a les femmes, parce qu'il y a le sport",
00:20bienvenue dans votre rendez-vous dédié aux femmes dans le sport.
00:24Bienvenue dans La Victoire est en aile,
00:26où, comme très régulièrement, nous recevons une immense championne
00:29d'adaptation, mais pas que. Bonjour, Ludivine.
00:32Alors, Ludivine Blanc, tu as...
00:3630 ans depuis hier.
00:37Depuis hier, oui.
00:38C'est une bonne nouvelle.
00:40Oui, c'est... J'essaie de me le dire, oui.
00:42Rires
00:44Quand je vois tes 4 médailles ici, qui sont issues de victoire au dernier...
00:48Les championnats du monde.
00:49Je me dis que t'as 30 ans et que t'as bien bossé.
00:51Oui. C'est pas les seuls 4 que j'ai, j'en ai 9 en tout,
00:54donc on va dire que j'ai bien bossé.
00:56Ça, c'est les plus récentes. Elles ont 2 semaines, donc ça va.
00:59Alors, tu connais bien... Nous sommes en banlieue parisienne.
01:02Tu connais bien Boulogne-Bianco, où nous sommes,
01:04parce que t'es née ici, t'as grandi là.
01:06J'ai passé mon bac ici, j'ai tout fait ici.
01:08Parfait. Depuis, t'es où ?
01:10Depuis, là, j'habite à Montpellier.
01:11Tu as découvert la natation à Boulogne-Bianco.
01:14C'est ça.
01:15À la CBB.
01:17Tu avais quel âge ? Comment, quoi, qui t'y a amenée ?
01:19Alors, pour l'âge, j'ai plus trop de mémoire,
01:22mais je pense que c'est à partir de 5 ans.
01:24Mes parents sont anciens nageurs, donc ils m'ont amenée...
01:27Excellent niveau.
01:28Excellent niveau, les deux.
01:30Et du coup, j'ai une grande sœur aussi,
01:32donc ils nous ont appris à nager pour qu'on puisse aller jouer dans la mer,
01:35et petit à petit, on a décidé de continuer à nager avec ma sœur,
01:38parce qu'on aimait bien ça, et...
01:40Et rapidement, on a accroché ?
01:42Ma sœur a très, très accroché, et moi, j'ai suivi ma sœur,
01:45et j'ai vraiment, vraiment, vraiment adoré,
01:47mais la meilleure partie, c'était le moment où on me criait dessus,
01:50je mettais la tête sous l'eau pour plus entendre les cris des autres.
01:53J'ai accroché avec l'eau et la partie natation.
01:56Je faisais des bêtises et j'écoutais pas trop ce qu'il fallait faire.
01:59T'as vu ta réaction ? T'as baissé la tête, t'as réveillé tes mains.
02:03Ouais, j'étais jeune, mais non, c'était...
02:05Je faisais ce que je voulais dans l'eau,
02:08et obéir aux ordres de faire...
02:10Tu fais trois longueurs sur le ventre, ça m'embêtait un peu,
02:13puis j'aimais aller plus vite que les autres, alors je m'ennuyais.
02:17Parce que tu allais plus vite que les autres déjà ?
02:19Quand j'étais petite, ouais, déjà, ça commençait.
02:21J'aimais bien arriver plus vite,
02:23puis la sensation de glisse était plus agréable,
02:25sauf que la sensation de glisse, je l'avais quand je nageais vite,
02:27et pas quand j'allais doucement.
02:29J'aimais bien me précipiter et faire les choses bien.
02:32Tes premiers titres, tu t'en souviens ?
02:34De championne de France en natation ?
02:35Ouais, par exemple.
02:37Ce qui n'est pas rien.
02:38Alors, tu peux me dire, non, ma première...
02:40Alors, on va commencer autrement.
02:42La première victoire dont tu te souviens, qui t'a...
02:45Waouh !
02:46C'est peut-être un titre de championne de France,
02:48mais c'est peut-être bien avant.
02:49La première fois où j'ai fait un podium au championnat de France,
02:52c'était quand j'étais avec l'ACBB.
02:54C'était un relais, il y avait ma sœur avec moi dans le relais,
02:56et deux amis avec moi.
02:58Vous aviez quel âge ?
02:59Moi, j'avais... Je ne sais plus.
03:0116 ans ?
03:0217 ans.
03:03Et ce podium, quand ?
03:04Et c'était inespéré,
03:06parce qu'on n'était pas du tout prévus sur le podium.
03:09Finalement, on a bien nagé, on était dans les premières séries,
03:10en plus, donc vraiment pas calculé.
03:12Et ma sœur, étant en train de regarder les résultats,
03:13elle se disait que c'était peut-être possible de faire un podium,
03:15alors que moi, j'étais complètement ailleurs
03:18en train de fêter ça avec ma copine.
03:20Et finalement, elle nous annonce qu'on a fait un podium
03:23et qu'on est troisième.
03:24Donc, il faut qu'on monte sur le podium et c'était improbable.
03:28Vraiment, c'était improbable.
03:29Et en plus, c'était avec ma sœur, donc c'est forcément mieux.
03:32Donc, c'était magique aussi ?
03:33Oui, c'était magique.
03:35Et tes premiers titres de championne de France individuelle ?
03:37Individuelle en natation... En eau glacée, du coup ?
03:41Non, non, non.
03:42On verra ça après.
03:44Oui, parce qu'il y a plein de choses.
03:45Il y a du sauvetage, il y a de l'eau glacée,
03:47il y a tout ce que vous voulez.
03:49En natation course, les premiers, c'était vraiment aux universitaires.
03:53Championnat de France universitaire.
03:55Et le vrai souvenir que j'ai, en tout cas,
03:57c'était la fois où j'ai fait le record de France universitaire.
04:00Improbable, encore une fois.
04:01Le matin, je fais la série, je suis à fond, je suis explosée.
04:06Et je me dis que je n'arriverai jamais à gagner la finale.
04:08C'est quoi la distance ?
04:10Aux 100 mètres.
04:11100 mètres nage libre.
04:13OK.
04:14Et je ne me dis jamais que je pourrais ?
04:15Oui, j'étais vraiment épuisée.
04:17Vraiment épuisée.
04:18Grand bassin ?
04:19Non, petit bassin.
04:20Et finalement, l'après-midi, je ne me suis même pas échauffée.
04:23Je n'ai fait même pas 50 mètres d'échauffe.
04:24Et puis, je suis sortie de l'eau et je me suis dit, bon, profite.
04:28Et finalement, je l'ai profité et ça s'est bien passé
04:30parce que record de France après, j'ai explosé mon temps,
04:34mon meilleur temps.
04:35Et c'était vraiment, encore une fois, improbable.
04:37Je sors de l'eau, je ne comprends même pas que c'est moi.
04:38Et c'est les filles qui sont dans la ligne à côté de moi
04:40qui m'expliquent que oui, le premier temps, c'est le mien.
04:44J'étais en train de chercher dans l'eau, savoir qui c'est
04:46qui avait fait ce temps-là.
04:47Pour moi, c'était vraiment impressionnant.
04:49Et en fait, j'ai mis bien cinq minutes à réaliser que c'était le mien.
04:52C'est ouf, ça.
04:53Comment tu expliques que t'arrives à performer comme ça
04:57sans t'en rendre compte ?
04:59Parce que ce n'est pas anodin, même si c'est un titre
05:01de jambes d'enfance universitaire.
05:03Ah non, alors le côté un peu...
05:07Je ne pense pas être capable de faire une grosse partie du boulot.
05:11Et le côté...
05:13Là, à ce moment-là, j'étais blessée en plus,
05:15je n'avais pas nagé pendant deux semaines
05:16parce que j'avais un problème à l'épaule.
05:18Et pour moi, ce n'était pas réalisable ni faisable.
05:22Enfin, le temps était improbable, quoi.
05:24Si c'était à deux secondes de mon meilleur temps,
05:25ce n'était pas possible.
05:27Et ça se fait, donc après, il faut assumer derrière, quoi.
05:30Pourtant, dans la vie, tu n'es pas comme ça.
05:32Ah non, dans la vie, je sais ce que je veux,
05:34je sais ce que je vaux, niveau professionnel, personnel et tout.
05:37Mais côté sportif, j'ai tendance à me sous-estimer un peu.
05:41Comme là, encore.
05:42Encore, là ?
05:43Au championnat du monde, je ne pensais pas aller rapporter
05:46quatre médailles d'or.
05:47C'est fou, ça.
05:49Je travaille dessus, je bosse dessus,
05:53mais ce n'est pas parfait, encore.
05:55Alors, tu vas quitter Boulogne à l'ACBB à quel âge ?
05:58Je vais partir à Malakoff avant.
06:01J'habite toujours à Boulogne, je fais toujours mes études à Boulogne,
06:03mais je change, je vais à Malakoff,
06:05et après, à mes 18 ans, je vais à Marseille.
06:07Je vais nager au CNM.
06:08Oui, c'est ça.
06:10Là où les plus grands noms sont passés,
06:11ou quelques-uns des plus grands noms,
06:12Manodou, Bernard Bousquet, Fabien Gillot, Camille Lacour,
06:15et ainsi de suite, tu les voyais ?
06:16Oui.
06:18Tu les regardais comment ?
06:19C'était des grands, c'était les meilleurs, en plus, à cette époque.
06:22Au monde.
06:23Oui, il y avait les meilleurs au monde,
06:25des médaillés olympiques qui étaient à côté.
06:27Et...
06:28Pardon, je rebondis par rapport à ce que tu disais,
06:30tu te sentais toute petite à côté, du coup ?
06:32Au début, oui.
06:33Au début, c'est des nageurs qui sont hyper impressionnants,
06:37puis on voit aussi le travail qu'il y a derrière,
06:38on voit l'étape entre faire les championnats
06:43et gagner les championnats,
06:44et en plus, après gagner les championnats,
06:45faire des médailles internationales.
06:46Et donc, ils m'ont un peu montré ce chemin,
06:49ils m'ont montré qu'il fallait vraiment travailler,
06:51et puis ils m'ont aussi montré qu'on est humain,
06:53aussi, avant tout,
06:55et que, finalement, c'est accessible de performer à tout le monde.
06:58C'est pas...
06:59Les meilleurs ont quelque chose qui est un peu différent,
07:02mais on est tous humains, quoi.
07:05Tu restes à Marseille combien de temps ?
07:07Trois ans.
07:08Tu pars à Montpellier ensuite.
07:10Oui.
07:11Pourquoi ?
07:12Parce que je dois changer de club
07:14et puis je ne fais pas mes études à Marseille,
07:15donc j'aimerais bien faire des études aussi.
07:17Je ne gagne pas ma vie en nageant,
07:18donc il y a un moment donné, il faut que je trouve une solution,
07:21et la meilleure solution, c'était d'arriver à Montpellier.
07:23Tu arrives à conjuguer les deux ou tu décroches un peu ?
07:26Ah non, non, je fais les deux.
07:29Le record de France universitaire, c'est quand j'étais à Montpellier,
07:32donc j'ai eu ma licence,
07:33j'étais majeure de promo en psycho à ce moment-là,
07:36j'étais en staps, mais donc la partie psycho,
07:38j'étais majeure de promo et record de France universitaire.
07:41Et non, c'est difficile,
07:43mais j'avais des horaires de nat' qui me permettaient de nager à 6h.
07:47Du matin ?
07:48Oui. Donc j'allais nager à 6h,
07:50entre 6h et 7h30, et à 8h, j'étais en cours.
07:52Et j'arrivais, du coup, à conjuguer un peu les deux.
07:55Ce n'était pas facile non plus.
07:56Et tu en nageais une deuxième fois, l'après-midi ?
07:57Le soir, soit j'allais en muscu, soit je nageais,
08:00soit ça dépend, si j'avais des cours vraiment obligatoires,
08:02je restais en cours, mais...
08:04Il y a un moment où tu te dis,
08:05et tu te souviens de ce moment-là où tu te dis,
08:06bon, OK, j'ai une tête bien remplie,
08:10est-ce que je dois sacrifier l'un pour l'autre ?
08:13Parce qu'on ne peut pas être championne olympique de natation.
08:15J'imagine peut-être que je me trompe,
08:17mais en faisant des études toute la journée aussi,
08:19parce que la natation, ça vous pompe tellement d'énergie.
08:23C'était à ce moment-là, déjà.
08:25À ce moment-là, il y avait des moments...
08:27Après, ce truc, je l'ai déjà depuis que je suis toute petite.
08:29Quand j'étais petite, au lycée,
08:31mes parents m'ont appris à travailler, à faire mes études,
08:33et en même temps, si j'étais qualifiée au championnat,
08:35on faisait en sorte, si j'avais vraiment envie d'y aller,
08:37soit d'aller au championnat et de revenir,
08:40parce que j'avais des examens ou des choses à faire,
08:42et après, repartir au championnat,
08:43c'est vraiment pas du tout le genre de choses qu'il faut faire,
08:45de changer, de repartir.
08:47Soit je faisais forfait au championnat,
08:49enfin, je n'y allais pas.
08:50Et j'ai appris à...
08:52Depuis que je suis petite, donc merci, merci, les parents.
08:55J'ai appris à faire des choix.
08:57À prioriser.
08:57Oui.
08:58Il y a des périodes où je sais que je vais plus m'entraîner que d'autres,
09:01des périodes où je vais plus bosser que d'autres,
09:03et c'est moi qui décide.
09:04Alors, c'est pas forcément les meilleurs choix des moments,
09:06avec le recul, j'arrive à m'en rendre compte,
09:09mais j'apprends petit à petit à décider quand est-ce qu'il faut que je m'entraîne
09:13et comment il faut que je m'entraîne et quand est-ce qu'il faut que je travaille,
09:15vraiment, quoi.
09:16Donc, ça s'apprend.
09:17Et il y a un moment où tu te dis, la natation, bon,
09:20j'ai vu les plus grands, j'irai pas là ?
09:24Ça m'est... Oui, ça m'est arrivé, oui.
09:26Ça m'arrive encore, aujourd'hui.
09:28C'est encore un truc aussi sur lequel je travaille.
09:29C'est douloureux ?
09:31Quand on voit certaines personnes
09:34pas forcément bien vivre leur réussite,
09:37ou en tout cas...
09:39Des exemples ?
09:40Je vais pas citer de noms.
09:42Ils savent, ils sauront.
09:44Mais je vois en interne, en fait,
09:47il y a un truc entre ce qu'on voit avec les médias
09:49et ce qu'on voit en interne,
09:50et surtout les retombées sur la famille et compagnie,
09:52c'est assez compliqué.
09:54Là, je fais un sport qui est pas trop connu,
09:56et même là, j'ai déjà des retombées un peu à gérer quand même.
09:59La natation en eau glacée.
10:00Ouais.
10:02Il y a des choses...
10:04C'est un petit sport, c'est un peu inconnu encore.
10:06Celui-ci ?
10:07Ouais, celui-ci.
10:08Donc la natation, je sais que ça m'a bloquée pendant une période,
10:12et que je me sabotais un peu pendant les compètes
10:15parce que j'avais pas trop envie d'avoir toute la retombée.
10:18J'imaginais un truc un peu atroce, vraiment,
10:21avec du coup la pression médiatique, la pression du résultat,
10:24la pression qu'on mettait.
10:26Je comprends, mais j'ai une question,
10:30toi surtout, mais moi aussi, on connaît beaucoup de nageurs et de nageuses,
10:34et c'est une discipline qui est tellement, tellement,
10:37tellement, tellement, tellement difficile.
10:40Oui.
10:41Nager 10, 20, 30 bornes, 40 bornes par semaine.
10:45Oui.
10:46Commencer à 6 du mat, parce que toi, tu le faisais pour aménager,
10:49mais tu vas travailler chez Philippe, Lucas ou à d'autres, c'est pareil.
10:53Est-ce qu'on peut ? Est-ce qu'on y arrive ?
10:55Et on a vu les plus grands noms exploser en vol de la natation.
10:59Est-ce que c'est une discipline où on peut s'épanouir,
11:01sachant qu'on passe 5 heures par jour, la tête dans l'eau,
11:04à se faire pourrir et à regarder des lignes et des carreaux au fond du...
11:08Est-ce qu'on peut ? Est-ce qu'on peut ?
11:09Oui, forcément, sinon, il n'y aurait pas de nageurs.
11:12Est-ce que ce n'est pas finalement normal qu'il y ait un moment où...
11:18Foutez-moi ça dehors.
11:19Je pense qu'on a tous ce moment-là.
11:20On parle de natation, mais dans tous les sports,
11:22il y a forcément, même dans les milieux professionnels...
11:24La natation, c'est beaucoup plus dur que le reste.
11:26La natation, c'est très compliqué,
11:28mais, encore une fois, dans tous les milieux,
11:30dans tous les environnements, il y a forcément un moment donné...
11:32Oui, mais tu fais du vélo, tu vois des paysages.
11:34Tu fais un sport-côte, t'as des potes.
11:37Là, c'est toi, ton bonnet, tes lunettes.
11:38Alors, il y a du relais de temps en temps.
11:40On a des potes aussi en natation.
11:41Oui, bien sûr.
11:42Mais au moment de la course, il n'y a plus que toi.
11:44Oui, mais ce n'est pas des épreuves qui durent...
11:46À part le 25 kilomètres, et encore, ça a été arrêté, ça, maintenant,
11:49mais les épreuves ne durent pas des heures en bassin.
11:53Donc, il y a la partie entraînement, OK.
11:54Pendant deux heures, on est hyper concentrés, OK,
11:56mais sauf qu'on parle au moment entre les pauses pendant les séries,
11:59et puis on parle avant et après les entraînements.
12:01Sauf que, pardon, permets-moi de te poser brutalement cette question,
12:04mais un titre de champion de France, on s'en fout, presque.
12:07C'est ça qui est dur, moi, je trouve.
12:08C'est que si tu n'es pas champion olympique ou champion du monde,
12:10ben, ouais, t'es là, quoi.
12:11Bon, il y en a.
12:12Ça, c'est les médias.
12:13Entre nous, on sait.
12:14On sait même les finalistes.
12:15Oui, mais est-ce que ce n'est pas la vérité ?
12:16Mais est-ce que cette pression médiatique,
12:18et pardon, c'est moi qui te pose la question,
12:19tiens, mais est-ce qu'elle n'est pas hyper violente, quoi ?
12:23Parce que déjà, des JO, il y en a tous les quatre ans.
12:25T'es champion olympique, ça change ta vie.
12:27Mais enfin, t'es pas calife pour la finale, ben, on...
12:30Qui ?
12:31Ça ne change pas forcément ta vie, parce que là, ça change...
12:33Là, j'ai l'exemple de Léon.
12:34Donc, lui, ça lui a changé sa vie et tout, mais c'est super.
12:38Mais il n'y a pas eu que Léon, aussi.
12:40Enfin, il y a eu d'autres perfs.
12:41Il n'y a pas qu'un seul nageur français qui a quand même performé.
12:44Et on ne parle pas forcément des autres.
12:45Donc, ce n'est même pas forcément...
12:46Mais c'est ça, justement, que tu es violent.
12:48C'est ça que je veux te dire.
12:49Ben, c'est le sport, quoi.
12:51C'est la vie, en fait.
12:52C'est la natation.
12:54Alors, il y a plein de sports comme ça, mais c'est la natation.
12:56Là, j'ai un exemple en judo, aussi.
12:58On connaît Teddy Riner, mais les autres judokas,
13:00est-ce qu'ils sont autant connus que lui ?
13:02Non, oui, enfin, voilà.
13:03Ça dépend, il y a les têtes d'affiches,
13:05et puis après, il y a le reste.
13:06Oui, mais je pense que le quotidien d'un judoka...
13:08Et je sais que c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup,
13:10beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail.
13:12Mais c'est moins...
13:15Je demande validation.
13:16Je vais faire exprès de ne pas employer le mot pire.
13:19C'est moins pire ou moins dur que la natation ?
13:21J'ai fait un peu de judo quand j'étais toute petite,
13:24alors je n'ai plus de souvenirs, mais...
13:26Tu vois ce que je veux dire ?
13:27Ils sont tous là dans un beau jeu, ils sont pleins...
13:30Bon, tu me lances une piscine, aussi, mais enfin, bon.
13:31La natation, il y a un gras.
13:32Enfin, c'est un sport, un gras.
13:33OK.
13:34Finalement, à un moment, tu bascules.
13:36Tu vas faire évoluer...
13:39Faire le sauvetage sportif.
13:41Faire le sauvetage sportif. Pourquoi ?
13:42Parce que...
13:44T'as sûr que c'est pas un reproche ?
13:45Non, parce qu'en fait, justement,
13:48c'était un moment où j'avais l'impression de faire le tour de la natation.
13:50C'était un peu compliqué pour moi, à ce moment-là,
13:52et j'ai trouvé un entraîneur qui...
13:55Pardon, le tour, c'est quoi ?
13:56Je ne serai jamais championne olympique ?
13:58Il y a ça qui est sympa ?
13:59Je n'ai jamais voulu être championne olympique.
14:01OK.
14:02Déjà, je n'ai jamais...
14:05En fait, ça ne me faisait pas rêver,
14:06parce que j'avais tout le autour que je voyais
14:09qui ne me faisait pas rêver, mais...
14:11Donc, comment tu arrives au sauvetage ?
14:13On me parle de sauvetage sportif et on me propose un autre sport
14:16avec d'autres conditions d'entraînement, d'autres horaires,
14:19qui, du coup, me convenaient mieux pour mes études.
14:21Et on me montre du matériel à utiliser.
14:24Et mon point fort dans l'eau, c'est de m'adapter.
14:26Je suis capable de m'adapter à tout.
14:27Et on me met un mannequin,
14:29donc les trucs de 80 kg dans les mains,
14:31et on me dit, vas-y, débrouille-toi.
14:32Et la première fois que je le fais, ça se passe bien.
14:34Donc, je découvre un sport qui est aquatique.
14:37Donc, encore une fois, je peux rester dans l'eau
14:38et je peux faire ce que je veux.
14:39Et en plus, avec des choses,
14:41des paramètres qui sont différents et que je ne connais pas.
14:43C'est un peu ludique, tu peux jouer, comme quand tu étais petite.
14:46C'est ça.
14:47J'apprends, en fait. J'apprends un autre truc.
14:49Au lieu de faire le tour de l'intention
14:51et de plonger, nager, toucher le mur,
14:54j'apprends à bouger avec un mannequin,
14:57à faire des virages sous l'eau un peu bizarres.
14:59Là aussi, tu vas te constituer un palmarès ?
15:01Un petit, oui. J'essaye.
15:03Un petit palmarès ? Je t'écoute.
15:05J'ai une médaille au World Games.
15:07C'est l'équivalent des Jeux pour les sports qui ne sont pas olympiques.
15:09On a un record du monde aussi.
15:11Et j'ai... Je n'ai pas compté,
15:13mais pas mal de médailles au championnat de France.
15:15À la rescue, c'est une compétition internationale.
15:18Donc, tu es au sommet.
15:19Oui.
15:20Et puis, il y a un épisode qui va changer ta vie.
15:22Oui, je me prends une voiture.
15:24Tu es où ? Tu es comment ? Tu es quoi ?
15:25Je suis à vélo, je rentre du travail
15:27et je me fais percuter par une voiture.
15:29Et donc, trauma crânien, commotion cérébrale,
15:32j'ai des déchireurs de partout.
15:33Enfin, il n'y a rien qui va.
15:35Et c'était pile au moment où je m'étais dit
15:36que, justement, j'avais conscience de mes qualités
15:39et que l'environnement, justement, ça pouvait se maîtriser.
15:42Donc, du coup, je voulais essayer de me qualifier pour les Jeux de Paris.
15:45Et finalement, je prends la voiture.
15:48Donc, ce n'est plus possible, quoi.
15:50Et donc, là ?
15:50Eh bien, là, il faut trouver une solution.
15:52Il faut sortir de son lit.
15:54Et j'ai plus de sport, je n'ai plus rien.
15:56Et les médocs ne marchent pas.
15:58On essaie de me trouver des solutions.
16:00Il n'y a rien qui fonctionne.
16:01Et puis, le seul truc qui me faisait du bien,
16:03c'était le froid, la glace sur la tête.
16:06Et je me dis que...
16:07Et la cryothérapie.
16:08Et je me dis que la cryothérapie peut être pas mal.
16:11Sauf que l'eau me manque.
16:12Donc, attends, là, quand on te voit faire de la cryo,
16:14là, c'est pour te rétablir.
16:16Là, c'est encore l'étape d'après.
16:18Ça, c'est encore une étape après.
16:19La cryo, c'était le premier truc pour aller mieux.
16:21Et puis, finalement...
16:22Donc, t'aimes le contact avec cette eau froide ?
16:24Alors, non.
16:25Non, j'aime le contact avec l'eau.
16:27Sauf que le froid du bain, là, il m'aidait à me soigner.
16:30OK.
16:32Et du coup, on m'a combiné un peu les deux.
16:33On m'a combiné un truc pas agréable, le froid,
16:35vraiment un truc que je déteste,
16:36avec un truc dont j'avais besoin à ce moment-là, c'est l'eau.
16:39J'avais besoin d'être dans de l'eau, d'être...
16:40Me sentir légère, de pouvoir avoir cette fluidité,
16:43cette sensation de cocon,
16:46enfin, de choses vraiment plus cools
16:48que toutes les blessures et tout le...
16:51Donc, c'était médical, hein, la raison ?
16:52Ah ouais, non. Au début, il était médical.
16:53Uniquement médical.
16:55Et là, tu veux rencontrer quelqu'un ?
16:57Et là, non, il y a plusieurs choses.
16:59Il y a une autre chose avant.
17:00C'est que là, c'est...
17:01Donc, c'est compliqué.
17:02Et puis, je me dis que je suis toute seule chez moi.
17:03Et je m'ennuie, et je fais rien, et j'ai besoin de voir des gens.
17:07Parce que je suis seule, en fait.
17:10Et on me parle des championnats de France de nage en eau glacée.
17:15On me dit que les championnats du monde sont en France, en plus.
17:17Et je leur dis, moi, je m'en fous.
17:18Peut-être que les championnats de France, je vais voir des gens.
17:20Sauf que moi, l'eau glacée, j'y connais rien.
17:22Et donc, du coup, là...
17:23Et que j'aime pas l'eau froide.
17:23Et je déteste le froid.
17:24Et je sais pas comment on s'entraîne.
17:26Parce que c'est un sport extrême, quand même.
17:27Donc, natation, c'est bon.
17:33– Qui est ?
17:33– Qui est cardiologue de l'INSEP,
17:36qui travaille avec la Maison du Ronde et tout.
17:38Et qui a aidé Arthur Guérin à faire son record du monde d'apnée sous glace.
17:43Et du coup, je l'appelle et je lui dis, voilà, écoute,
17:45là, je vais essayer de faire des championnats de France d'eau glacée.
17:49Je sais pas du tout comment on fait.
17:51Aide-moi, s'il te plaît.
17:53Et donc, il rigole.
17:53Il me dit, rendez-vous à Paris, viens à la Maison du Ronde.
17:56Et on va te faire des protocoles.
17:57Et on va faire en sorte que tu puisses t'entraîner pour le faire.
18:01En tout cas, en souffrant le moins possible.
18:03– Et donc ?
18:04– Et donc, je me retrouve avec la Maison du Ronde, avec Marine, d'ailleurs,
18:07à me faire plonger dans un bain à 8 degrés,
18:10avec plein de choses branchées autour de moi.
18:13Et à essayer de comprendre, au niveau scientifique,
18:15parce que je suis très scientifique, quand même,
18:17comment est-ce que je peux faire pour vaincre le froid.
18:20Et donc, on découvre pas mal d'astuces qui sont assez cool,
18:23que je vais pouvoir mettre en place.
18:24Et qui vont m'aider, du coup, à faire les championnats de France.
18:26– Où tu vas faire quoi ?
18:28– Je vais faire deux records du monde, un record de France.
18:30– Ah, j'adore !
18:32Alors, comment on fait ?
18:34– Ben, voilà !
18:36Non, mais il y a quand même un énorme travail avant.
18:38Donc, il y a le côté…
18:40Là, j'avais 26 ans.
18:43– Avant-hier.
18:44– Ça fait 26 ans que je travaille, que je nage.
18:46– Oui, que je nage.
18:46– Donc, c'est pas rien.
18:48Et le travail avec le froid, on a quand même fait un énorme travail
18:51avec François et toute l'équipe,
18:53pour faire en sorte que je puisse être active sans subir,
18:57sans faire de malaise dans le froid.
18:59Donc, je fais les championnats de France.
19:00Et puis après, on me dit, dans trois semaines,
19:02t'as les championnats du monde, et c'est en France,
19:03au même endroit.
19:04Allez, viens !
19:05Il y a du monde.
19:06Donc, du coup, j'y vais.
19:07Et je fais trois titres, trois records du monde.
19:10Et depuis, je suis encore là.
19:12– C'est incroyable.
19:14– C'est…
19:15– La fille qui ne croit pas et qui va,
19:17et qui ne sait pas comment ça va faire,
19:19allez, bim, bam, boum, ça tombe de partout.
19:20– Ah, mais pour moi, c'était…
19:22Les championnats, quand j'allais en France,
19:23enfin, quand j'allais y aller,
19:24j'allais faire 25 mètres et j'allais sortir de l'eau.
19:27Je pleurais.
19:28Ma première épreuve, c'était le sondage libre.
19:29Et je pleurais avant.
19:31Je ne voulais pas y aller.
19:31C'était hors de question.
19:32Et en fait, j'ai eu la chance d'avoir quelqu'un qui est venu
19:35et qui m'a rassurée, qui m'a dit,
19:36mais en fait, t'es dans un sport extrême.
19:37On n'est pas en natation.
19:38Ce n'est pas le même sport du tout.
19:40Donc là, si tu ne te sens pas descendre dans l'eau,
19:41tu ne descends pas.
19:42Enfin, il n'y a que toi qui décides.
19:44Et…
19:45– C'est une approche mentale.
19:46– Oui, on a besoin de prendre du recul sur nos capacités
19:49et sur notre connaissance de soi.
19:51On n'est pas influencé.
19:52En natation, c'est différent.
19:54En natation, s'il y a notre entraîneur qui nous demande
19:56de faire une certaine distance, on le fait.
19:58Mais en eau glacée, si on ne se sent pas,
20:00on ne descend pas dans l'eau.
20:01C'est un sport extrême, encore une fois.
20:03– Là, les images qu'on voit, c'est où ?
20:04– C'était à Samoins.
20:05C'était en France, c'était mes premiers championnats du monde.
20:08– Donc là, c'est un bassin de combien ?
20:10– C'est un bassin, c'est en lac, un bassin de 25 mètres.
20:12Et la température était à 3,8 degrés, si je me souviens bien.
20:17– On arrive à s'habituer à ça ?
20:18– Pas du tout.
20:19– Jamais ?
20:20– Pas du tout, moi, je ne m'habitue pas.
20:22Je ne m'habitue pas, mais en fait, on arrive à tolérer
20:24et à apprendre à se connaître et à connaître notre réaction
20:27et à accepter notre réaction.
20:28– Donc c'est hyper mental ?
20:30– Il y a une énorme partie mentale, oui.
20:31– Evidemment, il y a la considération physique
20:33de tes 26 années de natation avant, ou 20 années,
20:37mais c'est le mental qui va faire que tu vas pouvoir capitaliser
20:41sur ton passé de nageuse et combiner les deux.
20:45– Je ne sais pas comment j'arrive à faire,
20:48mais il y a une grosse partie avec l'équipe.
20:51L'équipe m'a quand même vraiment aidée à prendre conscience
20:54de certaines choses et je sais aussi,
20:55mon point fort, c'est l'adaptation, en fait.
20:58Et je sais que je suis capable de m'adapter,
21:00donc il fallait que je me le prouve.
21:02– Adapter quand tu comprends, quand tu sais.
21:05– Adapter normalement.
21:06– Ou j'y vais et on verra.
21:07– J'y vais et on verra.
21:09Et j'ai la chance, après ça c'est un truc
21:11que j'ai travaillé, encore une fois, depuis que je suis petite,
21:13donc j'ai la chance d'avoir aussi les retombées
21:15de tout le travail que je fais depuis que je suis née
21:17et puis avec l'éducation de mes parents aussi, donc…
21:21– Comment on fait, qu'est-ce qu'on ressent quand on nage
21:23comme ça dans une eau à 3 degrés ?
21:24Est-ce qu'on n'a pas l'impression qu'on va se démembrer,
21:26que son cœur va s'arrêter ?
21:28– C'est comme nager dans un bassin rempli de petits bouts de verre.
21:33– Ça pique ?
21:34– Non, ça fait mal.
21:37– Chaque mouvement fait mal ?
21:39– En fait, descendre dans l'eau, ça brûle,
21:43on a l'impression vraiment de rentrer dans un petit mini bout de verre
21:46et après le mouvement lui-même, il est difficile,
21:49il est très énergivore, on est très lourd, on est comme rouillé.
21:53Et plus le temps passe, plus on reste longtemps dans l'eau,
21:55plus c'est difficile, au début on ne sent plus nos mains.
21:58– Alors que dans une compétition normale de natation,
22:01c'est l'inverse j'imagine qui se produit avec le corps,
22:03même s'il y a de la fatigue.
22:05– Quand c'est une natation chaude, normale du coup,
22:08c'est musculairement, on fatigue musculairement.
22:11Quand c'est en eau glacée, on a le cœur déjà qui part
22:14au niveau de la fréquence cardiaque, qui monte très vite et très haut.
22:18Et après c'est surtout au niveau articulaire,
22:20en fait on commence à se figer.
22:22Pour les nageurs, ceux qui peuvent comprendre,
22:25ceux qui font du 200°C d'eau par exemple,
22:27l'énorme boîte qu'on prend les 10 derniers mètres au 200°C d'eau
22:30où on n'arrive plus physiquement à bouger,
22:31cette sensation-là, on l'a quand on fait 100 mètres au bout de 30 mètres.
22:36Et après il faut tenir…
22:38– Comment on lutte ?
22:40– On fait avec les moyens du bord.
22:41On arrive à tricher un peu avec son cerveau,
22:43donc le cerveau nous envoie une info comme quoi on n'arrive pas à bouger
22:46et puis on voit les bras passer au-dessus de notre tête,
22:48donc finalement si, c'est qu'on y arrive.
22:49– Donc qui décide ?
22:51– C'est moi qui décide.
22:52– Mais toi et ton cerveau ou c'est toi qui décide pour ton cerveau ?
22:55– Ah non, c'est moi qui choisis, le cerveau il a intérêt à suivre.
22:57Après il y a encore un truc,
23:00on fait la différence entre l'effort qu'on fournit et le côté danger.
23:05Je suis capable de dire si à un moment donné,
23:07ça fait trop longtemps que je suis dans l'eau, il faut que je sorte de l'eau.
23:09– C'est quoi ? Qu'est-ce qui te dit, là il faut arrêter ?
23:13– Quand on commence à avoir chaud déjà, c'est qu'on est en hypothermie, c'est vert.
23:17– Donc ça tu le sais, on te l'a appris, si t'as chaud…
23:19– Ça c'est grâce à François, donc c'est tous ses protocoles.
23:21– Mais ça t'arrive ?
23:23– Ça m'est arrivé en entraînement,
23:26en entraînement j'étais bien, j'étais à l'aise pour une fois
23:30et du coup je voulais en profiter,
23:31et j'étais restée plus longtemps que prévu et j'étais avec des gens autour,
23:35donc du coup je m'étais dit, c'est pas grave, je crains rien,
23:36sauf que j'ai commencé à avoir chaud, ce n'était pas une bonne idée,
23:40parce qu'après le réchauffement il était compliqué, mais on apprend.
23:44– Passons au Mondiaux, tu viens quasiment de descendre de l'avion,
23:50encore quatre nouveaux titres, on a quelques images,
23:53raconte-nous cette compète,
23:55comment tu t'y étais préparée, mieux, différemment ?
23:59– Je ne savais pas déjà si j'allais à cette compète,
24:02déjà c'était un peu compliqué.
24:04– Pourquoi ?
24:06– Les premiers championnats du monde,
24:08l'objectif c'était de sortir du lit et de voir des gens,
24:11après il y a eu le championnat d'Europe en 2024,
24:14pareil j'étais dans une période pas très glorieuse,
24:17et je me disais, il me faut un objectif, il faut sortir de mon lit,
24:21et les championnats d'Europe étaient pile à ce moment-là, donc c'était parfait.
24:24Les championnats du monde, l'annual Bénaud, tout allait bien,
24:26je n'ai pas de problème, donc en fait pour sortir du lit,
24:29je n'avais pas besoin de motivation ni d'aller faire du froid,
24:32et faire autre chose.
24:34– Et là ?
24:35– J'y suis quand même allée, j'ai élevé la pression aussi de…
24:40c'est moi qui étais championne du monde en titre sur plusieurs épreuves,
24:42donc j'avais la pression, une pression que je n'avais pas avant,
24:45avant j'étais inconnue dans le milieu,
24:47si je gagnais tant mieux, si je ne gagnais pas on s'en foutait,
24:50là maintenant les gens attendent un peu des résultats.
24:53– Tu n'avais pas envie pour toi de te prouver
24:55que ce n'était pas un accident ?
24:57– Eh bien justement, la chose qui a fait que j'y suis allée,
25:01c'est grâce à François, c'est François qui…
25:03– Encore ? – Oui, encore une fois,
25:04il m'a rappelé que je n'avais plus rien à prouver en fait,
25:07je n'ai plus rien à prouver à personne, c'est juste à moi,
25:08si j'ai envie d'y aller, j'y vais, si je n'ai pas envie, je n'y vais pas.
25:10– Tu avais trois titres à défendre ?
25:12– J'avais trois titres, oui, mais le sans-neige libre,
25:14le sans-neige libre je ne l'ai pas nagé,
25:15donc j'avais techniquement deux titres à défendre,
25:18et finalement j'en ai ramené quatre, donc ça c'est cool.
25:23– Qu'est-ce qu'ils disent les concurrentes toi ?
25:25Vous parlez ? C'est quoi les nationalités ?
25:27– Il y a une Allemande qui est très forte,
25:29là je parle des filles, il y a les Allemandes très fortes,
25:33il y a une Américaine aussi qui est pas mal,
25:36il y a des Polonais, il y a un peu tous les pays, ça dépend,
25:40mais chez les filles c'est surtout une Allemande, Alissa,
25:44et une Américaine et les filles de Nouvelle-Zélande.
25:47– Vous vous parlez ?
25:48– Oui, j'essaie de me débrouiller avec mon anglais,
25:51mais oui, si on parle entre nous.
25:53– Elles te regardent comment tu penses ?
25:55– Je suis un peu bizarre moi par rapport à elles.
25:58– Oui, je te confirme, tu es quelqu'un de bizarre.
26:01– Dans le milieu je suis un peu space parce que les nageurs,
26:04quand ils font de l'eau glacée, ils descendent en ayant
26:07la température corporelle la plus haute pour éviter l'hypothermie,
26:10moi je me refroidis, ça c'est grâce au protocole avec François,
26:13on a découvert que si je me refroidissais ma température cutanée,
26:18pas un interne, je me sentais plus à l'aise et je souffrais moins du froid,
26:24sauf que porter une veste avec des glaces de froid dedans
26:29avant qu'on aille dans une eau à 1°C, c'est un peu contradictoire.
26:35– En gros, tu ne veux pas qu'il y ait un choc d'amplitude thermique ?
26:38– C'est ça, je diminue ma température pour éviter de me faire choper.
26:42– C'est pour ça que tu en bois un peignoir et les autres en doudoune,
26:44avant d'aller dans l'eau, et elles te prennent pour ?
26:46– Une folle, complètement.
26:48– Ça me va bien tant que je gagne.
26:49– Moi ça me va, parce qu'il y a le côté gagné,
26:52puis il y a le côté sécuritaire et le côté agréable, je souffre moins.
26:58– Alors agréable non, mais moins pire ?
27:00– C'est presque agréable, parce que du coup quand je descends dans l'eau,
27:03j'entends toutes les filles suffoquer au début,
27:06moi je n'ai pas cette sensation-là en fait,
27:08donc j'ai un peu le côté aussi psychologique où je me dis moi je souffre.
27:10– Est-ce que tu démarres mieux qu'elles du coup ?
27:11– Alors mon départ est encore à travailler,
27:14mais oui j'arrive à relancer plus vite,
27:17je suis moins tétanisée dès le début,
27:21et je suis très concentrée, surtout dès le début.
27:23– Est-ce qu'on parle de 2030 ?
27:25– Pour les Jeux ?
27:27Les Jeux d'hiver, ils vont essayer de faire ça en France,
27:29ils vont essayer de mettre ça en France, aux Jeux d'hiver,
27:32donc on va voir, c'est en cours.
27:35– C'est dans 5 ans ?
27:37– Il faut quand même s'entraîner, faire du froid…
27:40– J'espère qu'il faut s'entraîner, si c'est trop facile ça ne va pas,
27:42t'as tué le game.
27:43– Non mais là c'est quand même un sport un peu spécial,
27:45parce que vraiment il y a l'entraînement en natation et l'entraînement en froid,
27:48c'est quand même, on a deux types, c'est un peu comme du triathlon,
27:50mais il y a trois sports.
27:52– Où est-ce que tu peux t'entraîner d'ailleurs ?
27:54Il n'y a pas 50 endroits.
27:55– Je m'entraîne dans le bain de froid de mon kiné,
27:58sinon dans les lacs, les rivières,
28:00ou sinon la mer aussi, on descend la température de la mer,
28:02bon elle descend à 14°C donc après c'est trop chaud.
28:03– Attends, comment ça on descend la température de la mer ?
28:06– La mer en été elle est à 22°C, après elle descend,
28:09donc nous ça nous permet d'avoir un palier plus doux,
28:12en tout cas d'entraînement en froid, pas de passer de 22°C à 14°C direct.
28:15– D'accord, donc tu suis les variations de température de la mer.
28:19– C'est ça.
28:20– Et quand tu me dis dans le bain chez mon kiné,
28:21dans le bain oui il y a du froid,
28:23parce qu'il fait des longueurs dans sa baignoire, tu ne vas pas aller loin.
28:25– Non, non, elle est à 8°C,
28:26donc là je fais vraiment qu'il y a de la tolérance au froid pur,
28:29et après sinon côté natation, entraînement,
28:31on va en lac, en rivière, on essaie d'aller chercher dans les montagnes,
28:33ou des choses comme ça,
28:35il y a des petites compètes de temps en temps qui sont pas mal.
28:37– J'ai vu en préparant cette émission, tu nous as dit,
28:40il y a eu ce reportage dans le stade 2,
28:42et tu m'as dit j'ai eu une avalanche de sollicitations,
28:45de messages, de choses comme ça, et je n'y étais pas prête, c'est quoi ça ?
28:49Parce que moi j'aurais envie de te dire, waouh c'est génial,
28:51mais toi tu me dis…
28:52– C'est compliqué, en fait tu passes de 3 messages
28:57à 750 messages dans la journée, en 3 heures,
29:00et c'est compliqué à gérer, parce que c'est vraiment génial,
29:03et j'ai vraiment que des messages positifs,
29:05et les messages qui ne sont pas très agréables,
29:07ils se font calmer directement par tout le monde,
29:09et ça je pense que je suis une des rares sportives à avoir cette chance-là.
29:13Sauf que, je veux répondre aux gens, je me fous un peu cette pression-là,
29:18ils prennent le temps de m'envoyer un message, donc je veux leur répondre,
29:20et sauf que quand il y a 750 messages, répondre à chaque personne,
29:24ça prend énormément de temps, énormément d'énergie,
29:27sauf qu'après les championnats du monde,
29:28je n'ai pas forcément le temps ni l'énergie,
29:30et donc je prends du temps sur ça, ça me prend du temps,
29:33je prends du retard aussi sur les réponses,
29:35et donc du coup moi ça m'énerve, et c'est un peu un cercle vicieux.
29:40– Je reviens sur Paris 2030, pas Paris, les Jeux de 2030 en France,
29:45c'est quoi l'espoir ?
29:47– Qu'il y soit.
29:49– Oui, mais c'est quoi les étapes ?
29:51– Là il faut déjà que la FED elle en parle à l'organisateur,
29:55enfin au pays organisateur.
29:56– Ce n'est pas déjà fait ? Enfin le pays organisateur c'est nous.
29:59– Oui je sais, mais normalement si, ça devrait être fait, je pense,
30:02après je ne suis pas dans les côtés administratifs,
30:05je suis ce qui est fait, j'écoute,
30:09s'il y a l'opportunité je pourrais essayer de venir,
30:12si on me demande aussi d'aider à faire en sorte que ça soit amené en France,
30:15parce que si je peux aider, je le ferai.
30:18– Déjà on ne sait pas qui va diriger le cojo et toute la structure.
30:20– Oui c'est compliqué, mais en France on a quand même,
30:22c'est la FED de natation qui gère le côté eau glacée,
30:26parce qu'en fait on est rattaché à l'eau libre,
30:28donc du coup c'est la FED de natation,
30:29et s'ils ont besoin, ils savent, ils me connaissent,
30:32s'il y a besoin d'un truc.
30:33– Aujourd'hui tu fais plein de choses, tu culmines,
30:35tu es encore championne du monde, tu viens de nous le montrer,
30:38tu fais plein de choses, tu fais des raids, tu fais des tracks,
30:40tu fais des… et au niveau…
30:45je ne suis pas en train de sous-estimer ce que je viens de dire,
30:47ou sous-évaluer, au niveau psy, tes diplômes, tout ça,
30:51qu'est-ce que tu fais d'autre ?
30:52– Je suis préparatrice mentale, conférencière,
30:55et en plus je suis entraîneur, donc je forme en secourisme,
30:59et je suis formatrice en sauvetage et en secourisme,
31:03c'est un peu… je fais 15 000 trucs.
31:05– Tout ça, ça te permet d'avoir un équilibre ?
31:07– Oui.
31:08– On voit bien que tu es multi-tasque, sinon on s'emmerde ?
31:11– Oui, j'ai besoin.
31:12Après tout est un peu lié,
31:14parce que du coup je travaille avec la performance des gens,
31:16en secourisme et en sauvetage,
31:18j'aide les gens à performer, soit dans la réussite de soins,
31:21soit dans la réussite aquatique,
31:24entraînement pareil, préparation mentale pareil,
31:26j'accompagne les gens pour qu'ils performent,
31:27pas que les sportifs,
31:28je travaille aussi avec des personnes dans l'entreprise,
31:30avec du coup des problématiques différentes,
31:32mais c'est ma ligne de travail et de conduite, c'est ça,
31:36c'est aider les gens à performer avec les moyens du bord,
31:39avec l'état dans lequel ils sont,
31:41parfois c'est juste se lever le matin quand tu es en dépression
31:43et aller se laver les dents,
31:45ou parfois c'est traverser la manche,
31:47donc je jongle avec tout ça.
31:50– Ludivine, tu restes avec nous,
31:51on va parler d'une autre pionnière,
31:52parce que tu en es une quand on voit tout ce que tu fais,
31:55je ne sais pas si demain tu vas faire un CV,
31:56comment tu arrives à résumer tout ça,
31:58on en parle avec Eau Féminin, tout de suite.
32:05Des championnes, encore des championnes,
32:07bonjour ma chère Julie.
32:08– Bonjour Alexandre et enchantée Ludivine, je suis ravie.
32:12– Nous allons rester dans l'eau,
32:13parce que vraiment on s'est régalé jusque-là.
32:15– Oui et je vous parlais d'une autre sirène des glaces
32:18qui nous vient tout droit du Chili,
32:20je pense que son nom n'était peut-être pas inconnu,
32:23c'est Barbara Hernández.
32:25– Tu connais ? – Oui bien sûr.
32:26– Aujourd'hui, Barbara elle a âgé de 40 ans
32:29et elle ne se contombe pas d'être vraiment une championne
32:32dans cette discipline qui est aussi l'eau glacée,
32:34elle pulvérise des records, enfin on va en parler,
32:36mais elle marque aussi des esprits à bien des égards,
32:39parce qu'elle fait un gros travail de sensibilisation à l'environnement.
32:43Donc, parmi ses derniers exploits,
32:45pour commencer en février 2023,
32:47Barbara elle a réalisé l'impensable,
32:49elle a nagé près de 2,5 kilomètres dans les eaux glaciaires de l'Antarctique,
32:54vêtue donc seulement d'un maillot et de son bonnet et de ses petites lunettes.
32:58– Température de l'eau ?
32:59– Donc on y vient, ça a duré 45 minutes 30 secondes
33:02et elle a affronté une eau à 2 degrés Celsius.
33:05– 45 minutes à 2 degrés, t'es morte ?
33:07– Ah bah moi je ne tiens pas, impossible.
33:09– Rappelle-nous toi,
33:11combien de temps tu peux rester dans une eau comme ça, en moyenne ?
33:13En nageant évidemment.
33:14– Pendant les championnats, en général,
33:16entre le moment où on descend, je nage, je sors,
33:17je reste 2 à 3 minutes dans une eau à 1 degré,
33:19mais 45 minutes…
33:22– Ça rend le truc stratosphérique.
33:23– C'est vraiment une performance de dingue,
33:26d'ailleurs elle a déclaré ressentir parfois son cœur comme gelé.
33:29Donc voilà, tu en parlais tout à l'heure des bouts de verre,
33:32mais c'est vraiment ça, là on est sur du mental d'acier.
33:36Et donc cette prouesse, c'est une première mondiale
33:38et elle va donc bientôt figurer dans le Guinness des records
33:41puisqu'elle a été validée par l'International Winter Swimming Association.
33:46Mais ce n'était pas son premier record, là c'était incroyable,
33:48mais elle en a fait d'autres.
33:50En février 2022, on revient,
33:51là elle est notamment devenue la première personne à nager
33:545 550 mètres autour du Cap Horn,
33:57donc elle a relié l'océan Pacifique à l'Atlantique.
34:00– En maillot de bain toujours.
34:01– Toujours la même histoire, donc à cette occasion,
34:03donc là elle bat le record de vitesse pour un mile nautique,
34:06on est à 15 minutes 3 secondes.
34:10– C'est 1 km et demi grosso modo.
34:12– Oui c'est ça, donc des exploits,
34:13mais là aussi Cuivaut a une place dans le Guinness Book des records.
34:17Et donc à l'occasion des derniers mondiaux, dont tu reviens,
34:21elle a marqué l'histoire en devenant la première latino-américaine
34:24à être intronisée au Ice Swimming Hall of Fame,
34:27donc la plus haute distinction en fait de la discipline.
34:30C'est vraiment une reconnaissance internationale pour tout son parcours
34:34qui salue son engagement aussi envers la société,
34:37puisque comme je le disais, au-delà de ses performances sportives,
34:41Barbara, elle utilise sa notoriété pour attirer l'attention
34:44sur la fragilité des écosystèmes marins,
34:47en particulier en Antarctique où elle est très impliquée,
34:50et elle souhaite justement que tous ses exploits
34:52mettent en lumière un peu l'urgence de la situation
34:54pour protéger ces eaux précieuses,
34:57essentielle à cet équilibre pour notre planète.
35:00Donc voilà, la prochaine fois que vous frissonnerez
35:02en entrant dans une piscine un peu fraîche,
35:04je pense qu'on pourra penser à Barbara et Ludivine
35:07qui se gèlent dans des eaux à 2 degrés,
35:09et qui donc prouvent encore une fois le courage et la détermination
35:13qui sont vraiment une belle source d'inspiration pour nous tous.
35:16Elle est considérée comment, cette championne ?
35:17C'est la sirène des glaces.
35:19C'est la référence, enfin niveau...
35:23Dépassement ?
35:25C'est impressionnant ce qu'elle fait.
35:26C'est respecté, respectable, et en plus, elle est très gentille,
35:30et ça, ça rajoute vraiment de la valeur à toutes ses performances qu'elle fait.
35:33Et c'est des performances, comme femme en plus,
35:35vraiment, elle dépasse là un peu la question de genre,
35:38c'est dingue tout ce qu'elle peut faire.
35:41La photo de la semaine, pour terminer.
35:43Oui, et donc c'est évidemment l'arrivée tant attendue
35:46de la jeune Violette d'Orange,
35:48qui donc boucle à 23 ans son premier Vendée Globe en moins de 91 jours.
35:53Et en fait, en partageant ce parcours tout au long de l'aventure sur les réseaux,
35:56elle a su vraiment emballer les fans qui étaient présents en nombre
36:00à l'arrivée au Sape de L'Aune,
36:01et elle a d'ores et déjà annoncé qu'elle voulait préparer une deuxième édition.
36:05Plus de 600 000 followers sur Instagram,
36:07mais je crois plus d'un million au total via les différents réseaux sociaux,
36:11où elle a joué et partagé son quotidien.
36:14On rappelle quand même qu'un tour du monde sur un bateau,
36:16c'est aussi un truc de dingue.
36:17Merci beaucoup, Julie.
36:18Merci à vous.
36:19Merci infiniment, Ludivine.
36:20Les prochaines échéances ?
36:22Très bonne question.
36:23La natation course en eau chaude, déjà, ça serait très bien.
36:26Donc les championnats, j'aurai les championnats en juin.
36:29Je ne sais pas où c'est, d'ailleurs, il faut que je regarde, mais...
36:31On n'arrête pas, quoi.
36:32Non, jamais.
36:33Merci infiniment.
36:34Merci d'être venue nous voir et de partager
36:36cette expérience de vie assez unique et assez passionnante.
36:39Merci à vous tous pour votre fidélité
36:41et on vous donne rendez-vous très bientôt, évidemment.
36:43Au revoir, merci.
36:43Merci.